Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 108 V 189



108 V 189

41. Arrêt du 26 octobre 1982 dans la cause K., P., L. contre Caisse
cantonale genevoise de compensation et Commission cantonale genevoise de
recours en matière d'AVS Regeste

    Art. 52 AHVG. Schadenersatzpflicht des Arbeitgebers. In casu bejaht,
weil keine Rechtfertigungs- bzw. Exkulpationsgründe nachgewiesen (Erw.
2, 4).

    Art. 81 AHVV.

    - Art. 81 Abs. 3 AHVV ist gesetzmässig. Der Sozialversicherungsrichter
kann einen kraft des Art. 81 Abs. 2 erhobenen Einspruch nicht aufheben,
wenn die Ausgleichskasse den in Art. 81 Abs. 3 vorgesehenen Klageweg
nicht beschritten hat. Dieser Weg ist nur der Kasse vorbehalten; keine
andere Behörde kann sie ersetzen und an ihrer Stelle handeln (Erw. 3).

    - Haften mehrere Schuldner solidarisch untereinander, so hat die
Kasse die Wahl, entweder alle Schuldner zu belangen oder einen einzigen
von ihnen; um die internen Beziehungen der Haftpflichtigen hat sie sich
nicht zu kümmern (Erw. 3).

    - Nach Ablauf der Frist des Art. 81 Abs. 3 kann die Kasse ihre
Forderungen nicht mehr erhöhen (Erw. 6).

Sachverhalt

    A.- Le 20 juin 1979, la Caisse cantonale genevoise de compensation
notifia à K., administrateur de la société X SA, qu'elle subissait une
perte de 99'580 fr. 95 sur la créance de cotisations paritaires produite
dans la faillite de ladite société, qu'elle l'en rendait responsable
conjointement et solidairement avec P., L. et J., et qu'elle le sommait
de verser ce montant dans les 30 jours.

    Le 26 juin 1979, elle adressa la même sommation à un autre
administrateur de la faillite, P., mais pour un montant de 86'518 fr. 80
et sans impliquer J. dans sa réclamation.

    Le 20 juin 1979, la caisse a adressé une sommation analogue à L.,
ancien administrateur de la faillite, pour un montant de 99'580 fr. 95.

    Dans les 30 jours, chacun des trois intéressés forma, auprès de la
caisse de compensation, une opposition motivée contre la décision qui
le concernait.

    B.- Dans les 30 jours qui suivirent, la caisse de compensation
demanda à la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS
de prononcer le rejet des oppositions de K. et de P.

    Le 27 novembre 1979, la commission de recours confirma "les décisions
notifiées par la caisse de compensation les 20 et 26 juin 1979 à K.,
P. et L., pris conjointement et solidairement, pour un montant de 99'580
fr. 95". Ce jugement se fonde sur un état de fait qu'on peut résumer ainsi:

    La société X SA, vouée au traitement de l'information et à toutes
études économiques et techniques dans le domaine de la production, de la
distribution, de la recherche ou de la prestation de services, fut inscrite
au registre du commerce le 4 février 1975 et dissoute le 8 mai 1978 par
la faillite. Furent, entre autres, inscrits comme administrateurs dès la
constitution de la société: K., président; P., secrétaire dès le 17 février
1976 et radié le 30 mars 1978; L., radié le 17 mars 1978. J. fut inscrit
comme fondé de pouvoirs du 10 novembre 1977 au 30 mars 1978. La société,
qui souffrait d'un manque chronique de trésorerie, ne versa pas à la Caisse
cantonale genevoise de compensation toutes les cotisations paritaires
AVS/AI/APG qu'elle lui devait. La caisse de compensation produisit de ce
fait dans la faillite une créance de 99'580 fr. 95, pour laquelle il fut
d'emblée évident qu'elle ne recevrait aucun dividende. Il s'ensuivit les
trois décisions mentionnées sous lettre A ci-dessus. La caisse n'attaqua
pas J., qui manifestement n'avait pas commis de faute. Elle renonça à
requérir la levée de l'opposition formée par L. En cours de procédure,
elle précisa qu'elle avait par erreur réclamé à P. une somme inférieure
à celle qu'elle entendait mettre à la charge de K.

