Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 109 IV 51



109 IV 51

14. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 22 mars 1983 dans
la cause dame X. contre Genève, Chambre d'accusation et Juge d'instruction
(recours de droit public) Regeste

    1. Art. 86 Abs. 3 OG; freiwillige Erschöpfung des kantonalen
Instanzenzuges.

    Wer von der in Art. 86 Abs. 3 OG vorgesehenen Möglichkeit Gebrauch
macht, verliert diejenige den erstinstanzlichen Entscheid anzufechten,
es sei denn, die obere kantonale Instanz habe nur eine beschränkte
Überprüfungsbefugnis (E. 1b).

    2. Art. 24 BetmG; Einziehung von Vermögensvorteilen, die aus verbotenem
Betäubungsmittelhandel im Ausland stammen und in der Schweiz angelegt
wurden.

    Die zuständigen kantonalen Behörden - im konkreten Fall diejenigen des
Kantons Genf - können eine solche Einziehung anordnen, selbst wenn keines
der in Art. 3 bis 6 StGB genannten Anknüpfungskriterien gegeben ist (E. 2).

Sachverhalt

    A.- Arrêté le 26 février 1981 à Miami (Floride/USA), alors qu'il se
trouvait en possession de cocaïne, le citoyen colombien Y. a été inculpé
d'infraction à la législation américaine sur les stupéfiants. Au moment de
son arrestation, la police a découvert sur lui une lettre faisant état du
transfert, sur un compte numéroté d'une banque genevoise, de la somme de
1'222'000 dollars. Le compte en question a tout d'abord été bloqué le 19
mai 1981 par le Juge d'instruction de Genève, agissant dans le cadre d'une
procédure d'entraide ouverte à la requête des autorités américaines, sur la
base du traité entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d'Amérique
sur l'entraide judiciaire en matière pénale du 25 mai 1973. Dame X., qui
se prétendait titulaire du compte, a fait opposition à cette décision,
en faisant valoir que le montant d'environ 1'520'000 dollars déposé
à Genève était le produit des activités commerciales licites qu'elle
exerçait en Colombie. Elle n'aurait eu recours à Y., dont elle ignorait
les activités criminelles, que pour transférer cette somme en Suisse,
l'intéressé dirigeant à Bogota un bureau de change spécialisé dans ce
type d'opération. Par la suite, la mesure de blocage ordonnée dans le
cadre de l'entraide judiciaire internationale fut levée. Cependant, lors
de la communication de cette décision à dame X., l'Office fédéral de la
police lui signala que, le 12 août 1981, le Juge d'instruction genevois
avait à nouveau ordonné la saisie du compte en se fondant cette fois sur
les art. 24 de la loi fédérale sur les stupéfiants du 3 octobre 1951
(LStup) et 58 CP. Dans sa nouvelle ordonnance, le Juge d'instruction
faisait état de renseignements, donnés par les autorités américaines,
qui accréditaient fortement la thèse selon laquelle les fonds déposés sur
le compte litigieux pouvaient être le produit d'un trafic de stupéfiants.

    Dame X. a formé contre cette ordonnance un recours auprès de la
Chambre d'accusation du canton de Genève. Elle a soutenu, d'une part, que
les autorités judiciaires suisses n'étaient pas compétentes pour saisir
son compte bancaire et, d'autre part, qu'il n'existait pas contre elle de
prévention suffisante pour justifier une telle mesure. Elle a toutefois
été déboutée le 13 septembre 1982.

    Agissant par la voie d'un recours de droit public fondé sur l'art. 84
al. 1 lettres a et d OJ, dame X. demande au Tribunal fédéral d'annuler
les ordonnances de la Chambre d'accusation du 13 septembre 1982 et du
Juge d'instruction du 12 août 1981.

    Le Tribunal fédéral a rejeté son recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) (Irrecevabilité de moyens de droit nouveaux dans les recours
pour arbitraire.)

    b) Les recours de droit public fondés sur l'art. 84 al. 1 lettre d
OJ peuvent être formés sans épuisement préalable des instances cantonales
(ATF 107 Ia 173 consid. 2b, 106 Ia 146 consid. b et arrêts cités). L'art
86 al. 3 OJ permet toutefois à celui qui veut agir par cette voie de droit
d'épuiser d'abord les moyens de droit cantonal. C'est ce qu'a fait la
recourante. Or, celui qui use de cette faculté perd celle de s'en prendre
à la décision de l'autorité cantonale de première instance, à moins que
l'autorité supérieure cantonale à laquelle il s'est adressé n'ait qu'un
pouvoir d'examen limité. Cette exception n'est pas réalisée ici. En effet,
saisie d'un recours contre une ordonnance du Juge d'instruction au sens
des art. 190 ss CPP gen., la Chambre d'accusation dispose d'un pouvoir
d'examen illimité en fait et en droit. Sa décision remplace donc celle
de l'autorité de première instance. Il en résulte que le recours de droit
public est irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre l'ordonnance
du Juge d'instruction rendue le 12 août 1981.

    c) (Le Tribunal fédéral doit se borner à examiner si l'art. 24 LStup
a été correctement appliqué. Pour cela, il dispose d'un libre pouvoir
d'examen. Il n'a pas à se prononcer en l'espèce sur une prétendue violation
de l'art 58 CP.)

