Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 108 II 233



108 II 233

50. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 10 mai 1982 contre la cause
Mirzan et Gargini contre Air Glaciers S.A. (recours en réforme) Regeste

    Zivilrechtliche Haftung des Luftfrachtführers.

    Art. 7 Abs. 2 des Lufttransportreglements vom 3. Oktober 1952 (LTR),
Art. 3 Abs. 2 des Warschauer Abkommens vom 12. Oktober 1929/28. September
1955 (WA). Wurde kein Flugschein ausgeliefert, so verliert der
Luftfrachtführer das Recht, sich auf Bestimmungen zu berufen, die seine
Haftung auf bestimmte Beträge beschränken (Art. 9 LTR, 22 WA); Art. 29
WA bleibt dagegen anwendbar (E. 4).

    Die zweijährige Frist zur Anhebung der Klage (Art. 29 WA) ist eine
Verwirkungsfrist; sie kann weder durch Schuldbetreibung noch durch
Abschlagszahlung unterbrochen werden (E. 5a und b).

    Kann dem Luftfrachtführer, der Verwirkung geltend macht, Art. 2 Abs. 2
ZGB entgegengehalten werden? Frage offen gelassen, da im vorliegenden
Fall kein Rechtsmissbrauch vorliegt (E. 5c).

Sachverhalt

    A.- Le 31 décembre 1976, Roberto Mirzan et Sandro Gargini ont été
blessés à la suite d'un accident, alors qu'ils étaient passagers d'un
avion propriété d'Air Glaciers S.A. Saisi de leurs prétentions en mai
1978, l'assureur en responsabilité civile du transporteur a demandé un
examen médical. Le 12 décembre 1978, le conseil de Mirzan et Gargini a
communiqué le détail des prétentions de ses clients à l'assureur.

    B.- Mirzan et Gargini ont cité Air Glaciers S.A. en conciliation par
exploit du 22 mars 1979. Dans leur demande déposée le 19 novembre 1980,
ils ont conclu au paiement de 87'668 francs pour le premier et de 115'253
francs pour le second.

    Le Tribunal cantonal du canton du Valais a décidé de rendre un jugement
partiel sur la question de la péremption, soulevée par la défenderesse. Par
jugement des 1/8 septembre 1981, il a prononcé ce qui suit: "1. - Il
est constaté que le délai de péremption de l'art. 29 de la Convention de
Varsovie n'est pas applicable au présent cas. 2. - Il est constaté que
la prescription était acquise en faveur d'Air Glaciers S.A. à l'égard
des prétentions des demandeurs lors du dépôt du mémoire-demande du 19
novembre 1980."

    C.- Les demandeurs recourent en réforme au Tribunal fédéral. Ils
concluent à ce que le jugement attaqué soit réformé en ce sens qu'il
est constaté que le délai de péremption de l'art. 29 de la Convention
de Varsovie n'est pas applicable au présent cas, et que la prescription
n'est pas acquise en faveur de la défenderesse à l'égard des prétentions
des demandeurs.

    Le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme le jugement attaqué
dans le sens des considérants (le rejet de la demande étant fondé non
pas sur la prescription, mais sur l'échéance du délai de péremption de
la Convention de Varsovie).

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.- a) La Suisse a réglé la responsabilité civile du transporteur
aérien dans le règlement de transport aérien du 3 octobre 1952 (RTA; RS
748.411), arrêté par le Conseil fédéral en vertu de l'art. 75 de la loi
sur la navigation aérienne (LNA; RS 748.0) et approuvé par l'Assemblée
fédérale.

    Selon l'art. 75 LNA, le Conseil fédéral a reçu pour instructions
de s'en tenir aux principes des conventions internationales liant la
Suisse lors de la réglementation de la responsabilité du transporteur. La
convention visée au premier chef par cette disposition est la convention
pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien
international, conclue à Varsovie le 12 octobre 1929 et modifiée à La
Haye le 28 septembre 1955 (RS 13 p. 656 et RO 1963 p. 664), désignée par
Convention de Varsovie (dans son ancienne teneur, en vigueur jusqu'au 31
décembre 1977, l'art. 75 LNA se référait expressément à cette convention).