    Les trois administrateurs savaient que la société avait une dette
importante et chronique à l'égard de l'AVS/AI/APG. K., chargé à plein
temps de la gestion, expose qu'il était de son devoir de consacrer les
liquidités en premier lieu à la survie de l'entreprise. Quant à P. et L.,
ils disent avoir exhorté le prénommé à faire en sorte que les cotisations
sociales arriérées fussent payées, mais ils n'entreprirent rien d'efficace
pour sauvegarder les intérêts de la caisse de compensation.

    En droit, le premier juge estima que - s'agissant d'oppositions
relevant d'un même complexe de faits - la caisse de compensation n'avait
pas le droit de demander la levée de deux oppositions seulement et de
renoncer à attaquer la troisième. Il se saisit donc d'office du cas de
L. et retint que les trois administrateurs avaient commis des fautes graves
et causé ainsi à la caisse de compensation une perte importante. Quant
au montant de cette perte, il admit le chiffre invoqué par la caisse
sur la base des déclarations de salaires qu'elle tenait de la société,
nonobstant l'allégation de K. que ces déclarations contenaient des montants
supérieurs à la réalité.

    C.- K. et P. ont formé un recours de droit administratif contre le
jugement cantonal. Ils contestent, avec pièces à l'appui, le montant de
la perte subie par la caisse, qu'ils disent n'être que de 89'489 fr. 25,
contestent toute faute grave et concluent au renvoi de la cause à la
commission de recours ou à la caisse de compensation, pour complément
d'instruction et nouvelle décision.

    La Caisse cantonale genevoise de compensation et l'Office fédéral
des assurances sociales concluent au rejet du recours.

    D.- D'autre part, L. a également recouru. Il proteste contre les
conditions dans lesquelles la commission cantonale de recours s'est saisie
d'office de son cas, considère qu'il n'est point établi qu'il ait causé
par une faute quelconque la perte subie par la caisse de compensation et
conclut à l'annulation des décisions attaquées dans la mesure où elles
le concernent.

    La caisse de compensation déclare s'en rapporter à justice. L'Office
fédéral des assurances sociales estime que la juridiction cantonale
n'avait pas le droit de prononcer une levée d'opposition qui ne lui
était pas demandée dans les formes légales et réglementaires. Il propose
l'admission du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Etant donné que les deux recours concernent des faits de même
nature et sont dirigés contre le même jugement, il se justifie de les
réunir et de les liquider dans un seul arrêt (v. p.ex. ATF 105 V 129
consid. 2b et arrêts cités).

Erwägung 2

    2.- En vertu de l'art. 52 LAVS, l'employeur qui, intentionnellement
ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi
un dommage à la caisse de compensation est tenu à réparation.

    a) L'art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 ss RAVS,
prescrit que l'employeur doit déduire, lors de chaque paie, la cotisation
du salarié et verser celle-ci à la caisse de compensation en même temps
que sa propre cotisation. Les employeurs doivent remettre périodiquement
aux caisses les pièces comptables concernant les salaires versés à
leurs employés, de manière que les cotisations paritaires puissent être
calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de l'employeur
de percevoir les cotisations et de régler les comptes est une tâche
de droit public prescrite par la loi. A cet égard, le Tribunal fédéral
des assurances a déclaré, à réitérées reprises, que celui qui néglige de
l'accomplir enfreint les prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS et doit,
par conséquent, réparer la totalité du dommage ainsi occasionné (ATF
103 V 122 consid. 3, ATFA 1961 p. 230). D'autre part, la Cour de céans
a expressément admis qu'une telle obligation n'existait que dans les cas
où l'employeur avait, intentionnellement ou par négligence grave, violé
les prescriptions de la législation sur l'AVS (ATF 103 V 124 consid. 6,
98 V 29 consid. 6). Aussi, l'employeur qui, faute de ressources, a omis
d'acquitter les cotisations paritaires, n'agit-il ni intentionnellement
ni par négligence grave (RCC 1970 p. 102).

