Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 109 II 95



109 II 95

23. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 11 février 1983 dans la
cause époux L. contre Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit
administratif) Regeste

    Wahl des Vornamens (Art. 301 Abs. 4 ZGB, Art. 69 Abs. 2 ZStV).

    Es ist nicht zulässig, einem Mädchen den Vornamen "Amel" zu geben, denn
dieser Vorname lässt das Geschlecht des Kindes nicht eindeutig erkennen.

Sachverhalt

    A.- Choujaâ L., de nationalité tunisienne, et Anne Marie H., qui
a conservé sa nationalité suisse, se sont mariés en 1972. Domiciliés à
Lausanne, ils ont trois enfants, Chafik, né le 20 novembre 1973, Samia,
née le 26 août 1975, et une fillette, née le 16 février 1982, à laquelle
ils ont donné pour seul prénom "Amel".

    Le 19 février 1982, l'officier de l'état civil de Lausanne a refusé
d'inscrire l'enfant sous ce seul prénom, affirmant que le sexe de l'enfant
n'en ressort pas clairement (art. 69 al. 2 in fine OEC).

    Les époux L. ont vainement recouru contre cette décision au Département
vaudois de la justice, de la police et des affaires militaires, puis au
Conseil d'Etat du canton de Vaud. Cette dernière autorité a rejeté leur
recours le 1er septembre 1982.

    B.- Les époux L. ont formé un recours de droit administratif au
Tribunal fédéral. Ils concluaient à l'annulation de la décision du Conseil
d'Etat, l'officier de l'état civil de Lausanne étant invité à inscrire dans
le registre concerné la naissance de leur fille sous l'unique prénom Amel.

    Le recours a été rejeté.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 7

    7.- On ne saurait sérieusement contester la constitutionnalité
de l'art. 69 al. 2 OEC. La liberté des parents dont les recourants se
prévalent en invoquant les art. 29 et 301 al. 4 CC est, comme tous les
droits, limitée par l'interdiction de l'abus au sens de l'art. 2 al. 2
CC. Il ressort clairement de l'art. 301 al. 4 CC que les parents ne peuvent
user de leur liberté que pour le bien de l'enfant, et que le respect de
la personnalité de ce dernier doit prévaloir sur les particularités de la
personnalité de ses parents (ATF 107 II 29). L'interdiction de prénoms
choquants ou absurdes entre évidemment dans ce cadre. Il est également
dans l'intérêt de l'enfant de n'être pas désigné de façon ambiguë, ce
qui risque non seulement de l'exposer aux moqueries de ses camarades,
mais encore de lui créer des difficultés pour assumer sa masculinité
ou sa féminité. Au surplus, le nom étant fait pour désigner la personne
et manifester son identité, dont il est le signe, ce signe ne doit pas
être trompeur: l'état civil devant précisément ménager l'insertion de
la personnalité dans la communauté, l'intérêt des tiers sur ce point ne
saurait être sous-estimé; avec l'intérêt de l'enfant lui-même, il impose
les restrictions mises à la liberté de choix des parents par l'art. 69
al. 2 OEC (cf. ATF 82 I 34, 71 I 367/368).

    L'art. 69 al. 2 OEC se limite au minimum et laisse aux parents
un large champ de liberté. Son caractère impératif ne peut dès lors
être mis en doute. Il est entièrement en harmonie avec les art. 29
et 301 ss CC. L'introduction de l'art. 4 al. 2 Cst. ne saurait rien
changer à cela. Au droit et au devoir de l'homme de porter un prénom
masculin correspondent le droit et le devoir de la femme de porter un
prénom féminin. L'égalité en droit des deux sexes ne signifie pas leur
suppression. Au reste, l'art. 4 al. 2 Cst. déclare expressément que c'est
la loi qui pourvoit à l'égalité de traitement, en particulier dans le
domaine de la famille: si, par hypothèse, le sens réel de l'art. 301 al. 4
CC était en contradiction avec l'art. 4 al. 2 Cst., il appartiendrait au
seul législateur d'y porter remède, le Tribunal fédéral étant incompétent
pour examiner la constitutionnalité des lois fédérales (art. 113 al. 3
Cst.).

