Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 108 IV 154



108 IV 154

38. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 3 décembre 1982 dans la
cause X. contre Procureur général du canton de Genève (pourvoi en
nullité) Regeste

    Art. 58, 58bis und 59 StGB (Einziehung, Rechte Dritter, Verfall an
den Staat).

    1. Zur eidgenössischen Nichtigkeitsbeschwerde gegen Entscheide
gemäss Art. 58, 58bis und 59 StGB ist grundsätzlich jeder legitimiert,
der durch sie direkt betroffen wird (E. 1a).

    2. Entscheide gemäss Art. 58, 58bis und 59 StGB sind von einer
richterlichen Instanz zu fällen; der Generalprokurator des Kantons Genf
ist keine richterliche Instanz (E. 2).

Sachverhalt

    A.- X. accusée de recel et d'usage de faux, a été acquittée par
la Cour correctionnelle du canton de Genève le 14 juin 1982. En cours
de procédure, le juge d'instruction avait ordonné (le 21 août 1980)
la saisie d'un montant de 15'000 francs figurant sur un compte bancaire
ouvert à son nom par X. Celle-ci a reconnu avoir reçu cet argent à titre
de commissions pour son activité en faveur d'un certain Z.; il s'agit du
produit d'escroqueries commises par ce dernier, lequel a été condamné le
10 mars 1982 au terme d'une autre procédure de jugement.

    B.- Le mandataire de X. a informé le juge d'instruction de
l'acquittement intervenu et a demandé que le compte bancaire concerné soit
débloqué. C'est le Procureur général du canton de Genève qui a répondu à
cette requête. Par ordonnance du 18 août 1982, il a refusé de débloquer,
au profit de X., le compte précité et ordonné la dévolution de la somme
de 15'000 francs à l'Etat. Il considère en effet que les art. 58 et
59 CP autorisent la confiscation et la dévolution à l'Etat du produit
d'infractions alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable.

    C.- X. s'est pourvue en nullité auprès de la Cour de cassation du
Tribunal fédéral. Elle conclut avec suite de frais et dépens à l'annulation
de l'ordonnance du Procureur général et à la levée du séquestre du compte
bancaire; alternativement elle demande le renvoi de la cause au Procureur
général pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

    Le Procureur général conclut au rejet du pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) La recourante a été accusée puis acquittée dans une première
procédure. La décision du Procureur général s'inscrit dans une procédure
distincte du procès de jugement. Dès lors se pose ici la question de la
qualité de X. pour se pourvoir en nullité.

    Aux termes de l'art. 270 PPF, seuls l'accusé, l'accusateur public et,
dans certains cas, le plaignant ainsi que l'accusateur privé peuvent se
pourvoir en nullité. La recourante ne répond pas à ces exigences. Il serait
cependant profondément choquant de lui refuser le droit de se défendre dans
une cause qui concerne les conséquences d'une action pénale où elle était
partie. Il faut ainsi admettre que l'art. 270 PPF présente une lacune qu'il
convient de combler par une application analogique de l'art. 271 al. 1 PPF
qui concerne la partie civile. En tant que titulaire du compte bancaire
litigieux, la recourante apparaît en effet comme un tiers directement
concerné, "déclaré responsable avec le condamné", à qui la qualité pour
se pourvoir en nullité doit être reconnue. Cette qualité doit d'ailleurs
être conférée en principe à toute personne qui se trouve directement
concernée par une mesure fondée sur les art. 58, 58bis et 59 CP.

    b) Aux termes de l'art. 277ter PPF, lorsque la Cour de cassation juge
le pourvoi fondé elle ne peut qu'annuler la décision attaquée et renvoyer
la cause à l'autorité cantonale pour qu'il soit statué à nouveau dans le
sens des considérants.

    Ne sont dès lors pas recevables ici les conclusions qui tendent
à ce que le Tribunal fédéral prononce la levée du séquestre du compte
bancaire litigieux.

    c) Le pourvoi en nullité n'est recevable en principe que contre les
décisions qui ne peuvent pas donner lieu à un recours de droit cantonal
pour violation du droit fédéral (art. 268 PPF).

