Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 109 II 34



109 II 34

10. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 15 février 1983 dans la
cause Rey-Bellet S.A. contre Berrut (recours en réforme) Regeste

    Geometervertrag; Art. 363 ff. OR. Begriff des Werks.  Verjährung.

    1. Gegenstand des Werkvertrags kann ein körperliches oder ein
unkörperliches Werk sein (Präzisierung der Rechtsprechung) (E. 3b).

    Die Vereinbarung, mit der sich ein Geometer verpflichtet, ein
Grundstück zu vermessen und die Messwerte in einen Situationsplan
einzutragen, untersteht den Regeln des Werkvertrags (E. 3c).

    2. Die spezielle Verjährung von fünf Jahren gemäss Art. 371 Abs. 2 OR
ist auf die Haftung des Geometers nicht anwendbar, da der Vertrag nicht
die Ausführung des unbeweglichen Bauwerks selber zum Gegenstand hat (E. 4).

Sachverhalt

    A.- L'architecte Berrut a demandé, en 1970, à Georges Rey-Bellet,
géomètre officiel à Monthey, d'établir le nivellement des profils en
travers sur une parcelle destinée à la construction, précisant qu'il
voulait "quelque chose en vitesse". Il lui remit pour cela un plan de
situation, sur lequel le géomètre reporta le nivellement effectué par
ses soins.

    Une erreur s'est toutefois glissée dans le report sur plan. Il en est
résulté, dans les profils établis sur la base de ces mensurations, des
pentes moins fortes qu'en réalité; aux points extrêmes, l'insuffisance de
hauteur par rapport à la réalité était de 4,60 m pour le profil A, 4,40
m pour le profil B, et 0,50 m pour le profil C. Personne ne s'est alors
rendu compte de cette erreur, laquelle n'est apparue à l'architecte et
aux promoteurs qu'en octobre 1975. Elle exigea une modification des plans
de construction, des fouilles en pleine masse plus importantes que si le
profil établi avait été conforme à la réalité, ainsi que la construction
de deux murs de soutènement.

    B.- Les droits de la société immobilière Courteraya S.A., propriétaire
de la parcelle en cause, ont été cédés à Berrut. De son côté, la société
Georges Rey-Bellet S.A. a repris les droits et obligations de Georges
Rey-Bellet. Par demande du 6 juillet 1978, Berrut a conclu à ce que
Georges Rey-Bellet S.A. soit condamnée à lui payer, principalement
197'640 fr. 40 avec intérêt à 5% dès le 1er mai 1976 sur 116'574 fr. 95
et dès le jugement sur le solde, subsidiairement 116'879 fr. 75 avec
intérêt à 5% dès le 1er mai 1976, avec la constatation pour le surplus
de la responsabilité de la défenderesse pour 81'065 fr. 45 au minimum.

    Par jugement du 28 janvier 1982, le Tribunal cantonal du canton du
Valais a admis la demande à concurrence de 31'308 francs avec intérêt à 5%
dès le 1er mars 1977 et 40'990 francs, avec intérêt à 5% dès le jugement.

    C.- Georges Rey-Bellet S.A. interjette un recours en réforme
contre ce jugement, concluant principalement au rejet de la demande et
demandant subsidiairement la fixation d'"une nouvelle répartition des
responsabilités" avec renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour la
détermination du dommage futur.

    Le demandeur propose le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Extrait des motifs:

Erwägung 1

    1.- L'autorité cantonale considère que les parties ont été liées
par un contrat de mandat, se référant à cet égard, par analogie, à la
jurisprudence du Tribunal fédéral à propos du contrat d'architecte. La
recourante conteste ce point de vue. Elle fait valoir que le contrat passé
avec le demandeur est un contrat d'entreprise, soumis aux exigences de la
vérification et de l'avis des défauts de la chose (art. 367 CO) et que
dès lors la prescription de l'action fondée sur lesdits défauts est en
l'occurrence, conformément aux art. 371 al. 1 et 210 CO, d'un an dès la
réception de l'ouvrage. Elle soutient en outre avoir valablement invoqué
ces moyens, notamment la prescription, devant l'autorité cantonale,
laquelle n'aurait pas été amenée à les examiner en raison de la
qualification juridique erronée donnée au contrat.

Erwägung 3

    3.- a) Dans le contrat d'entreprise, l'entrepreneur s'oblige à exécuter
un ouvrage dont le maître s'engage à payer le prix (art. 363 CO). En
revanche, dans le mandat, le mandataire s'oblige à gérer l'affaire dont il
est chargé ou à rendre les services qu'il a promis, contre une rémunération
lorsque la convention ou l'usage en assure une (art. 394 al. 1 et 3 CO);
en outre, les règles du mandat s'appliquent aux travaux qui ne sont pas
soumis aux dispositions légales régissant d'autres contrats (art. 394
al. 2 CO). Ainsi, le propre du contrat d'entreprise est que l'entrepreneur
promet un ouvrage - soit le résultat d'une activité -, alors que, selon les
caractéristiques du mandat, le mandataire s'engage seulement à gérer une
affaire ou rendre des services en vue d'un résultat qui n'est pas garanti.

