Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 110 IB 208



110 Ib 208

36. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 31 août 1984 en la cause
Zawadzki c. Département fédéral de justice et police (recours de droit
administratif). Regeste

    Art. 41 Abs. 1 lit. b Asylgesetz.

    Diese Bestimmung erlaubt den Widerruf des Asyls und den Entzug der
Flüchtlingseigenschaft, wenn der Flüchtling sich - auch nur für kurze
Zeit - in sein Heimatland begeben hat, ohne dass er dort Verfolgungen
ausgesetzt war, es sei denn, dass der Widerruf für ihn mit schweren
Nachteilen verbunden ist.

Sachverhalt

    A.- Tadeusz Zawadzki, ressortissant polonais, né le 7 avril 1919,
a enseigné l'histoire ancienne à l'Université de Poznan de 1954 à 1967.
Engagé par l'Université de Fribourg comme professeur invité pour l'année
académique 1967-68, Tadeusz Zawadzki est arrivé en Suisse le 2 octobre
1967. Sa femme Irena et sa fille Agate sont venues le rejoindre à Fribourg
quelques mois plus tard.

    Au printemps 1969, le recourant a demandé aux autorités polonaises de
le reconnaître comme professeur détaché à l'Université de Fribourg et a
requis la prolongation de son passeport. N'ayant pas obtenu de réponse de
la part des autorités polonaises, il a présenté, pour lui et sa famille,
une demande d'asile le 9 juin 1969. Cette demande a été agréée par décision
de la Division fédérale de police du 29 juillet 1969.

    Tadeusz Zawadzki occupe encore aujourd'hui la chaire d'histoire
ancienne à la Faculté des lettres de Fribourg en qualité de professeur
ordinaire. Il est titulaire d'un permis d'établissement et a introduit
une procédure en vue d'obtenir la nationalité suisse.

    A la suite du décès de sa mère qui vivait en Pologne, le professeur
Tadeusz Zawadzki s'est rendu, du 13 au 15 octobre 1981, en Pologne pour
assister aux obsèques de sa mère, à Gliwice. L'Ambassade de Pologne à
Berne lui avait délivré un visa d'entrée et de séjour en Pologne pour
une durée de quatre jours.

    Après avoir fait procéder à l'audition de l'intéressé, l'Office
fédéral de la police a décidé, le 7 mai 1982, de révoquer l'asile qui
avait été octroyé au recourant et de lui retirer la qualité de réfugié.

    Par décision motivée du 19 mars 1984, le Département fédéral de
justice et police a rejeté le recours du professeur Tadeusz Zawadzki,
considérant notamment que "selon une doctrine constante, il existe, entre
la qualité de réfugié, d'une part, et le fait, pour la personne qui se
prévaut de cette qualité, de retourner dans son pays d'origine, d'autre
part - même pour un séjour temporaire - une antinomie si complète qu'il
est impossible de l'éliminer". L'intéressé a recouru auprès du Tribunal
fédéral contre cette décision.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Au fond, la seule question litigieuse est de savoir si le voyage du
recourant en Pologne constitue un motif suffisant pour révoquer son droit
d'asile et retirer son statut de réfugié, en application de l'art. 41 de
la loi fédérale sur l'asile du 5 octobre 1979 (RS 142.31).

    a) Dans sa demande d'asile du 9 juin 1969, le recourant a simplement
déclaré qu'il craignait les mesures qui pourraient être prises contre lui,
dès lors que les autorités polonaises n'avaient pas répondu à sa demande
de prolongation de son passeport, ni à sa demande de reconnaissance
de son statut de professeur détaché à l'Université de Fribourg. On
ne saurait donc lui reprocher d'avoir fait de fausses déclarations ou
d'avoir dissimulé des faits essentiels pour obtenir l'asile, même s'il
semble avoir bénéficié d'une application assez généreuse de la loi.

    Il faut donc constater que l'art. 41 al. 1 lettre a de la loi est
inapplicable en l'espèce; d'ailleurs, les autorités intimées ne se sont
pas fondées sur cette disposition pour révoquer l'asile et retirer la
qualité de réfugié.

    b) Aux termes de l'art. 41 al. 1 lettre b de la loi, l'asile est
révoqué pour les motifs mentionnés à l'article 1er, section C, chiffres 1
à 6, de la Convention internationale du 28 juillet 1951 relative au statut
des réfugiés (RS 0.142.30); cette disposition prévoit que la Convention
cesse d'être applicable à toute personne considérée comme réfugiée:

    "1. Si elle s'est volontairement réclamée à nouveau de la protection
   du pays dont elle a la nationalité; ou

    2. Si, ayant perdu sa nationalité, elle l'a volontairement recouvrée;
   ou

    3. Si elle a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection
   du pays dont elle a acquis la nationalité; ou

    4. Si elle est retournée volontairement s'établir dans le pays qu'elle
   a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée;
   ou

    5. Si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue
   comme réfugiée ayant cessé d'exister, elle ne peut plus continuer
   à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la
   nationalité; (...)

