Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 109 IA 208



109 Ia 208

40. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 18 mai 1983 dans
la cause Groupe Action Prison Genève contre Conseil d'Etat du canton de
Genève (recours de droit public) Regeste

    Art. 57 BV; Petitionsrecht, Unterschriftensammlung zugunsten von
Räumen für intime Besuche in einem Gefängnis, Bewilligungspflicht.

    1. Wie auch immer die Unterschriftensammlung auf öffentlichem
Grund rechtlich qualifiziert wird (als Gemeingebrauch, gesteigerter
Gemeingebrauch oder Sondernutzung), sie kann nicht irgendwo und irgendwie
durchgeführt werden; sie untersteht nach einem allgemeinen Grundsatz der
Bewilligungspflicht auch dort, wo eine gesetzliche Grundlage dazu fehlt
(E. 4a); im übrigen ist im Genfer Recht eine solche gegeben (E. 4b).

    2. Das Bewilligungsverfahren darf nicht zu einer politischen
Zensurierung führen; der Entscheid muss zudem verhältnismässig sein
(E. 5). In Anbetracht der emotionsgeladenen Situation im Kanton
Genf im Zeitpunkt der Gesuchstellung hat der Staatsrat durch die
Bewilligungsverweigerung weder sein Ermessen überschritten, noch das
Verhältnismässigkeitsprinzip verletzt (E. 6 und 7).

Sachverhalt

    A.- Le 29 novembre 1978, l'association Groupe Action Prison Genève
(le GAP) a sollicité du Département genevois de justice et police
l'autorisation de récolter des signatures à l'appui d'une pétition en
faveur de parloirs intimes dans la prison de Champ-Dollon. La récolte
devait se faire devant l'entrée de la prison, durant une semaine, tous
les après-midi sauf le dimanche.

    Le Département a refusé l'autorisation requise, l'action envisagée
ne pouvant que troubler, par sa nature même, la tranquillité et le bon
ordre tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'établissement.

    Le Conseil d'Etat du canton de Genève a rejeté un recours formé par
le GAP; selon cette autorité, en effet, il était réaliste d'admettre que
la récolte de signatures pouvait dégénérer en une manifestation contre
la prison et contre la personnalité controversée de son directeur, avec
tentative d'atteindre les détenus; luttant lui-même contre le régime
pénitentiaire genevois, le GAP ne pouvait assurer que l'ordre serait
sauvegardé; de nombreuses manifestations s'étaient d'ailleurs déjà
déroulées, à cette époque, au sujet de Champ-Dollon.

    Agissant par la voie du recours de droit public, le GAP requiert le
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêté et de lui accorder le bénéfice de
l'assistance judiciaire gratuite.

    Le Conseil d'Etat a conclu au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.- Le GAP fait grief au Conseil d'Etat d'avoir admis que la récolte
de signatures sur la place de parc située devant l'entrée de Champ-Dollon
était soumise à autorisation. Selon le recourant, une telle exigence
porterait une atteinte disproportionnée au droit de pétition; elle serait
en outre dépourvue de base légale.

    a) D'après la jurisprudence, l'usage commun du domaine public
n'est pas soumis à une autorisation préalable alors que l'usage accru ou
privatif requiert une telle autorisation. Le Tribunal fédéral a admis que
l'autorisation préalable ne s'impose pas pour la distribution de tracts
par une seule personne (ATF 96 I 589 consid. 4); il en va de même pour
le transport de panneaux publicitaires. Mais la récolte de signatures
sur la voie publique fait partie des activités qui peuvent être soumises
à autorisation.

    Il ne saurait être question de laisser recueillir des signatures
sur la voie publique n'importe où et n'importe quand (ATF 97 I 896
consid. 5). Cependant, la question de savoir si toute récolte de signatures
sur la voie publique équivaut à un usage accru ou privatif du domaine
public, ce qui la soumettrait au régime de l'autorisation préalable,
est demeurée indécise. Il n'est pas davantage nécessaire de la résoudre
en l'espèce.

    En effet, même si l'on aboutissait à la conclusion qu'il n'y a pas en
l'espèce d'usage accru du domaine public, il conviendrait de se demander
si l'exigence d'une autorisation de police - non plus pour usage accru
du domaine public - serait admissible.

