Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 109 IB 232



109 Ib 232

40. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 1er juillet 1983 dans la
cause dame B. contre B. (recours de droit public). Regeste

    Abkommen zwischen der Schweizerischen Eidgenossenschaft und dem
Deutschen Reich über die gegenseitige Anerkennung und Vollstreckung
von gerichtlichen Entscheidungen und Schiedssprüchen vom 2. November
1929. Artikel 4 Absatz 1.

    Der schweizerische Ordre public steht der Abweisung eines Gesuches
um Eheschutzmassnahmen nicht entgegen, wenn deutsche Staatsangehörige,
die in der Schweiz Wohnsitz haben, von einem deutschen Gericht geschieden
wurden, derweil vorher ein schweizerisches Gericht die Scheidungsklage
abgewiesen hatte.

Sachverhalt

    A.- a) B. et Irène E., tous deux de nationalité allemande, se sont
mariés en 1956 à Constance (République fédérale d'Allemagne). Après leur
mariage, ils se sont installés en Suisse, où ils vivent séparés depuis
1974. B. est actuellement domicilié à Clarens et Irène B. à Lausanne.

    b) B. a introduit action en divorce en 1964 devant le Tribunal civil
du district de Lausanne. Statuant en dernier ressort, par arrêt du 2 mars
1972, le Tribunal fédéral a rejeté l'action, sur la base de l'art. 142
al. 2 CC.

    c) En tant que ressortissant allemand, B. a ouvert une nouvelle action
en divorce en Allemagne, devant l'Amtsgericht Schöneberg Berlin. Par
jugement du 26 avril 1978, devenu définitif et exécutoire le 10 juillet
1979, ce tribunal a prononcé le divorce des époux B.

    Dame B. a déposé auprès du même tribunal une requête de "compensation
de rente". Par jugement du 26 février 1982, l'Amtsgericht Schöneberg Berlin
a rejeté cette demande et libéré B. de son obligation d'entretien. Cette
procédure n'est cependant pas terminée: dame B. a ouvert, par requête
du 28 mai 1982, devant le même tribunal, une nouvelle action tendant à
l'allocation d'une pension alimentaire conformément au droit allemand,
selon des dispositions analogues à l'art. 151 CC.

    d) Par requête de mesures protectrices de l'union conjugale, du 2
juillet 1982, dame B. a saisi le Président du Tribunal civil du district de
Lausanne, lui demandant que B. fût condamné à contribuer à son entretien
par le versement d'une pension indexée, de 2'000 francs par mois, payable
d'avance et dès le 1er mai 1982. Par requête de mesures d'extrême urgence,
elle a conclu à ce que B. fût astreint à lui payer immédiatement le
montant de 2'000 francs. Le Président du Tribunal civil du district de
Lausanne a fait droit à cette requête, par décision du 6 juillet 1982.

    Dans une lettre datée du 5 juillet 1982, le défendeur a conclu au
rejet des conclusions de la requérante.

    Le 7 juillet 1982, B. a demandé au Tribunal cantonal vaudois
l'exequatur du jugement de l'Amtsgericht Schöneberg Berlin, prononçant
le divorce des époux B. Par arrêt du 28 octobre 1982, la Chambre des
exequatur du Tribunal cantonal vaudois a déclaré la demande irrecevable,
par le motif que "le jugement de l'Amtsgericht Schöneberg déploie d'ores
et déjà ses effets entre les parties, sans procédure particulière".

    A l'audience du Président du Tribunal du district de Lausanne, du 9
novembre 1982, B. a confirmé ses conclusions tendant au rejet de la requête
de mesures protectrices de l'union conjugale de dame B. Par prononcé du
26 novembre 1982, le Président du Tribunal civil du district de Lausanne a
rejeté la requête du 5 juillet 1982, dit que la décision d'extrême urgence
du 6 juillet 1982 devenait caduque et déclaré son prononcé immédiatement
exécutoire. Il a considéré que le jugement de divorce prononcé par
le Tribunal berlinois était définitif et exécutoire en Allemagne, qu'il
n'importait pas que la demande d'exequatur présentée par B. eût été écartée
par le Tribunal cantonal et que les mesures sollicitées apparaissaient
ainsi dénuées de fondement au sens de l'art. 169 CC, l'existence du
mariage des époux B. ne pouvant plus être rendue vraisemblable.

