Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 110 IA 30



110 Ia 30

4. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 2 mai 1984 dans
la cause Paroisse réformée d'Estavayer-le-Lac contre Conseil d'Etat du
canton de Fribourg (recours de droit public) Regeste

    Art. 22ter BV; Umzonung einer Parzelle in eine Zone mit Bauverbot,
Verhältnismässigkeit.

    Voraussetzungen der gesetzlichen Grundlage und des öffentlichen
Interesses im konkreten Fall erfüllt (E. 3).

    Berücksichtigung der Natur der von der Beschwerdeführerin als
öffentlichrechtlicher Körperschaft mit eigener Rechtspersönlichkeit geltend
gemachten Interessen bei der Interessenabwägung. Unverhältnismässigkeit
der geplanten Massnahme, weil die sich gegenüberstehenden öffentlichen
Interessen durch eine andere Massnahme in Einklang gebracht werden können
(E. 4).

Sachverhalt

    A.- La paroisse réformée d'Estavayer-le-Lac est propriétaire
des parcelles Nos 1168 et 2098 du registre foncier de la commune
d'Estavayer-le-Lac, sises dans la vieille ville, et dont la surface s'élève
respectivement à 1372 m2 et à 1481 m2. Ces parcelles, formant ensemble
approximativement un trapèze régulier, constituent l'esplanade comprise
dans l'angle nord d'un promontoire qui s'élève immédiatement au-dessus
des falaises d'Estavayer et d'où l'on domine le lac de Neuchâtel, le
port de plaisance local et une partie de la vieille ville. La parcelle
No 2098 a été acquise en 1965, avec l'aide de la Fédération des Eglises
protestantes de Suisse, en vue de l'édification d'un centre paroissial
à proximité du temple protestant sis sur la parcelle No 1168. En vertu
d'une convention passée, en 1972, entre la paroisse réformée et la commune
d'Estavayer-le-Lac, l'usage de la parcelle No 2098 est réservé à une
place publique et un jardin d'enfants et un passage public est maintenu
pour les piétons sur l'espace non bâti de la parcelle No 1168.

    Le plan d'aménagement de la vieille ville d'Estavayer-le-Lac, mis
à l'enquête publique en 1978, comporte un plan de zones qui prévoit un
classement diversifié pour les parcelles Nos 1168 et 2098 (cf. consid. 3
ci-après) ainsi que, à titre indicatif, la réalisation de deux accès
piétonniers à l'esplanade. La paroisse réformée a fait opposition à ce
plan en invoquant la nécessité dans laquelle elle se trouve de construire
son centre paroissial sur la parcelle No 2098, que le plan litigieux
interdit à la construction. La procédure de conciliation ayant échoué, le
plan d'aménagement a été transmis au Conseil d'Etat du canton de Fribourg,
conformément à la loi fribourgeoise du 15 mai 1962 sur les constructions
(LC). Par arrêté du 15 juillet 1983, le Conseil d'Etat a approuvé le
plan des zones de la vieille ville ainsi que le règlement particulier y
relatif et a rejeté l'opposition de la paroisse réformée.

    Agissant par la voie du recours de droit public, la paroisse réformée
d'Estavayer-le-Lac demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêté du
Conseil d'Etat du canton de Fribourg du 15 juillet 1983 et de renvoyer
l'affaire à l'autorité intimée pour nouvelle décision. Elle invoque
une violation des art. 4 et 22ter Cst., soutenant, pour l'essentiel,
que le classement de la parcelle No 2098 dans une zone interdite à la
construction n'est pas justifié par un intérêt public et viole le principe
de la proportionnalité.

