Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 109 IB 47



109 Ib 47

7. Extrait de l'arrêt de la 1re Cour de droit public du 26 janvier 1983
dans la cause X. contre Office fédéral de la police (recours de droit
administratif) Regeste

    Vertrag mit den Vereinigten Staaten von Amerika über Rechtshilfe in
Strafsachen. Börsengeschäfte aufgrund von Insider-Informationen.

    Art. 1 Ziff. 1 lit. a des Vertrages: die Untersuchungen
der amerikanischen "Securities and Exchange Commission" (SEC)
sind den Ermittlungsoder Gerichtsverfahren im Sinne dieser
Vorschrift gleichzustellen (E. 3a). Börsengeschäfte aufgrund von
Insider-Informationen sind nach amerikanischem Recht strafbar (E. 3b).

    Art. 4 Ziff. 2 lit. a des Vertrages: Voraussetzungen für die
Anwendung von Zwangsmassnahmen (E. 4). Nach schweizerischem Recht
weisen Insidergeschäfte grundsätzlich weder die objektiven Merkmale der
ungetreuen Geschäftsführung (E. 5a) noch jene des Betruges auf (E. 5b);
unter den Tatbestand der Verletzung des Geschäftsgeheimnisses im Sinne von
Art. 162 StGB fallen sie nur, wenn bestimmte Voraussetzungen erfüllt sind
(E. 5c). Abweisung eines Rechtshilfebegehrens, das keine Angaben darüber
enthält, ob diese Voraussetzungen gegeben sind (E. 6).

Sachverhalt

    A.- Le 22 mars 1982, le Département de la justice des Etats-Unis
d'Amérique a adressé à l'Office fédéral de la police une demande d'entraide
judiciaire fondée sur le Traité entre la Confédération suisse et les
Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale, du 25
mai 1973 (RS 0.351.933.6; ci-après: le traité).

    Les faits justifiant la demande sont, en bref, les suivants. Durant
la période du 13 juin au 2 octobre 1981, des entretiens confidentiels
relatifs à la reprise de Santa Fe International Corporation (Santa
Fe) par Kuwait Petroleum Corporation (KPC) se sont déroulés entre les
représentants de ces deux sociétés. Au cours des semaines qui précèdèrent
l'annonce au public, le 5 octobre 1981, de l'accord de fusion, le volume
des transactions sur les actions et options d'achat sur actions de Santa
Fe a considérablement augmenté. C'est ainsi qu'entre le 21 septembre et le
1er octobre 1981, des acheteurs inconnus ont acquis, par l'intermédiaire
de banques suisses, 3000 contrats d'option (permettant l'achat de 300'000
actions) et 35'000 actions de Santa Fe. Ces titres qui, grâce à la hausse
des cours en bourse survenue après l'annonce de la reprise de Santa Fe
par KPC, avaient subi une augmentation de valeur de plus de 5 millions
de dollars, furent revendus pour la plupart. L'opération permit donc aux
intéressés de réaliser d'importants bénéfices.

    D'après la Securities and Exchange Commission américaine (SEC),
qui avait eu accès aux registres des courtiers en bourse, les acheteurs
inconnus auraient utilisé des informations privilégiées pour mener à bien
leurs transactions, enfreignant ainsi certaines prescriptions de la loi
américaine sur le commerce des papiers-valeurs.

    Le Département de la justice des Etats-Unis requérait l'audition de
témoins et la production par les banques suisses concernées de divers
documents relatifs aux transactions litigieuses, aux fins notamment
de découvrir l'identité des personnes qui avaient donné les ordres aux
banques ou tiré bénéfice de ces ordres.

    Le 2 avril 1982, statuant en qualité d'office central au sens de
l'art. 28 du traité et de l'art. 1er ch. 3 de la loi fédérale du 3
octobre 1975 relative au traité conclu avec les Etats-Unis d'Amérique
sur l'entraide judiciaire en matière pénale (RS 351.93; ci-après: LEEU),
l'Office fédéral de la police a décidé d'entrer en matière sur la demande
d'entraide et a transmis celle-ci pour exécution aux autorités cantonales
compétentes, conformément à l'art. 10 LEEU.