    b) Dans sa jurisprudence antérieure (cf. ATF 63 II 179), le Tribunal
fédéral considérait que le contrat d'architecte relevait du contrat
d'entreprise quand il avait pour objet la fourniture d'esquisses,
de projets de construction, de plans d'exécution ou de détails,
tandis que pour le reste il relevait du mandat. Dans l'arrêt Sauter
(ATF 98 II 305 ss), le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence en
soumettant sans réserve le contrat d'architecte aux règles du mandat. Il
s'est appuyé pour cela notamment sur l'opinion de GAUTSCHI (n. 5 ad
art. 363-379 CO et n. 63a ad art. 394), d'après laquelle le contrat
d'entreprise ne peut avoir pour objet qu'un ouvrage matériel. Cette
jurisprudence a ensuite été confirmée (cf. SJ 1978 p. 385, 392). Des
opinions très divergentes ont été exprimées à propos de ce revirement
jurisprudentiel, concernant soit sa motivation, soit sa solution (pro:
GAUTSCHI, dans RSJ 1974 p. 21 ss, HOFSTETTER, SPR VII/2 p. 21; contra:
JÄGGI, dans RSJ 1973 p. 301 ss, GAUCH, Der Unternehmer im Werkvertrag,
2e éd. n. 17 ss et dans Droit de la construction, 1981, p. 13 ad no 7,
STEFFEN, Bemerkungen zur Qualifikation des Architektenvertrags, Droit
de la construction 1982, p. 48 ss, SCHLUEP, SPR VII/2 p. 903 ss; pour
la solution mais en partie avec d'autres motifs: MERZ, RJB 1974 p. 66
ss, PEDRAZZINI, SPR VII/1 p. 506; sceptique: Extr. arrêts du Tribunal
cantonal fribourgeois 1977 p. 28, TERCIER, Droit de la construction
1979 p. 9; indécis: DESSEMONTET, Quelques remarques à propos du contrat
d'architecte, dans "le Centenaire du code des obligations" p. 485 ss,
spéc. 499 ss; critique concernant l'ouvrage immatériel: OFJ dans JAAC 1980
no 17). Depuis lors, toutefois, dans son arrêt non publié du 22 décembre
1981 en la cause Adressen und Propagandazentrale Schaffhausen A.G. c. DVD
Daten-Verarbeitungs-Dienst A.G. (spécialement consid. 2), le Tribunal
fédéral a considéré que l'opinion selon laquelle le contrat d'entreprise
ne peut avoir pour objet que le résultat d'un travail portant sur une
chose matérielle était erronée. L'ouvrage, au sens des art. 363 ss CO,
peut au contraire revêtir une forme aussi bien matérielle qu'immatérielle
(cf. à cet égard Rapport complémentaire du Conseil fédéral au Message du
3.3.1905 concernant la revision du Code des obligations, du 1.6.1909, in
FF 1909 vol. 3 p. 774; cf. également OSER/SCHÖNENBERGER, n. 19 ad art. 363
CO; BECKER, n. 4 et 5 ad art. 363 CO; PEDRAZZINI, op.cit., p. 510). En
conséquence, il a considéré comme un contrat d'entreprise un accord
relatif à l'établissement périodique de décomptes de salaires au moyen
d'un ordinateur. Aux arguments pertinents de cet arrêt, on peut encore en
ajouter d'autres qui se rapportent à la ratio legis de la réglementation
du mandat et du contrat d'entreprise: dès lors qu'il est révocable en
tout temps, en principe sans indemnité (art. 404 CO), le mandat se prête
aux relations contractuelles présupposant une grande confiance réciproque
entre parties pendant toute leur durée, au point qu'une partie ne puisse
imposer à l'autre une continuation non désirée du contrat; au contraire,
le contrat d'entreprise, qui ne peut pas être résilié en tout temps par
l'entrepreneur mais peut l'être par le maître, en général contre indemnité
(art. 377 CO), prend en considération l'intérêt légitime que peuvent avoir
les contractants au respect de leurs engagements quant à l'exécution à
terme d'un ouvrage. Si l'on devait exclure du contrat d'entreprise les
ouvrages immatériels, en les soumettant au droit du mandat, les parties
ne pourraient obtenir la protection de cet intérêt. Aussi est-ce à juste
titre que la jurisprudence a soumis au droit du contrat d'entreprise des
contrats tels que ceux qui avaient pour objet la fourniture de l'éclairage
électrique ou du chauffage (ATF 48 II 370 ss, 83 II 529), la fourniture
d'un spectacle par un organisateur (ATF 70 II 215, 80 II 26, ce dernier
pour une représentation cinématographique), d'une production artistique
par un artiste (TF dans SJ 1953 p. 257) ou un orchestre (TF dans SJ 1961
p. 161); en effet, les parties à de telles conventions ont un intérêt
digne de protection à pouvoir en obtenir l'exécution.