    b) Jusqu'à présent, la jurisprudence ne s'est pas clairement prononcée
sur le point de savoir si la responsabilité de l'employeur, au sens de
l'art. 52 LAVS, pouvait éventuellement être niée, pour des motifs qui font
apparaître comme légitime la violation de prescriptions ou qui excluent
un comportement fautif. La Cour plénière, à qui cette question a été
soumise, l'a résolue comme il suit:

    La condition essentielle de l'obligation de réparer le dommage
consiste, selon le texte même de l'art. 52 LAVS, dans le fait que
l'employeur a, intentionnellement ou par négligence grave, violé des
prescriptions et ainsi causé un préjudice. L'intention et la négligence
constituent différentes formes de la faute. L'art. 52 LAVS consacre en
conséquence une responsabilité pour faute résultant du droit public. Il n'y
a obligation de réparer le dommage, dans un cas concret, que s'il n'existe
aucune circonstance justifiant le comportement fautif de l'employeur
ou excluant l'intention et la négligence grave. A cet égard, on peut
envisager qu'un employeur cause un dommage à la caisse de compensation en
violant intentionnellement les prescriptions en matière d'AVS, sans que
cela entraîne pour autant une obligation de réparer le préjudice. Tel est
le cas lorsque l'inobservation des prescriptions en question apparaît,
au vu des circonstances, comme légitime ou non fautive.

    Mais, s'il n'existe aucun indice permettant de conclure que cette
condition est réalisée, la caisse de compensation, qui constate que la
violation des prescriptions lui a causé un dommage, est fondée à considérer
que l'employeur a agi intentionnellement ou à tout le moins par négligence
grave. Cela étant, elle rendra une décision au sens de l'art. 81 al. 1
RAVS en vue d'obtenir la réparation du dommage. Il appartient audit
employeur de faire valoir dans la procédure d'opposition des motifs
justifiant ou excusant son comportement, à charge pour lui d'en rapporter
la preuve en vertu de son devoir de collaborer à l'établissement des faits
(art. 81 al. 2 RAVS). Pour sa part, la caisse de compensation examinera,
en application du principe de l'instruction d'office, les moyens soulevés
par l'employeur. Si elle arrive à la conclusion que les motifs invoqués
sont fondés, elle admettra l'opposition; dans le cas contraire, elle
agira conformément à l'art. 81 al. 3 RAVS (ATF 108 V 183).

    c) Il y a dommage, au sens de l'art. 52 LAVS, dès qu'un montant
appartenant ou revenant à une caisse de compensation, en sa qualité
d'organe de l'AVS, lui échappe. L'ampleur du dommage est alors égale
au capital dont la caisse se trouve frustrée (ATF 103 V 122 consid. 4,
98 V 28 consid. 4; ATFA 1961 p. 229 consid. 1, 1957 p. 218/219 consid. 1).
   d) Aux termes de l'art. 82 RAVS:

    "1 Le droit de demander la réparation d'un dommage se prescrit
   lorsque la caisse de compensation ne le fait pas valoir par une décision
   de réparation dans l'année après qu'elle a eu connaissance du dommage
   et, en tout cas, à l'expiration d'un délai de 5 ans à compter du
   fait dommageable.

    2 Lorsque ce droit dérive d'un acte punissable soumis par le Code
   pénal à un délai de prescription de plus longue durée, ce délai est
   applicable."

    Par "fait dommageable", au sens de l'alinéa 1 in fine précité, il
faut entendre la survenance du dommage (ATF 103 V 122 consid. 4, ATFA
1957 p. 222-226 consid. 3, RCC 1973 p. 78 consid. 2). Dans le cas de
cotisations non versées et périmées en vertu de l'art. 16 LAVS, la date
de la survenance du dommage est celle de l'avènement de la péremption (ATF
98 V 28 consid. 4, ATFA 1961 p. 230 consid. 2, 1957 p. 222-226 consid. 3).

