Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 109 II 280



109 II 280

60. Arrêt de la IIe Cour civile du 15 septembre 1983 dans la cause
C. contre dame C. (recours en réforme) Regeste

    Art. 7h NAG; Scheidung italienischer Ehegatten.

    1. Überprüfungsbefugnis des Bundesgerichts hinsichtlich des
ausländischen Rechtes, auf welches Art. 7h NAG Bezug nimmt (Wiederholung
der Rechtsprechung; E. 1).

    2. Ist die Praxis einer kantonalen Rechtsmittelinstanz, erst bei ihr
eingereichte Nachweise des ausländischen Rechts aus dem Recht zu weisen,
mit dem Bundesrecht vereinbar? (Frage offen gelassen; E. 2)

    3. Grundsätze und Tendenzen der italienischen Rechtsprechung
in bezug auf die Anerkennung von Scheidungsurteilen, die wegen
unheilbarer Zerrüttung des ehelichen Verhältnisses ausgesprochen wurden
(E. 3c). Pflicht des Richters, der die Scheidung aus einem solchen Grunde
ausspricht, in seinem Urteil die schwerwiegenden Umstände genau auszuführen
(E. 3d).

Sachverhalt

    A.- Les époux C. se sont mariés le 5 août 1967 en Italie. Ils sont
tous deux de nationalité italienne. Un enfant est issu de cette union,
S., né le 31 août 1972.

    Les époux ont fait connaissance en Italie en 1966; après leur mariage,
ils se sont établis à Lausanne et y sont toujours restés. Assez tôt, les
époux ont connu des difficultés dues notamment à l'attitude du mari. Le 17
juillet 1974, dame C. a ouvert action en séparation de corps. C. ayant
fait de nombreuses promesses à sa femme, la procédure en est restée
au stade de la réponse et n'a pas été poursuivie. Les époux ont repris
la vie commune après sept mois de séparation. La situation s'est un peu
améliorée pendant un certain temps. Toutefois, en janvier 1976 et au début
de 1980, dame C. a demandé l'intervention du Juge de paix. Actuellement,
le lien conjugal est irrémédiablement rompu.

    Dame C. a ouvert action en divorce par requête adressée le 25
septembre 1980 au Juge de paix du cercle de Lausanne, suivie d'un acte
de non-conciliation du 10 novembre 1980. Elle a conclu au divorce, et
subsidiairement à la séparation de corps pour une durée indéterminée;
C. a conclu au divorce.

    Par jugement du 27 novembre 1981, le Tribunal civil du district de
Lausanne a rejeté les deux actions en divorce, admis les conclusions
subsidiaires de la demanderesse et prononcé la séparation de corps des
époux pour une durée indéterminée, ratifié la convention des 28 octobre/1er
novembre 1980 et l'avenant des 29/30 juin 1981 sur les effets accessoires
de la séparation passés entre les parties, fixé les frais de justice et
rejeté toutes autres ou plus amples conclusions.

    B.- C. a recouru en réforme au Tribunal cantonal du canton de Vaud,
en concluant à l'admission de son action, au prononcé du divorce et à la
ratification de la convention sur les effets accessoires. Dame C. a conclu
par voie de jonction au rejet de la conclusion de son mari tendant à ce que
l'action de ce dernier soit admise, et à la réforme du jugement attaqué
en ce sens que les autres conclusions du recours principal sont admises,
sa propre action en divorce étant accueillie et le divorce prononcé aux
torts du mari.

    Le 13 décembre 1982, la Chambre des recours du Tribunal cantonal
du canton de Vaud a rejeté le recours principal et le recours joint,
prononcé que chaque partie garde ses frais et compensé les dépens.

    C.- C. recourt en réforme contre l'arrêt précité. Il conclut, avec
suite de frais et dépens, à l'admission de son recours et à la réforme
de l'arrêt attaqué, en ce sens que le divorce des parties est prononcé,
l'action en séparation de corps rejetée et la convention sur intérêts
civils passée entre les parties les 28 octobre/1er novembre 1980 et
l'avenant des 29/30 juin 1981 ratifiés.

    Dame C. a formé un recours joint. Elle conclut, avec suite de frais et
dépens, au rejet du recours de son mari, à l'admission du recours joint,
à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que sa propre action est admise,
le divorce prononcé, et, pour le surplus, à la confirmation du jugement
rendu par le Tribunal du district de Lausanne, le 29 novembre 1981.