    Une délégation du Tribunal fédéral a procédé à une inspection
locale. En tant que fondé sur l'art. 22ter Cst., le recours de droit
public a été admis pour les

Auszug aus den Erwägungen:

                       motifs suivants:

Erwägung 3

    3.- Dans le plan d'aménagement local de la commune d'Estavayer-le-Lac,
adopté par le Conseil communal le 21 juin 1977 et approuvé par le
Conseil d'Etat le 11 juillet 1978, la vieille ville constituait
une zone d'affectation uniforme. Le plan litigieux a pour objectif
général d'affiner la planification de ce secteur de la localité en
vue d'assurer la conservation de sa substance historique et de son
caractère, tout en permettant son intégration dans le développement de
l'ensemble du territoire communal et en facilitant la restauration et le
renouvellement des constructions (cf. art. 1er du règlement particulier du
plan d'aménagement de la vieille ville). Il n'est pas contesté que, sous
l'empire de l'ancienne réglementation, la recourante pouvait édifier sur
la parcelle No 2098 le centre paroissial que, depuis de nombreuses années,
elle projette de bâtir à proximité du temple construit sur sa parcelle
voisine No 1168. Or le nouveau plan transfère la parcelle No 1168 dans
une zone de bâtiments publics (zone bleue) et la parcelle No 2098 dans une
zone verte d'aménagements publics (zone vert foncé). L'affectation de ces
zones est définie par les art. 18 et 19 du règlement particulier du plan
d'aménagement de la vieille ville, dispositions qui ont la teneur suivante:

    "Art. 18 Zone de bâtiments publics

    a) Destination

    Cette zone est destinée exclusivement aux constructions d'utilité
   publique. On peut également y aménager des îlots de verdure, des places
   de jeux et de sport.

    b) Plan d'îlot

    Tout projet modifiant l'état actuel doit faire l'objet d'un plan
   spécial englobant l'ensemble de l'îlot en question.

    Art. 19 Zone verte d'aménagements publics

    a) Destination

    Cette zone est destinée à l'aménagement de zones de verdure
   accessibles au public (parcs publics, jeux, etc.).

    b) Interdiction de bâtir

    La zone verte d'aménagements publics est frappée d'une interdiction de
   bâtir, à l'exception de constructions de minime importance et dont
   l'aménagement est imposé par la destination."

    Selon ces nouvelles dispositions, la parcelle No 1168 est désormais
réservée aux constructions d'utilité publique, alors que la parcelle No
2098 est en principe interdite à la construction. Pour justifier cette
importante restriction au droit de propriété de la recourante, l'autorité
intimée a fait sienne l'argumentation développée au cours de la procédure
de conciliation par l'autorité communale, qui l'a exposée à nouveau devant
la délégation du Tribunal fédéral. Il s'agit, d'une part, de sauvegarder
l'un des rares îlots de verdure qui subsistent à l'intérieur du périmètre
de la vieille ville et, d'autre part, de maintenir l'affectation au
délassement collectif consentie par la paroisse réformée selon convention
du 1er octobre 1972. L'inspection des lieux a en effet révélé que les
espaces verts sont pratiquement inexistants dans la vieille ville, sous
la seule réserve de deux petites zones dont l'une est, au demeurant,
généralement occupée par les élèves d'un jardin d'enfants. Il en va de
même des lieux de promenade, ce qui explique l'intention de la commune
de créer deux chemins piétonniers permettant d'accéder à l'esplanade du
temple. Les buts poursuivis par l'affectation projetée des parcelles
de la recourante ressortissent donc, de toute évidence, à un intérêt
public, tel qu'il est d'ailleurs défini par le législateur fédéral soit
à l'art. 1er al. 2 lettres a et b, soit à l'art. 3 al. 3 lettres c et e
LAT. On ne saurait en effet suivre la recourante lorsqu'elle prétend que
la planification critiquée est une manoeuvre inadmissible pour procurer
un avantage financier indu à la collectivité. On ne saurait davantage
reprocher à l'autorité locale de se prévaloir incorrectement d'une
situation créée par la générosité dont la recourante a fait preuve envers
la population locale en souscrivant "à titre gracieux" la convention du
1er octobre 1972. Si l'on a à l'esprit la situation très particulière,
qui vient d'être décrite, de l'ensemble bâti de la vieille ville, on
conçoit sans autre que la planification litigieuse se serait aujourd'hui
imposée à l'autorité communale indépendamment de la convention antérieure,
et il n'est pas possible de la soupçonner d'avoir, en souscrivant cette
dernière, voulu d'ores et déjà créer une situation préjudicielle en vue
d'une planification définitive du secteur.