    Ainsi donc, on ne saurait suivre la jurisprudence de l'arrêt Sauter,
qui doit être précisée dans ce sens, lorsqu'elle fait sortir l'ouvrage
immatériel du champ d'application du contrat d'entreprise. En revanche,
il n'est pas nécessaire en l'occurrence de décider si cette jurisprudence,
en tant qu'elle se rapporte à la qualification du contrat d'architecte,
doit être maintenue.

    c) Par le contrat litigieux, le géomètre s'est obligé à effectuer
sur le terrain des mesures de hauteur et de distance, relatives à la
configuration du sol, puis à reporter les chiffres ainsi obtenus sur un
plan de situation qui lui a été remis, et qu'il devait restituer, enrichi
de ces indications, à son cocontractant. Sa prestation caractéristique
consistait donc à faire bénéficier ce dernier du résultat demandé, soit
d'un ouvrage. Dans ces conditions, la question de savoir si, comme l'admet
l'autorité cantonale, le travail du géomètre consistant à représenter sur
plan la topographie d'un lieu est le fruit d'une activité intellectuelle,
ou si au contraire, comme le soutient la recourante, le travail confié in
casu au bureau de géomètres ne comportait aucune activité intellectuelle
ou créatrice, n'a, compte tenu des considérations qui précèdent, pas
d'incidence décisive sur la qualification à donner au contrat litigieux. En
outre, il n'existe pas, entre des partenaires tels que les parties
au présent contrat, de rapports de confiance particulièrement étroits,
comme le présuppose le contrat de mandat; il n'est dès lors pas nécessaire
d'examiner si, dans le cas contraire, cette circonstance devrait être prise
en considération pour déterminer la nature juridique du contrat. Il suffit,
en l'occurrence, de constater que les éléments caractéristiques du contrat
d'entreprise, dont en particulier l'ouvrage promis, sont réunis et que
par conséquent la convention conclue entre les parties est soumise à la
réglementation des art. 363 ss CO (cf. dans le même sens l'avis donné par
l'OFJ à propos d'un contrat de mensurations parcellaires, in JAAC 1980 no
17). Il s'ensuit que le géomètre répond des défauts de son ouvrage dans
le cadre des art. 367 ss CO et que l'action en responsabilité dirigée
contre lui est soumise au délai de prescription de l'art. 371 CO.

Erwägung 4

    4.- La recourante prétend avoir valablement invoqué la prescription en
instance cantonale; de même, à ce qu'elle dit, elle pourrait se prévaloir
à son profit des règles sur la vérification et l'avis des défauts de
l'ouvrage.

    a) Tenant le géomètre pour un mandataire, dont la responsabilité serait
soumise à la prescription ordinaire de dix ans, la cour cantonale n'a pas
encore examiné les moyens en question, qui dépendent en partie du droit
de procédure cantonale. Elle n'a pas non plus consigné dans son jugement
les constatations de fait qui devraient permettre au Tribunal fédéral
d'appliquer le droit fédéral. Un renvoi de la cause à la juridiction
cantonale est par conséquent inévitable (art. 64 OJ).

    b) De toute manière, la prescription prévue par l'art. 371 al. 2
CO ne saurait s'appliquer à l'action en dommages-intérêts dirigée en
l'espèce contre le géomètre. Aux termes de cette disposition, l'action du
maître en raison des défauts d'une construction immobilière se prescrit
contre l'entrepreneur, de même que contre l'architecte ou l'ingénieur
qui a collaboré à l'exécution de l'ouvrage, par cinq ans à compter de la
réception. Le Tribunal fédéral a jugé que, s'agissant de l'action contre
l'entrepreneur, cette disposition ne s'appliquait qu'aux contrats dont
l'objet même est une construction immobilière, mais qu'elle ne s'étendait
toutefois pas à ceux qui se rapportent à une construction immobilière
sans avoir cette dernière même pour objet (ATF 93 II 245/246). En cela,
cette réglementation se distingue de celle de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC,
qui accorde le droit à l'inscription d'une hypothèque légale à tous les
artisans et entrepreneurs, fussent-ils sous-traitants, ayant fourni pour
le bâtiment des matériaux et du travail ou du travail seulement. Ces
considérations-là de l'arrêt précité n'appellent pas un nouvel examen
(cf. MERZ, RJB 1969 p. 37/38; SPIRO, Die Begrenzung privater Rechte durch
Verjährung, Verwirkung und Fatalfristen, § 299 n. 19, p. 712; GAUCH,
op.cit., nos 820 ss, p. 196 ss), même si cet arrêt a été contesté sur
un autre point, soit en tant qu'il ne tient pas le ravalement d'une
façade pour une construction immobilière (GAUCH, op.cit. nos 828 ss,
RSJ 1976 p. 161; PEDRAZZINI, SPR VII/1, p. 529, n. 87). Or, en l'espèce,
il est patent que l'objet du contrat est l'établissement de mensurations
du terrain actuel, c'est-à-dire un travail qui, en tant que tel, n'est
pas une construction immobilière, fût-ce même en partie.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet partiellement le recours de Georges Rey-Bellet S.A., annule le
jugement attaqué et renvoie la cause au Tribunal cantonal du Valais pour
nouveau jugement dans le sens des considérants.