Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 110 IA 145



110 Ia 145

31. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 5 septembre
1984 dans la cause Haug contre Etat de Vaud et Commission centrale des
améliorations foncières du canton de Vaud (recours de droit public) Regeste

    Art. 4 BV. Landumlegungsverfahren. Nationalstrasse.  Gutachten.

    1. Landumlegungsverfahren zum Erwerb des für den Bau einer
Nationalstrasse erforderlichen Landes: Entschädigung für Nachteile,
die trotz Neuzuteilung von Land bestehen; Verfahren; Prüfungsbefugnis
des Bundesgerichts (E. 1).

    2. Anordnung eines Gutachtens durch das Bundesgericht im
staatsrechtlichen Beschwerdeverfahren wegen Verletzung von Art. 4 BV
(E. 4).

    3. Wert des Heimwesens vor und nach dem Umlegungsverfahren: Aufrechnung
der Gesamtheit aller Vor- und Nachteile (E. 5).

    4. Prüfung der verschiedenen zu berücksichtigenden Elemente und des
eventuellen Minderwertes des gesamten Landwirtschaftsbetriebes (E. 6).

Sachverhalt

    A.- Ernst Haug est propriétaire d'un domaine agricole de 30 ha formé
de six parcelles, dont quatre (Nos 1065, 1068, 1175 et 1177 AE) sont
situées à Aigle, dans le périmètre du Syndicat d'améliorations foncières
autoroute 27 B, et deux (Nos 577 et 594 AE) à Ollon, dans le périmètre du
Syndicat d'améliorations foncières autoroute 27 C. Les parcelles contiguës
1177 (sur laquelle se trouvent les bâtiments agricoles et l'habitation)
et 1175 AE, d'une surface totale de 68'947 m2, se trouvent à l'ouest du
Grand Canal, tandis que les parcelles 1065 et 1068 AE, d'une surface totale
de 84'531 m2, se trouvent à l'est de ce même canal. Les parcelles 577 AE
(de 132'418 m2) et 594 AE (de 14'834 m2) sises à Ollon se trouvent aussi
à l'est du Grand Canal, à une distance de plus de 2 km de la ferme.

    La route nationale No 9 a été construite à l'est du canal: à la hauteur
de la ferme de Haug, elle se trouve à peu de distance du canal, dont elle
se rapproche vers le sud, déterminant ainsi un triangle très allongé entre
les deux. Il n'est pas possible de la traverser - pour se rendre à Aigle
- à la hauteur de la ferme de Haug; le plus proche passage inférieur se
trouve à environ 900 m des bâtiments, au sud. C'est cette situation qui
a déterminé les attributions prévues dans le projet du nouvel état.

    Le projet du nouvel état laisse pratiquement intactes les deux
parcelles (1175 et 1177 AE et NE), sises à l'ouest du canal, où se trouvent
les bâtiments.

    D'importants changements ont en revanche été nécessaires à l'est du
canal. Le projet prévoit l'attribution à Haug de trois parcelles allongées,
de forme trapézoïdale, qui se succèdent dans l'aire triangulaire formée
par le canal et la route nationale. Ces trois parcelles (Nos 1065, 1066
et 1067 NE) longent la route nationale sur 950 m environ et mesurent
respectivement 37'966, 36'572 et 30'042 m2, soit au total 104'580 m2.

    Le projet prévoit en outre l'attribution à Haug de la parcelle 1148
NE de 17'828 m2 sise sur le territoire d'Aigle, en remplacement de la
parcelle 594 AE sise sur le territoire d'Ollon; cette parcelle se trouve
à environ 750 m des bâtiments, à l'est de l'autoroute, mais attenante à
celle-ci, près du passage inférieur. Seule l'ancienne parcelle 577 AE,
laissée à Haug, se trouve encore sur le territoire d'Ollon; sise à l'est
de l'autoroute et portant le même numéro dans le projet de nouvelle
répartition (577 NE), elle a cependant été réduite de 132'418 m2 à
115'044 m2.

