Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 108 II 149



108 II 149

30. Arrêt de la Ire Cour civile du 16 mars 1982 dans la cause Zurich
Assurances contre Orso (recours de droit public) Regeste

    Art. 63 Abs. 3 lit. b SVG.

    Die Anwendung dieser Bestimmung ist nicht auf besondere Arten von
Unfällen beschränkt und setzt nicht voraus, dass der Geschädigte sich
der durch das Fahrzeug bewirkten Gefahr bewusst aussetzt.

Sachverhalt

    A.- Le 13 juillet 1978, Remo Orso circulait au volant de son
automobile sur une autoroute d'Italie. Il heurta l'arrière du véhicule
qui le précédait dans la colonne. Ce véhicule, à son tour, vint tamponner
et endommager l'arrière de l'automobile conduite par Jean Orso, fils de
Remo Orso. Jean et Remo Orso avaient leur domicile à Genève et leurs
véhicules étaient immatriculés en Suisse. Remo Orso était assuré contre
la responsabilité civile auprès de la compagnie Zurich Assurances. Le
contrat excluait de l'assurance "les prétentions du détenteur ainsi que
les prétentions pour dégâts matériels de son conjoint, de ses ascendants
et descendants et, s'ils vivent en ménage commun avec lui, de ses frères
et soeurs...".

    B.- Jean Orso a ouvert action contre la société Zurich Assurances pour
obtenir le remboursement des frais de réparation de son véhicule. Il a
demandé paiement de 2'950 fr., avec intérêt, sous déduction de 188 fr. 30
reçus de son propre assureur. La défenderesse a conclu au rejet de l'action
en invoquant la clause qui excluait de l'assurance les prétentions des
descendants et ascendants du détenteur, pour leur dommage matériel.

    Le Tribunal de première instance de Genève a débouté le demandeur
par jugement du 8 janvier 1981.

    Statuant sur appel le 25 septembre 1981, la Cour de justice du canton
de Genève a condamné la compagnie Zurich Assurances à payer à Jean Orso
la somme de 2'950 fr., avec intérêt, sous déduction de 188 fr. 30. Elle
a jugé que la clause d'exclusion invoquée en l'espèce devait recevoir la
même interprétation que l'art. 63 al. 3 lettre b LCR, sur lequel elle était
calquée. Elle a estimé que, malgré le texte clair de la loi, le législateur
avait vraisemblablement voulu régler dans cet article les prétentions des
proches qui, par leur comportement, acceptent d'être directement exposés
au risque créé par le véhicule du détenteur. La disposition s'appliquait, à
son avis, à une collision entre véhicules conduits par leurs détenteurs sur
un fonds privé, mais non si l'accident se produisait sur la voie publique
et que par hasard le détenteur lésé fût un proche du détenteur fautif. La
loi, à l'art. 63 al. 3 précité, réglait la situation de personnes soumises
aux agissements d'un seul détenteur, soit qu'elles eussent accepté de
monter dans son véhicule, soit qu'elles se fussent exposées au risque
d'une autre manière, notamment lors de manoeuvres. De même, la portée
de l'art. 70 al. 4 lettre a était en principe restreinte au cas des
cyclistes qui circulent de conserve. Partant, les clauses d'exclusion ne
pouvaient s'appliquer à des collisions en chaîne sur la voie publique,
dans lesquelles, comme en l'espèce, le propriétaire et détenteur du
véhicule endommagé se trouve être un proche du détenteur responsable.

    C.- La société Zurich Assurances a interjeté un recours de droit
public pour arbitraire. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt du 25
septembre 1981, avec suite de frais et dépens.

    L'intimé Jean Orso propose le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Les parties ont admis à juste titre que leur litige fût tranché
selon les dispositions du droit suisse. Si l'accident qui en est l'origine
s'est produit en Italie, les véhicules en cause étaient immatriculés en
Suisse, où l'intimé avait son domicile (art. 85 al. 2 lettre b LCR).

