Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 109 IA 252



109 Ia 252

48. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 13 avril 1983
dans la cause AVLOCA et cons. contre Grand Conseil du canton de Vaud
(recours de droit public) Regeste

    Art. 88 OG. Legitimation zur Beschwerde gegen die angeblich
rechtswidrige Begünstigung Dritter durch einen Erlass.

    Ein Privater kann mit staatsrechtlicher Beschwerde wegen
rechtsungleicher Behandlung einen Erlass anfechten, wenn er geltend macht,
dieser privilegiere Dritte in objektiv nicht zu rechtfertigender Weise;
dazu genügt es, dass sich der Betreffende in einer Lage befindet, die
derjenigen der Dritten vergleichbar ist, und dass sich der den Dritten
gewährte Vorteil gleichzeitig für ihn als Nachteil auswirkt (Änderung
der Rechtsprechung).

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.- a) Aux termes de l'art. 88 OJ, le recours de droit public est
ouvert aux particuliers et aux collectivités lésés par des arrêtés ou
décisions qui les concernent personnellement ou qui sont d'une portée
générale. Lorsque, comme en l'espèce, le recours est dirigé contre un
arrêté de portée générale, la qualité pour recourir appartient à toute
personne dont les intérêts juridiquement protégés sont effectivement ou
pourront un jour être touchés par l'acte attaqué (ATF 106 Ia 398 consid. 2;
104 Ia 152; 103 Ia 371 consid. 1 et arrêts cités). D'une manière générale,
le recours de droit public n'est pas ouvert à celui qui fait valoir
des intérêts de pur fait ou qui invoque exclusivement la sauvegarde de
l'intérêt général (ATF 105 Ia 273, 355 et renvois).

    La question principale qui se pose ici est de savoir si les
recourants ont qualité pour former un recours de droit public contre
un acte législatif octroyant un avantage à des tiers, en l'occurrence
sous la forme d'un allégement fiscal consenti à une certaine catégorie
de contribuables.

    Dans une jurisprudence ancienne, le Tribunal fédéral avait tout
d'abord admis la recevabilité de recours de droit public dirigés contre des
décisions ou des actes législatifs accordant des privilèges à des tiers,
lorsque était alléguée une inégalité de traitement (ATF 10 313, 23 1565,
30 718; cf. E. KIRCHHOFER, Über die Legitimation zum staatsrechtlichen
Rekurs, pp. 172-173). Il est toutefois revenu une première fois sur
cette jurisprudence à l'occasion d'un contrôle concret de normes (ATF 48
I 225 ss, spécialement 227/228; arrêt non publié en la cause Brasserie
d'Orbe du 1er mai 1936, consid. 1). Ce revirement a ensuite été confirmé
à l'occasion de recours dirigés directement contre des actes législatifs
(ATF 85 I 52 ss, spécialement consid. 3; puis, notamment, ATF 86 I 286
ss, 93 I 171 ss, 103 Ia 65 ss, 105 Ia 349 ss, 107 Ia 340 ss, 108 Ia 131
consid. 2). Cette dernière pratique dénie la qualité pour recourir à
celui qui ne fait pas partie des personnes directement concernées par
l'acte attaqué; fondée sur le fait que cet acte ne le touche pas dans
ses intérêts juridiquement protégés mais tout au plus dans ses intérêts
de fait, elle considère qu'il ne lui appartient pas de se plaindre de
dispositions édictées dans l'intérêt général, si l'on veut éviter d'ouvrir
la voie à l'action populaire.

    Cette jurisprudence a été généralement critiquée par la doctrine (cf.
principalement HANS HUBER, in ZBJV 96/1960, p. 353 ss et ZBJV 97/1961, pp.
325/326; MAX IMBODEN, in RDS 79/1960 I pp. 511/512; IRÈNE BLUMENSTEIN,
in Archives de droit fiscal suisse 1960/61, p. 363 ss; HANS MARTI,
in RDS 81/1962 II pp. 87/88 et plus récemment in Die staatsrechtliche
Beschwerde, 4e éd., pp. 72/73; CLAUDE BONNARD, in RDS 81/1962 II p. 444
ss; JÖRG P. MÜLLER, in ZBJV 115/1979, pp. 167/168 et ZBJV 117/1981,
pp. 247/248). Celle-ci relève notamment que la jurisprudence actuelle
empêche, dans de nombreux cas, le Tribunal fédéral de contrôler si le
législateur a respecté le principe de l'égalité de traitement, énoncé à
l'art. 4 Cst. Le Tribunal fédéral est au demeurant lui-même fréquemment
entré en matière sur des recours ayant pour objet les privilèges accordés
par la législation fiscale à certaines catégories de contribuables et
le désavantage en résultant pour les autres (cf. notamment ATF 95 I 497,
96 I 560, 99 Ia 351, 638, 100 Ia 60, 101 Ia 182, 103 Ia 107, 104 Ia 284).