    La légitimité de l'exigence d'une autorisation préalable en vue de
la récolte de signatures - sans qu'il y ait usage accru ou privatif du
domaine public, et sans base légale - a déjà été reconnue par le Tribunal
fédéral dans un cas où cette récolte était prévue sur la voie publique,
même sans installation de tables ou de stands - donc avec possibilité plus
grande de troubles - et sans qu'il y ait un lien entre le lieu choisi et
l'objet du texte présenté à la signature. S'il y a risque d'incidents,
il est indispensable de régler l'organisation de la collecte et d'en
fixer les conditions de temps et de lieux. Et même si une réglementation
n'était pas indispensable dans certains cas, le simple fait qu'elle soit
le plus souvent nécessaire suffit à justifier le principe général de
l'autorisation préalable (ATF 97 I 897/8 consid. 5).

    b) Ainsi qu'on vient de le voir, une base légale n'est pas nécessaire
pour réglementer l'usage commun ni l'utilisation accrue du domaine
public. Mais le recourant croit à tort qu'elle fait défaut en droit
genevois. En vertu de l'art. 13 al. 3 de la loi sur le domaine public
du 24 juin 1961, toute utilisation du domaine public excédant l'usage
commun est subordonnée à une autorisation. Selon l'art. 24 al. 2, le
Conseil d'Etat peut réglementer l'usage commun de ce domaine. Le règlement
concernant la tranquillité publique du 8 août 1956 trouve là son fondement
(ATF 101 Ia 479 consid. 4c). Dans sa teneur au 1er décembre 1978, son
art. 5 interdisait aux alentours de la prison, sans autorisation, les
manifestations "de nature à troubler la tranquillité et le bon ordre tant à
l'intérieur qu'à l'extérieur de ce bâtiment". En conséquence, c'est à tort
que le recourant estime qu'exiger une autorisation préalable dans son cas
violerait la constitution et serait dépourvu d'une base légale suffisante.

Erwägung 5

    5.- Les autorités étant ainsi habilitées à faire dépendre
l'exercice des droits politiques et individuels sur la voie publique
d'une autorisation, encore faut-il déterminer si l'intimé pouvait -
sans violer la constitution - refuser l'autorisation demandée par le GAP.

    Le régime de l'autorisation préalable ne signifie pas que l'autorité
puisse accorder ou refuser selon son bon plaisir l'autorisation sollicitée
(ATF Küpfer 97 I 898). Pour se conformer à la constitution, l'autorité
doit non seulement tenir compte des règles tirées de l'art. 4 Cst. -
interdiction de l'arbitraire, égalité de traitement - mais aussi du
contenu particulier de la liberté en cause (ATF 105 Ia 21 consid. 4 et
citations). Elle doit apprécier objectivement les intérêts qui s'affrontent
et fera preuve de réserve lorsqu'elle examinera le texte, qui doit lui
être soumis, afin que le contrôle à exercer en procédure d'autorisation ne
confine pas à la censure politique. En outre, la décision doit respecter
le principe de la proportionnalité. L'autorité n'opposera pas un refus
là où il suffit d'assortir l'autorisation de certaines conditions (ATF
96 I 589 consid. 4a et les arrêts cités, 97 I 898 consid. 6a, 102 Ia 54,
105 Ia 93/4). Dans l'arrêt Küpfer (ATF 97 I 899/900 consid. 6c, bb),
le Tribunal fédéral a évoqué le risque d'incidents et de manifestations
naissant dans un climat d'agitation et de violence. S'il a constaté qu'en
l'occurrence l'exercice du droit d'initiative et de pétition n'était pas
en cause, ajoutant qu'il est possible de prendre des mesures - y compris
la révocation de l'autorisation - pour éviter des heurts lorsque des
objets et des avis opposés s'affrontent, il n'en a pas moins admis qu'en
raison de risques sérieux et imminents pour l'ordre public, engendrés
par des circonstances spéciales de temps, de lieu et même d'objet,
l'autorisation de récolter des signatures sur la voie publique puisse
être refusée d'emblée.

    Bien que jouissant d'un libre pouvoir d'examen en la matière, le
Tribunal fédéral, qui n'a pas la responsabilité du maintien de l'ordre
et de la tranquillité publics, use de retenue dans son appréciation des
circonstances locales; il ne substitue pas sa propre appréciation à celle
des autorités cantonales et communales (ATF 105 Ia 94 consid. 3, 102 Ia
53, 100 Ia 403, 97 I 898). Il n'intervient que lorsque ces autorités ont
manifestement dépassé leur marge d'appréciation.

