Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 108 IB 485



108 Ib 485

82. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 27 janvier
1982 en la cause Fondation Schnorf contre les cantons de Vaud, Fribourg,
Neuchâtel, Berne et Soleure (recours de droit administratif) Regeste

    Enteignung gestützt auf Bundesrecht.

    Frist zur Geltendmachung einer Entschädigungsforderung für Schäden,
die entstanden sind durch den Bau eines öffentlichen Werkes, für welches
die Enteignung gestützt auf Bundesrecht beansprucht werden konnte.

    Wenn der behauptete Schaden nicht unmittelbar durch die Inbetriebnahme
des Werkes verursacht worden ist, beginnt die Frist von 5 Jahren (vgl. BGE
105 Ib 11 ff. E. 3) nicht zu laufen, bevor der Schaden objektiv erkennbar
ist.

Sachverhalt

    A.- Entrepris ensemble par les cantons de Vaud, Fribourg, Neuchâtel,
Berne et Soleure, les travaux de la deuxième correction des eaux du Jura
ont été effectués de 1962 à 1973; en ce qui concerne le canal de la Broye,
ils ont été achevés dans le courant de l'été 1970.

    Par arrêté fédéral du 5 octobre 1960 relatif à la participation de
la Confédération aux frais de ces travaux, la possibilité d'appliquer la
loi fédérale sur l'expropriation avait été accordée aux cantons.

    Situé sur le territoire de la commune vaudoise de Cudrefin, sur la
rive gauche du canal de la Broye, le domaine de la Sauge appartient à
la Fondation J. P. Schnorf, qui l'a reçu en 1967 de son fondateur Paul
Schnorf. Ce domaine comprend plusieurs bâtiments, dont un hôtel-restaurant
et une ferme, construits il y a très longtemps et qui ont fait l'objet
de travaux de rénovation et de consolidation en 1940.

    Le 19 novembre 1979, la Fondation a adressé au président de la
Commission fédérale d'estimation du 2e arrondissement une demande
d'indemnité de 300'000 francs, fondée sur l'art. 41 al. 1 lettre b et
al. 2 lettre b LEx (nouvelle teneur du 18 mars 1971) et dirigée contre
les cinq cantons qui avaient entrepris ensemble les travaux de la deuxième
correction des eaux du Jura. Elle faisait état de fissures graves apparues
au bâtiment de l'hôtel après la deuxième correction des eaux du Jura,
soutenant que ces fissures étaient dues aux affaissements de terrain
consécutifs aux travaux de correction; elle produisait à l'appui de cette
allégation un rapport établi par l'hydrogéologue Bernard Mathey le 15
décembre 1978 et complété le 30 novembre 1979.

    Le président de la Commission fédérale d'estimation a déclaré la
demande irrecevable, aucune procédure d'expropriation n'ayant été ouverte
sur la commune de Cudrefin; il a en revanche invité les cinq cantons à
traiter la demande de la requérante comme une demande d'ouverture d'une
procédure d'expropriation.

    Les gouvernements cantonaux ont rejeté la demande comme tardive,
la prescription des prétentions de droit public étant, selon l'arrêt
Brandenberger (ATF 105 Ib 11 ss consid. 3), de cinq ans dès la naissance
de la prétention à indemnité.

    Par la voie du recours de droit administratif, la Fondation demande au
Tribunal fédéral d'ordonner aux cinq cantons - subsidiairement au canton
de Vaud seul - d'ouvrir une procédure d'expropriation pour déterminer
l'indemnité due en raison du dommage causé par la deuxième correction
des eaux du Jura.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- En ce qui concerne le canal de la Broye, les travaux de la
deuxième correction des eaux du Jura ont été mis en soumission le 17
juillet 1961. Le gros oeuvre a été achevé dans le courant de l'été 1970,
avec pour conséquence la décrue définitive du canal de la Broye puis, le
10 mai 1971, la décrue définitive du canal de la Thielle. La réception
définitive des travaux du canal de la Broye a eu lieu le 1er septembre
1970 et celle des travaux de toute l'entreprise le 18 juin 1973, avec
cérémonie d'inauguration le 23 août 1973. Le 21 décembre de la même année
est entrée en vigueur une convention intercantonale concernant l'entretien
de l'ouvrage. Seuls des travaux complémentaires, d'importance relative,
ont encore été entrepris en 1974 (cf. EMIL EHRSAM, Exposé général des
deux corrections des eaux du Jura, édition française de Hans Hof, pp. 59,
63, 64, 72, 79, 119 et 135).

    a) Dans leurs décisions, les cantons intéressés soutiennent que la
prescription a commencé à courir au moment de l'achèvement des travaux
et prennent en considération la mise en service du gros oeuvre en juillet
et août 1970.