    e) L'obligation imposée par l'art. 52 LAVS à l'employeur fautif de
réparer le dommage causé à la caisse de compensation s'étend, lorsque
l'employeur est une personne morale, aux personnes qui ont agi en son
nom; le juge des assurances sociales est compétent pour statuer sur la
décision de dommages-intérêts, qu'elle soit prise contre la personne
morale ou contre ses représentants; les art. 754 CO et 55 al. 3 CC
sont alors inapplicables; quant aux art. 41 ss CO, le Tribunal fédéral
des assurances a laissé la question indécise (ATF 103 V 120, 96 V
124). Lorsque plusieurs représentants ont causé ensemble le dommage,
ils en répondent solidairement. Le Tribunal fédéral des assurances en
a jugé ainsi soit tacitement (ATF 103 V 120) soit expressément mais
sans le motiver (arrêt non publié Müller et Nyffeler du 21 novembre
1978). WINZELER arrivait à la même solution par l'application analogique
de l'art. 50 CO (Die Haftung der Organe und der Kassenträger in der AHV,
thèse Zurich 1952, p. 66). Cette motivation paraît juste, mais il n'est
sans doute pas inadmissible de raisonner aussi - par analogie également -
sur l'art. 759 CO (cf. ATF 96 V 125 al. 2).

Erwägung 3

    3.- En l'occurrence, la caisse de compensation a ouvert action
contre deux administrateurs, K. et P., mais n'a pas procédé en justice
contre leur collègue, L. La commission cantonale de recours s'est saisie
d'office du cas de ce troisième administrateur, en soutenant en substance
qu'une application cohérente des art. 52 LAVS et 81 al. 3 RAVS exige que,
lorsque plusieurs représentants d'une société anonyme sont impliqués dans
la gestion que la caisse critique, ils soient tous attaqués devant la
juridiction cantonale. L'Office fédéral des assurances sociales objecte que
cette thèse se heurte au texte clair de l'art. 81 al. 3 RAVS, selon lequel
la caisse est déchue de ses droits (à la réparation du dommage) si elle
n'ouvre pas action dans les 30 jours en vue de faire lever l'opposition
du prétendu débiteur; il propose donc de libérer L., tout en maintenant la
condamnation prononcée contre les deux autres administrateurs solidairement
entre eux.

    Il est exact que l'art. 81 RAVS confère aux caisses de compensation
un pouvoir de décision dont l'ampleur semble à première vue excessive
au regard du principe de la responsabilité de l'employeur établi par
l'art. 52 LAVS. La Cour plénière, à qui cette question a été soumise,
a cependant constaté que l'art. 81 RAVS était conforme à la loi et que
le juge des assurances sociales ne pouvait lever une opposition formée,
conformément à l'art. 81 al. 2 RAVS, par un employeur contre lequel la
caisse de compensation n'a pas ouvert l'action prévue à l'art. 81 al. 3
RAVS. Si la caisse omet de procéder en justice, aucune autre autorité ne
peut se substituer à elle et ouvrir action à sa place.

    Certes, en décidant si elle attaquera un employeur, et quelles
personnes elle mettra en cause, la caisse devra respecter le principe de
l'égalité des justiciables dans l'application de la loi (dans ce sens:
SOMMERHALDER, Die Rechtsstellung des Arbeitgebers in der AHV, thèse Zurich
1958, p. 78 ss). Cependant, en cas de solidarité entre une pluralité
de débiteurs, elle jouit d'un concours d'actions et le rapport interne
entre les coresponsables ne la concerne pas; si elle ne peut prétendre
qu'une seule fois la réparation, chacun des débiteurs répond envers elle
de l'intégralité du dommage et il lui est loisible de rechercher tous les
débiteurs, quelques-uns ou un seul d'entre eux, à son choix. Or, force est
de constater que la caisse de compensation n'a actionné que les anciens
administrateurs K. et P.; c'est donc à tort que les premiers juges se
sont saisis du cas de L., envers qui la caisse n'avait plus aucun droit,
faute d'avoir attaqué son opposition dans les délais et selon la procédure
prévue à l'art. 81 al. 3 RAVS. Cela étant, le recours de L. doit être
admis et le jugement attaqué annulé en conséquence.