    6. S'agissant d'une personne qui n'a pas de nationalité, si, les
   circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée
   ayant cessé d'exister, elle est en mesure de retourner dans le pays
   dans lequel elle avait sa résidence habituelle; (...)"
Parmi ces motifs de révocation de l'asile, la doctrine de droit
international public distingue deux groupes différents. Il y a d'abord
les motifs énumérés aux ch. 1 à 4, qui se rapportent au fait que le
réfugié n'a plus besoin de la protection particulière que lui assure la
Convention parce que, d'une façon ou d'une autre, il peut se réclamer de
la protection d'un Etat déterminé, autre que celui du pays d'accueil;
viennent ensuite les deux cas prévus aux ch. 5 et 6, où les conditions
d'octroi de l'asile n'existent plus par suite d'un changement intervenu
dans le pays d'origine. Mais, d'une manière générale, on considère
cette énumération comme exhaustive (voir notamment VIKTOR LIEBER, Die
neuere Entwicklung des Asylsrechts im Völkerrecht und Staatsrecht, unter
besonderer Berücksichtigung der schweizerischen Asylpraxis, thèse Zurich
1973, p. 109; WOLFGANG ECKERT, Begriff und Grundzüge des schweizerischen
Flüchtlingsrechts, thèse Zurich 1977, p. 79). Théoriquement, cela devrait
signifier que l'autorité compétente ne pourrait révoquer l'asile accordé
à un réfugié que dans les conditions indiquées de manière précise à
l'art. 1er section C de la Convention internationale relative au statut
des réfugiés.

    En réalité, on ne peut cependant pas ignorer le fait qu'en proposant de
reprendre, à l'art. 40 al. 1 lettre b de son projet (devenu l'art. 41 al. 1
lettre b de la loi fédérale sur l'asile), l'énumération figurant dans cette
Convention, le Conseil fédéral a clairement indiqué le sens dans lequel il
fallait interpréter les ch. 5 et 6. Il a ainsi admis qu'il y avait lieu de
maintenir la pratique bien établie en Suisse, selon laquelle un étranger
ne peut plus se prévaloir du statut de réfugié et de l'asile s'il s'est
rendu volontairement, même pour peu de temps, dans son pays d'origine ou
dans le pays de sa dernière résidence sans y être inquiété, une exception
étant toutefois admise lorsque la révocation aurait des conséquences
trop rigoureuses pour le réfugié. Le Conseil fédéral a en effet relevé
que cette pratique demeurait dans les limites de l'interprétation
admissible de la Convention et qu'elle se justifiait pleinement dans les
circonstances actuelles (voir FF 1977 III p. 142/143). Or, au cours des
débats parlementaires, personne n'a soulevé la moindre objection à ce sujet
(voir Bull.stén. CE 1978 p. 85, CN 1978 p. 1876); au contraire, plusieurs
orateurs ont admis de consacrer la pratique des autorités suisses dans la
loi en discussion (voir Bull. stén. CE 1978 p. 74 ss, CN 1978 p. 1814 ss).

    L'interprétation voulue par le Parlement est d'ailleurs conforme à
l'esprit - sinon à la lettre - de la Convention internationale qui, selon
la jurisprudence du Tribunal fédéral, suppose que le réfugié a rompu toutes
les relations avec son pays d'origine et ne peut pas y retourner ou ne
veut pas y retourner parce qu'il craint, avec raison, d'y être persécuté
(ATF 105 II 6 consid. 5). De plus, elle correspond effectivement à une
pratique constante des autorités suisses (voir notamment JAAC 1970-71
vol. 35 No 8; VIKTOR LIEBER, thèse précitée, p. 282 ss; ROLAND BERSIER,
Le statut juridique du réfugié en Suisse, 1983, p. 21) qui considèrent
que la situation des réfugiés s'est modifiée depuis l'élaboration de la
Convention du 28 juillet 1951 (voir FF 1977 III p. 143). On peut cependant
regretter que, pour la clarté de l'application du texte international,
elles n'aient pas jugé utile de faire une réserve sur l'interprétation
qu'elles entendaient donner aux ch. 5 et 6 de l'art. 1er, section C.

    c) Quoi qu'en dise le recourant, il faut donc bien admettre que
l'art. 41 al. 1 lettre b de la loi fédérale sur l'asile permet de révoquer
l'asile et de retirer la qualité de réfugié à celui qui, volontairement,
s'est rendu - même pour un voyage de courte durée - dans son pays d'origine
sans y subir une quelconque persécution. Cette révocation et ce retrait
ne sont toutefois pas obligatoires et l'Office fédéral de la police doit
renoncer à ces mesures lorsqu'elles auraient des conséquences graves
pour le réfugié. Pour éviter un contrôle qui serait souvent impossible à
effectuer, on ne saurait, en revanche, imposer à l'autorité fédérale de
prendre en considération les raisons humanitaires qui poussent un réfugié
à se rendre dans son pays d'origine.

    d) Dans le cas particulier, la mesure prononcée contre le recourant
ne va certainement pas lui causer de préjudices graves. Il paraît en
effet très peu probable qu'en sa qualité de professeur à l'Université
de Fribourg depuis 17 ans, il ait un jour besoin de l'assistance de
la Confédération. A ce titre, il est également titulaire d'un permis
d'établissement et bénéficie donc d'une situation tout à fait privilégiée
en Suisse. Le recourant relève certes que le retrait de son statut lui
causerait des difficultés, tant pour les voyages qu'il doit accomplir
à l'étranger que pour la procédure de naturalisation qu'il a introduite
devant les autorités suisses. Ces craintes ne sont toutefois pas fondées
puisque, dans ses observations sur le présent recours, le Département
fédéral de justice et police affirme que le recourant obtiendra sans
autre un passeport suisse pour étrangers, qui lui permettra de voyager
comme précédemment. Le Tribunal fédéral peut dès lors se borner à prendre
note de cette déclaration. Quant à la demande de naturalisation, elle est
indépendante du statut de réfugié et on ne voit pas en quoi elle pourrait
être compromise par le retrait de ce statut.

    Dans ces conditions, les autorités intimées n'ont pas violé l'art. 41
de la loi sur l'asile, ni commis un abus ou un excès de leur pouvoir
d'appréciation en prononçant la révocation de l'asile et en retirant
la qualité de réfugié du recourant. Le recours doit donc être rejeté,
un émolument de justice réduit étant mis à la charge du recourant pour
tenir compte des circonstances particulières du cas.