Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 110 II 276



110 II 276

56. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 22 mai 1984 dans la
cause X. et R. contre T. (recours en réforme) Regeste

    Art. 412-417 OR; Umfang der Verpflichtungen des Mäklers. Ist der
Mäkler zugunsten seines Auftraggebers tätig, so muss er ihm von allem,
was er über eine mögliche Zahlungsunfähigkeit des voraussichtlichen
Geschäftspartners weiss, Kenntnis geben, falls dies die Erreichung des
gesetzten Ziels beeinflussen kann.

Sachverhalt

    A.- Désirant vendre son restaurant pour le prix de fr.  360'000.--,
T. s'est adressé à la Compagnie X. qui exerce notamment l'activité
de courtier en fonds de commerce. V. s'est déclaré intéressé par cette
reprise. Bien que sa solvabilité soit rapidement apparue comme douteuse,
la Compagnie X. et son employé R. ont amené les parties à conclure un
contrat de reprise de commerce. Les recherches de crédit entreprises
par la Compagnie X. en faveur de V. s'étant avérées infructueuses car
celui-ci ne disposait pas de fonds propres, il fut conseillé aux parties
de conclure deux contrats connexes: un contrat de gérance libre pour les
onze premiers mois et un contrat de remise avec prise de possession dès
le douzième mois. Cependant, au jour fixé pour la prise de possession,
les fonds nécessaires faisaient toujours défaut. Le restaurant fut malgré
tout mis à la disposition de V. qui, d'emblée, se mit en retard dans le
paiement de la redevance.

    Un peu plus d'un mois après la prise de possession, T. chercha à se
renseigner auprès d'un agent d'affaires et apprit l'insolvabilité notoire
de V. Il s'avéra même que celui-ci ne pouvait exploiter l'établissement
car il n'était pas domicilié sur la place et des actes de défaut de biens
avaient été délivrés contre lui. T. et V. signèrent alors une convention de
résiliation. Avant la date prévue pour que celle-ci produise ses effets,
se plaignant de la carence de V., T. reprit possession du restaurant pour
le confier à un gérant dont l'épouse l'acquit peu après pour le prix de fr.
225'000.--. Trois ans plus tard, elle le revendit pour fr. 425'000.--.

    B.- T. a assigné la Compagnie X. et R. en paiement de
fr. 154'492.--. Le Tribunal de première instance a rejeté la demande
dirigée contre R. et partiellement admis la demande dirigée contre la
Compagnie X. en la condamnant à payer au demandeur fr. 21'227.10. La Cour
de justice a confirmé le rejet de la demande dirigée contre R. et admis
la demande contre la Compagnie X. à concurrence de fr. 57'000.--.

    C.- Les défendeurs recourent en réforme au Tribunal fédéral en
concluant principalement au rejet de la demande. Le demandeur a déposé
un recours joint reprenant pour l'essentiel les conclusions de sa demande.

    Le Tribunal fédéral a déclaré le recours de R. et le recours joint
en tant qu'il était dirigé contre ce dernier irrecevables et rejeté le
recours joint en tant qu'il était recevable. Il a admis partiellement
le recours principal dans la mesure où il était recevable et réformé
l'arrêt attaqué en ce sens que la Compagnie X. a été condamnée à payer
à T. fr. 27'000.-- avec intérêt.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Les parties sont liées par un contrat de courtage (art. 412
à 417 CO). En l'occurrence, le courtier était chargé non seulement
d'indiquer l'occasion de conclure une vente (courtier indicateur), mais
aussi de servir d'intermédiaire pour la conclusion de la vente (courtier
négociateur); dans ce cadre, il fut chargé en particulier de rédiger des
conventions sauvegardant les intérêts de son mandant et d'entreprendre
d'autres démarches permettant à celui-ci d'obtenir le résultat recherché.

    Les règles du mandat (art. 394 ss CO) sont applicables au contrat de
courtage, en tant qu'elles sont compatibles avec la nature de ce contrat
(art. 412 al. 2 CO; ATF 106 II 224).

    L'étendue des obligations du courtier dépend de la convention expresse
des parties, ainsi que de la nature des prestations promises par lui. En
principe, le courtier n'a pas l'obligation générale d'entreprendre tout
ce qui est nécessaire pour défendre au mieux les intérêts du mandant (ATF
84 II 527), comme la personne qui est chargée d'un mandat de gestion. En
revanche, lorsqu'il exerce une activité en faveur de son mandant,
il doit veiller à ses intérêts (ATF 106 II 224); il lui appartient en
particulier d'informer le mandant de toutes les circonstances propres
à empêcher la réalisation du but recherché, pour permettre au mandant
de se déterminer en connaissance de cause. Lorsque la réalisation de ce
but dépend de la solvabilité du partenaire, le courtier doit faire part
de ce qu'il sait concernant une éventuelle insolvabilité du partenaire
envisagé ou sa solvabilité insuffisante (THILO, JdT 1949 I p. 41 s.;
OSER-SCHÖNENBERGER, ad art. 412 n. 6, 20, 21; TURRETTINI, Le contrat
de courtage et le salaire du courtier, thèse Genève 1952, p. 21, 22;
GUGGENBÜHL, Die Liegenschaftenmäklerei, thèse Zurich 1951, p. 110; DÜRR,
Lettre et ordre de crédit, courtage, p. 39; BECKER, ad art. 412 n. 12, 16;
GAUTSCHI, ad art. 412 n. 8a, 9g, 10c, ad art. 415 n. 1a et 1b; HOFSTETTER,
Schweizerisches Privatrecht VII/2 p. 131, 132; Extraits des arrêts du
Tribunal cantonal fribourgeois 1970 p. 56 ss; cf. en droit allemand, par
exemple GLASER-WARNCKE, Das Maklerrecht in der Praxis, Herne Berlin 1964,
p. 19 s.; SCHWERDTNER, Maklerrecht, 2e éd., Munich 1979, p. 67-69).