Erwägung 9

    9.- Dans la mesure où l'autorité cantonale a relevé la rareté du
prénom Amel, elle a adopté à un critère dénué de pertinence. L'art. 69
al. 2 OEC n'empêche pas les parents de choisir pour leur enfant un nom
rare, voire nouveau (ATF 71 I 367, 69 I 62).

Erwägung 10

    10.- Le motif essentiel de la décision attaquée est que le nom Amel
est loin d'être connu comme féminin par la majorité de la population
suisse. Les recourants n'opposent rien de sérieux à cette constatation. Il
est bien exact que de nombreux noms d'origine sémitique terminés en -el,
introduits dans la conscience populaire par la connaissance de la Bible
et qui y sont demeurés depuis lors, sont masculins, comme Abel, Daniel
(qui, d'après une statistique dressée par la Rentenanstalt sur la base
de 100'000 noms qui lui ont été indiqués depuis 25 ans, serait le prénom
le plus fréquemment donné à un garçon en Suisse), Michel (au 31e rang)
ou Michael (au 44e rang), Samuel (au 116e rang), Raphaël (au 117e rang),
Gabriel (au 166e rang), Manuel (au 191e rang), dérivé d'Emmanuel (au 259e
rang), aussi écrit Emanuel (au 284e rang). D'origine latine, Marcel se
trouve déjà au 15e rang.

    Il est exact que la même source biblique fait connaître le féminin
Rachel (au 268e rang), aussi écrit Rahel (au 234e rang). Yael ne figure
qu'une fois sur 100'000 cas dans la statistique de la Rentenanstalt. Quant
aux noms féminins en -el d'une autre origine indiqués par les recourants,
il s'agit de Muriel (au 183e rang), aussi écrit Murielle (au 193e rang),
Christel (au 437e rang) et Ethel, qui ne figure pas du tout dans la
statistique de la Rentenanstalt. Ces données ne font que confirmer que les
noms féminins en -el sont beaucoup moins répandus que les noms masculins
terminés par la même syllabe. On ne saurait dès lors s'étonner que le
prénom Amel, absent de la conscience populaire de ce pays, évoque plutôt un
garçon qu'une fille, peut-être aussi en raison de son analogie avec Abel.

Erwägung 11

    11.- Les recourants opposent à tort à la conscience populaire suisse
des explications tirées de la philologie et de la conscience populaire
dans les pays arabes: il s'agit de se référer aux moeurs et aux coutumes
de l'endroit où le nom doit être inscrit. (ATF 69 I 63; 82 I 34; Revue
de l'état civil 1976, p. 226.)

Erwägung 12

    12.- C'est vainement que les recourants font état de leurs conceptions
particulières et de leur volonté de ne donner qu'un seul prénom à leur
fille. Les opinions particulières des parents sont sans pertinence dans
leurs rapports avec l'état civil et au regard de l'intérêt de l'enfant tel
qu'il découle des art. 301 ss CC (ATF 107 II 28/29 consid. 2). Notamment,
la prétendue volonté de ne pas porter atteinte à l'unité familiale
est incompréhensible. On ne voit pas, d'une manière générale, comment
l'unité familiale se manifesterait par le nombre des prénoms et, dans
le cas particulier, comment un double prénom donné à l'un des enfants
l'exclurait d'une communauté où la mère elle-même a deux prénoms, qu'elle
ne veut pas laisser confondre avec un prénom composé.

Erwägung 13

    13.- Les considérations que les recourants font sur la nationalité
de leur fille sont dénuées de pertinence, dès l'instant que cette enfant
a la nationalité suisse et qu'il s'agit de régler son inscription à
l'état civil suisse. Ils citent mal à propos la thèse de BRUNO WERLEN
(Das schweizerische Vornamensrecht, Bâle 1981) à l'endroit où cet auteur
examine la situation des étrangers en Suisse (p. 36/37). Au surplus,
les exemples pris de prénoms turcs ont particulièrement peu de poids, dès
l'instant que la langue turque ignore des formes grammaticales différentes
pour distinguer le masculin du féminin (cf. ALFRED MÖRER, Grammaire de
la langue turque, Istanbul 1975, p. 18). C'est vainement aussi que les
recourants se réfèrent à diverses législations étrangères indéterminées et
qu'ils expriment leur sentiment au sujet de l'application à des Suisses,
domiciliés dans les pays en cause, des dispositions éventuelles de ces
législations: le Tribunal fédéral ne saurait examiner l'application d'une
loi étrangère.