    Si la mise en service d'un ouvrage d'utilité publique peut être
retenue, avec raison, comme point de départ du délai de prescription
dans les cas où le dommage (notamment des immissions excessives)
est la conséquence directe d'une telle mise en service, il n'en va
pas forcément de même dans les cas où le dommage allégué n'est pas une
conséquence usuelle de la mise en service de l'ouvrage; dans un tel cas,
la prétention à indemnité ne peut pas naître avant la survenance effective
du dommage; il faut, pour que cette prétention naisse, que le dommage
puisse être constaté objectivement. Ce moment peut correspondre à celui
où un propriétaire diligent acquiert la connaissance du dommage, mais il
n'en va pas toujours ainsi: le propriétaire (notamment celui qui ne fait
pas preuve de la diligence requise) peut n'acquérir cette connaissance que
plus tard, alors que le dommage est déjà décelable depuis un temps plus
ou moins long. Il sied de fixer le moment déterminant non pas au moment
de la connaissance du dommage par le propriétaire, mais au moment où le
dommage peut être constaté objectivement: le point de départ du délai ne
saurait en effet dépendre de la diligence ou du manque de diligence dont
fait preuve le propriétaire intéressé.

    b) La recourante ne critique guère l'arrêt Brandenberger pour lui-même,
en tant du moins qu'il a fixé à cinq ans le délai utile pour faire valoir
une prétention à indemnité; en revanche, elle critique la façon dont les
cantons intimés ont fixé en l'espèce le point de départ de ce délai; elle
prétend surtout que le dommage - au sens juridique où l'entend l'art. 60
CO - ne peut pas encore être estimé correctement à l'heure actuelle et
que de toute façon l'on ne sait pas encore clairement sur quel fait il
faut se fonder pour déterminer le moment de la naissance de la prétention,
ni quel est l'auteur du dommage; à son avis, on se trouverait dans un cas
particulier réservé par l'arrêt Brandenberger (ATF 105 Ib 16 consid. 3
d cc i.f.).

    On a déjà vu ci-dessus que l'on ne peut pas faire courir le délai de
cinq ans dès l'achèvement des travaux du canal de la Broye. En revanche,
il n'est pas contestable que le dommage - qui aurait pour origine, selon
la recourante, les travaux de la deuxième correction des eaux du Jura - a
pu être constaté au moins dès l'année 1973. Il ressort en effet du rapport
d'expertise Mathey qu'un affaissement sensible du bâtiment de l'hôtel s'est
produit au cours de la réalisation de l'ouvrage. On y lit notamment, p. 2:
"La tendance aux affaissements du bâtiment de la Sauge paraît exister
depuis un certain temps déjà, puisque la tour NE du bâtiment avait été
consolidée en 1940. Depuis 1973, il semble que les mouvements constatés se
soient fortement accrus, c'est l'avis du Dr P. Schnorf et c'est également
ce que l'on peut constater sur la figure 1 qui représente l'évolution de
3 repères topographiques, entre 1945 et 1967. L'abaissement du point B
en particulier dépasse 80 mm, ce qui est considérable. Le graphique de
la figure 1 a été établi à partir des données topographiques qui nous
ont été fournies par M. Georges Roux et répertoriées au tableau 1." Il
ressort certes de l'expertise que cet état de choses s'est encore aggravé
ultérieurement. Il n'est cependant pas moins clair que ce phénomène, qui
a entraîné pour le bâtiment des fissures dont l'importance est révélée
par les photographies produites, était perceptible en 1973 au plus tard;
la recourante l'a d'ailleurs observé elle-même à cette époque. On peut
donc retenir que c'est en tout cas en 1973 au plus tard que le dommage
s'est manifesté et pouvait être objectivement constaté et que, partant,
la prétention à indemnité du propriétaire a pris naissance.

    Il n'y a pas de raison de s'écarter en l'espèce de la jurisprudence
de l'arrêt Brandenberger; il y a d'autant moins de raison de s'en écarter
qu'il eût suffi à la recourante d'interrompre le délai en formulant une
demande d'indemnité de principe, sans qu'il fût nécessaire de chiffrer
déjà de façon précise ses prétentions.

    Ainsi, le délai de prescription de cinq ans est arrivé à échéance en
1978 au plus tard, de sorte que les cantons intimés ont retenu à juste
titre que la demande était tardive, alors même qu'ils se sont fondés sur
un autre point de départ du délai.