    Compte tenu des prétentions transférées du périmètre d'Ollon à celui
d'Aigle (32'208 m2), la comparaison entre l'ancien et le nouvel état
de propriété d'Ernest Haug dans le Syndicat d'Aigle fait ressortir les
éléments suivants: - une attribution supplémentaire de 5669 m2, évaluée
à 4'933 francs, - un crédit de 5'710 francs pour la dépréciation des
parcelles 1065, 1066 et 1067 NE, en raison de leurs limites non parallèles
déterminant des triangles, montant diminué de 700 francs pour les limites
non parallèles de la parcelle 1175 NE, d'où un solde de 5'010 francs en
faveur de Haug, - d'autres crédits pour servitudes, poteaux et regards
qui grèvent le nouvel état pour un montant total de 7'342 francs, sous
déduction de 2'088 francs qui grevaient déjà l'ancien état à ce même
titre, - ces différents postes font finalement ressortir une soulte de
5'331 francs en faveur de Haug.

    Haug s'est opposé au projet de nouvel état; son opposition ayant
été rejetée par la Commission de classification, il a recouru auprès de
la Commission centrale des améliorations foncières du canton de Vaud,
laquelle a admis partiellement le recours et décidé, ex aequo et bono, de
doubler l'indemnité de 5'010 francs prévue dans le projet de nouvel état.

    Contre la décision de la Commission centrale, Haug a formé un recours
de droit public, pour violation de l'art. 4 Cst.

    Lors d'une inspection locale effectuée par une délégation du Tribunal
fédéral, il a paru utile de faire établir par un expert la dépréciation
totale subie par le domaine du recourant. Après avoir procédé sur place
aux constatations nécessaires et conféré avec la délégation du Tribunal
fédéral, l'expert a informé les parties du résultat de ses investigations,
lors d'une audience au cours de laquelle les parties ont pu lui poser des
questions et soulever des objections. Finalement, l'expert est arrivé à
la conclusion que la dépréciation nette subie par le domaine, compte tenu
des avantages patrimoniaux découlant de l'augmentation de la surface et
de la réduction des parcours, s'élevait à un montant de 79'611 francs ou
de 83'280 francs selon que l'on prenait comme base de calcul une valeur
vénale de 3 francs ou 5 francs le m2.

    Un délai a été accordé aux parties en vue de la recherche d'une
éventuelle solution amiable. Les pourparlers n'ayant pas abouti, le
Tribunal fédéral a statué sur le recours et l'a admis, annulant la
décision attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Il n'est pas contesté que la législation vaudoise en matière de
remaniements parcellaires, notamment l'art. 55 de la loi du 29 novembre
1961 sur les améliorations foncières (LAF) respecte en soi les principes
découlant de la garantie constitutionnelle de la propriété, notamment
le principe de la compensation réelle. Le recourant soutient en revanche
que ladite législation a été mal appliquée; c'est donc avec raison qu'il
allègue uniquement la violation de l'art. 4 Cst.: en effet, le Tribunal
fédéral n'examine un tel recours que sous l'angle du déni de justice
formel et matériel et de l'inégalité de traitement, selon les critères
développés par sa jurisprudence en la matière et rappelés dans l'arrêt
Heri c. Soleure du 19 décembre 1979 (ATF 105 Ia 324 ss). A ces critères de
portée générale s'ajoutent ceux qui découlent de la législation fédérale
en matière de remembrement pour l'acquisition des terrains nécessaires
à la construction des routes nationales, au sens notamment de l'art. 30
al. 1 de la loi fédérale sur les routes nationales (LRN).