    B.- Par arrêt du 1er janvier 1983, le Tribunal civil du district
de Lausanne a rejeté l'appel formé par dame B. contre le prononcé
présidentiel. Cette décision est motivée comme il suit:

    La Chambre des exequatur du Tribunal cantonal déclare que les jugements
de divorce, notamment, produisent leurs effets en Suisse sans procédure
particulière, si les règles du droit international privé suisse le
permettent (HABSCHEID, Droit judiciaire privé suisse, 2e éd., p. 335)
et que "le jugement allemand déploie donc d'ores et déjà ses effets
entre parties".

    Au surplus, il ressort de l'arrêt Baumberger c. Conseil d'Etat du
canton de Berne, rendu par le Tribunal fédéral le 6 juin 1963 (ATF 89 I
303 ss), que les autorités suisses doivent reconnaître le divorce obtenu
dans son autre pays d'origine, contre son mari domicilié en Suisse,
par une femme née étrangère qui a conservé sa nationalité lors de son
mariage avec un ressortissant suisse. En l'espèce, les parties sont l'une
et l'autre de nationalité allemande et leur divorce a été prononcé par
un tribunal allemand, devant lequel dame B. a régulièrement agi dans
la procédure ouverte par son mari. C'est, partant, à juste titre que le
premier juge a rejeté la requête de dame B., dès lors qu'il n'y a plus
d'union conjugale à protéger.

    C.- Dame B. a formé un recours de droit public. Elle concluait à
l'annulation de l'arrêt attaqué. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Selon l'art. 4 al. 1 de la Convention entre la Confédération
suisse et le Reich allemand relative à la reconnaissance et à l'exécution
de décisions judiciaires et de sentences arbitrales, du 2 novembre 1929
(RS 0.276.191.361), la reconnaissance d'une décision passée en force
de chose jugée sera refusée lorsque la décision aurait pour résultat la
réalisation d'un rapport de droit dont la validité ou la poursuite est
défendue sur le territoire de l'Etat où la décision est invoquée pour
des motifs tirés de l'ordre public et des bonnes moeurs. La recourante
fait valoir que l'ordre public suisse s'oppose à un double titre à la
reconnaissance en Suisse du caractère exécutoire du jugement allemand
prononçant le divorce des parties.

    a) Elle se prévaut tout d'abord de ce que la juridiction allemande, en
prononçant le divorce, s'est abstenue de régler, dans son jugement, "les
effets pécuniaires de la séparation (recte: de la dissolution du mariage
par le divorce), la laissant ainsi dans une situation critique". Une telle
procédure, dit-elle, usuelle pendant longtemps en Allemagne (cf. DUMUSC,
Le divorce par consentement mutuel dans les législations européennes,
thèse Lausanne 1980, p. 161), contrevient directement à la règle,
bien connue en Suisse, de l'unité du jugement de divorce, règle dont
le Tribunal fédéral impose d'office le respect au juge (ATF 80 II 5 ss;
cf. ATF 98 II 344 consid. 2 et les références).

    La notion d'incompatibilité avec l'ordre public suisse doit recevoir,
en matière d'exécution de jugements étrangers, une interprétation plus
étroite que lorsqu'il s'agit de l'application directe de la loi étrangère
par le juge suisse; l'ordre public suisse s'oppose à l'exécution d'un
jugement étranger lorsque ce jugement va, d'une manière intolérable,
à l'encontre du sentiment du droit, tel qu'il existe généralement en
Suisse, et viole les règles fondamentales de l'ordre juridique suisse
(ATF 107 Ia 199 consid. 3, 98 Ia 533 consid. 3 et les références).

