Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 110 IA 59



110 Ia 59

11. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 16 avril 1984 dans la
cause Y. contre X. (recours de droit public) Regeste

    Konkordat über die Schiedsgerichtsbarkeit; Ernennung eines
Schiedsrichters, Gültigkeit der Schiedsabrede, Verweisungsklausel.

    1. Befugnis der zuständigen richterlichen Behörde, die ordnungsgemässe
Zusammensetzung des Schiedsgerichts zu prüfen (E. 2).

    2. Analoge Anwendung der Art. 23 Abs. 2 und 12 des Konkordates, falls
die von den Parteien beauftragte Stelle sich weigert, den Schiedsrichter
zu ernennen (E. 3).

    3. Gültigkeit der Schiedsabrede vorliegend bejaht, in Rücksicht
auf den Willen der Parteien, sich selbst in einem solchen Fall an das
Schiedsgericht zu wenden (E. 4a).

    4. Verweisung auf die Vergleichs- und Schiedsordnung der IHK; aus
dieser Ordnung ergibt sich durch Auslegung die Befugnis des Schiedsgerichts
der IHK, nötigenfalls den Schiedsrichter zu ernennen (E. 4b).

Sachverhalt

    A.- Le 22 avril 1975, X. a conclu avec Y. un accord en vertu
duquel elle était chargée de concevoir, d'étudier et de soumettre à son
cocontractant, dans un certain délai, les plans relatifs à la construction,
la gestion et l'organisation, du point de vue du personnel, de cinq
hôpitaux en Iran, pour le prix de 900'000 £.

    L'accord contient notamment la clause compromissoire suivante:

    (traduction) "Tous différends découlant du présent "accord
   épistolaire", qui ne pourraient être réglés à l'amiable, seront tranchés
   définitivement suivant le Règlement de conciliation et d'arbitrage de la

    Chambre de Commerce internationale par un collège de trois arbitres.

    Chacune des parties désignera un arbitre; le troisième arbitre sera
   nommé par le directeur général de l'Organisation mondiale de la
   santé. Le siège du Tribunal arbitral est fixé à Genève, et la
   législation iranienne s'appliquera à tous les aspects du présent
   "accord épistolaire"."

    Estimant avoir exécuté ses obligations et n'obtenant pas le paiement du
prix convenu, X. a mis en oeuvre la procédure arbitrale, en s'adressant,
selon acte du 21 décembre 1978, à la Chambre de commerce internationale
(CCI). Le directeur général de l'OMS ayant refusé de nommer le troisième
arbitre, la Cour d'arbitrage a considéré que la clause arbitrale contenue
dans le contrat du 22 avril 1975 était dépourvue d'effets à cet égard
et que la lacune résultant de cette situation était comblée par les
dispositions de l'art. 2.4 du règlement de la CCI, relatif à la nomination
du président du tribunal arbitral. En conséquence, la Cour d'arbitrage
a elle-même procédé à la désignation dudit arbitre.

    B.- Par sentence du 17 février 1982, approuvée le 19 mai 1982 par la
Cour d'arbitrage de la CCI et transmise ensuite aux parties, le tribunal
arbitral a admis sa compétence pour trancher le litige et condamné Y. à
payer 900'000 £ à X.

    La partie défenderesse avait contesté la validité de la nomination
des arbitres et, partant, leur compétence.

    Par arrêt du 21 décembre 1983, la Cour de justice du canton de Genève
a rejeté un recours en nullité formé contre cette sentence par Y.

    C.- Contre cet arrêt, Y. interjette un recours de droit public. Se
fondant sur l'art. 84 al. 1 lettres a et b OJ, elle se plaint d'une
violation du Concordat intercantonal sur l'arbitrage et conclut à
l'annulation de l'arrêt attaqué. En bref, elle fait grief à la cour
cantonale d'avoir admis la compétence des arbitres, alors qu'à son avis
le refus du directeur général de l'OMS de désigner le troisième arbitre
entraînait la caducité de la clause compromissoire. A titre subsidiaire,
elle invoque une fausse application de l'art. 12 CIA quant au mode de
désignation adopté. X. propose le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- a) Les parties ayant fixé le siège du tribunal arbitral dans
le territoire d'un des cantons concordataires, il est à juste titre
incontesté que le contrat d'arbitrage litigieux est soumis au concordat
(art. 1er al. 1 CIA), à l'exclusion du droit iranien. L'allusion de la
recourante au droit iranien de procédure est, à cet égard, sans portée
propre.