Erwägung 4

    4.- L'existence d'une base légale et celle d'un intérêt public ne
justifient toutefois pas, à elles seules, n'importe quelle restriction de
droit public à la propriété privée. Il faut encore que soit respecté le
principe de la proportionnalité. La restriction ne doit donc pas seulement
être nécessaire, mais doit en outre ne pas aller au-delà de ce qu'il faut
pour atteindre le but d'intérêt public recherché, l'autorité concernée
ayant l'obligation d'adopter la mesure la moins incisive, c'est-à-dire
celle qui est la moins préjudiciable aux particuliers pour parvenir au
but d'intérêt public visé (ATF 108 Ia 219/220 consid. d).

    L'inspection locale a démontré que la recourante ne dispose pas de
locaux satisfaisants pour l'exécution des tâches sociales auxquelles elle
se voue. On peut dès lors admettre avec elle que la construction d'un
centre paroissial à proximité immédiate du temple est nécessaire à la
réalisation de ses tâches, inhérentes aux fonctions collectives qu'elle
assume, et en raison desquelles le législateur cantonal lui a accordé
la personnalité juridique de droit public. Il ne s'agit donc guère,
en l'espèce, de comparer l'intérêt public de la collectivité à l'intérêt
privé d'un particulier, mais bien plutôt de peser deux intérêts publics,
dont l'un a été sacrifié à l'autre par la planification litigieuse. Or une
conciliation de ces intérêts n'apparaît pas exclue en l'occurrence. Les
précisions abondantes données par les parties à la délégation du Tribunal
fédéral, lors de l'inspection des lieux, ont en effet démontré qu'une
construction rationnelle du centre paroissial projeté par la recourante
n'est matériellement pas réalisable sur la seule parcelle No 1168. Elle
le serait pourtant du point de vue juridique, si l'on met en parallèle
l'art. 18 du règlement particulier de la vieille ville et l'art. 51 al. 2
de la nouvelle loi cantonale sur les constructions et l'aménagement du
territoire du 9 mai 1983, qui entrera en vigueur le 1er juillet 1984. Le
centre paroissial projeté pourrait en effet être considéré comme une
construction d'intérêt général au sens de cette dernière disposition et,
partant, comme une construction conforme à l'affectation de la zone de
bâtiments publics. Le responsable cantonal de l'aménagement du territoire
l'a confirmé sur interpellation du juge délégué lors de l'inspection
des lieux. L'examen des lieux a révélé également que cette construction
était par contre réalisable matériellement à la condition d'empiéter sur
la parcelle No 2098, ce qu'ont reconnu clairement les représentants des
parties. Un tel empiétement n'empêcherait manifestement pas d'emblée toute
affectation du solde non bâti des parcelles litigieuses aux fins d'intérêt
public pour lesquelles le classement discuté a été projeté. L'art. 18 du
règlement précité prévoit d'ailleurs expressément qu'une zone de bâtiments
publics permet l'aménagement d'îlots de verdure, de places de jeux et de
sports, les détails d'un tel aménagement devant être précisés dans un
plan d'îlot. Or le plan litigieux exclut, sans équivoque, une solution
qui reviendrait à harmoniser ainsi les intérêts en jeu. Force est donc
de retenir que l'étendue - excessive - de la restriction critiquée est
en contradiction avec le principe de la proportionnalité et qu'elle viole
par conséquent l'art. 22ter Cst.