Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 109 IA 61



109 Ia 61

12. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 11 mars 1983 dans la cause
Manpower S.A. et consorts contre Grand Conseil du canton de Genève
(recours de droit public) Regeste

    1. Beschwerdebefugnis und Beschwerdefrist (Art. 88 und 89 Abs. 1 OG).

    Beschwerdebefugnis des Schweizerischen Verbandes der Unternehmungen für
temporäre Arbeit, der den Nachweis seiner Legitimation nicht erbracht hat;
Eintreten auf die Beschwerde, die eigentlich von den Genfer Unternehmen
dieser Branche eingereicht wurde, welche ihrerseits den Verband mit der
Wahrung ihrer Interessen beauftragt haben (E. 1a und b).

    Die verfrühte Einreichung einer staatsrechtlichen Beschwerde gegen
einen Erlass hat nicht ihre Unzulässigkeit zur Folge (E. 1c).

    2. Derogatorische Kraft des Bundesrecht (Art. 2 Üb Best. BV).

    Voraussetzungen, unter denen die Kantone im Bereich des Bundeszivil und
-verwaltungsrechts Normen erlassen können (Bestätigung der Rechtsprechung;
E. 2a).

    Das Bundesgesetz über die Arbeitsvermittlung findet keine Anwendung
auf die Unternehmen für temporäre Arbeit: Der Bund hat die ihm in Art. 34
ter BV eingeräumten - nicht ausschliesslichen - Kompetenzen nicht voll
ausgenützt (E. 2b).

    Das Genfer Gesetz vom 19. Dezember 1980 lässt sich im Rahmen einer
abstrakten Normkontrolle verfassungskonform auslegen (E. 2c).

    3. Handels- und Gewerbefreiheit (Art. 31 BV).

    Voraussetzungen, unter denen kantonale Beschränkungen der Handels-
und Gewerbefreiheit zulässig sind (Bestätigung der Rechtsprechung; E. 3a).

Sachverhalt

    A.- Le 19 décembre 1980, le Grand Conseil genevois a adopté une loi
modifiant la loi genevoise sur le service de l'emploi du 30 avril 1955,
en vue d'étendre la protection offerte par cette législation aux employés
des entreprises de travail temporaire. Publié une première fois dans la
Feuille d'avis officielle le 24 décembre 1980, puis une seconde fois le 6
février 1981 après l'expiration du délai référendaire, le texte de cette
novelle est le suivant:

    "Article 1

    La loi sur le service de l'emploi, du 30 avril 1955, est modifiée
   comme suit:

    Art. 27 (nouvelle teneur)

    Les bureaux de placement à fin lucrative doivent acquitter un
   émolument de 1'000 à 2'000 fr. lors de la délivrance de l'autorisation
   et lors de la prolongation de celle-ci.

    Art. 28 (nouvelle teneur)

    Les bureaux de placement à fin lucrative sont tenus de fournir des
   sûretés de 5'000 à 50'000 fr. comme garantie pour les réclamations
   que pourrait faire naître leur activité.

    Les sûretés doivent être constituées en espèces ou par garantie
   bancaire ou par nantissement de police d'assurance.

    CHAPITRE IV A
   (nouveau)

    ENTREPRISES DE TRAVAIL TEMPORAIRE

    ET BUREAUX DE SELECTION DE PERSONNEL

    Art. 31 A (nouveau)

    Est réputée entreprise de travail temporaire, l'entreprise qui emploie
   des travailleurs aux fins de louer leurs services à des tiers pour
   une durée déterminée ou indéterminée.

    Le cas des entreprises de régie est réservé; le Conseil d'Etat précise
   le contenu de l'activité des entreprises faisant l'objet de cette
   réserve.

    Art. 31 B (nouveau)

    Est réputé bureau de sélection de personnel, l'entreprise qui est
   mandatée par un tiers pour rechercher, recruter et sélectionner des
   candidats en vue d'un poste de travail.