    L'Office fédéral a considéré que les aspects civil et administratif
de la procédure devant la SEC ne devaient pas l'empêcher de prendre en
considération la demande d'entraide. En outre, les mesures de contrainte
sollicitées par les autorités américaines (levée du secret bancaire,
assignation de témoins selon le droit cantonal) se justifiaient au regard
de l'art. 4 ch. 2 lettre a du traité, dont les conditions d'application
paraissaient remplies: les faits invoqués tombaient sous les sanctions
des art. 148 CP (escroquerie) et 162 CP (violation du secret commercial),
infractions toutes deux contenues au ch. 19 de la liste annexée au traité,
la première expressément sous lettre a et la seconde implicitement sous
lettre c ("malversation ou abus de confiance commis par n'importe quelle
personne"). De toute façon, même si la révélation du secret d'affaires
n'était pas couverte par le ch. 19 lettre c de la liste, l'infraction
reprochée en l'espèce revêtait la gravité requise par l'art. 4 ch.
3 du traité et permettait donc l'application de mesures coercitives.

    Le recourant a fait opposition aux mesures ordonnées par l'Office
fédéral de la police. Dans son mémoire d'opposition, il a affirmé qu'il
avait donné ses ordres bancaires, objet de l'entraide, sans avoir eu
qualité d'organe, d'agent ou de mandataire de KPC ou de Santa Fe, et sans
avoir été lié par une obligation contractuelle de conserver le secret sur
des informations reçues; le recourant a nié en tout état de cause avoir
agi sur la base d'informations reçues et relevant de ce secret.

    Par décision du 30 juin 1982, l'Office fédéral de la police a
rejeté l'opposition et confirmé qu'il y avait lieu d'admettre la requête
d'entraide judiciaire présentée par les autorités américaines.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'opposant
débouté a demandé au Tribunal fédéral d'annuler la décision précitée
de l'Office fédéral de la police. Il a soutenu que les conditions
de l'art. 1er ch. 1 du traité n'étaient pas remplies, pas plus que
ne l'étaient celles posées par l'art. 4 ch. 2 et 3 du traité pour
l'application de mesures coercitives.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé la décision attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Aux termes de l'art. 1er ch. 1 lettre a du traité, la Suisse est
tenue d'accorder l'entraide "lors d'enquêtes ou de procédures judiciaires
relatives à des infractions dont la répression tombe sous la juridiction de
l'Etat requérant ou d'un des ses Etats membres". Dans son mémoire adressé
au Tribunal fédéral, le recourant s'attache longuement à démontrer que les
investigations de la SEC ne peuvent avoir rang d'enquêtes ou de procédures
judiciaires au sens de cette disposition.

    a) Il ressort du par. 78u de l'United States Code (section 21 du
Securities Exchange Act; ci-après: SEA) que la SEC dispose d'amples
pouvoirs d'investigation, tout à fait similaires à ceux d'une autorité
ordinaire de police. Si ses recherches font apparaître des faits pouvant
tomber sous le coup des dispositions réprimant les infractions aux règles
sur le commerce des papiers-valeurs, la SEC est en outre habilitée
à transmettre le dossier à l'Attorney General, qui jouit du pouvoir
discrétionnaire de provoquer l'ouverture d'une procédure pénale (lettre
d in fine).

    Il faut remarquer qu'en l'espèce les faits invoqués dans la demande
d'entraide résultent des investigations opérées par la SEC avant qu'une
action n'ait été introduite devant la Southern District Court of New
York. En outre, c'est également avant que les renseignements récoltés
n'aient été transmis à l'Attorney General, en vue du déclenchement
d'une procédure pénale, que le Département américain de la justice a été
saisi aux fins d'obtenir d'abord, par la voie de l'entraide judiciaire
internationale, l'identité des auteurs d'ordres bancaires soupçonnés
d'infractions. Les objections du recourant fondées sur cette situation
se heurtent à une jurisprudence récente.

