Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 109 II 20



109 II 20

6. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 1er mars 1983 dans la
cause Kobzos contre Borgeaud (recours en réforme) Regeste

    Art. 156 OR.

    Diese Bestimmung setzt nicht voraus, dass die Partei, die wider Treu
und Glauben den Eintritt einer aufschiebenden Bedingung verhindert oder
die Erfüllung einer auflösenden Bedingung herbeiführt, in dieser Absicht
handelt.

Sachverhalt

    A.- Sylvain Borgeaud a exploité un "Institut de beauté Juvena" dans des
locaux situés à Lausanne, loués à la propriétaire La Genevoise Assurances,
moyennant un loyer mensuel qui s'élevait depuis le 1er novembre 1974 à
1'141 francs plus 133 francs de charges.

    Par contrat du 7 mars 1980, Borgeaud a vendu son fonds de commerce à
Gabor Kobzos pour un prix de 22'500 francs payé le jour même. L'art. 10
du contrat prévoit:

    "La présente convention est subordonnée à l'obtention de la cession de
   bail actuel ou à l'établissement d'un nouveau bail en faveur de M. Gabor

    Kobzos par la Société gérante La Genevoise. M. Borgeaud effectuera
toutes
   démarches utiles pour favoriser cette question administrative.

    Au cas où la Genevoise n'accepterait pas la candidature de M. Kobzos,
la
   présente convention sera purement annulée, sans indemnité de part et
   d'autre. M. Sylvain Borgeaud reprendrait la propriété de l'Institut, M.

    Kobzos couvrirait les charges durant l'exploitation transitoire et
le dépôt
   versé à la signature sera remboursé.

    D'ores et déjà, la Genevoise a confirmé son accord à l'établissement
d'un
   bail en faveur de M. Gabor Kobzos."

    Le 20 février 1980, le bureau fiduciaire s'occupant des affaires de
Borgeaud avait adressé à Kobzos un bulletin d'inscription pour demande de
location de la Genevoise; à la question "Quel montant seriez-vous prêt à
consacrer à votre loyer annuel", Kobzos avait répondu: "Selon contrat de
bail à établir sur la base du contrat existant." Le 5 mars 1980, ledit
bureau fiduciaire avait informé Kobzos qu'il avait reçu de la Genevoise
une réponse positive au sujet de sa candidature en qualité de locataire.

    Le 17 mars 1980, la Genevoise a fait parvenir à Kobzos un projet de
bail, prévoyant un loyer mensuel net de 1'384 francs, plus 225 francs
de charges. Kobzos s'est rendu dans les locaux de la Genevoise le 20
mars 1980. A cette occasion, il a injurié le personnel de la compagnie
d'assurance et a traité les gens présents de voleurs, en faisant valoir
comme grief contre ladite compagnie qu'elle lui avait soumis un bail
indexé. De surcroît, il a déclaré refuser les conditions proposées,
arguant du fait que les autres locataires n'avaient pas encore subi
d'augmentation. L'attitude de Kobzos fut telle que la Genevoise ne fut
plus disposée à l'accepter comme locataire.

    Le 17 avril 1980, Kobzos a déclaré résilier le contrat de vente. Puis
il a ouvert action contre Borgeaud en paiement de 21'650 francs avec
intérêt à 5% l'an dès le 23 avril 1980, dont à déduire 12'000 francs
versés par Borgeaud le 3 novembre 1980.

    Le Tribunal du district de Lausanne a rejeté la demande. Sur recours,
la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a condamné Borgeaud
à payer à Kobzos 303 francs avec intérêt à 5% dès le 7 novembre 1980.

    Kobzos recourt en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours,
concluant à l'admission de sa demande.

    Le défendeur et intimé conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Extrait des motifs:

Erwägung 2

    2.- a) Tout d'abord, le recourant admet, avec la jurisprudence
et l'arrêt attaqué, qu'en application analogique de l'art. 156 CO,
la condition est réputée non avenue lorsque son avènement est provoqué
contrairement aux règles de la bonne foi. Mais il soutient, d'une part que
la règle ne s'appliquerait que lorsque l'auteur a volontairement provoqué
le résultat consistant, dans l'hypothèse ici concernée, en l'avènement
de la condition résolutoire, d'autre part qu'en l'occurrence, vu les
circonstances, il n'aurait pas agi d'une manière contraire aux règles de
la bonne foi.

    b) L'opinion a été parfois exprimée en doctrine que la règle
de l'art. 156 CO ne déploierait ses effets que si l'intéressé a agi
intentionnellement dans le but d'empêcher l'avènement de la condition
suspensive ou de provoquer l'avènement de la condition résolutoire (BECKER,
n. 4 ad art. 156; OSER-SCHÖNENBERGER, n. 5 ad art. 156; R. SECRÉTAN,
L'article 156 du Code des obligations et la condition potestative,
dans Festgabe für A. Simonius, Bâle 1955, p. 359; contra, expressément:
A.R. SECKIN, La réalisation de la condition suspensive et ses effets
juridiques, thèse Genève 1939, p. 49; d'autres auteurs - sans évoquer
expressément le problème - ne mentionnent pas l'intention comme élément
constitutif de la règle: VON TUHR/ESCHER § 86 II; GUHL/MERZ/KUMMER, p. 49,
54; ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, p. 574). Cet avis
ne peut être suivi. En effet, le texte légal ne comporte pas une telle
exigence. S'il prévoit que la partie doit avoir "empêché l'avènement (de
la condition) au mépris des règles de la bonne foi", le participe passé
"empêché" ("verhindert") se rapporte à la causalité, non à l'intention;
quant au comportement "au mépris des règles de la bonne foi", il ne suppose
pas davantage une intention. Le recourant invoque, à l'appui de sa thèse,
la note marginale du texte français "empêchement frauduleux". A lui seul,
cet élément n'est pas décisif, car le terme non technique de "fraude"
est utilisé aussi bien pour désigner une tromperie intentionnelle (voir
P. ROBERT, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française,
vo "fraude", p. 160) que, parfois, pour désigner des infractions pouvant
aussi être commises par négligence (cf. par ex. art. 74, en particulier
ch. 6, 8, 13 LD en relation avec l'art. 75 al. 3 LD). Les textes allemand
("Verhinderung wider Treu und Glauben") et italien ("Impedimento contro
la buona fede") de la note marginale, plus proches du texte de la loi,
en reflètent plus fidèlement le contenu.