    Le Conseil d'Etat précise le contenu de l'activité de sélection de
   personnel.

    Art. 31 C (nouveau)

    Les entreprises de travail temporaire ainsi que les bureaux de
   sélection de personnel sont soumis par assimilation aux dispositions
   de la présente loi concernant les bureaux de placement à fin lucrative.

    Le Conseil d'Etat veille à ce que les salaires bruts et les
   prestations sociales du personnel temporaire soient conformes aux normes
   usuelles de la profession dans laquelle le personnel temporaire exerce
   sa mission.

    Art. 2

    Un délai de 6 mois est accordé depuis la date de l'entrée en vigueur
   de la présente loi, aux entreprises de travail temporaire et aux
   bureaux de sélection de personnel existants pour se conformer aux
   nouvelles dispositions qui les concernent."

    Agissant par la voie du recours de droit public, la Fédération
suisse des entreprises de travail temporaire, dont le siège est à
Zurich, "expressément mandatée par huit sociétés genevoises membres de
la Fédération pour interjeter ce recours", demande au Tribunal fédéral
d'annuler la loi genevoise du 19 décembre 1980 modifiant la loi sur le
service de l'emploi; elle allègue de prétendues violations du principe
de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 2 Disp. trans. Cst.) et
de la liberté du commerce et de l'industrie (art. 31 Cst.).

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Concluant simplement au rejet du recours, l'autorité intimée ne
s'oppose pas à l'entrée en matière. Cela n'est toutefois pas décisif,
car le Tribunal fédéral examine d'office les questions de recevabilité,
sans être lié par les conclusions des parties ni par les moyens qu'elles
ont - ou n'ont pas - fait valoir dans leurs écritures (ATF 106 Ia 230
consid. 1, 357 consid. 1).

    a) Aux termes de l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert
aux particuliers contre les arrêtés ou décisions qui les concernent
personnellement ou qui sont de portée générale. Lorsque, comme en l'espèce,
le recours est dirigé contre un arrêté de portée générale, la qualité
pour recourir appartient à toute personne dont les intérêts juridiquement
protégés sont effectivement touchés par l'acte attaqué ou pourront l'être
un jour. En soi, une atteinte seulement virtuelle suffit, mais il faut
tout de même un minimum de vraisemblance (ATF 106 Ia 357 consid. 1a,
103 Ia 371 consid. 1).

    En l'espèce, la loi attaquée touche directement les intérêts
juridiquement protégés des entreprises de travail temporaire qui
exercent - ou pourront un jour exercer - leur activité dans le canton
de Genève. Régulièrement inscrites au Registre du commerce de ce canton,
dans lequel elles exercent une activité dans le domaine visé par la loi,
les huit entreprises citées dans l'acte de recours sont habilitées à
prétendre que les inconstitutionnalités alléguées portent atteinte à des
intérêts qui leur appartiennent en propre et sont juridiquement protégés
(ATF 107 Ia 341 consid. 2a). Pourtant, plutôt que d'agir elles-mêmes, elles
ont mandaté à cette fin la Fédération suisse des entreprises de travail
temporaire (ci-après: la Fédération), par huit procurations qui sont
produites au dossier. Il est indéniable que les membres d'une association
professionnelle qui, pris individuellement, ont eux-mêmes qualité pour
recourir, peuvent valablement confier la défense de leurs intérêts à leur
fédération. Lorsqu'elle est ainsi mandatée, celle-ci agit alors, non pas en
tant que recourante, mais en qualité de représentante desdits membres. Bien
qu'en l'occurrence, l'acte de recours soit formé, du moins formellement,
par la seule Fédération et non par les entreprises intéressées, il y a lieu
d'admettre que cette erreur constitue une simple informalité, impropre à
entraîner à elle seule l'irrecevabilité du recours. Celui-ci peut donc être
accueilli en tant que formé, en réalité, par les entreprises elles-mêmes,
qui sont indiscutablement légitimées à attaquer la loi genevoise du 19
décembre 1980 par un recours de droit public.

    b) La question peut ainsi demeurer irrésolue de savoir si la
Fédération, qui n'est pas personnellement touchée par la loi contestée,
a qualité pour recourir. Il convient toutefois de relever, en surabondance
de droit, que sa légitimation apparaît douteuse.