    En l'espèce, la recourante soutient et le Procureur général admet que
l'ordonnance attaquée est une décision de dernière instance. De plus,
l'art. 190 al. 2 du Code de procédure pénale genevois du 29 septembre
1977, qui prévoit dans certains cas un recours à la Chambre d'accusation
contre les décisions du Procureur général, est muet quant aux ordonnances
de ce magistrat fondées sur les art. 58 et 59 CP. On admettra donc que le
pourvoi réunit les conditions prévues par l'art. 268 PPF. La question de
savoir si la décision attaquée est assimilable à un jugement (art. 268
ch. 1 PPF) plutôt qu'à un prononcé pénal d'une autorité administrative
(art. 268 ch. 3 PPF) peut demeurer indécise.

    d) Pour être recevable, le pourvoi en nullité doit en outre se
rapporter à une violation du droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF). A cet
égard, le Procureur général fait remarquer que c'est sa compétence pour
appliquer l'art. 59 CP qui est mise en doute; il s'agirait ainsi d'une
question d'organisation judiciaire cantonale qui ne pourrait faire l'objet
que d'un recours de droit public. Il a tort. Ce n'est pas la compétence
du Procureur général au regard du droit cantonal qui est en cause ici
mais bien la question de savoir si cette autorité peut être considérée
comme "le juge" au sens des art. 58 ss CP. Il s'agit donc d'un problème
d'interprétation du droit fédéral qui peut donner matière à un pourvoi
en nullité (art. 269 CP; voir dans ce sens SCHWANDER, Das schweizerische
Strafgesetzbuch, Fribourg 1952 p. 280 no 478a).

    Dès lors, dans la mesure où il a trait à l'application des art. 58
et 59 CP, le pourvoi est recevable.

Erwägung 2

    2.- Selon la recourante, le droit pénal fédéral exige que la décision
fondée sur les art. 58 et 59 CP ressortisse au juge du fond.

    a) Les art. 58, 58bis et 59 CP se trouvent dans le titre du Code qui
traite des peines, mesures de sûreté et autres mesures; ils font partie
du chapitre premier consacré aux différentes peines et mesures. Pour
les prononcer, le Code y désigne "le juge" qu'il distingue des organes
d'exécution généralement appelés "autorité compétente" (art. 37 ch. 2 al. 3
CP par exemple). Or l'art. 58 CP dispose que c'est bien au juge qu'il
appartient de prononcer la confiscation. L'art. 58bis, entré en vigueur
le 1er janvier 1975, est venu compléter les règles sur la confiscation
et doit être interprété en liaison avec l'art. 58 CP; le titre marginal
- par exemple - l'atteste. On ne saurait douter ainsi que l'autorité
d'application de l'art. 58bis CP soit aussi le juge. Il en va de même pour
l'art. 59 CP qui renvoie expressément à l'art. 58bis CP. C'est donc bien
un juge qui doit prononcer la dévolution à l'Etat.

    b) Si la dévolution doit faire l'objet d'un jugement, encore faut-il
examiner si le droit fédéral exige que cette décision émane toujours du
juge du fond.

    Il paraît logique et conforme au principe de l'économie de procédure
de conférer au juge pénal du fond la compétence d'appliquer l'art. 59
CP. Cela se justifie également pour la sauvegarde du droit d'être entendu.

    Qu'en est-il cependant des cas où le juge du fond n'est pas saisi
suite au décès du prévenu, ou si l'auteur n'est pas identifié, ou déclaré
irresponsable, ou encore si le propriétaire des objets séquestrés n'est
pas découvert dans les 5 ans après la publication officielle (art. 58bis
al. 3 et 59 CP)? Le Tribunal fédéral a déjà admis, par exemple, que le
tribunal d'accusation pouvait prononcer l'internement d'un irresponsable
dont la poursuite pénale avait été abandonnée, précisément en raison de
l'irresponsabilité (ATF 72 IV 1; cf. SCHWANDER, op.cit., p. 259 no 458;
LOGOZ-SANDOZ, Commentaire du Code pénal suisse, Neuchâtel 1976, p. 325
ch. 4 et 330 ch. 3b; HAEMMERLI, Der Verfall von Geschenken und anderen
Zuwendungen gemäss Art. 59 StGB, thèse Berne 1950 p. 12).

    En l'espèce toutefois, ces questions n'ont pas à être tranchées. Il
suffit en effet de constater que l'autorité signataire de la décision
attaquée n'est pas un juge, contrairement à ce que prévoit le Code
pénal. En effet, le Procureur général du canton de Genève qui a soutenu
l'accusation au cours du procès en jugement, où il était partie, ne saurait
être assimilé à un juge suffisamment indépendant. Il est d'ailleurs douteux
que de par les fonctions qu'il exerce il puisse passer pour un tribunal
indépendant au sens de la CEDH (voir, s'agissant de l'Auditeur en chef:
Eggs c. Suisse, rapport du 4 mars 1978, in Décisions et rapports de la
Commission européenne des droits de l'homme, octobre 1979, vol. 15 p. 45 §
66, 68 et 69).

    Il se justifie en conséquence d'annuler l'ordonnance attaquée et de
renvoyer la cause à l'autorité cantonale (art. 277 PPF).