    Aux termes de l'art. 3 RTA, les rapports juridiques du voyageur avec
le transporteur et ses préposés sont réglés par les dispositions de la
Convention de Varsovie. L'art. 8 RTA dispose en outre que, non seulement
pour les transports internationaux au sens de la Convention, mais aussi
pour d'autres transports et pour le transport interne, le transporteur
est responsable "selon les règles de ladite Convention et les dispositions
complémentaires du présent règlement". Les dispositions de la Convention
l'emportent donc en vertu de ce renvoi et les prescriptions du règlement ne
s'appliquent qu'à titre de droit supplétif, soit dans la mesure où elles
ne sont pas contraires à la Convention; elles doivent être interprétées
dans l'esprit de cette dernière, le texte en langue française tant de la
Convention que du règlement faisant foi (ATF 98 II 240 consid. 3).

    b) L'art. 22 de la Convention de Varsovie et l'art. 9 RTA limitent
la responsabilité du transporteur à certains montants. L'art. 29 de la
Convention dispose que "l'action en responsabilité doit être intentée,
sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l'arrivée
à destination ou du jour où l'aéronef aurait dû arriver, ou de l'arrêt
du transport", et que "le mode de calcul du délai est déterminé par la
loi du Tribunal saisi".

    Aux termes de l'art. 3 al. 2 de la Convention de Varsovie, l'absence
de billet n'affecte ni l'existence ni la validité du contrat de transport,
qui n'en sera pas moins soumis aux règles de la Convention; toutefois,
si, du consentement du transporteur, le passager s'embarque sans qu'un
billet de passage ait été délivré, le transporteur n'aura pas le droit
de se prévaloir des dispositions de l'art. 22. Pour la même hypothèse
de la non-délivrance d'un billet, l'art. 7 al. 2 RTA dispose que "le
transporteur ne peut se prévaloir des dispositions de la Convention de
Varsovie et de ce règlement qui limitent sa responsabilité". Dans leurs
teneurs antérieures aux modifications entrées en vigueur en 1963, tant
la Convention que le règlement disposaient qu'en l'absence de délivrance
d'un billet, le transporteur n'avait pas le droit de se prévaloir des
dispositions de cette convention ou du règlement qui excluent ou limitent
sa responsabilité.

    c) En l'espèce, aucun billet n'a été délivré aux demandeurs lors de
leur vol du 31 décembre 1976; l'hypothèse visée aux art. 7 al. 2 RTA et
3 al. 2 de la Convention de Varsovie est donc réalisée. Or il ressort
déjà de la seule lecture de ces dispositions que, contrairement à l'avis
de la cour cantonale, une telle situation n'a pas pour conséquence de
rendre inapplicables les dispositions de la Convention de Varsovie sur la
responsabilité en cas de lésions corporelles. La conséquence de l'absence
de délivrance du billet est l'impossibilité pour le transporteur de se
prévaloir des dispositions qui limitent sa responsabilité, et la Convention
précise même qu'il s'agit des dispositions de l'art. 22. Il n'est pas
question d'une exclusion générale de l'application des dispositions de
la convention sur la responsabilité.

    Il sied donc uniquement d'examiner si l'art. 29 de la Convention
de Varsovie, instituant un délai de déchéance de deux ans, fait partie
des dispositions limitant la responsabilité du transporteur au sens des
art. 7 al. 2 RTA et 3 al. 2 de la Convention. La réponse à cette question
ne peut qu'être négative. Le texte de la Convention vise expressément
et exclusivement l'art. 22, soit l'art. qui traite de la limitation
de la responsabilité du transporteur à certains montants; il ne cite
aucune autre disposition, et en particulier pas celle de l'art. 29
sur le délai de déchéance. Quant au texte du règlement, même s'il ne
mentionne pas l'article sur la limitation de responsabilité à certains
montants, il ne peut se rapporter à l'art. 29 de la Convention. D'une
part, une disposition prévoyant un délai de déchéance, de prescription
ou de péremption ne peut pas être qualifiée de disposition limitant
la responsabilité; cette qualification ne peut s'appliquer qu'à une
disposition limitant matériellement la responsabilité, et non pas à une
disposition qui, comme l'art. 29 de la Convention, règle sur le plan formel
les conditions d'exercice de l'action en responsabilité. D'autre part,
le règlement, qui rend applicable la Convention de Varsovie en matière
de transports internes, dans un esprit d'unification du droit, vise à
son art. 7 exactement la même situation que l'art. 3 de la Convention,
et prévoit les mêmes sanctions. Cette harmonie entre le règlement et la
Convention est concrétisée par la modification parallèle survenue en 1963,
ainsi que par la correspondance existant, quant aux sanctions, entre les
articles précités et les art. 10 RTA et 25 de la Convention traitant de la
responsabilité illimitée en cas de dommage intentionnel et de témérité. Là
également, ce n'est pas la non-application de la Convention qui est prévue,
ni celle de l'art. 29 sur la déchéance, mais uniquement la non-application
des limites de responsabilité fixées à l'art. 22 de la Convention et à
l'art. 9 RTA.