Erwägung 2

    2.- L'art. 24 LStup prescrit que les avantages pécuniaires illicites
qui se trouvent en Suisse seront également acquis à l'Etat lorsque
l'infraction aura été commise à l'étranger. A défaut de for selon
l'art. 348 CP, le canton dans lequel se trouvent les biens est compétent
pour la confiscation. Selon la recourante, cette disposition n'aurait pas
été introduite pour déroger aux règles générales de compétence posées aux
art. 3 à 6 CP, mais simplement pour définir le for en matière de saisie
d'avantages pécuniaires illicites résultant du trafic des stupéfiants et
combler ainsi une lacune de l'art. 348 CP, lequel ne définirait le for
que vis-à-vis des personnes à juger mais non des objets à confisquer.

    La loi fédérale sur les stupéfiants du 3 octobre 1951 a été modifiée
une première fois par une novelle du 10 décembre 1968, entrée en vigueur le
1er janvier 1970. Cette novelle avait pour but d'adapter le droit interne
à la Convention unique sur les stupéfiants conclue à New York le 30 mars
1961, qui remplaçait toutes les conventions internationales, à une seule
exception, conclues par la Suisse depuis 1912 (Message du Conseil fédéral,
FF 1968 I p. 784 ss). Bien que la Suisse l'ait signée le 20 avril 1961
déjà, la Convention unique n'a pu être ratifiée que le 23 janvier 1970,
soit après l'entrée en vigueur de la novelle qui a créé les conditions
juridiques permettant cette ratification.

    Une deuxième modification a été le fait de la novelle du 20 mars 1975,
entrée en vigueur le 1er août 1975. Contrairement à ce qui paraît être
l'opinion de l'autorité intimée et de la recourante, cette modification
n'a évidemment pas eu pour but d'adapter la législation nationale au droit
international public, mais de tenir compte de l'évolution rapide de la
société et des applications scientifiques en la matière (FF 1973 I p. 1303
ss). L'un des points importants de cette révision a été de modifier les
dispositions répressives de la loi en allégeant les peines infligées aux
consommateurs et en aggravant celles prévues pour les trafiquants. C'est
dans ce contexte que l'art. 24 LStup, dans sa teneur actuelle, a
été introduit. Les travaux préparatoires démontrent clairement que le
législateur a voulu instituer des règles spéciales de confiscation pour le
produit de ce type particulier d'infractions. Il s'agit fondamentalement
de permettre la saisie des bénéfices du trafic illicite de stupéfiants
à l'étranger, qui seraient placés en Suisse. L'art. 24 al. 2 du projet
(l'actuel art. 24 première phrase) vise à empêcher que l'auteur qui aura
agi à l'étranger ne reste, le cas échéant, en possession d'avantages
pécuniaires illicites, les accords internationaux sur l'extradition de
telles valeurs étant naturellement réservés (FF 1973 p. 1307 lettre
d et p. 1323 ad art. 24). La confiscation de ces avantages illicites
doit intervenir sans que l'on prenne en considération les circonstances
de l'infraction, en particulier le fait que celle-ci a été commise
à l'étranger et qu'elle n'est pas punissable en Suisse (Bst./CE 1973
p. 710). La modification de l'art. 24 du projet, décidée au cours des
débats parlementaires, illustre cette intention du législateur. Dans le
projet du Conseil fédéral, l'art. 24 comportait deux alinéas. L'alinéa
premier prescrivait la dévolution à l'Etat de tout avantage pécuniaire
illicite découlant d'une infraction au sens des art. 19 à 22; l'alinéa 2
avait, on l'a vu, une teneur identique à la première phrase de l'art. 24
actuel. Or, l'alinéa premier a été biffé parce qu'il ne donnait pas à
l'autorité des moyens supérieurs à ceux qui lui étaient désormais offerts
par les art. 58, nouvelle teneur, et 58bis CP qui devaient entrer en
vigueur le 1er janvier 1975. En revanche, l'alinéa 2 a été maintenu comme
tel, évidemment parce qu'il allait au delà de ces deux dispositions du
droit commun. En outre, on y a ajouté une phrase relative au for, pour
les cas où l'art. 348 CP ne donnerait pas de solution. Cette adjonction
confirme que l'art. 24, 1re phrase, LStup s'applique à tous les avantages
pécuniaires illicites qui se trouvent en Suisse et qui découlent d'une
infraction commise à l'étranger, alors même qu'aucun des critères de
rattachement des art. 3 à 6 CP n'est réalisé. S'il n'en allait pas ainsi,
l'adjonction de la deuxième phrase de l'art. 24 eût été inutile, puisque
l'art. 348 CP résout la question du for lorsqu'une infraction commise à
l'étranger est punissable en Suisse (BSt./CE 1974 p. 599, CN 1974 p. 1460).

    Il résulte de ce qui précède que l'art. 24 LStup donne la compétence
aux autorités genevoises de saisir, en vue de leur dévolution ultérieure à
l'Etat, des avantages pécuniaires illicites qui se trouveraient à Genève
et proviendraient d'un trafic de stupéfiants commis à l'étranger, alors
même que l'auteur ne pourrait être puni en Suisse en vertu des art. 3 à
6 CP. La thèse contraire soutenue par la recourante pour faire échec à
l'ordonnance rendue contre elle par le Juge d'instruction et confirmée
par la Chambre d'accusation est dénuée de tout fondement.