    A certaines conditions, fixées par la jurisprudence, une association
peut agir par la voie du recours de droit public en vue de sauvegarder les
intérêts de ses membres, quand bien même elle n'est pas elle-même touchée
par l'acte attaqué. Il faut, notamment, qu'elle ait la personnalité
juridique et que la défense de ses membres figure parmi ses buts
statutaires (ATF 107 Ia 340 et les arrêts cités). Or, la Fédération
ne produit aucun document - tel le texte de ses statuts - permettant
d'admettre qu'elle a valablement acquis la personnalité juridique et
qu'elle a réellement pour but statutaire de défendre les intérêts de ses
membres (ATF 106 Ia 358 consid. 1a, 99 Ia 396 consid. 1b). Quoi qu'il en
soit des autres conditions posées par la jurisprudence, il appert ainsi
que la Fédération n'a pas apporté la preuve de sa légitimation. Cela
étant toutefois sans incidence sur la recevabilité du présent recours,
il suffit de considérer, en l'espèce, que la Fédération agit au nom des
huit entreprises qui sont, elles, habilitées à recourir.

    c) En principe, lorsqu'il n'existe aucune voie de droit cantonal, le
délai de 30 jours pour déposer un recours de droit public contre un arrêté
de portée générale commence à courir dès la publication de cet arrêté dans
la Feuille des avis officiels. S'il s'agit d'un arrêté soumis au référendum
facultatif, le délai de 30 jours commence à courir, si le référendum
n'est pas utilisé, au moment où l'autorité compétente donne officiellement
connaissance du fait que, le référendum n'ayant pas été utilisé, l'arrêté
- déjà publié - est entré en vigueur ou, éventuellement, qu'il entrera
en vigueur à telle ou telle date. Est donc prématuré le recours de droit
public interjeté avant la seconde publication. Mais cette introduction
prématurée ne nuit pas à son auteur; elle a pour seule conséquence que la
procédure se trouve suspendue jusqu'au moment de la seconde publication
(ATF 103 Ia 193/194 consid. 1 et les références citées).

    Dans le cas particulier, l'acte de recours a été déposé à la poste le
30 janvier 1981, soit après l'expiration du délai référendaire (25 janvier
1981) et le prononcé de l'arrêté de promulgation (28 janvier 1981), mais
une semaine avant la publication dans la Feuille d'avis officielle (6
février 1981). Ce dépôt était donc prématuré, mais cela n'a pas entraîné
l'irrecevabilité du recours (ATF 108 Ia 129/130 consid. 1a).

    d) Ainsi, malgré l'informalité relative à la désignation des
recourantes, le Tribunal fédéral peut entrer en matière sur le recours,
en tant qu'il est formé par huit entreprises genevoises de travail
temporaire, représentées par la Fédération suisse des entreprises de
travail temporaire.

Erwägung 2

    2.- Les recourantes prétendent tout d'abord que la loi genevoise du 19
décembre 1980 viole le principe de la force dérogatoire du droit fédéral,
énoncé à l'art. 2 Disp. trans. Cst. Elles reprochent au législateur
cantonal d'être intervenu dans deux matières réservées exclusivement à la
Confédération: d'une part, dans le champ d'application de la loi fédérale
du 22 juin 1951 sur le service de l'emploi (LSE; RS 823.11) et, d'autre
part, dans les rapports de droit privé entre employeurs et travailleurs,
réglés de manière exhaustive par le droit fédéral aux art. 319 ss CO. Il
s'agit d'examiner successivement ces deux moyens.

    a) Dans les domaines régis par le droit civil fédéral, les cantons
conservent la compétence d'édicter des règles de droit public en vertu de
l'art. 6 CC. Cependant, selon la jurisprudence, ils ne peuvent le faire
dans une matière déterminée que si les trois conditions suivantes sont
réunies: il faut que le législateur fédéral n'ait pas entendu réglementer
cette matière de façon exhaustive, que les règles cantonales soient
motivées par un intérêt public pertinent et que ces règles n'éludent
pas le droit civil fédéral, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit
(ATF 101 Ia 505/506 consid. 2b et les arrêts cités).