    Cette interprétation correspond parfaitement à l'intention du Conseil
fédéral, auteur du règlement (cf. FF 1952 III 232; 1962 I 1476).

    La doctrine n'envisage pas non plus d'interpréter l'art. 3 al. 2 de
la Convention de Varsovie comme visant d'autres dispositions que l'art. 22
sur la limitation de la responsabilité à certains montants (cf. GULDIMANN,
Internationales Lufttransportrecht, p. 39, n. 22 ad art. 3 Convention
de Varsovie; SCHWEICKHARDT, Schweizerisches Lufttransportrecht, p. 30;
SCHLEICHER/REYMANN/ABRAHAM, Das Recht der Luftfahrt, I 3e éd. p. 305 s.;
GERBER, Die Revision des Warschau Abkommens, thèse Zurich 1957 p. 77;
RUDOLF, Der Flugschein im internationalen Linienverkehr, in Zeitschrift
für Luft- und Weltraumrecht (ZLW) 1969, p. 113).

    Enfin, à défaut de jurisprudence suisse sur ce point, on peut
relever que plusieurs arrêts rendus en France, en République fédérale
d'Allemagne ou aux Etats-Unis posent clairement que les sanctions prévues
à l'art. 3 al. 2 de la Convention de Varsovie ne concernent pas l'art. 29,
c'est-à-dire que cette disposition s'applique nonobstant la non-délivrance
ou l'irrégularité du billet (Tribunal de Grande instance de Paris, 10
octobre 1969, cité in Jurisprudence de droit uniforme 1970, p. 100),
et cela déjà avec la teneur moins étroite qu'avait l'art. 3 al. 2 de
la Convention avant la modification de 1955 (New York Supreme Court,
13 mai 1969, cité in Jurisprudence de droit uniforme 1971, p. 106 s.;
Bundesgerichtshof allemand, 2 avril 1974, cité in ZLW 1975, p. 57 s.;
cf. TOSI, responsabilité aérienne, Paris 1978, p. 135, n. 296/297). La
jurisprudence, à l'étranger, a posé le même principe, à savoir celui
du maintien de l'application de l'art. 29, lorsque la limitation de la
responsabilité du transporteur disparaît en vertu de l'art. 25 de la
Convention (cf. SCHONER, Die internationale Rechtsprechung zum Warschauer
Abkommen, in ZLW 1980, p. 364; New York Supreme Court, 18 août 1977,
cité in ZLW 1979, p. 21).

    On doit donc rejeter le point de vue de la cour cantonale et admettre
l'application de l'art. 29 de la Convention de Varsovie en l'espèce,
malgré l'absence de délivrance de billets aux demandeurs.

    d) L'application des dispositions de la Convention de Varsovie
aux transports internes découlant d'un règlement du Conseil fédéral,
le Tribunal fédéral peut examiner la légalité de ce règlement, quand
bien même il a été ratifié par l'Assemblée fédérale (ATF 106 Ib 186;
104 Ib 420 ss consid. 4c). S'agissant d'un règlement dépendant, on doit
examiner s'il respecte les limites de la délégation prévue par la loi. Or
sur le vu du texte de l'art. 75 LNA (dans sa teneur aussi bien antérieure
à 1977 que postérieure), l'adoption par le règlement des dispositions
de la Convention de Varsovie - textuellement ou par renvoi - s'insère
parfaitement dans les limites de la délégation légale et en respecte
pleinement les exigences de principe. L'art. 75 LNA manifeste clairement
la volonté du législateur de soumettre la responsabilité du transporteur
aérien à une réglementation uniforme sur le plan interne et international.