    C. a renoncé à déposer une réponse au recours joint.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le recourant principal s'étend longuement dans son acte de recours
sur le problème du pouvoir d'examen du Tribunal fédéral à l'égard du droit
étranger, dans le cadre d'un recours en réforme pour violation de l'art.
7h LRDC. Cette question a toutefois été tranchée dans un arrêt récent,
publié aux ATF 108 II 167 ss. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a
rappelé les variations de la jurisprudence antérieure et les différentes
opinions soutenues par la doctrine dans ce domaine. Il a finalement
jugé qu'il doit étendre son pouvoir d'examen au droit du pays d'origine
de l'époux demandeur, tant en ce qui concerne la reconnaissance de la
juridiction suisse par l'Etat en cause, qu'en ce qui concerne l'admission
par celui-ci de la cause de divorce invoquée (art. 7h al. 1 LRDC), dès
lors que l'applicabilité du droit suisse est conditionnée par l'issue
d'un tel examen (art. 7h al. 3 LRDC).

Erwägung 2

    2.- La cour cantonale a refusé de tenir compte des pièces produites en
seconde instance par le recourant principal, afin d'établir le contenu
du droit italien, au motif qu'en procédure civile vaudoise, le contenu
du droit étranger est considéré comme un élément de fait qui doit être
établi en première instance. La question de savoir si cette pratique est
compatible avec le droit fédéral peut demeurer indécise, dès lors que
les extraits de jurisprudence et de doctrine produits avec le recours en
réforme au Tribunal fédéral seront de toute façon pris en considération
par ce dernier, dans la mesure où ces pièces constituent un exposé de
droit et ne tendent nullement à établir des faits nouveaux (ATF 108 II
175 consid. 5).

Erwägung 3

    3.- a) Il n'est pas contesté que la compétence des tribunaux suisses
pour prononcer le divorce d'époux italiens est reconnue par l'Italie,
lorsque le défendeur a son domicile en Suisse (ATF 99 II 1), comme c'est
le cas en l'espèce. Est seule litigieuse la question de savoir si la cause
de divorce invoquée est admise par la loi et la jurisprudence italiennes.

    b) Se référant à l'arrêt précité (ATF 108 II 167), la cour cantonale
admet que, pour accorder l'exequatur à un jugement de divorce prononcé
à l'étranger (delibazione), les autorités italiennes n'exigent pas que
la cause de divorce appliquée par le droit étranger soit formellement
identique aux causes prévues par la loi italienne; il suffit que le divorce
ait été prononcé pour des raisons substantiellement analogues à celles qui
découlent de la loi italienne. Elle estime toutefois qu'un divorce prononcé
en Suisse sur la base de l'art. 142 CC ne sera reconnu en Italie que si,
en plus de satisfaire aux conditions de cette disposition, les époux ont
vécu séparément un certain temps avant d'ouvrir l'action, même s'il n'est
pas absolument nécessaire que cette séparation se soit poursuivie pendant
cinq ans, comme le prévoit l'art. 3 ch. 2 lettre b de la loi italienne sur
le divorce du 1er décembre 1970 (affaire Sorregotti/Tranquard-Dumas, du
13 janvier 1977, Rivista di diritto internazionale privato e processuale
(RDIPP) 1977 p. 609, cité par GRIGNOLI, Loi italienne sur le divorce,
in JdT 1981 I p. 209). En l'espèce, aucune séparation de quelque durée
n'ayant été établie antérieurement à l'ouverture de l'action, la cour
cantonale conclut que le jugement de première instance, qui rejette
l'action en divorce des deux époux, est bien fondé et doit être confirmé.

    c) Le recourant principal et la recourante par voie de jonction
critiquent avec raison l'arrêt déféré en tant qu'il considère qu'un
jugement de divorce prononcé en Suisse, en vertu de l'art. 142 CC,
ne sera pas reconnu en Italie s'il n'y a pas eu une séparation d'une
durée suffisante antérieurement à l'ouverture de l'action. Certes, dans
la plupart des arrêts de la Cour de cassation italienne, qui ont accordé
l'exequatur à des jugements étrangers de divorce fondés sur une dégradation
irréversible de l'union conjugale, la désunion irrémédiable était établie
en particulier par une séparation des époux, antérieure à l'introduction
de l'action, d'une durée notable, même si elle était inférieure à cinq
ans. Il ne s'ensuit pas cependant que la Cour de cassation italienne ait
fait d'une telle séparation des époux une condition de l'exequatur.

    Dans une affaire Rener/Edenka (RDIPP 1979 p. 542), la Cour de
cassation italienne a considéré qu'il suffisait que la séparation soit
"soltante spirituale o di fatto", à condition qu'elle ait duré suffisamment
longtemps et que les faits l'ayant provoquée présentent assez de gravité
pour justifier aussi une séparation d'après le droit italien. Dans deux
arrêts antérieurs (affaires Ciardone/Fuglistaler, du 14 mai 1975, in RDIPP
1976, p. 242, et de Capitani/Favre, du 9 janvier 1976, in RDI 1978 p. 105),
elle a jugé qu'un divorce prononcé en Suisse sur la base de l'art. 142 CC
devait être reconnu en Italie, sans que soit soulevée la question de savoir
si l'action en divorce avait été précédée d'une séparation (JAAC 1982,
no 24, p. 171). Contrairement à l'opinion de la cour cantonale, l'arrêt
de Capitani n'est pas dénué de toute pertinence du fait que l'épouse
avait conservé sa nationalité suisse: la Cour de cassation italienne a
examiné le problème de la compatibilité du jugement suisse avec l'ordre
public italien, sans tenir compte de la nationalité suisse de la femme,
les deux époux étant tous deux italiens du point de vue du droit italien.