    Quant au droit public fédéral, il prime d'emblée et toujours le
droit public cantonal dans les domaines que la constitution ou un
arrêté fédéral urgent placent dans la compétence de la Confédération
et que celle-ci a effectivement réglementés; c'est dire que les règles
cantonales qui seraient contraires au droit fédéral, notamment par leur
but ou les moyens qu'elles mettent en oeuvre, devraient céder le pas
devant le droit fédéral. Mais ce principe de la force dérogatoire du
droit fédéral n'exclut pas en soi toute réglementation cantonale; il ne
l'exclut que dans les matières que le législateur fédéral a entendu régler
de façon exhaustive. Ainsi les cantons restent compétents pour édicter,
dans les domaines non réglés de façon exhaustive par le droit public
fédéral, des dispositions de droit public dont les buts et les moyens
envisagés convergent avec ceux que prévoit le droit fédéral (ATF 101 Ia
506 consid. 2b).

    En cas de recours pour violation de l'art. 2 Disp. trans. Cst.,
le Tribunal fédéral examine, en principe, librement dans chaque espèce
si les normes de droit cantonal sont compatibles avec le droit fédéral
(ATF 107 Ia 289 consid. 4a, 102 Ia 155 consid. 1, 559 consid. 4, 96 I
716 consid. 3 et les références citées).

    b) Faisant usage du droit que l'art. 34ter Cst. donne à la
Confédération de légiférer sur les relations de travail notamment dans
les arts et métiers (lettres a à d) et sur le service de placement (lettre
e), les Chambres fédérales ont adopté, le 22 juin 1951, pratiquement sans
opposition, le texte de la loi fédérale sur le service de l'emploi (voir
le Message du Conseil fédéral du 10 juillet 1950, FF 1950, II p. 337
ss, et Bull. stén. CN 1950 p. 799 ss et CE 1951 p. 166 ss). Cette
loi fédérale réglemente notamment le service public de l'emploi et
l'activité des bureaux privés de placement à fin lucrative. En effet,
afin de prévenir et de combattre le chômage, l'art. 1er LSE dispose que la
Confédération prend, de concert avec les cantons, les mesures nécessaires
pour développer l'ensemble des mesures servant à organiser rationnellement
le marché de l'emploi. En outre, les art. 7 à 12 LSE soumettent l'activité
des bureaux privés de placement à la surveillance de l'autorité cantonale
qui délivre l'autorisation nécessaire lorsque la personne assumant la
direction d'un tel bureau remplit certaines conditions (art. 7 LSE) et
fournit des sûretés comme garantie pour les réclamations que pourrait
faire naître cette activité. Dans le cas particulier d'opérations avec
l'étranger - pour autant qu'elles ne soient ni gratuites ni occasionnelles
-, l'autorisation est alors délivrée par l'Office fédéral de l'industrie,
des arts et métiers et du travail (OFIAMT; art. 10 LSE).