    Comme la jurisprudence l'a relevé, le canton occupe une position
spéciale lorsqu'il participe à une entreprise de remaniement aux fins
de se procurer les terrains nécessaires à la construction d'une route
nationale: d'une part il peut imposer une réduction générale de la surface
des biens-fonds compris dans le périmètre, d'autre part ses prétentions en
terrains dans le nouvel état ne dépendent de ses propres apports ni quant
à leur superficie, ni quant à leur valeur, ni quant à leur situation,
mais sont prédéterminées par le projet d'exécution de la route, aux
exigences prioritaires de laquelle le projet de nouvelle répartition
doit s'adapter (ATF 105 Ib 12 consid. 3b, 99 Ia 497 consid. 4b). Il
découle de cette situation particulière que le canton doit non seulement
payer à leur valeur vénale les terrains ainsi obtenus (art. 31 al. 2
lettre b LRN), mais doit encore indemniser les membres du syndicat
pour "les inconvénients subsistant malgré l'attribution de nouveau
terrain" (art. 21 de l'ordonnance sur les routes nationales, ORN); ces
inconvénients peuvent être comparés à ceux que mentionnent les lettres b
et c de l'art. 19 de la loi fédérale sur l'expropriation. Les indemnités
dues à ce titre par le canton se déterminent également en fonction de
la valeur vénale des terrains et en fonction des préjudices effectifs
(art. 31 lettre b LRN, 21 ORN; ATF 105 Ib 334 ss, 104 Ib 82, 99 Ia 498
consid. 3c; dans le cas où la législation cantonale ne permet pas, pour
des motifs de procédure ou de fond, l'application de ces principes et la
fixation de ces indemnités dans la procédure cantonale de remembrement,
une procédure d'expropriation complémentaire doit être ouverte en vertu
de l'art. 23 ORN en vue d'assurer la sauvegarde des droits du propriétaire
(ATF 105 Ib 334, 104 Ib 82, 99 Ia 498 consid. 3c).

    En l'espèce, il résulte de la décision attaquée elle-même et
de la réponse du canton de Vaud que la législation vaudoise permet
d'appeler en cause le canton en sa qualité de propriétaire-expropriant
et d'accorder en procédure de remembrement des indemnités pour tous les
préjudices découlant de la nouvelle répartition, dans la mesure où cette
dernière est déterminée par les exigences de l'implantation de la route
nationale. Dans le système du droit vaudois, le recours à une procédure
d'expropriation complémentaire selon l'art. 23 ORN n'est prévu que pour les
prétentions à indemnité qui seraient fondées sur les émissions provenant
de l'exploitation de la route nationale (cf. ATF 105 Ib 6 ss).

    En matière d'indemnités accordées dans la procédure de remembrement,
le Tribunal fédéral dispose du même pouvoir d'examen que lorsqu'il contrôle
les indemnités d'expropriation fixées en application du droit cantonal. Si,
comme en l'espèce, le recourant ne conteste pas la conformité du droit
cantonal avec le principe de la juste indemnité garantie par l'art. 22 ter
Cst., le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est restreint à l'arbitraire,
au déni de justice et à l'inégalité de traitement.

Erwägung 4

    4.- Lorsqu'il est saisi de recours de droit public pour violation
de l'art. 4 Cst., le Tribunal fédéral ne recourt à une expertise que
dans des cas exceptionnels. En matière de remaniements parcellaires
ou d'expropriation selon le droit cantonal, il n'y recourt que s'il
subsiste au sujet de la décision cantonale des doutes sérieux sur des
questions techniques qui ne peuvent être résolues que grâce à l'aide
de spécialistes. L'expertise est destinée à aider le Tribunal fédéral à
déterminer si la solution adoptée par les autorités cantonales est non
seulement insatisfaisante, mais encore procède d'un excès de leur pouvoir
d'appréciation; elle pourra aussi, le cas échéant, amener le Tribunal
fédéral à substituer d'autres motifs à la décision attaquée et éviter
ainsi de l'annuler.

    En l'espèce, le recours à un expert - accepté d'ailleurs par les
parties - s'est révélé d'autant plus nécessaire que la Commission de
classification a produit de nouveaux calculs à l'appui de ses observations
sur le recours de droit public.