    En effet, dans son arrêt non publié J.S. c. Office fédéral de la police
du 12 mai 1982, le Tribunal fédéral a posé - sans émettre de réserves -
qu'une enquête préparatoire (Ermittlungsverfahren) de la SEC tombe sous
le coup de l'art. 1er ch. 1 lettre a du traité. Certes, il s'agissait
d'un cas où, semble-t-il, la SEC avait déjà porté l'affaire, sur la
base du par. 78u lettre d in fine précité, devant l'Attorney General,
qui avait usé de son pouvoir discrétionnaire de déclencher la procédure
pénale ouverte sur les faits révélés par les investigations de la SEC. Il
n'en demeure pas moins que le Tribunal fédéral a fondé son opinion pour
une grande part sur l'avis que le Président des Etats-Unis avait lui-même
exprimé dans son message au Sénat à propos de l'art. 1er al. 1 lettre a
et aux termes duquel:

    "An investigation by the United States Securities and Exchange

    Commission is an investigation for which assistance could be furnished
(if
   the other requirements of the Treaty are met) as long as the
   investigation relates to conduct which might be dealt with by the
   criminal courts" (Message from the President of the United States
   transmitting (to the

    Senate) the Treaty, p. 36).

    Il en résulte en l'espèce que même si les investigations de
la SEC n'ont pas encore abouti à ce que celle-ci fasse usage de la
possibilité prévue au par. 78u lettre d in fine de l'United States
Code, elles constituent une "enquête relative à des infractions dont
la répression tombe sous la juridiction de l'Etat requérant ou d'un de
ses Etats membres", au sens de l'art. 1er ch. 1 lettre a du traité. Que
ces investigations aient été qualifiées ou non, par elle, d'enquête
préparatoire pénale n'y change rien, du moment que toute investigation
de la SEC peut déclencher, par le truchement de l'Attorney General,
l'ouverture d'une enquête pénale, soit une procédure judiciaire au sens
de la disposition précitée (voir MARKEES, Aktuelle Fragen aus dem Gebiete
der internationalen Rechtshilfe, RPS 1973 p. 253/254).

    b) Le recourant fait également valoir qu'en l'occurrence les faits
objet de la demande d'entraide ne peuvent avoir un caractère pénal,
ni donner lieu par conséquent à répression pénale aux Etats-Unis, ce
qu'exige pourtant l'art. 1er ch. 1 lettre a du traité.

    Il faut relever à cet égard que le Titre I par. 10 SEA (par. 78j
de l'United States Code) pose une règle générale d'illicéité ayant la
teneur suivante:

    "It shall be unlawful for any person, directly or indirectly, by the
   use of any means or instrumentality of interstate commerce or of the
   mails, or of any facility of any national securities exchange... (b)
   To use or employ, in connection with the purchase or sale of any
   security registered on a national securities exchange or any security
   not so registered, any manipulative or deceptive device or contrivance
   in contravention of such rules and regulations as the Commission may
   prescribe as necessary or appropriate in the public interest or for
   the protection of investors."

    Chargée de l'exécution du SEA, la SEC a notamment édicté la règle
10 b-5 (17 Code of Federal Regulations 240), applicable au commerce des
papiers-valeurs en bourse ou hors bourse (voir FORSTMOSER, Effektenhandel
durch Insider, Société anonyme suisse 1973, p. 140/141). Cette règle est
ainsi libellée:

    "It shall be unlawful for any person, directly or indirectly, by the
   use of any means or instrumentality of interstate commerce, or of the
   mails, or of any facility of any national securities exchange,

    a) to employ any device, scheme, or artifice to defraud,

    b) to make any untrue statement of a material fact or to omit to
   state a material fact necessary in order to make the statements made,
   in the light of the circumstances under which they were made, not
   misleading, or

    c) to engage in any act, practice, or course of business which
   operates or would operate as a fraud or deceit upon any person, in
   connection with the purchase or sale of any security."