    A l'art. 9 de son règlement d'exécution I du 21 décembre 1951
(RS 823.111), le Conseil fédéral a précisé ce qu'il faut entendre par
"placement privé à fin lucrative au sens de l'art. 7 LSE" (al. 1)
et mentionné certaines formes de placement qui ne sont pas soumises
à autorisation (al. 2 et 3). En revanche, le gouvernement fédéral n'a
pas évoqué - ni dans son Message, ni dans le règlement d'exécution - le
cas des entreprises de travail temporaire. Selon la doctrine, il résulte
clairement des travaux préparatoires de la loi fédérale sur le service de
l'emploi que l'on n'a pas pensé au travail temporaire "da damals dieser
Rechtsfigur noch nicht die heutige Bedeutung zukam; ja sie dürfte in der
Schweiz kaum bekannt gewesen sein. Allerdings darf diesem Schweigen nicht
entnommen werden, der Gesetzgeber habe die "Temporäre Arbeit" ausdrücklich
von der Regelung der Arbeitsvermittlung ausnehmen wollen" (URS CHRISTOPH
NEF, Temporäre Arbeit, thèse Zurich 1971, p. 27/28). Par ailleurs, le
Tribunal fédéral a eu l'occasion de juger que le fait pour les entreprises
de travail temporaire de mettre du personnel temporaire à la disposition
de leurs clients ne tombe pas sous le coup de la loi sur le service de
l'emploi, car ces entreprises n'agissent pas comme des courtiers et ne
sont donc pas assimilables à des bureaux privés de placement au sens des
art. 7 LSE et 9 du règlement d'exécution I (ATF 103 IV 209/210 consid. 1).

    Jusqu'à maintenant, le législateur fédéral n'a pas réglementé
l'activité des entreprises de travail temporaire, ni dans le sens positif,
ni dans le sens négatif: en effet, il n'a pas songé à soumettre cette
activité aux dispositions de la LSE applicables aux bureaux privés de
placement et il n'a pas non plus exclu toute réglementation cantonale;
d'ailleurs, il ne faut pas oublier que l'art. 34ter Cst. ne donne pas
à la Confédération une compétence exclusive, mais seulement le droit
de légiférer, de sorte que les cantons ont conservé leur compétence
législative au moins dans les domaines où le législateur fédéral n'est
pas intervenu. Ainsi, en définissant clairement les notions d'entreprise
de travail temporaire (art. 31 A) et de bureau de sélection de personnel
(art. 31 B) et en les soumettant aux dispositions applicables aux bureaux
privés de placement - sans les assimiler ni les confondre avec ces bureaux
- (art. 31 C), la loi genevoise du 19 décembre 1980 n'empiète pas sur
des prérogatives réservées exclusivement à la Confédération ou que le
législateur fédéral aurait exercées de façon exhaustive.

    Sur ce premier point, le moyen tiré d'une prétendue violation
du principe de la force dérogatoire du droit fédéral n'est donc pas
fondé. Contrairement à ce que pensent les recourantes, il ne s'agit
d'ailleurs pas de savoir si la loi genevoise "entre dans le cadre des
dispositions d'application de la LSE ou si elle peut relever du droit
cantonal concernant le service de l'emploi réservé par l'art. 16 al. 3
LSE", ni de savoir si les entreprises de travail temporaire peuvent être
assimilées aux bureaux privés de placement.

    c) C'est également à tort que les recourantes reprochent au législateur
genevois de violer le principe constitutionnel énoncé à l'art. 2
Disp. trans. Cst. par le fait qu'il prévoit des mesures de droit privé
et de droit public pour assurer la protection des travailleurs temporaires.

    Selon la jurisprudence relative au contrôle abstrait de la
constitutionnalité de prescriptions légales ou réglementaires cantonales,
le Tribunal fédéral se borne, dans un tel cas, à rechercher s'il est
possible, selon les principes d'interprétation reconnus, de donner à la
norme attaquée une portée qui la fasse apparaître comme conforme à la
constitution. Il n'annule la disposition cantonale entreprise que si elle
ne se prête à aucune interprétation conforme à la constitution; il ne le
fait pas si une de ces interprétations peut être admise de façon soutenable
(ATF 107 Ia 294/295 consid. 2c, 106 Ia 359/360 consid. 1d et les arrêts
cités). Or, en l'espèce, les recourantes ne cherchent pas sérieusement à
démontrer l'impossibilité de donner à la disposition de l'art. 31 C al. 2
de la loi attaquée une portée conforme à la constitution. Logiquement,
cela devrait suffire pour justifier le rejet du moyen qu'elles prétendent
tirer d'une violation du principe de la force dérogatoire du droit fédéral.