    Ainsi que la cour cantonale le signale à juste titre, les règles de la
bonne foi permettent en outre d'exiger du courtier une attention accrue,
suivant les circonstances, soit spécialement en raison de la nature
particulière de l'activité promise, des connaissances spéciales qu'on
peut attendre d'un courtier exerçant son activité à titre professionnel
en vertu d'une autorisation de police, ainsi que de l'inexpérience qu'on
peut prêter au client (cf. les références ci-dessus).

    b) En l'occurrence, toutes les circonstances permettaient d'exiger
du courtier qu'il prêtât une attention particulière à la solvabilité de
V. et défendît les intérêts du demandeur en conséquence. En effet, la
Compagnie X. était chargée d'agir comme courtier négociateur et même de
rédiger des contrats, ce qui supposait qu'ils le fussent dans l'intérêt
du mandant; or la sauvegarde de cet intérêt supposait que l'intérêt du
demandeur à l'exécution du contrat soit suffisamment sauvegardé, sans
quoi la conclusion même du contrat devait être déconseillée. En outre,
la Compagnie X. exerce une activité professionnelle régulière dans les
transactions relatives à des fonds de commerce, de sorte que ses clients
peuvent attendre d'elle l'attention d'une personne de métier. Enfin,
la cour cantonale constate que le demandeur, s'il était un commerçant
en sa qualité de boucher, était mal informé et inexpérimenté quant à la
défense de ses intérêts lors d'une telle vente de fonds de commerce.

    La cour cantonale en a déduit avec raison que la Compagnie X. aurait
dû se soucier des problèmes posés par la solvabilité de V. Il n'est pas
indispensable de décider si la Compagnie X. avait l'obligation de faire
elle-même une recherche à ce sujet. A tout le moins avait-elle alors celle
d'attirer l'attention de son mandant à ce sujet et de lui conseiller de
requérir lui-même les renseignements nécessaires. En effet, la solvabilité
de l'acquéreur était une condition indispensable à l'exécution d'un
contrat de vente portant sur fr. 360'000.--. Or ce que la Compagnie
X. avait appris était propre à faire naître de très sérieux doutes
sur la solvabilité de V.; la recourante conteste en vain, à ce sujet,
les constatations de fait de l'arrêt cantonal, qui lient le Tribunal
fédéral (art. 63 OJ). A supposer même que V. ait disposé d'actifs nets
investis dans le fonds de commerce qu'il disait avoir, cette circonstance
n'impliquait pas nécessairement qu'il puisse réaliser à temps ces avoirs
ou obtenir un crédit suffisant; l'impossibilité pour V. de bénéficier
d'un crédit appelait de manière impérieuse des investigations sur sa
solvabilité.

    C'est en vain que la Compagnie X. prétend, dans ses écritures, qu'il
lui suffisait de rédiger des contrats prévoyant des garanties en faveur du
vendeur, ce qu'elle aurait fait. En effet, dans la situation qui existait
alors, la seule conclusion d'un ou de plusieurs contrats avec un insolvable
pouvait être dommageable: d'une part, elle empêchait le mandant de conclure
alors avec un partenaire solvable qui eût d'emblée rempli ses obligations;
d'autre part, elle l'exposait au risque d'avoir des difficultés dans
l'exécution du contrat avec l'insolvable et de subir des pertes au moment
où il faudrait mettre un terme à ces relations contractuelles.

    On peut se demander si les circonstances que la Compagnie
X. connaissait ou aurait dû connaître en septembre 1977 auraient déjà
commandé qu'elle intervînt avant la conclusion du contrat du 14 septembre
1977 pour mettre en garde le vendeur ou faire demander d'emblée des
renseignements sur la solvabilité de V. En tout cas, les circonstances
qu'elle connaissait en décembre 1977 exigeaient de manière impérieuse
qu'elle se renseignât davantage ou engageât son mandant à le faire et
lui déconseillât de traiter avec un partenaire qui n'était pas en mesure
de remplir ses obligations. Or elle ne prétend pas avoir exécuté cette
obligation. Aussi doit-elle répondre des conséquences de ce manquement.