    Après un réexamen approfondi de la question, auquel a été associée
la IIe Cour de droit public selon la procédure prévue à l'art. 16 OJ,
il apparaît justifié de reconsidérer la jurisprudence actuelle quant aux
conditions de recevabilité de recours dirigés contre des actes législatifs
accordant des avantages à des tiers.

    b) Le principe d'égalité dans la loi contenu à l'art. 4 Cst. oblige
le législateur à traiter de la même manière des situations semblables et
de manière différente celles qui ne le sont pas. En matière fiscale, le
législateur cantonal doit donc respecter le principe d'égalité lorsqu'il
adopte des règles générales d'imposition ou de taxation (ATF 104 Ia
295, 99 Ia 652/3, 96 I 566, 77 I 102, parmi d'autres). Selon HUBER,
pour qui le principe d'égalité de traitement, au contraire des autres
droits fondamentaux, sert exclusivement des intérêts particuliers, il y
a inégalité de traitement dans le domaine fiscal lorsque des privilèges
sont accordés indûment à certains contribuables; les intérêts de ceux qui
ne bénéficient pas de ces avantages sont alors lésés, sans que l'intérêt
public lui-même soit touché (Rechtsprechung des Bundesgerichts im Jahre
1960, in ZBJV 97/1961, p. 326).

    Le Tribunal fédéral peut souscrire à cette dernière opinion. En effet,
la jurisprudence actuelle revient en définitive à dénier au principe
d'égalité consacré à l'art. 4 Cst. la valeur d'un droit constitutionnel
propre et indépendant.

    c) Pour déterminer le cercle des personnes habilitées à invoquer,
dans ce contexte, la lésion d'un intérêt juridiquement protégé, il y
a lieu de considérer ce qui suit. Celui qui se prétend désavantagé par
rapport à d'autres, du fait que sa situation est directement aggravée
par les dispositions qu'il critique, n'a pas à être traité différemment
de celui qui se prétend lésé parce que la loi octroie à un tiers un
privilège qu'elle ne lui accorde pas. En matière fiscale, par exemple,
il est indifférent, du point de vue du préjudice subi, que l'inégalité de
traitement dont se plaint un contribuable célibataire provienne de ce que
la loi impose plus lourdement les célibataires que les personnes mariées
ou de ce qu'elle accorde un allégement fiscal aux personnes mariées,
sans le consentir aux célibataires. Dans l'un et l'autre cas, en effet,
le législateur opère une distinction entre deux catégories de personnes,
en usant certes d'une technique législative différente, mais pour aboutir
en définitive au même résultat, à savoir l'octroi de certains avantages
aux uns et pas aux autres. Peu importe alors, dans l'hypothèse où les
dispositions en cause accordent de manière expresse des avantages à des
tiers, qu'elles ne s'appliquent pas directement à celui qui fait valoir
l'inégalité de traitement. Ce qui est décisif, c'est bien plus l'effet
discriminatoire produit sur ce dernier. Il incombera donc au recourant
d'établir que la discrimination dont il dénonce l'inconstitutionnalité
le touche - ou pourra le toucher - dans sa sphère privée et qu'il a
un intérêt juridiquement protégé à obtenir sa suppression. Pour cela,
il faudra qu'existe un lien de corrélation entre la situation du ou des
tiers avantagés et celle du recourant.

    d) L'élargissement de la qualité pour recourir résultant des
considérations qui précèdent ne concerne que l'hypothèse où l'avantage
dénoncé par le recourant est contenu dans la loi elle-même; peu importe à
cet égard que le recours soit dirigé contre l'acte législatif lui-même
(donnant lieu à un contrôle dit abstrait des normes) ou contre une
décision d'application de cet acte (donnant lieu à un contrôle dit
concret ou incident des normes). En revanche, la pratique actuelle
doit être maintenue pour les recours dirigés contre des décisions
qui comportent par elles-mêmes un avantage accordé à un ou plusieurs
tiers, lorsque le recourant ne met pas en cause une inégalité contenue
dans la loi elle-même (cf. à titre d'exemples, décisions portant sur la
non-réélection d'un fonctionnaire cantonal, ATF 105 Ia 271 ss, spécialement
275; sur la soumission de travaux à un concurrent, ATF 106 Ia 323 ss,
spécialement 326/327 consid. b; sur l'autorisation de pratiquer une
profession accordée à un tiers, ATF 107 Ia 340/341). Comme le relève
notamment Huber (ZBJV 96/1960, pp. 354/355), le principe d'égalité tel
qu'il s'impose au législateur doit être distingué du droit à l'égalité de
traitement qui prévaut dans l'application de la loi. Ainsi, celui qui ne
fait que revendiquer pour lui-même l'avantage accordé à un tiers par une
décision d'espèce ne saurait bénéficier, quant à sa qualité pour recourir,
des nouvelles règles dégagées ci-dessus.