    Comme le permet le concordat (art. 1er al. 2 CIA), les parties se
sont soumises au règlement de la CCI, ce qui est valable en tant qu'il
n'est pas dérogé aux normes impératives du concordat (art. 1er al. 3 CIA).

    b) Selon l'art. 8 CIA, les arbitres statuent eux-mêmes sur leur propre
compétence, par une décision incidente ou dans le jugement au fond. C'est
ce qu'ils ont fait, en l'occurrence, dans leur sentence finale du 17
février 1982.

    Lorsqu'une partie prétend n'être pas ou plus liée par un contrat
d'arbitrage, elle dénie de ce fait la compétence du tribunal arbitral
et elle peut recourir contre un prononcé des arbitres admettant
leur compétence, dans le cadre de l'art. 36 lettre b CIA (ATF 108 Ia
311; cf. ATF 96 I 334). Lorsque, en revanche, seule est contestée la
constitution du tribunal arbitral, le moyen peut être invoqué dans le cadre
de l'art. 36 lettre a CIA. C'est donc à juste titre que la cour cantonale
a examiné le moyen de la recourante dans le cadre de l'art. 36 CIA.

    Avec raison, elle ne s'est pas tenue pour liée par la décision de
l'organe chargé de désigner un arbitre, en l'occurrence la Cour d'arbitrage
de la CCI. En effet, même lorsque cet organe est judiciaire, sa décision,
rendue en procédure non contentieuse, ne jouit pas de l'autorité de la
chose jugée; celle-ci laisse donc aux arbitres, puis aux instances de
recours, la faculté d'examiner de manière indépendante la compétence
et la régularité de la constitution du tribunal (ATF 108 Ia 311 et
renvois; cf. JOLIDON, Commentaire du Concordat suisse sur l'arbitrage,
n. 31 ad art. 12; HABSCHEID, RSJ 1982, p. 321 ss, notamment p. 325,
à propos des arbitres désignés par la Cour d'arbitrage de la CCI; MANN,
Zur Ernennung von Schiedsrichtern, in Liber amicorum A. Schnitzer,
p. 325 ss, spéc. pp. 329-331, 334-336; RÜEDE-HADENFELDT, Schweizerisches
Schiedsgerichtsrecht, p. 114).

Erwägung 3

    3.- On doit examiner, d'une part, si le concordat contient des
dispositions se rapportant à la caducité du contrat d'arbitrage dans
l'hypothèse où l'organe de nomination refuse de désigner l'arbitre et,
d'autre part, s'il règle, dans un tel cas de refus, à titre subsidiaire,
la nomination de l'arbitre.

    a) L'art. 23 al. 2 CIA indique que la défection d'un arbitre entraîne
la faculté de le faire remplacer ou la caducité du contrat. En revanche,
le concordat ne contient aucune règle expresse équivalente pour l'hypothèse
où l'organe choisi par les parties ne désigne pas l'arbitre. La recourante
veut en inférer que, selon le concordat, le contrat d'arbitrage serait
alors caduc de plein droit.

    Dans l'arrêt susmentionné ATF 108 Ia 312, le Tribunal fédéral s'est
référé par analogie à l'art. 23 al. 2 CIA pour admettre que l'autorité
judiciaire pouvait, dans cette hypothèse, procéder, à titre supplétif,
à la désignation d'un arbitre lorsque les parties entendaient soumettre
leur différend à une juridiction arbitrale sans qu'il apparaisse d'une
importance essentielle que la désignation du troisième arbitre se fasse
par un organe déterminé.

    Cette solution doit être confirmée. Elle s'impose déjà au regard
de l'art. 3 lettre a CIA, qui déclare que l'autorité judiciaire a la
compétence de "nommer les arbitres (...) qui n'auraient pas été désignés
par l'organe de leur choix"; cette disposition montre donc que le concordat
consacre en principe la possibilité d'un remplacement non prévu par les
parties (sans pour autant préciser dans quelle éventualité). Une telle
solution est aussi conforme au principe de l'autonomie de la volonté
régissant le contrat d'arbitrage (cf. art. 1er al. 2, 4, 10 et 11 CIA),
sous réserve du respect des règles de droit impératif (art. 1er al. 3
CIA); en effet, s'il résulte de l'interprétation du contrat que, malgré
la caducité de la clause relative à la désignation de l'arbitre par un
organe de choix, la volonté hypothétique des parties est de soumettre
néanmoins le différend à l'arbitrage, il n'y a point de raison de ne pas
respecter cette volonté (cf. art. 20 al. 2 CO par analogie). Par ailleurs,
au regard du texte clair de l'art. 3 lettre a CIA, l'absence de disposition
expresse comparable à l'art. 23 al. 2 CIA ne saurait être interprétée a
contrario. Il s'impose donc d'appliquer ici par analogie cette disposition
pour déterminer si le contrat est caduc (cf. RÜEDE-HADENFELDT, op.cit.,
p. 89 n. 5b et p. 116 n. 4).