Erwägung 6

    6.- Selon la décision attaquée, le Conseil d'Etat ne s'opposerait pas
en principe et à priori à une collecte sur la voie publique (comme dans
le cas Küpfer: ATF 97 I 899 ss consid. 6b à d), même aux abords d'un
établissement pénitentiaire. Il a justifié le rejet du recours formé
contre le refus de l'autorisation par les tensions au sein de la prison
les mois qui ont précédé la demande, d'une part, et, d'autre part, par
un pronostic sur le déroulement possible de la récolte de signatures.

    Dans sa requête du 29 novembre 1978, le recourant précisait qu'il
entendait appuyer une pétition que les détenus venaient de présenter et
qu'il voulait, à cette fin, atteindre leurs proches et amis, lors des
visites, dans l'établissement et sur le parking situé devant son entrée;
il évoquait aussi la possibilité de recueillir la signature des visiteurs
à l'intérieur du Palais de justice, là où les autorisations de visite
sont délivrées, mais il ne désirait y procéder que près du portail de
Champ-Dollon. C'est cette seule localisation qui est en cause. A cet égard,
la situation est comparable à celle qui a donné lieu à l'arrêt concernant
le Comité pour l'Indochine, où l'organisation d'une représentation
théâtrale eût été autorisée ailleurs que sur la place de la Landsgemeinde à
Zoug, ce que le requérant ne voulait pas (ATF 100 Ia 404 consid. 6c). (...)

    d) Au dire du Conseil d'Etat genevois, l'ordre et la sécurité ne
sont pas faciles à garantir à Champ-Dollon. Les détenus sont sensibles à
ce qui se passe à l'intérieur et hors les murs à leur sujet. Le contact
est aisé de l'extérieur, même sans mégaphones. Onze personnes se sont
évadées en trois ans, deux fois avec prise d'otages. Les convois de
détenus sont nombreux.

    Dans le climat de tensions très vives qui régnait à Champ-Dollon ou
à son propos à fin 1978, et au lendemain d'une évasion réussie dans des
circonstances dangereuses, il était normal de craindre des manifestations
et des incidents malgré l'assurance donnée par le GAP de ne pas tenter
d'entrer en relation avec les détenus ou de troubler l'ordre de la
prison. On pouvait en douter, car le requérant avait pris une part active
à la lutte très vive et continue organisée contre Champ-Dollon; de plus,
le GAP était parfois débordé par ses sympathisants.

    Compte tenu de ces faits, on peut admettre que le département compétent
avait des raisons sérieuses de penser qu'un risque de troubles existait
devant le portail de Champ-Dollon, sur le parking, où l'on voulait
atteindre proches, parents et amis des détenus pendant une semaine tous
les après-midi. Il pouvait estimer que le GAP ne serait pas maître de la
situation, vu la tension existante, ou qu'il entendait y apporter une
nouvelle contribution. Des visiteurs ou autres sympathisants pouvaient
déborder le cadre de l'action et des heurts se produire avec le personnel
de la prison, la police ou les convois de détenus.

    Dans ces conditions, on pouvait raisonnablement croire que l'ordre et
la sécurité dans la prison et ses alentours étaient en jeu et en péril
sans que cela implique un quelconque jugement sur les idées politiques
du GAP, ni sur son combat pour une amélioration des conditions carcérales.

Erwägung 7

    7.- Dans les circonstances de l'espèce, la proportionnalité de la
mesure n'est pas douteuse. Sur ce point également, à savoir lorsqu'il
recherche si une autorisation assortie de certaines conditions et charges
aurait suffi pour écarter les risques entrevus, le Tribunal fédéral
s'impose une certaine retenue en raison des circonstances locales que
les autorités cantonales plus proches, sont mieux à même de saisir et
d'apprécier (ATF 97 I 898 ss consid. 6).

    On pourrait certes se demander si l'autorité compétente n'aurait pas
pu accorder l'autorisation en l'assortissant de conditions strictes. A cet
égard aussi, le Tribunal fédéral s'impose une certaine retenue. En tenant
compte des événements et de l'attitude du recourant, force est de constater
que l'autorité pouvait opposer un refus pur et simple au lieu de donner
une autorisation conditionnelle. En effet, l'importance des dangers que la
récolte de signatures projetée faisait courir à l'ordre et à la sécurité,
à l'intérieur comme à l'extérieur de la prison, le permettait. De plus,
le recourant s'est refusé à demander que les signatures puissent être
recueillies à un endroit moins névralgique, ce que l'autorité aurait,
dit-elle, admis.

    Dès lors, le Conseil d'Etat n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation
en refusant l'autorisation sollicitée par le GAP, ce refus ne viole pas
non plus le principe de la proportionnalité.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.