    Quant au caractère pénal des dispositions précitées établissant les
conditions d'illicéité des opérations d'initiés ("insider"), il résulte
du Titre I par. 32 SEA (par. 78 ff. de l'United States Code) qui punit
d'emprisonnement jusqu'à cinq ans et d'amende jusqu'à 10'000 dollars la
violation des dispositions du chapitre:

    "(a) Any person who willfully violates any provision of this chapter,
   or any rule or regulation thereunder the violation of which is made
   unlawfull or the observance of which is required under the terms of
   this chapter... shall upon conviction be fined not more than $ 10'000,
   or imprisoned not more than five years, or both..."

    Au vu de ce qui précède, c'est à tort que le recourant soutient
que les faits objet de la demande d'entraide ne peuvent, en tant
qu'ils correspondent selon le Département américain de la justice à
des opérations d'initiés (consistant dans des ordres bancaires d'achat
d'actions et d'options d'achat), revêtir un caractère pénal et donc la
qualité d'infraction dont la répression tombe sous la juridiction de
l'Etat requérant, au sens de l'art. 1er ch. 1 lettre a du traité.

Erwägung 4

    4.- Aux termes de l'art. 4 ch. 2 lettre a du traité, l'Etat requis
doit, s'il s'agit comme en l'espèce d'une demande d'entraide impliquant
des mesures de contrainte, s'assurer que les faits indiqués dans cette
demande réunissent les conditions objectives d'une infraction qui soit,
d'une part, punissable selon le droit en vigueur sur son territoire et,
d'autre part, mentionnée dans la liste annexée au traité. Selon le ch. 3
du même article, lorsqu'il s'agit d'une infraction qui ne figure pas
dans cette liste, l'office central de l'Etat requis décide si sa gravité
justifie néanmoins l'application de mesures coercitives.

    a) Pour décider de l'octroi ou du refus des mesures de contrainte
sollicitées (ici: la levée du secret bancaire et l'obligation de
témoigner), l'Etat requis applique exclusivement son propre droit, en
l'occurence la loi suisse (art. 4 ch. 4 du traité).

    b) Le principe de la double incrimination que consacre l'art. 4 ch. 2
lettre a du traité n'exige pas que l'Etat requérant et l'Etat requis,
dans leur législation respective, envisagent l'infraction sous le même
angle juridique. Le traité n'impose pas, en effet, l'identité des normes
et il suffit que les faits décrits dans la demande d'entraide soient
punissables en vertu de chacun des deux droits (art. 4 ch. 4 du traité;
SCHULTZ, Das schweizerische Auslieferungsrecht, p. 311 ss, spéc. 324,
326; ATF 92 I 115).

    c) Le Tribunal fédéral examine librement si les faits indiqués dans la
demande d'entraide réunissent les conditions objectives d'une infraction
punissable selon le droit suisse (ATF 105 Ib 427 consid. 5b).

Erwägung 5

    5.- En Suisse, l'abus d'informations privilégiées (transactions
d'"insider", opérations d'initiés) est généralement réprouvé et considéré
comme un acte moralement condamnable (voir FORSTMOSER, op.cit., p.
135 et les références). De lege lata, il n'est toutefois sanctionné par
aucune disposition spéciale. Il convient dès lors de se demander si un tel
comportement pourrait éventuellement remplir les conditions objectives
d'autres agissements réprimés comme infractions par le droit pénal
fédéral. On peut songer en particulier à la gestion déloyale (art. 159
CP), à l'escroquerie (art. 148 CP) et à la violation du secret commercial
(art. 162 CP).

    a) L'art. 159 CP punit de l'emprisonnement celui qui, tenu par
une obligation légale ou contractuelle de veiller sur les intérêts
pécuniaires d'autrui, y aura porté atteinte. Selon la jurisprudence,
l'auteur doit avoir eu la position d'un gérant, c'est-à-dire disposer d'une
indépendance suffisante et jouir d'un pouvoir de disposition autonome sur
les biens qui lui sont remis (ATF 105 Ib 427 consid. 5b aa, 102 IV 92 et
arrêts cités). Dans le cas des transactions d'"insider", les conditions
objectives de la gestion déloyale ne sont pas réunies. Certes, de telles
transactions peuvent être opérées par un organe de la société concernée,
soit par une personne ayant une position de gérant. En règle générale,
cependant, aucune atteinte n'est portée aux intérêts pécuniaires de la
société elle-même. Comme l'a relevé l'Office fédéral de la police dans
sa décision du 2 avril 1982, un dommage n'est d'ailleurs intervenu en
l'espèce ni auprès de la Santa Fe, ni auprès de la KPC.