Erwägung 5

    5.- a) Le délai de deux ans fixé par l'art. 29 de la Convention de
Varsovie est un délai de péremption et non de prescription. Cela résulte
du texte clair de cette disposition, qui mentionne sans équivoque d'une
part l'obligation pour le demandeur d'intenter une action dans le délai,
d'autre part la sanction de la déchéance. Le délai ne peut donc être
respecté que par une ouverture de procès; il ne peut pas être interrompu
ou prolongé par d'autres actes, notamment pas par des poursuites. Cette
opinion est partagée par la doctrine largement dominante, et par
les tribunaux de la plupart des pays signataires de la Convention de
Varsovie, à l'exception de quelques tribunaux américains et de la Cour
de cassation française (cf. GULDIMANN, op.cit., p. 165 ss; SCHWEICKHARDT,
op.cit., p. 93 et n. 176; SCHLEICHER/REYMANN/ABRAHAM, op.cit., I, p. 376,
rem. 1 ad art. 29; RIESE/LACOUR, Précis de droit aérien, p. 280, n. 338;
GOEDHUIS, National Airlegislations and the Warshaw Convention, p. 294 s.;
LEMOINE, Droit aérien, p. 558, n. 839; RIESE, op.cit., p. 471; ERICH HUBER,
op.cit., p. 78; GERBER, op.cit., p. 23; BOURGEOIS, in FJS 1090, p. 6 s.;
SCHONER, in ZLW 1978, p. 276 s. et 1980 p. 363 s.; TOSI, op.cit., p.
182 ss, n. 392 ss; voir en Suisse un arrêt de l'Obergericht de Zurich,
du 23 janvier 1958, in Bulletin ASDA 1958 no 3, p. 4, et un jugement du
Tribunal de première instance de Genève, du 9 décembre 1958, in Bulletin
ASDA 1959, no 2, p. 11).

    En l'espèce, les demandeurs n'ont pas respecté ce délai, puisque,
après le vol qui a causé le dommage invoqué, du 31 décembre 1976, ils n'ont
ouvert action que le 19 octobre 1980. La citation en conciliation du 22
mars 1979, laissée sans suite, est également postérieure à l'échéance du
délai de péremption. Dès lors, les conclusions périmées des demandeurs
doivent être rejetées.

    b) Les demandeurs invoquent en vain, à titre de facteur interruptif
de prescription, le versement d'un acompte de quelque 130'000 lires (à
l'époque environ 300 fr.s.) à Gargini. D'une part, cet élément ne ressort
pas des constatations de fait, d'autre part, le versement éventuel d'une
prestation partielle est sans effet interruptif sur un délai de péremption.

    c) L'application de l'abus de droit, au sens de l'art. 2 al. 2 CC, à
un délai de péremption est controversée (cf. ATF 103 II 19 ss consid. 3
et la doctrine citée). Dans le cadre de l'art. 29 de la Convention
de Varsovie, la doctrine et la jurisprudence allemandes admettent que
l'abus de droit puisse être invoqué à l'encontre du transporteur qui se
prévaut de l'échéance du délai de péremption (cf. LIESECKE, Die neuere
internationale Rechtsprechung zum Luftfrachtrecht..., in Monatschrift für
Deutsches Recht (MDR) 1968, p. 98; SCHLEICHER/REYMANN/ABRAHAM, op.cit.,
II p. 999; Oberlandsgericht Frankfurt, du 12 juin 1977, in ZLW 1978,
p. 221, cité par SCHONER, in ZLW 1980, p. 365).

    Quoi qu'il en soit, on ne saurait retenir en l'espèce l'existence
d'un abus de droit de la part de la défenderesse. Rien n'indique en effet
qu'elle ait détourné les demandeurs d'ouvrir action dans le délai de deux
ans, ni qu'elle ait adopté une attitude engageant les demandeurs à ne pas
procéder dans le délai. A supposer que l'on puisse invoquer à l'encontre
de la défenderesse l'attitude de son assureur en responsabilité civile
- contre lequel les demandeurs ne disposent pas d'un droit direct -
on ne constate aucun élément de nature à fonder un grief d'abus de
droit. Certes, il ressortait de l'attitude de la compagnie d'assurance
qu'elle ne contestait pas le principe de sa responsabilité, mais elle n'a
jamais laissé accroire qu'elle admettait ou admettrait les prétentions
chiffrées des demandeurs. Elle a au contraire manifesté une réserve très
nette, ainsi qu'une volonté de contrôle de la quotité du dommage et des
prétentions, ce qui ne pouvait raisonnablement inciter les demandeurs à
renoncer à agir dans les délais conformément aux exigences légales.