    Il y a lieu à désignation d'un arbitre par l'autorité compétente,
selon l'art. 23 al. 2 CIA, "à moins qu'il ne résulte de la convention
d'arbitrage qu'elle doit être considérée comme caduque". A cet effet,
il convient d'interpréter la convention des parties - en tant que contrat
de procédure (ATF 101 II 170) - selon les principes régissant la nullité
partielle des contrats. On doit ainsi rechercher, en se plaçant au moment
de la conclusion du contrat, ce dont les parties seraient convenues de
bonne foi si elles avaient envisagé cette hypothèse; le juge s'inspire
de l'économie du contrat et de son but et il tient compte de l'ensemble
des circonstances (cf. ATF 107 II 149, 218, 414).

    b) L'art. 12 CIA dispose que si les parties ne peuvent s'entendre
sur la désignation de l'arbitre unique, si l'une d'entre elles omet de
procéder à la désignation d'arbitres qui lui incombe, ou si les arbitres
désignés ne peuvent s'entendre sur le choix du surarbitre, l'autorité
judiciaire prévue à l'art. 3 procède à la nomination (...) à moins que
la convention n'ait prévu un autre organe de désignation.

    Cet article est lui aussi applicable par analogie, pour des motifs
comparables à ceux qui viennent d'être exposés ci-dessus à propos de
l'art. 23 al. 2 CIA, à la situation où le tiers ne procède pas à la
nomination d'un des arbitres, telle que la lui ont confiée les parties
(cf. RÜEDE-HADENFELDT, op.cit., p. 186 n. 2e; POUDRET, L'application du
concordat de 1969 à l'arbitrage international en Suisse, in "Les étrangers
en Suisse", Lausanne 1982, pp. 247 ss, spécialement p. 256 n. 43, avec
référence à l'arrêt paru aux ATF 78 I 360 consid. 4, antérieurement à
l'entrée en vigueur du concordat).

    Si la recourante admet, dans l'éventualité d'une caducité partielle
de la clause compromissoire, une telle application analogique de
l'art. 12 CIA, elle soutient cependant que la réserve exprimée à la
fin de cette disposition en faveur d'un "autre organe de désignation"
serait inapplicable en l'espèce, dès lors que la convention prévoyait un
organe de désignation spécifique, soit le directeur de l'OMS, lequel n'a
pas rempli sa fonction. L'argumentation est manifestement spécieuse. En
effet, du moment qu'il y a lieu de suppléer à une défection, on ne
saurait avoir en vue un mode de désignation qui ne permet précisément
pas le remplacement de l'organe défaillant. On doit donc bien plutôt
se demander si la convention entre parties permettait éventuellement la
désignation de l'arbitre d'une autre manière et si la réserve exprimée
à l'art. 12 CIA pouvait ainsi avoir effet.

    Il s'avère à cet égard qu'à côté du mode de désignation de l'arbitre
qu'elles avaient choisi, les parties se sont référées à des conditions
générales, soit le règlement de conciliation et d'arbitrage de la CCI,
permettant la désignation supplétive d'un arbitre par un autre organe. Un
tel renvoi implique une convention des parties qui, selon l'art. 12 CIA,
prime la désignation par l'autorité judiciaire. Contrairement à ce que
voudrait la recourante, la loi n'exige pas, sur ce point, une référence
expresse des parties à la règle supplétive relative à la désignation de
l'arbitre (cf., par analogie, l'arrêt Tradax du 7 février 1984, ATF 110 II
58 consid. 3c, en application de l'art. II de la Convention de New York,
RS 0.277.12; cf. également ATF 102 Ia 500). Il n'en irait pas autrement si
l'on appliquait par analogie les règles du droit privé, car une pareille
clause ne comporte pour les parties rien d'inhabituel (cf. ATF 108 II 418).

    Contrairement à ce que soutient la recourante, cette solution n'est
pas contraire au caractère impératif de l'art. 12 CIA, puisque cette
disposition réserve précisément l'accord des parties quant à l'organe
de désignation.

Erwägung 4

    4.- a) En l'occurrence, les parties ne se sont pas prononcées
expressément sur le sort de la clause compromissoire au cas où l'organe
choisi par elles ne désignerait pas le troisième arbitre. L'arrêt
cantonal ne contient, lui non plus, aucune constatation relative à la
volonté interne des parties à ce sujet. Aussi convient-il de déterminer
la volonté hypothétique des parties selon les principes susmentionnés.