    Au demeurant, on voit mal comment le gouvernement genevois pourrait
entrer en conflit avec la législation fédérale en matière de protection
des travailleurs en accomplissant la mission que le législateur cantonal
lui confie selon l'art. 31 C al. 2: "veiller à ce que les salaires bruts
et les prestations sociales du personnel temporaire soient conformes
aux normes usuelles" va précisément dans le sens de certaines tendances
du droit fédéral - privé et public - en matière de protection des
travailleurs. D'ailleurs, le Conseil d'Etat n'a pas édicté de règlement,
mais il a précisé, dans ses observations sur le recours, qu'il entendait,
dans le respect des compétences fédérales en matière de protection des
travailleurs, "engager le dialogue et inciter les partenaires sociaux
à régler leurs rapports de manière satisfaisante". Or il ne faut pas
oublier que le législateur fédéral favorise la conclusion de conventions
collectives de travail et qu'il confère aux cantons la compétence d'établir
des contrats-types de travail - au sens des art. 359 à 360 CO - notamment
dans les professions où, comme en l'espèce, les travailleurs ne sont pas
organisés pour assurer ensemble la défense de leurs intérêts (voir, par
exemple, FRANK VISCHER, Le contrat de travail, in Traité de droit privé
suisse, vol. VII t. I, 2, p. 230 ss). Par ailleurs, on ne voit pas pourquoi
les recourantes se réfèrent, dans leurs mémoires, aux dispositions de la
loi fédérale sur le travail (RS 822.11), car l'application de cette loi,
destinée à protéger la santé, la sécurité et l'hygiène des travailleurs,
n'est évidemment pas mise en cause par la loi genevoise du 19 décembre
1980.

    d) Le premier moyen de recours, tiré d'une prétendue violation de
l'art. 2 Disp. trans. Cst., n'est donc pas fondé; mais cela ne signifie
pas encore que le recours doive être rejeté.

Erwägung 3

    3.- En effet, il faut encore examiner si les cantons peuvent
restreindre la liberté des entreprises de travail temporaire, notamment
en les soumettant à la surveillance de l'autorité compétente. C'est ce
que les recourantes contestent en invoquant le principe constitutionnel
de la liberté du commerce et de l'industrie.

    a) La doctrine et la jurisprudence ont toujours interprété la notion de
commerce et d'industrie dans un sens large. Au regard de l'art. 31 Cst.,
le commerce et l'industrie sont toutes activités rétribuées exercées
professionnellement. Dès lors, l'exercice d'une activité professionnelle
à des fins lucratives ou dans le but d'en tirer un revenu bénéficie,
en principe, de la liberté du commerce et de l'industrie. Les cantons
peuvent cependant apporter à cette liberté des restrictions consistant
notamment en des mesures de police justifiées par l'intérêt public; sont en
revanche prohibées les mesures qui interviennent dans la libre concurrence
pour assurer ou favoriser certaines branches de l'activité lucrative
ou certaines formes d'exploitation et qui tendent à diriger l'activité
économique selon un certain plan. Les prescriptions cantonales de police
visent à sauvegarder des biens tels que la tranquillité, la sécurité, la
santé et la moralité publiques, à préserver d'un danger ou à l'écarter;
elles doivent se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation de ces
tâches (ATF 106 Ia 269 consid. 1 et les arrêts cités).