    La fiction de l'art. 156 CO repose sur le principe du respect des
règles de la bonne foi, consacré à l'art. 2 CC. Or cette dernière
disposition exige d'une manière générale des sujets de droit un
comportement conforme à la bonne foi, sans limiter cette exigence
à des actes intentionnels. Il ne serait pas satisfaisant qu'il en
soit autrement à l'art. 156 CO. La thèse du recourant aboutirait sans
nécessité à limiter la portée du principe "nemo audiatur suam propriam
turpitudinem allegans". Au vu du comportement objectif d'une partie qui
empêche l'avènement d'une condition suspensive ou provoque celui d'une
condition résolutoire, rien ne justifie que la protection de l'autre
partie dépende du phénomène psychique interne qu'est l'intention; la
preuve d'une intention d'empêcher (ou de provoquer) l'avènement de la
condition donnerait du reste lieu à des difficultés inutiles.

    On relèvera à cet égard qu'en droit allemand également, la
jurisprudence a abandonné l'exigence d'une intention dolosive (RGZ 122
p. 247; cf. ad art. 162 BGB BGB-RGRK, 12e éd., n. 3; STAUDINGER, 12e éd.,
n. 8; SOERGEL, 11e éd., n. 6), et qu'on ne la trouve pas davantage dans
le droit civil d'autres pays (cf. art. 1178 Cciv. fr., 1359 Cciv. it.).

    c) On peut se dispenser, en l'espèce, de rechercher si les démarches
que nécessitait la reprise de bail ou la conclusion d'un nouveau bail
incombaient en premier lieu au vendeur ou à l'acheteur, aux termes du
contrat passé entre eux. En effet, de toute manière, l'acheteur avait
l'obligation de s'abstenir d'entreprendre des démarches pouvant empêcher le
transfert des locaux aux conditions envisagées, soit, en d'autres termes,
entraver l'exécution régulière du contrat.

    Or il ressort des constatations de fait de l'arrêt attaqué que les
parties ont pris en considération - sans en faire dépendre la validité du
transfert - l'éventualité où la bailleresse exigerait du nouveau locataire
un loyer majoré par rapport à celui demandé au précédent locataire, pour
autant que cette majoration demeure dans une limite raisonnable. En effet,
le bureau fiduciaire s'occupant des affaires de l'intimé a déclaré au
recourant, avant la conclusion du bail, qu'il demanderait à la bailleresse
quel serait le montant du loyer pour le nouveau locataire. C'est après
cela que le recourant a signé la demande de location adressée à la
bailleresse puis le contrat de vente, sans faire de réserve quant au
montant du loyer. L'autorité cantonale constate en fait que, lors de la
vente, "il savait donc qu'il y avait un risque d'augmentation du loyer"
et qu'il ne s'est pas renseigné sur le montant qui serait demandé avant
de conclure. L'autorité cantonale en a déduit, à juste titre, que le
recourant ne pouvait pas se soustraire à l'exécution de la vente si le
nouveau loyer comportait une majoration raisonnable, ce qui, relève-t-elle,
était le cas en l'espèce.

    Dans ces conditions, on doit considérer, avec l'autorité cantonale,
que le recourant a gravement failli à ses devoirs en invectivant et
en insultant comme il l'a fait les employés de la bailleresse, à cause
d'une clause d'indexation proposée par cette dernière. Il résulte des
constatations de fait déterminantes de l'autorité cantonale quant à la
causalité naturelle que c'est ce comportement répréhensible du recourant
qui a empêché la conclusion d'un bail avec la propriétaire.

    Au demeurant, point n'est besoin de déterminer avec exactitude ce qu'il
fallait considérer comme loyer raisonnable, selon ce que les parties au
contrat de vente pouvaient de bonne foi envisager. En effet, le recourant
ne prétend ni n'établit que, pour le cas où le nouveau loyer demandé eût
été excessif par rapport à ces prévisions, la société propriétaire aurait
refusé d'abaisser ses prétentions et, partant, que la condition résolutoire
serait de toute façon avenue sans que le comportement incorrect auquel il a
été fait allusion ci-dessus joue un rôle prépondérant dans la non-reprise
des locaux. Or c'était au recourant qu'il aurait appartenu de l'établir,
ce qu'il n'a pas fait (art. 8 CC).

    L'autorité cantonale a dès lors admis avec raison que la condition
résolutoire était réputée non avenue, du moment que son accomplissement a
été provoqué contrairement aux règles de la bonne foi par le comportement
fautif de l'acheteur, peu important à cet égard que la faute de ce dernier
fût ou non intentionnelle.