    Au demeurant, la Cour de céans n'a pas à connaître des rapports
internes entre les anciens administrateurs d'une société anonyme.

Erwägung 4

    4.- Les cotisations paritaires que l'employeur X SA en faillite est
hors d'état de payer sont celles de juillet 1976 à février 1978. Le bilan
arrêté au 31 décembre 1976 indiquait au passif, sous la rubrique "charges
sociales dues", une dette de 87'348 fr. 95 à l'égard de la Caisse cantonale
genevoise de compensation. Dans son rapport du 14 juillet 1977, l'organe
de contrôle se montrait pessimiste et terminait en attirant l'attention
des administrateurs sur l'art. 725 CO concernant l'avis obligatoire
au juge en cas de diminution du capital et d'insolvabilité. De janvier
1976 à février 1978, la société a certes payé des cotisations arriérées,
mais elle a accumulé de nouveaux retards et retenu à partir de juillet
1976 des cotisations d'employés qu'elle n'a ni complétées de ses propres
cotisations ni versées.

    L'administrateur occupé à plein temps, K., a commis une faute grave
en laissant délibérément en souffrance, avant juillet 1976 déjà, les
créances de la caisse de compensation et en continuant malgré le résultat
de l'exercice 1976 une exploitation déficitaire. Il déclare avoir fait
passer avant le paiement des cotisations AVS/AI/APG les dépenses qu'il
croyait aptes à assurer la survie de la société. C'est précisément
ce qu'il n'avait pas le droit de faire: l'assurance sociale n'a pas à
courir les risques inhérents au financement d'une entreprise. Il peut
certes arriver qu'en retardant le paiement des cotisations AVS/AI/APG,
l'employeur parvienne à maintenir son entreprise en vie, par exemple lors
d'une passe délicate dans la trésorerie. Mais il faut alors, pour que
son comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l'art. 52
LAVS, qu'il soit établi avec un haut degré de vraisemblance qu'au moment
où l'employeur a pris cette décision, le non-paiement des cotisations
était, selon une appréciation raisonnable, objectivement indispensable à
la survie de l'entreprise ou, en tout cas, de nature à permettre à cette
dernière d'acquitter des créances de salaire colloquées en première classe
selon l'art. 219 al. 4 LP (ATF 108 V 187 consid. 2). Or, rien de tel
n'est établi en l'occurrence, car même si K. avait, comme il le prétend,
des raisons de croire à la possibilité d'un redressement de la situation,
sa faute reste grave, attendu qu'il devait aussi craindre sérieusement
un échec. Cela ressort du dossier avec une telle évidence que les motifs
invoqués ne sont pas pertinents. La responsabilité du recourant est donc
engagée, conformément aux normes légales et jurisprudentielles exposées
sous ch. 2 ci-dessus.

    L'administrateur "externe" P. s'est certes alarmé de la situation de la
société et a exhorté son collègue K. à payer les cotisations des assurances
sociales. Il consentit, en septembre 1977, un prêt de 40'000 fr. à la
société, qui ne le lui a pas remboursé, pour lui permettre de faire face
à des engagements pressants; il dit avoir demandé qu'une part importante
de ces fonds soit versée à l'AVS, ce qui d'ailleurs ne fut fait qu'à
concurrence de 3'000 fr. Mais il n'a pris aucune mesure en vue de mettre
réellement fin à la gestion illicite qu'il déplorait. Il n'allègue rien
à cet égard qui eût justifié ou excusé son comportement. Par conséquent,
il s'est associé à la continuation d'une entreprise hasardeuse, financée
sans droit, indirectement et en partie, par l'assurance sociale. Il a
ainsi commis, lui aussi, une faute grave, qui engage sa responsabilité.