Erwägung 5

    5.- b) Il faut examiner si, compte tenu des avantages découlant du
remaniement parcellaire, l'exploitation agricole du recourant subit, par
rapport à l'ancien état, une diminution de valeur qui serait imputable aux
exigences prioritaires de la route nationale et qui devrait être indemnisée
par le canton, comme la Commission centrale l'admet d'ailleurs en principe,
alors que l'Etat de Vaud le conteste. Le fait que cet examen entre, selon
le droit cantonal, dans la compétence de la Commission de classification
puis de la Commission centrale - et qu'il pourrait aussi être fait par
la Commission fédérale d'estimation si elle était appelée à se prononcer
en application de l'art. 23 ORN - n'entraîne aucune différence quant aux
principes à appliquer par ces autorités: la différence ne concerne que
la procédure devant le Tribunal fédéral, dont le pouvoir d'examen diffère
selon qu'il est saisi d'un recours de droit public, dans le premier cas,
ou d'un recours de droit administratif, dans le second cas.

    c) Il n'est pas contesté que la formation des nouvelles parcelles
1065, 1066 et 1067 NE, de forme irrégulière et de proportions inusitées,
a été déterminée exclusivement par la nécessité d'attribuer à l'Etat
de Vaud le terrain nécessaire à la construction de la route nationale,
dont le tracé coupe de biais les anciennes parcelles 1065 et 1068 du
recourant. On peut même dire que l'attribution de ces parcelles au
recourant était une solution obligée, car on ne voit pas à quel autre
propriétaire elles auraient pu être attribuées: dans la mesure où elles
dépassaient déjà les prétentions de Haug dans le périmètre du remaniement
parcellaire d'Aigle, cela entraînait le transfert de la prétention que
le recourant avait dans le remaniement parcellaire d'Ollon. Il apparaît
donc que ce transfert aussi a été opéré dans l'intérêt de l'entreprise
de remaniement et du canton, et non seulement dans celui du recourant.

    d) Il n'est pas contesté non plus que les trois parcelles en cause
ne donnent pas satisfaction et ne répondent pas aux exigences d'un
remaniement rationnel, pas plus quant à leur forme, irrégulière, que quant
à leur insertion dans le domaine du recourant; la Commission centrale
l'a elle-même constaté. Il n'est pas douteux qu'en ce qui concerne les
terrains proches des bâtiments agricoles, l'ancien état, formé des deux
parcelles 1068 et 1065 AE (la première, presque carrée - 270x225 m -
et la seconde, contiguë, de 320x70 m), était préférable à l'attribution
d'une série de trois parcelles de forme irrégulière, se succédant sur
une longueur d'environ un kilomètre. De ce point de vue, la décision
de la Commission centrale, admise par le recourant, n'est pas non plus
critiquée dans son principe par l'Etat de Vaud; ce dernier se borne à
affirmer que les inconvénients du nouvel état sont largement compensés
par un gain appréciable de surface et par des avantages patrimoniaux
non portés en compte et que l'indemnité supplémentaire accordée par la
Commission centrale constitue pratiquement une libéralité.

    Enfin, aucune contestation n'a été soulevée au sujet de la constatation
faite par la Commission centrale, selon laquelle le recourant est le
seul à subir un inconvénient d'une telle importance, d'où la nécessité
de corriger l'inégalité de traitement dont il fait l'objet.

    e) Fondant sa décision sur les constatations ci-dessus, la Commission
centrale n'a cependant pas procédé à un décompte - même pas approximatif
- des inconvénients et des avantages qui devraient se compenser. Elle
s'est bornée pratiquement à contrôler le calcul de l'indemnité pour les
triangles; trouvant ce calcul exact, elle s'est cependant fondée sur
des critères d'équité, imprécis eux aussi, pour doubler le montant de
l'indemnité accordée à ce titre au recourant. Mais elle n'a pas expliqué
en quoi le doublement de cette indemnité rétablissait l'équilibre rompu
par la nouvelle répartition, reconnue insatisfaisante.

