Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 110 IA 83



110 Ia 83

17. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 26 septembre 1984
dans la cause F., K. et M. contre Chambre pénale de la Cour de justice
du canton de Genève (recours de droit public) Regeste

    Art. 4 BV; rechtliches Gehör; Akteneinsicht.

    Die Behörde, die über ein Gesuch um Einsicht in das Dossier eines
abgeschlossenen Verfahrens zu befinden hat, muss die auf dem Spiel
stehenden öffentlichen und privaten Interessen gegeneinander abwägen. Es
bedeutet eine formelle Rechtsverweigerung, wenn sie das Gesuch ohne eine
solche Interessenabwägung grundsätzlich und von vornherein abweist.

Sachverhalt

    A.- En 1976, la société X. S.A., à Genève, qui détenait des
participations dans plusieurs entreprises spécialisées dans la production
et la vente de machines-outils, a été déclarée en faillite. Les diverses
procédures pénales qui furent alors ouvertes en relation avec cette
faillite ont été jointes en un seul dossier. Les deux actionnaires de
X. S.A. furent condamnés, à la fin de 1983, à 18 mois d'emprisonnement avec
sursis pour escroquerie, banqueroute frauduleuse, faux dans les titres
et obtention frauduleuse d'une constatation fausse. L'instruction de la
cause avait donné lieu à de multiples audiences et à l'accumulation de
très nombreux documents. Les administrateurs F. et K. ainsi que l'organe
de contrôle M. avaient été entendus comme témoins.

    Parallèlement à la procédure pénale, un procès civil a été ouvert
devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Trois
créanciers cessionnaires des droits de la masse en faillite de
X. S.A. avaient en effet intenté action en responsabilité contre les
administrateurs et l'organe de contrôle précités, ainsi que contre un
fondé de pouvoir et la masse en faillite de chacun des actionnaires. Cette
procédure a été jointe plus tard à une action en rectification de l'état
de collocation que l'un des actionnaires avait intentée de son côté à la
masse en faillite de X. S.A.

    En 1979, sur requête de toutes les parties au procès civil, le
Tribunal de première instance a demandé l'apport du dossier pénal, en
cours d'instruction, ce qui lui fut refusé. Le 14 mars 1984, le procès
pénal étant terminé, il a renouvelé sa demande. Le président de la Cour
de justice genevoise lui a répondu, le 16 mars, en ces termes:

    "Je vous informe que réunis ce jour "en plenum" les juges de la

    Chambre pénale estiment, à l'unanimité, qu'il ne convient pas de donner
   communication de cette procédure à des personnes qui n'ont pas été
   parties à ladite procédure pénale.

    ...

    Les parties qui ont renoncé ou n'ont pas été en mesure de se
   constituer parties civiles dans la procédure pénale n'ont pas à
   bénéficier, fût-ce ultérieurement, des avantages de communication de
   dossier réservés aux seules parties à la procédure pénale."

    En communiquant cette réponse aux parties le 5 avril 1984, le président
du Tribunal de première instance a pris acte de ce que la procédure pénale
n'était pas transmise au tribunal civil.

    Agissant par la voie du recours de droit public, F., K. et
M. requièrent le Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Chambre
pénale de la Cour de justice du 16 mars 1984, prise selon eux en violation
de l'art. 4 Cst., et d'inviter cette autorité à transmettre le dossier
pénal demandé.

    La juridiction cantonale s'est référée à sa décision et a déclaré
n'avoir pas d'observations à formuler sur les recours. Le procureur
général s'en est remis à la justice, tout en se disant prêt à trier,
avec le concours du juge civil, les dossiers pénaux dont le contenu
serait pertinent.

    Le Tribunal fédéral a admis les trois recours dans le sens des
considérants et dans la mesure où ils étaient recevables, et il a annulé
la décision attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) Les recourants font valoir que le refus de la Chambre pénale
de la Cour de justice d'autoriser la consultation du dossier pénal est
arbitraire à plus d'un titre. Cette décision ne se justifierait notamment
par aucun motif pertinent et irait à l'encontre d'une décision prise
précédemment par la même autorité dans des conditions identiques. Ils lui
reprochent également de créer une inégalité de traitement inadmissible
entre les parties au procès civil, qui ne pourraient disposer des mêmes
moyens de défense, et de violer aussi, du même coup, le principe de
la proportionnalité ainsi que le droit d'être entendu des recourants,
qui seraient dans l'impossibilité de se prononcer sur tous les éléments
propres à influencer la décision du juge civil.
   b) Le droit de consulter le dossier découle du droit d'être entendu.

    La portée de ce dernier est déterminée en premier lieu par le droit
cantonal, dont le Tribunal fédéral examine l'application sous l'angle
restreint de l'arbitraire. Dans les cas où la protection que ce droit
accorde aux administrés apparaît insuffisante, l'intéressé peut invoquer
celle découlant directement de l'art. 4 Cst., qui constitue ainsi une
garantie subsidiaire et minimale. Le Tribunal fédéral examine en principe
librement si les exigences posées par cette disposition constitutionnelle
ont été respectées (ATF 108 Ia 191, 103 Ia 138 consid. 2a et les
références).