    b) Commet une escroquerie au sens de l'art. 148 CP celui qui, dans
le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement
illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des
affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou aura
astucieusement exploité l'erreur où se trouvait une personne et aura de
la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts
pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

    La question de savoir si les transactions d'"insider" sont
punissables en Suisse en vertu de ces dispositions est controversée. En
ce qui concerne la présente affaire, les deux experts consultés par les
parties estiment, l'un, que la punissabilité pour escroquerie est exclue
(avis de droit du 15 juillet 1982), l'autre, que les conditions d'une
telle infraction sont réunies (avis de droit du 3 février 1982). Dans
sa décision du 2 avril 1982, l'Office fédéral de la police a considéré
qu'il y avait obligation, selon le droit en vigueur à l'endroit des
transactions (bourses américaines), soit de renoncer aux transactions,
soit d'informer les vendeurs avant l'opération; le silence des acheteurs
était donc contraire à leurs devoirs et le fait de profiter d'une erreur,
en gardant le silence contrairement à une obligation légale, constituerait
une escroquerie. Dans la décision attaquée du 30 juin 1982, l'Office intimé
maintient que les faits incriminés réunissent les éléments constitutifs
de l'escroquerie, en précisant toutefois que s'il n'est pas évident que
l'achat et la vente d'actions Santa Fe par le recourant remplissent les
conditions de l'art. 148 CP, il y aurait sans conteste escroquerie lors
de l'acquisition d'options d'achat.

    aa) Il importe tout d'abord de relever que dans le cadre du marché
boursier, les prix ne sont pas déterminés et offerts individuellement
par les acheteurs, mais dépendent des cours qui sont arrêtés en
bourse. En outre, il n'y a pas de contacts individuels entre acheteurs et
vendeurs. Dès lors, celui qui est disposé à vendre au cours de la bourse
vend de toute façon, indépendamment de la personne de l'acquéreur. Au
demeurant, les transactions sont passées en principe à l'aide de systèmes
informatiques.

    Il résulte de cette situation ainsi que de la définition légale
de l'escroquerie que dans le cas de l'"insider" seule l'exploitation
d'une erreur préexistante pourrait entrer en ligne de compte. Mais
cela présuppose un comportement actif par lequel l'intéressé renforce et
confirme l'erreur préexistante de la victime (voir REHBERG, Strafrecht III,
Delikte gegen den Einzelnen, 2e éd., p. 67/68; ATF 76 IV 161). Un tel
comportement fait défaut dans l'hypothèse envisagée, car l'"insider"
se fait généralement représenter à la bourse et n'agit pas en son nom
propre. Il n'y a ainsi pas de relation personnelle de l'"insider" avec sa
victime qui pourrait lui permettre une escroquerie. Dans ces conditions,
l'intention d'achat ou de vente ne saurait être assimilée à la confirmation
ou au renforcement d'une erreur préexistante.