    Il est vrai que dans ses observations sur le recours de droit public,
la Commission centrale s'est référée aux calculs de la Commission de
classification relatifs aux avantages de la diminution des parcours et
de l'augmentation des surfaces; mais cette simple référence aux calculs
effectués par la Commission de classification et présentés à la Commission
centrale en vue de la réponse à donner au recours de droit public ne
peut remplacer l'examen approfondi des éléments essentiels à prendre en
considération pour la décision de dernière instance cantonale (ATF 99 Ia
495 consid. 3, 99 I 524 consid. 4; l'autorité cantonale doit notamment
examiner s'il y a diminution de la valeur vénale de l'ensemble du domaine
et dans quelle mesure cette diminution est compensée par les avantages
découlant du remaniement. Pour ce motif déjà, la décision attaquée doit
être annulée pour déni de justice.

Erwägung 6

    6.- Le Tribunal fédéral pourrait à la rigueur renoncer à annuler
la décision attaquée - bien qu'elle ne soit pas satisfaisante - si le
résultat auquel est parvenue la Commission centrale pouvait se justifier
par une autre motivation qui ferait apparaître acceptable, sous l'angle
de l'art. 4 Cst., l'indemnité en argent accordée au recourant.

    Pour procéder à cet examen, il faut prendre en considération d'une part
les critiques soulevées par le recourant, d'autre part l'estimation faite
par l'expert désigné par le Tribunal fédéral, d'entente entre les parties.
   a) (Indemnité pour les fausses lignes: 5'010 francs.)

    b) (Indemnité pour l'augmentation du périmètre total des parcelles
du nouvel état: 3'750 francs.)

    c) (Pas d'indemnité pour l'augmentation des parcours entre le centre
d'exploitation et les parcelles du nouvel état; au contraire, compte tenu
de l'ensemble du domaine, diminution des parcours présentant un avantage
chiffré à 23'000 francs.)

    d) (Pas d'indemnité pour l'ombre projetée par une rangée de peupliers
le long des nouvelles parcelles; pas de grief du recourant sur ce point.)

    e) La Commission de classification et l'Etat de Vaud font observer avec
raison qu'il faut aussi prendre en considération l'avantage patrimonial
découlant de l'augmentation de surface dont bénéficie le recourant: 5669
m2. A ce sujet, l'expert ne s'est pas prononcé sur le point de savoir
s'il fallait retenir une valeur vénale de 3 francs le m2 (valeur retenue
dans le cas V., semble-t-il) ou de 5 francs le m2, comme l'indiquent dans
leur réponse l'Etat de Vaud et la Commission de classification: dans le
premier cas, l'avantage que le recourant devrait laisser imputer serait
de 1 franc le m2 (compte tenu d'un montant d'environ 2 francs le m2 fixé
par l'entreprise de remaniement), soit 5'669 francs, tandis que dans le
second cas cet avantage serait de 3 francs le m2, soit au total 17'000
francs en chiffre rond.

    f) Il faut encore examiner si, par rapport à l'ancien état, il subsiste
une dépréciation de l'exploitation dans son ensemble.