Erwägung 5

    5.- Le dommage dont la caisse de compensation est en droit de demander
réparation équivaut à la somme des cotisations que la masse en faillite de
l'employeur n'a pu lui payer. D'après l'état de collocation, il s'agit de
99'580 fr. 95, frais de recouvrement compris. Ce montant correspond à celui
de l'acte de défaut de biens délivré le 26 février 1980 à la créancière
par l'Office des faillites. La commission cantonale de recours l'a retenu,
comme résultant des déclarations de salaire de l'employeur, bien que
K. eût allégué que lesdites déclarations contenaient plusieurs erreurs,
dont la rectification diminuerait le montant des salaires déterminants de
sorte que le solde des cotisations arriérées se réduirait de 11'921 fr. 85.

    Aux termes de l'art. 105 al. 2 OJ, lorsque le recours est dirigé contre
la décision d'une commission de recours, le Tribunal fédéral est lié
par les faits constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement
inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles
essentielles de procédure. Cette disposition s'applique en vertu de
l'art. 132 OJ au Tribunal fédéral des assurances, quand il statue sur un
litige qui ne concerne pas des prestations d'assurance.

    Une des règles essentielles de la procédure en matière d'assurance
sociale est que le juge établisse d'office les faits déterminants,
quitte à requérir à cette fin le concours des parties (RCC 1979 p. 79
consid. 2b et les arrêts cités). Dans le cas particulier, K. avait cité,
dans une lettre qu'il avait adressée le 18 juillet 1979 à la caisse de
compensation, des exemples précis d'erreurs dans les déclarations de
salaire de la société. Le premier juge a contrevenu à la règle précitée
en n'instruisant pas sur ces allégations avant de rendre son jugement,
le 24 janvier 1980. Dans leur recours de droit administratif, K. et
P. allèguent et prouvent, avec pièces à l'appui, qu'une somme de 10'091
fr. 70 comprise dans le total des salaires déterminants résultant des
déclarations critiquées, figure aussi dans l'état de collocation établi
par l'Office des faillites comme n'ayant pas été payée aux salariés en
cause. La caisse de compensation admet l'existence de cette contradiction,
mais, estime-t-elle, il n'est pas certain que ce soit son acte de défaut
de biens qui soit inexact: ce pourraient tout aussi bien être les rubriques
de l'état de collocation relatives aux créances de salaire en question. Le
Tribunal fédéral des assurances pourrait faire compléter l'instruction sur
ce point. La Cour de céans est cependant d'avis qu'il faut accorder plus
de poids aux productions individuelles des salariés qu'à la production
que la caisse de compensation fondait sur des récapitulations émanant
d'une société dont l'administration n'était pas un modèle de précision,
si l'on en croit l'organe de vérification des comptes. Dès lors, elle
admet que la somme des cotisations impayées soit réduite de 10'091 fr. 70
et ramenée ainsi à 89'489 fr. 25.

Erwägung 6

    6.- Après l'expiration du délai de l'art. 81 al. 3 RAVS, la caisse
de compensation a augmenté le montant de ses prétentions contre P. Elle
a ouvert action en vue de faire lever l'opposition formée par ce dernier
contre la décision le sommant de payer 86'518 fr. 80, puis a déclaré en
cours de procès qu'elle aurait dû réclamer 99'580 fr. 95. Ce procédé était
inadmissible. En effet, les termes "sous peine de déchéance" figurant à
l'art. 81 al. 3 RAVS excluent toute action présentée après le délai prévu;
il en va ainsi de l'augmentation des conclusions en cause. Dès lors, comme
seule la somme primitivement réclamée peut être exigée de P., celui-ci ne
répondra solidairement avec K. que jusqu'à concurrence de 86'518 fr. 80,
ce dernier étant seul responsable de la différence entre ce montant et
celui du dommage s'élevant à 89'489 fr. 25, à savoir 2'970 fr. 45.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

    Le recours de L. est admis, le jugement de la Commission cantonale
genevoise de recours en matière d'AVS du 27 novembre 1979 étant annulé
en ce qui le concerne.

    Le recours de K. et celui de P. sont admis partiellement. Le jugement
de la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS du 27
novembre 1979 est réformé, dans ce sens que ces deux recourants doivent
à la Caisse cantonale genevoise de compensation, solidairement entre eux,
86'518 fr. 80 et que K. seul doit en outre à la caisse 2'970 fr. 45.