    b) Aux termes de l'art. 31 C al. 1 de la loi genevoise du 19 décembre
1980, les entreprises de travail temporaire ainsi que les bureaux de
sélection de personnel sont soumis par assimilation aux dispositions
de la loi concernant les bureaux privés de placement. Dès lors, elles
ne peuvent exercer leur activité qu'après avoir obtenu l'autorisation,
aux conditions stipulées par l'art. 7 al. 2 LSE, acquitté l'émolument
prévu à l'art. 27 de la loi genevoise et fourni les sûretés requises à
l'art. 28 de cette loi. Il s'agit là d'une restriction de la liberté dont
les entreprises recourantes jouissent en principe selon l'art. 31 Cst. Or
cette atteinte à un principe constitutionnel est justifiée par un intérêt
public que le législateur genevois juge important, semblable à celui qui
est à l'origine des mesures restrictives que le législateur fédéral a
prises à l'égard des bureaux privés de placement. Cela n'est d'ailleurs
pas contesté par les recourantes, mais - théoriquement tout au moins -
la question se pose de savoir si cette restriction est du genre de celles
que les cantons peuvent édicter selon l'art. 31 al. 2 Cst.

    Dans les observations du Conseil d'Etat genevois, il est dit que
"l'objectif principal et déterminant a été d'éviter qu'en période de
chômage le travail temporaire soit utilisé abusivement, c'est-à-dire
qu'un travailleur temporaire soit engagé à la place d'un travailleur fixe
pour éluder les obligations diverses qui peuvent découler du contrat de
travail, notamment en cas de licenciement". Cet argument est pour le moins
surprenant, car si tel était réellement l'objectif principal de la loi,
on devrait alors sérieusement se demander si l'art. 31 C al. 1 n'est pas
une mesure de politique économique que les cantons n'ont, en principe,
pas le droit de prendre dans le cadre de l'art. 31 al. 2 Cst. Il n'est
cependant pas nécessaire de répondre à cette question car, en réalité, le
législateur genevois a introduit le contrôle de l'activité des entreprises
de travail temporaire et des bureaux de sélection de personnel - de la
même façon que les bureaux privés de placement déjà soumis à la LSE - pour
empêcher des abus et écarter un danger auquel le public et, en particulier,
les travailleurs temporaires potentiels sont exposés. Le rapport de la
commission parlementaire exposait d'ailleurs à ce sujet que "l'art. 31 C
al. 1 ... permet de corriger certaines pratiques qui furent critiquées au
cours des travaux de la commission et auxquelles les rapports antérieurs
ont fait allusion". Il s'agit donc bien d'une mesure de police et non de
politique économique.

    Au demeurant, les recourantes ne discutent même pas la compatibilité de
l'art. 31 C al. 1 de la loi avec le principe de la liberté du commerce et
de l'industrie. Or, s'agissant d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'a pas à examiner des moyens que le recourant n'a pas invoqués
et suffisamment motivés (ATF 101 Ia 454 consid. 4c).

    c) En somme, les recourantes tiennent pour contraire au principe de la
liberté du commerce et de l'industrie, comme aussi au principe de l'égalité
de traitement, l'application - aux entreprises de travail temporaire et
aux bureaux de sélection de personnel - d'autres dispositions de la loi
genevoise; mais ce grief est mal fondé.

    Dans la mesure où ces entreprises peuvent être soumises au contrôle
de l'autorité cantonale - ce que les recourantes ne contestent pas -,
on ne voit pas en quoi l'application de l'art. 30 de la loi porterait
une atteinte à leur liberté incompatible avec le principe de l'art. 31
Cst. D'autre part, il n'y a pas lieu d'examiner si l'application
des art. 15, 16 et 17 du règlement genevois du 6 juillet 1955 serait
inconstitutionnelle, dès lors que ces dispositions ne sont pas applicables
aux entreprises de travail temporaire et que, d'ailleurs, elles ne peuvent
pas l'être: ces entreprises de travail temporaire n'encaissent ni taxes
d'inscription, ni taxes de placement, mais tirent leurs revenus du fait
qu'elles reçoivent de leurs clients des indemnités plus élevées que
les prestations qu'elles versent à leur personnel temporaire. Enfin,
on ne voit pas non plus en quoi le principe énoncé à l'art. 31 C al. 2
de la loi attaquée - dont on ignore encore la portée exacte - violerait
le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ou le principe
de l'égalité de traitement.