    Sur ce point, l'expert est explicite; la nouvelle répartition entraîne
pour l'exploitation du recourant une perte de valeur vénale agricole
pour les trois raisons supplémentaires suivantes: augmentation du nombre
des parcelles de 6 à 7; augmentation sensible des limites le long d'une
route, d'où risque accru de mauvaises herbes; manque de vue d'ensemble
sur le domaine à partir du centre d'exploitation, alors que l'ancien état
présentait un mas important proche de ce centre. Dans son appréciation,
l'expert n'a pas tenu compte des éventuelles émissions provenant du
trafic de l'autoroute, ni de l'isolement accru du domaine par rapport à
la localité d'Aigle, dont il est désormais séparé par l'autoroute, deux
inconvénients qui proviennent non pas de l'entreprise de remembrement, mais
de la construction de l'autoroute. Si l'on retient comme valeur vénale
agricole le montant minimum de 3 francs le m2 (ce qui donne, pour un
domaine de 30 ha, une valeur totale de 900'000 francs), l'expert estime
la diminution de valeur à 10%, soit à 90'000 francs; si l'on retient
le montant de 5 francs le m2, l'expert estime cette diminution à 7%,
ce qui ferait 105'000 francs. De ces montants, il déduit 23'050 francs
pour l'avantage découlant de la diminution des parcours et 5'669 francs,
respectivement 17'000 francs, pour l'augmentation des surfaces, selon que
l'on retient 3 francs ou 5 francs le m2 pour la valeur vénale agricole. La
dépréciation d'ensemble serait ainsi de 61'300 francs dans le premier
cas et de 65'000 francs dans le second. A ces montants devrait s'ajouter
celui de 3'570 francs pour l'allongement des périmètres, tandis que le
poste de 5'010 francs pour les triangles doit être considéré comme étant
déjà compris dans l'indemnité pour la dépréciation d'ensemble, calculée
en fonction de la valeur vénale. On a déjà relevé ci-dessus qu'il n'y a
pas lieu de tenir compte du montant de 9'750 francs pour l'ombre portée
par les peupliers.

    L'Etat de Vaud a vivement critiqué l'estimation de l'expert, la jugeant
arbitraire; il a notamment relevé qu'il serait inadmissible de calculer
la dépréciation en pour-cent sur l'ensemble du domaine (30 ha), au lieu
de ne le faire que sur les trois parcelles irrégulières de 104'000 m2 au
total, sises en face du centre d'exploitation. Un tel reproche n'est pas
fondé. Il est tout à fait admissible et opportun de comparer le complexe
organique formé par l'ensemble de l'exploitation avant le remembrement
et celui qu'il forme après le remembrement, à la condition d'adopter,
cela va de soi, des taxes de dépréciation adéquates. Une telle manière
de faire est non seulement justifiée par le fait que l'exploitation
forme un tout, mais elle est encore d'autant plus nécessaire quand il
faut aussi prendre en considération, comme en l'espèce, les avantages
que présentent pour l'ensemble de l'exploitation les opérations de
remembrement touchant les terrains sis à Ollon. L'expert observe avec
raison que le facteur déterminant est le prix inférieur que paierait un
acquéreur pour l'achat de l'exploitation après remaniement. Quoi qu'il en
soit, le rapport d'expertise ne contient ni lacunes, ni contradictions,
ni erreurs (cf. ATF 101 Ib 408 consid. 3b, 94 I 291): ses conclusions
- présentées délibérément comme un ordre de grandeur - ne prétendent
pas être définitives; mais elles suffisent, selon le but que vise une
expertise dans le cadre d'un recours pour arbitraire, à confirmer que
la solution adoptée par l'autorité cantonale sur la base d'un examen
insuffisant du cas est non seulement inappropriée, mais inadmissible
quant à son résultat. Même la comparaison avec le cas V. ne permet
pas de conclure à l'existence de différences inadmissibles dans les
critères d'estimation retenus par l'expert, d'autant qu'il se révèle -
et cela n'a pas été contesté - que l'indemnité allouée par la Commission
de classification pour cette exploitation de 19 ha a été sensiblement
supérieure, en ce qui concerne la dépréciation globale (100'000 francs),
à la proposition faite par les experts (58'000 francs).

    On ajoutera que le Tribunal fédéral a fait appel au même expert
(M. Wächli) dans des procédures d'expropriation fondées sur l'art. 23
ORN et dans lesquelles se posaient des problèmes analogues - mais dans le
cadre de recours de droit administratif - et s'appliquaient des principes
identiques (ATF 104 Ib 82 consid. 1c).

    Il faut en conclure que le recours doit être admis dans la mesure
où il est recevable et que la décision attaquée doit être annulée. Il
appartiendra à la Commission centrale de rendre une nouvelle décision et
de fixer l'indemnité due au recourant en se fondant sur les considérants
développés ci-dessus.