    bb) Par ailleurs, le droit suisse - seul déterminant en la matière - ne
connaît pas d'obligation légale d'avertissement pour l'"insider". Celui-ci
n'a notamment pas la position d'un garant vis-à-vis de son cocontractant
à la bourse, car l'obligation de garant n'existe que pour la personne
tenue de protéger le bien juridique d'autrui (ATF 106 IV 278; GERMANN,
Das Verbrechen im neuen Strafrecht, Vb zu art. 9-34, p. 163/164, no
1 ad art. 148, p. 275/276; STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht,
besonderer Teil I, p. 223/224), ce qui n'est pas le cas de l'opérateur
en bourse dont la seule obligation comme vendeur consiste à livrer
les titres au prix du marché boursier et comme acheteur à en prendre
livraison et à en acquitter le prix. En l'absence de contacts personnels,
les opérateurs en bourse sont dans l'impossibilité de se protéger l'un
l'autre. Pour les mêmes motifs, il convient d'exclure l'existence d'un
devoir d'avertissement contractuel. Quant à la bonne foi, elle ne peut
être retenue comme fondement du devoir de détromper le cocontractant que
dans des circonstances spéciales, telles que rapports contractuels de
longue durée exigeant une confiance accrue (cf. STRATENWERTH, op.cit.,
p. 217; ATF 87 IV 12 consid. 2).

    cc) Il ne faut pas oublier non plus que la définition légale
de l'escroquerie exige que l'auteur fasse preuve d'astuce. Selon la
jurisprudence, le simple mensonge ne constitue pas une tromperie astucieuse
au sens de l'art. 148 CP; l'astuce exige toute une construction mensongère,
des manifestations particulièrement trompeuses ou des artifices (ATF
108 Ib 298, 106 IV 360 consid. 1). L'un des critères retenus consiste à
déterminer si la victime était capable de déceler le mensonge de l'auteur
(ATF 74 IV 151). Les caractéristiques du marché boursier relevées ci-dessus
empêchent l'application de ce critère, étant donné notamment l'absence
de contacts personnels de l'"insider" avec son cocontractant.

    dd) Enfin, dans le cas de transactions d'"insider", l'atteinte au
patrimoine et le lien de causalité font défaut, qu'il s'agisse d'actions
ou d'options d'achat, car la victime qui passe des ordres en bourse sans
avoir connaissance de l'ordre correspondant donné par le cocontractant,
aurait de toute façon conclu avec un tiers. Que la victime traite avec
un "insider" ou avec un tiers, elle se trouve en définitive dans la
même situation patrimoniale. Contrairement à ce que semble soutenir
l'auteur d'un des avis de droit, les actions ou options d'achat ne
renchérissent pas objectivement déjà au moment de la transaction. En
effet, l'"insider" acquiert ou vend ces titres au prix du marché boursier
et son comportement - qui ne consiste qu'à tirer profit d'informations
privilégiées - ne saurait être considéré comme la cause première et
directe des fluctuations boursières ultérieures, dont l'intéressé ne
peut d'ailleurs envisager l'évolution en toute certitude au moment de la
transaction (cf. STRATENWERTH, op.cit., p. 228).

    Pour toutes les raisons qui viennent d'être évoquées, il y a lieu
d'écarter la punissabilité des transactions d'"insider" comme escroquerie
au sens de l'art. 148 CP.

    c) Il reste donc à examiner si de telles opérations d'initiés peuvent
réaliser les conditions objectives de l'art. 162 CP, soit d'une violation
du secret commercial.

    Aux termes de cette disposition, est punissable d'emprisonnement
ou d'amende celui qui révèle un secret commercial qu'il était tenu de
garder en vertu d'une obligation légale ou contractuelle (al. 1), ainsi
que celui qui a mis à profit cette révélation (al. 2).

    Constitue un secret, au sens de l'art. 162 CP, toute connaissance
particulière qui n'est ni de notoriété publique ni facilement accessible
et que son détenteur a un intérêt légitime à garder secrète. Par secrets
commerciaux, on entend des informations qui peuvent avoir une incidence sur
le résultat commercial; il peut s'agir notamment de connaissances relatives
à l'organisation, la calculation des prix, la publicité et la production
(ATF 103 IV 284 consid. 2b et les références). La plupart des auteurs
traitant des opérations d'initiés qualifient les préparatifs de fusion
ou d'absorption de sociétés de faits relevant du secret des affaires;
ces préparatifs et pourparlers sont des éléments de la situation de
l'entreprise (FORSTMOSER, op.cit., p. 142; STRATENWERTH, op. cit.,
p. 133; DRUEY, Geheimsphäre des Unternehmens, p. 134; BINDSCHEDLER,
Der strafrechtliche Schutz wirtschaftlicher Geheimnisse, p. 19).