    Il ressort en outre de l'étude faite par deux auteurs italiens
(A.F. PANZERA, Delibazione di sentenze straniere di divorzio nei confronti
di citadini e cause di scioglimento del matrimonio, in RDIPP 1973, p. 405,
et A.P. MAGLIAZZA, Il divorzio in Italia e i suoi riflessi nei rapporti
italo-austriaci, in RDIPP 1978, p. 276 à 278) que l'élément essentiel
pour la reconnaissance d'un jugement de divorce d'époux italiens prononcé
par un tribunal étranger consiste en la constatation, dans ce jugement,
de l'impossibilité du maintien ou de la reconstitution de la communauté
spirituelle et matérielle entre les époux. Une séparation des conjoints,
d'une certaine durée, antérieure à l'introduction de l'action en divorce,
ne constitue pas en soi une condition absolue de l'exequatur; cette
séparation n'est qu'une preuve, soit un indice important, de leur profonde
désunion. Une autre cause de divorce sur laquelle se fonde un jugement
de divorce étranger peut donc également être retenue par les autorités
italiennes comme un indice tout aussi important de l'impossibilité du
maintien ou de la reconstitution de cette communauté spirituelle et
matérielle.

    Cela étant, la cour cantonale, en écartant, pour des raisons de
procédure cantonale, les extraits de jurisprudence et les articles produits
par le recourant principal, a méconnu la tendance et les principes qui se
dégagent de la jurisprudence de la Cour de cassation italienne relative
à l'exequatur des jugements de divorce d'époux italiens rendus par des
tribunaux étrangers. Une telle constatation ne signifie toutefois pas qu'il
y a lieu en l'espèce, au vu des motifs contenus dans l'arrêt cantonal,
d'admettre que le divorce des parties sera reconnu en Italie.

    d) Comme on l'a vu, il ressort de la jurisprudence de la Cour de
cassation italienne que les autorités saisies d'une demande d'exequatur
d'un jugement de divorce d'époux italiens prononcé à l'étranger
vont examiner s'il existe des preuves admissibles qui permettent de
considérer que "la communauté spirituelle et matérielle des époux a
pris fin et, autant qu'on puisse humainement le présumer, ne peut plus
être restaurée dans l'avenir" (cf. affaire Rener-Edenka, RDIPP 1979,
p. 547). Les autorités d'exequatur ne peuvent dès lors pas se contenter
de se demander, in abstracto, si la cause de divorce du droit étranger
trouve une correspondance substantielle dans l'ordre juridique italien;
elles doivent encore rechercher, dans le jugement de divorce, si les
considérations qui ont poussé le juge étranger à admettre en l'espèce
l'irrémédiabilité de la destruction du lien conjugal sont fondées sur
des "circonstances graves et précises" (affaire Casciani/Foster Smith,
du 6 mars 1979, in RDIPP 1980, p. 222). Ce n'est donc, selon toute
vraisemblance, que si elles sont en mesure de procéder à un tel examen
qu'elles admettront que le jugement étranger ne heurte pas l'ordre public
italien et qu'elles lui accorderont ainsi l'exequatur.

    Une telle jurisprudence laisse supposer, il est vrai, qu'un jugement de
divorce rendu sur la base de l'art. 142 CC devrait être reconnu en Italie,
pour autant que cette dernière disposition ait été correctement appliquée.
Toutefois, en l'espèce, force est de constater que l'arrêt cantonal -
outre le fait qu'il ne permettrait même pas au Tribunal fédéral de
déterminer si le divorce doit être prononcé par admission de la seule
demande de la femme ou également de celle du mari - ne répond nullement
aux exigences qui viennent d'être mentionnées. Il retient certes qu'assez
tôt après le mariage, les époux ont connu des difficultés dues notamment à
l'attitude du mari et que le lien conjugal est irrémédiablement rompu, mais
il n'apporte aucun élément concret et précis à l'appui de cette dernière
assertion. Un jugement de divorce fondé uniquement sur les constatations
qui y sont contenues mettrait dès lors les autorités italiennes dans
l'impossibilité de se convaincre que ce jugement est compatible avec leur
ordre public. L'arrêt déféré doit donc être annulé et la cause renvoyée
à la cour cantonale, afin qu'elle rende un nouveau jugement dans le sens
des considérants qui précèdent; celui-ci contiendra, si cela est possible,
des faits concrets et précis qui démontrent par leur gravité que le lien
conjugal est irrémédiablement rompu et, le cas échéant, il prononcera le
divorce des parties.