    La teneur étroite de l'art. 4 al. 1 de la convention germano-suisse a
pour objet d'empêcher que la réserve d'ordre public ne prenne une extension
exagérée (Message du Conseil fédéral concernant la convention conclue avec
l'Allemagne pour la reconnaissance et l'exécution de décisions judiciaires
et de sentences arbitrales, du 9 décembre 1929, FF 1929 III p. 557 ss,
sp. 563; cf. ATF 103 Ia 201 consid. b et les références). Dans cette
optique, le principe de droit interne suisse de l'unité du jugement de
divorce n'est pas une règle relevant de l'ordre public suisse: on ne
saurait se fonder sur l'art. 4 al. 1 de la convention germano-suisse
pour refuser de reconnaître un jugement de divorce rendu par un tribunal
allemand et passé en force de chose jugée, par le motif qu'il n'y est
pas statué sur le droit de l'épouse à une rente en même temps qu'est
prononcée la dissolution du mariage.

    Dame B. ne conteste pas avoir été régulièrement citée devant le
tribunal allemand saisi de l'action en divorce intentée par son mari, avoir
défendu à cette action, avoir pu faire valoir tous les moyens utiles à la
sauvegarde de ses intérêts; elle ne nie pas non plus que le jugement de
divorce est entré en force de chose jugée et que, après la libération de
B. de son obligation d'entretien envers elle par jugement de l'Amtsgericht
Schöneberg Berlin, du 26 février 1982, elle a introduit une nouvelle
instance en Allemagne aux fins d'obtenir l'allocation d'une pension
alimentaire. La circonstance que l'intimé ne lui verse plus de pension, à
la suite du jugement de divorce passé en force et du prononcé le libérant
de toute obligation d'entretien, ne laisse pas, il est vrai, d'avoir
pour conséquence qu'elle se trouve dans une situation précaire. Mais
cela ne suffit pas pour faire échec au caractère exécutoire du prononcé
de divorce et à sa reconnaissance en Suisse, en conformité de l'art. 3
de la convention germano-suisse relative à l'exécution des jugements,
aucune des réserves prévues par cette disposition n'étant réalisée.

    b) La recourante fait valoir d'autre part que le jugement allemand
prononçant le divorce des parties est incompatible avec l'ordre public
suisse parce qu'il est en contradiction avec l'arrêt du Tribunal fédéral,
du 2 mars 1972, rejetant l'action en divorce qu'avait intentée contre
elle B. par exploit de citation en conciliation du 22 janvier 1964.

    Certes, dans l'arrêt ATF 46 I 464, cité par la recourante, le Tribunal
fédéral a dit ce qui suit:

    "L'ordre public est intéressé ... à ce qu'entre les mêmes parties il
   ne puisse être fait état de deux décisions contradictoires sur
   la même contestation et il exige également qu'aucune entrave ne
   soit apportée à l'exécution d'une décision rendue par un tribunal
   suisse. Le principe que l'exequatur d'un jugement étranger doit être
   refusé s'il est en contradiction avec une sentence antérieurement
   rendue par une juridiction de l'Etat où cet exequatur est requis,
   est reconnu d'une façon générale en droit international privé, en
   dehors même de tout traité, et doit être également consacré pour ce
   qui concerne la Suisse..."

    Il est vrai en outre que, dans l'arrêt ATF 58 II 324/325, auquel la
recourante se réfère également, le Tribunal fédéral a jugé qu'il serait
contraire à l'ordre public, réservé par la convention germano-suisse,
de donner la préférence au jugement étranger lorsque celui-ci est en
contradiction avec un jugement suisse.

    La recourante ne peut cependant rien tirer de ces deux arrêts en
faveur de sa thèse.