    La convention d'arbitrage a été conclue sous la forme d'une clause
compromissoire (et non d'un compromis ad hoc) insérée dans un contrat
économique important dont il y a tout lieu de penser que des partenaires
raisonnables l'eussent conclu même s'ils avaient su que le directeur
général de l'OMS ne pourrait pas désigner le troisième arbitre. Dans
cette dernière hypothèse, on peut admettre que de tels partenaires
eussent aussi inséré dans leur contrat une clause compromissoire. Du
reste, dans la clause litigieuse, la volonté de compromettre apparaît au
premier plan, tandis que la personne devant fonctionner comme troisième
arbitre n'a apparemment pas semblé décisive aux parties; celles-ci
n'ont en effet pas elles-mêmes désigné nommément à cette fonction une
personne déterminée, mais elles s'en sont remises à la décision d'un
tiers, alors qu'elles-mêmes se réservaient de nommer chacune un des
deux premiers arbitres. Formellement, la volonté de compromettre et les
règles relatives à la nomination des arbitres sont aussi exprimées dans
deux phrases séparées, sans que la première soit subordonnée au respect
des règles prévues dans la seconde. Dans une telle situation, la cour
cantonale a admis à juste titre que, selon la volonté hypothétique des
parties, l'impossibilité d'obtenir la désignation du troisième arbitre
par le directeur général de l'OMS ne devait pas entraîner la caducité
de la convention d'arbitrage (cf. JOLIDON, op.cit., n. 21 ad art. 23;
WIGET, dans Sträuli-Messmer, par. 243 n. 4, 7, 11; RÜEDE-HADENFELDT,
op.cit., p. 116; en droit allemand: sic REAT, Der Schiedsrichtervertrag,
thèse Cologne 1983, p. 91; contra: FRENZ, Auswahl und Bestellung von
Schiedsrichter durch Dritte, thèse Bonn 1980, pp. 68 ss et références).

    b) La clause par laquelle les parties se sont référées au règlement
de conciliation et d'arbitrage de la CCI doit être interprétée selon les
règles de la bonne foi en affaires. Ainsi, ce renvoi implique l'application
du règlement de la CCI selon le sens qui lui est donné au sein de cet
organisme par les organes compétents, pour autant que ceux-ci n'agissent
pas arbitrairement en prêtant à ses dispositions une signification à
laquelle les parties ne pouvaient raisonnablement penser.

    Le règlement de la Cour d'arbitrage de la CCI prévoit notamment à
l'art. 2 al. 3, à propos de la désignation d'un arbitre unique, que
"faute d'entente entre les parties dans un délai de trente jours à
partir de la notification de la demande d'arbitrage à l'autre partie,
l'arbitre sera nommé par la Cour" et à l'art. 2 al. 4, à propos de la
désignation de trois arbitres, pour l'arbitre à choisir par chaque partie:
"Si l'une des parties s'abstient, la nomination est faite par la Cour"
et pour la désignation du troisième arbitre: "Si, à l'expiration du
délai fixé par les parties ou imparti par la Cour, les arbitres désignés
par les parties n'ont pu se mettre d'accord, le troisième arbitre est
nommé par la Cour." Enfin, l'art. 26 dudit règlement prévoit à titre de
"règle générale": "Dans tous les cas non visés expressément ci-dessus,
la Cour d'arbitrage et l'arbitre procèdent en s'inspirant de ce Règlement
et en faisant tous leurs efforts pour que la sentence soit susceptible de
sanction légale." Par ailleurs, il appert qu'interprétant par analogie
l'art. 2 du règlement, selon l'art. 26, la Cour d'arbitrage procède
également à la désignation de l'arbitre, faute d'accord des parties,
lorsque l'organe choisi par celles-ci à cette fin ne peut ou ne veut y
procéder (sic DERAINS, Journal de droit international 1975, p. 939).

    Au regard de ces dispositions réglementaires, une telle interprétation
ne comporte rien d'insoutenable et d'inattendu. Aussi la désignation du
surarbitre par la Cour d'arbitrage de la CCI, à défaut du directeur de
l'OMS, était-elle conforme aux normes réglementaires de la CCI auxquelles
se référait le contrat d'arbitrage (cf. idem ATF 102 Ia 502 ss dans le
cadre d'un examen limité à l'arbitraire).

    Le recours se révèle dès lors mal fondé.