    Comme le relève le procureur général dans ses observations, aucune
disposition du droit cantonal ne règle explicitement la consultation
des dossiers auprès d'une autorité qui, comme la Cour de justice ou ses
différentes sections, en a la garde en attendant leur affectation aux
archives d'Etat. C'est donc à la seule lumière de l'art. 4 Cst. qu'il
convient d'examiner le mérite des griefs soulevés en l'espèce.

Erwägung 4

    4.- a) La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu plusieurs
prétentions, telles que le droit pour le justiciable de fournir des preuves
quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et celui
d'avoir accès au dossier (ATF 106 II 171 consid. b, 105 Ia 290 consid. 2b
et arrêts cités). Le droit de prendre connaissance du dossier existe
non seulement pour une procédure en cours, mais - exceptionnellement -
également pour une procédure clôturée. Dans ce dernier cas, le requérant
doit rendre vraisemblable un intérêt digne de protection. En principe,
seul celui qui était engagé dans une procédure peut faire valoir un tel
intérêt; toutefois, comme en l'espèce, l'intérêt d'un tiers peut entrer en
jeu (ATF 95 I 108). Qu'il s'agisse d'une procédure en cours ou clôturée,
le droit de consulter le dossier est cependant limité par l'intérêt que
l'Etat ou certaines personnes privées peuvent avoir à ce que des actes
soient tenus secrets (ATF 95 I 109 consid. 2b, 445/446).

    b) La nécessité de tenir secrets les dossiers des procès pénaux
repose sur des motifs sérieux. Il suffit d'évoquer, à cet égard, l'intérêt
légitime que les personnes impliquées dans un tel procès peuvent avoir à
ce que les autorités n'ouvrent pas les dossiers en question à n'importe
qui. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, les tribunaux pénaux
n'autorisent généralement pas les particuliers à consulter les dossiers
des affaires clôturées. Considéré de ce seul point de vue, le refus de
l'autorité intimée en l'espèce peut se comprendre, dès lors que certains
requérants n'avaient pas participé au procès pénal en qualité de parties.

    La décision attaquée est critiquable, en revanche, dans la mesure
où elle refuse par principe la consultation du dossier, un tel refus ne
pouvant être opposé systématiquement (ATF 53 I 113/114). L'autorité appelée
à prendre une décision en pareille matière doit évaluer quelle est, dans
le cas concret, l'importance respective des intérêts en présence (ATF 95
I 109 consid. 2b, 446). Il se peut, par exemple, que l'intérêt public et
privé à tenir secret un dossier n'ait que peu de poids face à l'intérêt
primordial d'un tiers à en prendre connnaissance. Il y a violation de
l'art. 4 Cst. si, dans ce cas, l'autorité refuse la consultation requise
par le tiers.

    A l'appui de son refus, l'autorité intimée s'est bornée à retenir
que les parties ne sont pas les mêmes au civil qu'au pénal et qu'il n'y a
aucune raison de faire profiter de la connaissance du dossier des personnes
qui n'ont pas été parties à la procédure pénale. Elle n'a nullement procédé
à la pesée des intérêts qui lui incombait selon la jurisprudence. Elle a
dès lors commis un déni de justice formel (cf. ATF 53 I 113). Le recours
doit ainsi être admis et la décision attaquée annulée.

    c) Cette issue de la procédure dispense le Tribunal fédéral d'examiner
si les autres griefs soulevés par les recourants sont ou non fondés. Il
convient peut-être de rappeler, en ce qui concerne celui qui est tiré d'une
prétendue inégalité de traitement entre les parties au procès civil, que
la jurisprudence commande d'appliquer un traitement juridique semblable
à des situations de fait semblables et un traitement juridique différent
à des situations de fait différentes (ATF 103 Ia 519 consid. 1b et arrêts
cités). En l'espèce, les recourants n'étaient pas parties au procès pénal;
ils y ont simplement été cités comme témoins. C'est là une différence de
fait qui mérite d'être relevée et dont on peut sérieusement se demander si
elle est essentielle au point de justifier, dans les circonstances données,
un traitement juridique différent. Mais, vu le sort réservé au recours,
cette question peut demeurer indécise.

Erwägung 5

    5.- Appelée à rendre une nouvelle décision, la Chambre pénale de la
Cour de justice devra mettre en balance, d'une part, l'intérêt à tenir
secret le dossier requis et, d'autre part, l'intérêt des recourants à
le consulter.

    Selon la jurisprudence, la communication d'un dossier peut n'être
que partielle (ATF 98 Ib 171 consid. 4). Il serait donc possible, ainsi
que le soutient le procureur général, de ne transmettre au tribunal de
première instance que les pièces pertinentes pour l'affaire civile à juger,
"à l'exclusion des classeurs relatifs à des plaintes, à des dénonciations
et à des investigations sans rapport direct avec les litiges actuellement
pendants devant lui". L'autorité intimée examinera s'il y a lieu en
l'espèce de limiter la consultation à une partie seulement du dossier. Le
cas échéant, il conviendra qu'elle requière l'avis du juge civil sur
les questions de pertinence. Apparemment, rien n'empêche toutefois la
délégation d'une telle tâche, au Ministère public par exemple, qui s'est
d'ailleurs déclaré prêt à trier, avec le concours du juge chargé de la
cause civile, les dossiers pénaux dont le contenu serait pertinent.