    L'arrêt du Tribunal fédéral du 2 mars 1972 rejetant l'action en divorce
de B., introduite le 22 janvier 1964, a certes acquis l'autorité de la
chose jugée dès son prononcé (art. 38 OJ). Mais, en matière de divorce,
le principe de l'autorité de la chose jugée ne s'applique pas d'une façon
absolue (ATF 104 II 148/149 consid. 3, 95 II 640 ss 94 I 245/246 consid. 6
et les références). Il n'y a pas chose jugée lorsque, dans le second
procès, sont invoqués des faits importants survenus depuis le premier
jugement ou antérieurs à ce dernier, mais non allégués la première fois
(ATF 94 I 246). Les faits postérieurs au premier jugement sont importants
si, pris en soi ou concurremment avec les faits allégués dans le premier
procès, ils sont de nature à justifier la demande (ATF 94 I 246, 85 II 59
consid. 2); il se peut aussi qu'un état de fait, dont la gravité n'avait
pas été reconnue ou n'avait pas été admise dans le premier procès, ait par
la suite rendu impossible la continuation de la vie commune (ATF 94 I 246,
85 II 61). Dans l'arrêt précité 94 I 245 consid. 6 lettre a, le Tribunal
fédéral a jugé qu'il n'est pas contraire à l'ordre public suisse qu'un
tribunal suédois accueille une demande de divorce formée par un conjoint
suédois dont l'action avait été rejetée par la juridiction suisse.

    Contrairement à ce que prétend la recourante, quand bien même le
Tribunal fédéral avait rejeté une action en divorce de B. par arrêt du 2
mars 1972, celui-ci pouvait introduire une nouvelle instance en divorce
devant un tribunal allemand compétent, les parties étant toutes deux de
nationalité allemande; il n'importe pas à cet égard qu'elles aient été
domiciliées en Suisse à ce moment-là. Le jugement prononçant le divorce,
rendu par le tribunal allemand, doit être reconnu en Suisse en vertu de
l'art. 3 de la convention germano-suisse de 1929. De toute façon, le juge
suisse, saisi de la requête de mesures protectrices de l'union conjugale
formée par dame B., ne pouvait pas passer outre au jugement de divorce
allemand. Certes, le juge des mesures protectrices de l'union conjugale
peut se contenter de la simple vraisemblance du mariage pour admettre
une requête de mesures protectrices (ATF 68 II 14 consid. 3). Mais,
lorsque le défendeur à une instance de mesures protectrices de l'union
conjugale produit en procédure un jugement étranger de divorce, passé
en force de chose jugée, le juge suisse ne peut ignorer ce jugement et
ordonner les mesures requises par le demandeur parce que celui-ci fait
valoir que le jugement de divorce est contraire à l'ordre public suisse
et en opposition avec un jugement suisse antérieur, rejetant une demande
en divorce du défendeur. Il n'a pas le pouvoir de contrôler si le jugement
allemand prononçant le divorce de ressortissants allemands et qui doit être
reconnu en Suisse en vertu de la convention germano-suisse de 1929 serait
en opposition avec un jugement suisse antérieur. Il ne lui appartient
pas d'examiner si les faits sur la base desquels le tribunal allemand a
prononcé le divorce sont identiques à ceux retenus par le tribunal suisse
dans un jugement antérieur rejetant une action en divorce du défendeur.

    Le juge suisse des mesures protectrices de l'union conjugale ne
pouvait pas non plus refuser de reconnaître le jugement allemand parce
que celui-ci prononce le divorce en dehors de toute considération de
faute, alors que l'arrêt antérieur du Tribunal fédéral avait admis
que l'action de B. se heurtait au moyen tiré de l'art. 142 al. 2 CC, en
raison de sa faute prépondérante. Cette question échappait également à son
contrôle. La recourante reconnaît d'ailleurs avec raison que la disposition
du paragraphe 1565 al. 1 BGB, qui admet le divorce indépendamment d'une
faute, pour cause d'échec du mariage et d'impossibilité de continuation de
la vie commune, n'est pas contraire à l'ordre public suisse, le Tribunal
fédéral ayant jugé dans le même sens s'agissant d'une réglementation
semblable du droit suédois (ATF 94 I 247 consid. 6).