    Il n'est pas contesté que la clause d'exclusion invoquée par la
recourante ne peut avoir un sens différent de celui de l'art. 63 al. 3
lettre b LCR, dont elle est la reprise. Partant, le litige qui divise les
parties ne porte en définitive que sur l'interprétation et l'application
de la norme légale précitée.

Erwägung 2

    2.- L'art. 63 al. 3 lettre b LCR, à s'en tenir à son texte, permet
d'exclure de l'assurance toutes les prétentions que les descendants
du détenteur peuvent élever pour le dommage matériel qu'ils ont
subi. Il ne soumet cette faculté d'exclusion à aucune condition
ou restriction. L'admission donc de l'action de l'intimé est en soi
incompatible avec la lettre de la loi. Or l'autorité qui applique une norme
légale d'une manière qui contredit son texte clair commet arbitraire,
à moins que des raisons suffisantes ne l'autorisent à affirmer qu'une
interprétation purement littérale méconnaîtrait le sens véritable de la
loi. Elle peut tirer de tels motifs de la genèse, du fondement ou du but
de la norme considérée, ou de ses rapports avec d'autres dispositions
légales (ATF 104 Ia 7 et les arrêts cités).

    a) L'art. 48 al. 3 LA permettait déjà au détenteur de ne pas s'assurer
contre les conséquences de sa responsabilité civile envers son conjoint,
ses ascendants et ses descendants. L'art. 63 al. 3 lettre b LCR a repris ce
principe et en a étendu l'application aux frères et soeurs du détenteur,
qui vivent en ménage commun avec lui. Et si la loi du 20 mars 1975 a
restreint la faculté offerte au détenteur d'exclure de l'assurance les
prétentions de ses proches, en la limitant au dommage matériel, elle n'a
pour le reste pas modifié le texte de l'art. 63 al. 3 lettre b LCR.

    L'origine des art. 48 al. 3 LA et 63 al. 3 lettre b LCR se trouve
dans les débats parlementaires qui aboutirent à la loi du 10 février 1926
sur la circulation des automobiles et des cycles, rejetée en votation
populaire du 15 mai 1927. La possibilité que l'art. 41 al. 3 de cette
loi donnait d'exclure de l'assurance les prétentions de certains proches
fut introduite de manière générale, sans être restreinte à des catégories
déterminées de sinistres. Quelques allusions furent faites, il est vrai,
au dommage que les proches du détenteur peuvent subir comme passagers
du véhicule. Elles s'expliquent par la fréquence de ce type de sinistres
entre proches, sans permettre d'inférer une volonté de limiter le domaine
de l'exception apportée au principe de l'assurance obligatoire (Bull.
stén. CN 1925 p. 333-335, CE 1925 p. 319). On ne peut au surplus tirer
aucun élément d'interprétation des débats qui ont abouti à l'adoption
des art. 48 al. 3 LA et 63 al. 3 lettre b LCR. Lors des discussions sur
la revision de divers articles de la loi sur la circulation routière,
dont l'art. 63 al. 3 précité, le cas des proches lésés comme occupants
fut certes évoqué fréquemment; aucune des déclarations faites durant les
débats n'exprime toutefois ni ne sous-entend la volonté de limiter à des
catégories déterminées de sinistres la faculté d'exclure de l'assurance les
prétentions que certains proches peuvent élever pour leur dommage matériel
(Bull. stén. CE 1974 p. 120-122, CN p. 1409). On ne saurait donc déduire
de la genèse de la loi des éléments propres à infirmer son texte clair.