    D'après l'art. 162 CP, la personne qui, au courant d'informations
qu'elle est tenue de garder secrètes, les utilise à son profit sans
les révéler à un tiers, ne peut se rendre coupable de violation
d'un secret commercial, car il n'y a ni révélation, ni mise à profit
d'une révélation. Si en revanche la personne révèle à un tiers des
informations qu'elle était tenue de garder secrètes et qui constituent
un secret d'affaires, elle est punissable en vertu de l'art. 162 al. 1
CP et le tiers qui a mis à profit ces informations l'est également en
vertu de l'art. 162 al. 2 CP. Appliquées au cas de Santa Fe et KPC,
ces règles signifient que les transactions boursières litigieuses ne
tombent sous le coup de l'art. 162 CP que si elles ont été opérées
sur la base d'une révélation du projet de fusion. Ne seraient donc
pas punissables, en Suisse, les organes de l'une ou l'autre société,
ainsi que les confidents nécessaires (hommes de loi, banquiers, experts
comptables et fiscaux associés aux pourparlers ou chargés de mandats
spéciaux en vue de l'opération de fusion) ou toute autre personne tenue
au secret des pourparlers, qui auraient utilisé pour leur propre compte
les renseignements confidentiels qu'ils détenaient. Un tel comportement,
il est vrai, paraît mériter moins d'égards sur le plan moral que celui -
désintéressé peut-être - consistant à faire profiter d'autres personnes -
amis ou connaissances - des avantages liés à la possession d'informations
privilégiées. Il sied toutefois de relever à ce propos que le but de
l'art. 162 CP n'est pas de sanctionner un procédé malhonnête, mais avant
tout de protéger le détenteur d'un secret de fabrication ou d'un secret
commercial.

Erwägung 6

    6.- Il découle des considérations qui précèdent qu'en droit suisse, les
transactions d'"insider" ne réunissent en principe les éléments objectifs
ni de la gestion déloyale (consid. 5a), ni de l'escroquerie (consid.
5b) et ne sont punissables comme violation de secrets commerciaux qu'à
certaines conditions (consid. 5c).

    En l'espèce, la demande d'entraide n'indique pas si ces conditions sont
remplies. Elle ne précise notamment pas si les "insider" ont agi eux-mêmes,
éventuellement par l'intermédiaire de tiers auxquels ils n'auraient pas
révélé le projet de fusion (comportement non punissable en droit suisse),
ou s'ils ont fait part des informations privilégiées qu'ils détenaient à
des tiers qui, à leur tour, les auraient mises à profit (actes réprimés
en Suisse respectivement par les al. 1 et 2 de l'art. 162 CP). L'on ne
saurait admettre la demande en pareilles circonstances. Ce serait en effet
courir le risque de voir ordonner des mesures coercitives dans un cas où
les faits ne réunissent pas les conditions objectives d'une infraction
selon le droit en vigueur de l'Etat requis; partant, de violer l'art. 4
ch. 2 lettre a du traité.

    Le présent recours de droit administratif doit par conséquent
être admis, sans qu'il soit encore nécessaire d'examiner si les autres
exigences posées par le traité pour l'octroi de mesures de contrainte
sont en l'occurrence respectées, en particulier celle en vertu de laquelle
l'infraction punissable doit être couverte par la liste annexée au traité
(art. 4 ch. 2 lettre a). On peut se borner à relever à ce propos que dans
deux arrêts rendus ce même jour, dans les causes U.S.A. et Cl. c. Office
fédéral de la police, le Tribunal fédéral a jugé que la liste en question
n'a pas à être interprétée extensivement aux fins notamment d'y inclure,
sous ch. 19 lettre c ("Escroquerie, y compris:... c) malversation ou
abus de confiance commis par n'importe quelle personne"), la violation
de secrets commerciaux (art. 162 CP) commise dans le cadre du commerce
des papiers-valeurs (transactions d'"insider").