    b) La faculté introduite dans la loi d'exclure de l'assurance
les prétentions de certains proches permet de reprendre en matière
de circulation routière une clause usuelle dans les autres domaines
de la responsabilité civile. Le système repose sur l'idée que la
victime n'intente normalement pas d'action contre ses proches et que,
sans la clause d'exclusion, l'existence d'une assurance pourrait
entraîner le dépôt de demandes auxquelles le responsable eût échappé
s'il avait dû supporter seul les conséquences de sa responsabilité
(GEISSELER, Haftpflicht und Versicherung im revidierten SVG, p. 112
s.; MAURER, Privatversicherungsrecht p. 411 s.; OSWALD, Revision
des Strassenverkehrsgesetz, RJB 1975 p. 218; STÄHELI, Allgemeine
Haftpflichtversicherungsbedingungen, p. 20 s.; TERCIER, Les nouvelles
dispositions de la LCR, Mémoires de la Faculté de droit de l'Université
de Genève, XVe Journée juridique, 1975 p. 77). L'exclusion des prétentions
des proches doit également prévenir le risque de collusion entre l'auteur
du dommage et la victime (KOENIG, Privatversicherungsrecht, 3e éd. p. 502;
OFTINGER, Schweizerisches Haftpflichtrecht, t. II/2 p. 723 s.; TERCIER,
op.cit., loc.cit.). Elle devrait enfin empêcher les collisions d'intérêts
et les affrontements entre membres d'une même famille, et, dans une
certaine mesure, éviter un alourdissement des primes (ATF 98 II 128).

    Les motifs invoqués pour permettre à l'assureur de se prémunir contre
les prétentions des proches du détenteur tiennent tous au lien qui existe
en pareil cas entre le responsable et la personne lésée, et nullement
à la forme particulière qu'a pu prendre la réalisation du risque. Les
considérations sur lesquelles les art. 48 al. 3 LA et 63 al. 3 lettre
b LCR sont fondés s'appliquent à tous les sinistres dont sont victimes
certains proches du détenteur, qu'ils aient accepté de courir un risque
ou qu'ils y aient été exposés par le fait du hasard. Le but de la loi
ne permet dès lors pas d'en donner une interprétation restrictive,
contraire à son texte clair. En 1975, le législateur a certes, dans un
souci de protection accrue de la victime, supprimé la faculté d'exclure
de l'assurance les prétentions des proches pour leur dommage corporel. Il
n'a toutefois pas tenu ces motifs d'ordre social pour prépondérants dans
le cas du dommage matériel, à l'égard duquel il a confirmé la solution
adoptée en 1958 et 1932, et les considérations qui l'avaient alors guidé.

    c) L'art. 63 al. 3 lettre b LCR correspond en tous points à
l'art. 70 al. 4 lettre a, qui permet d'exclure de l'assurance contre la
responsabilité civile les prétentions que certains proches d'un cycliste
peuvent élever contre lui pour leur dommage matériel. Or l'application
de cette disposition ne saurait raisonnablement être limitée au passager
du cycle, âgé de sept ans au plus, mais doit s'étendre à des proches
engagés dans la circulation comme piétons, cyclistes ou utilisateurs de
véhicules automobiles. La systématique de la loi ne permet dès lors pas
d'interpréter restrictivement l'art. 63 al. 3 lettre b précité, dont elle
paraît au contraire confirmer le texte clair.

    d) Les critères que l'autorité cantonale a tenté de dégager pour faire
le départ des sinistres soumis ou soustraits aux clauses d'exclusion sont
insatisfaisants, imprécis et inapplicables en pratique. On ne voit pas
pour quel motif l'assurance devrait couvrir le dommage que le détenteur
cause au véhicule d'un de ses proches sur la voie publique, mais non les
conséquences d'une collision dans une propriété privée. De même, il n'y
a aucune raison de traiter différemment les accidents qui se produisent
entre deux cyclistes ou entre deux automobilistes circulant de conserve. Et
l'on ne saurait, sans multiplier les cas limites, recourir à un critère
aussi vague que l'exposition volontaire au risque créé par le véhicule
d'un proche. Partant, la solution adoptée par l'autorité cantonale, outre
qu'elle s'écarte sans motifs pertinents d'une interprétation littérale
de la loi, se révèle inopportune, parce que génératrice d'insécurité
juridique. L'arrêt attaqué, rendu en violation du texte clair de l'art. 63
al. 3 lettre b LCR, est donc arbitraire et doit être annulé.