Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 108 IA 323



108 Ia 323

62. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 22 octobre 1982
dans la cause Frutschi-Schlup et consorts contre Conseil d'Etat du canton
de Neuchâtel et Lysak (recours de droit public) Regeste

    Art. 88 OG; Beschwerdebefugnis.

    Die in Art. 14 des neuenburgischen Gesetzes vom 2. Juli 1962 über
die Gastwirtschaftsbetriebe enthaltene Bedürfnisklausel stützt sich nur
auf Art. 32quater BV; sie dient nur der Bekämpfung des Alkoholismus, einem
allgemeinen öffentlichen Interessen also, und räumt dem Konkurrenten nicht
das für die staatsrechtliche Beschwerde notwendige rechtlich geschützte
Individualinteresse ein.

Sachverhalt

    A.- L'hôtel du Guillaume-Tell, sis rue du Premier-Mars 3, à
La Chaux-de-Fonds, a été détruit par un incendie dans la nuit du 17
au 18 mars 1978 et n'a pas pu être reconstruit en raison d'un plan
d'alignement. A la suite d'un échange de terrain avec la commune, le
propriétaire de cet établissement, Bernard Lysak, a obtenu un immeuble,
sis avenue Léopold-Robert 11, pour lequel il a sollicité l'autorisation
d'ouvrir un hôtel avec débit de boissons alcooliques. Cette requête a été
publiée dans la Feuille officielle du canton de Neuchâtel du 2 juin 1979.

    Charles Frutschi, tenancier d'un établissement public voisin, sis
avenue Léopold-Robert 13, s'est opposé à l'octroi de l'autorisation
sollicitée, alors que le Conseil communal de La Chaux-de-Fonds et la
Préfecture des Montagnes ont donné un préavis favorable.

    Par décision du 9 mars 1981, le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel
a accordé à Bernard Lysak l'autorisation d'ouvrir un hôtel avec débit
de boissons alcooliques dans l'immeuble sis avenue Léopold-Robert 11,
à La Chaux-de-Fonds.

    Cette décision a été communiquée le 5 mai 1981 à Frutschi et aux autres
recourants, qui s'étaient opposés à l'octroi du permis de construire.

    Charles Frutschi et six autres concurrents, tenanciers d'un
établissement public à La Chaux-de-Fonds, ont formé auprès du Tribunal
fédéral quatre recours de droit public distincts contre la décision
du Conseil d'Etat du 9 mars 1981, dont ils demandent l'annulation. Ces
recours ont été joints par ordonnance présidentielle du 15 juin 1981.

    Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevables trois de ces recours et a
rejeté le recours de Charles Frutschi et des époux Schlup dans la mesure
où il était recevable. Il a basé son argumentation notamment sur les
motifs suivants:

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) L'autorisation d'exploiter un établissement public, telle
qu'elle est prévue par le droit neuchâtelois, revêt un caractère personnel
et incessible (art. 24 al. 1 de la loi neuchâteloise du 2 juillet 1962 sur
les établissements publics, les cercles, les débits de boissons alcooliques
et autres établissements analogues; ci-après: LECDB). Elle est attachée aux
locaux pour lesquels elle a été accordée (art. 24 al. 2 LECDB). Toutefois,
dans certaines conditions, les locaux d'un établissement public peuvent
être transférés avec l'autorisation du Conseil d'Etat (art. 27 LECDB).

    En l'espèce, Bernard Lysak était le propriétaire de l'hôtel du
Guillaume-Tell, mais il n'en était pas l'exploitant. Par ailleurs, faute
de locaux, l'hôtel a cessé d'être exploité (art. 17 al. 1, 25 al. 2 et 3,
29, 30 ch. 2 LECDB). Dans ces circonstances, il apparaît que l'autorisation
antérieure s'est éteinte et que l'intimé ne pouvait prétendre à l'octroi
d'une autorisation sous la simple forme d'un transfert de locaux au sens de
l'art. 27 LECDB. L'autorité a donc traité à juste titre sa requête comme
une demande tendant à l'autorisation d'ouvrir un nouvel hôtel avec débit
de boissons alcooliques. Il en résulte que l'octroi de l'autorisation
est soumis à la clause de besoin prévue par l'art. 14 LECDB.

    b) La qualité des recourants pour former un recours de droit public -
qui se détermine exclusivement par rapport aux exigences de l'art. 88 OJ -
dépend précisément de la question de savoir si cette clause de besoin n'est
fondée que sur l'art. 32quater Cst. ou si elle tend également à limiter
la libre concurrence entre les tenanciers d'établissements publics, au
sens de l'art. 31ter Cst. Dans le premier cas, la clause de besoin n'a
en effet été édictée qu'aux fins de combattre l'alcoolisme, soit dans
un but d'intérêt public général, et ne donne pas aux particuliers la
qualité pour agir par la voie du recours de droit public (ATF 105 Ia 189,
101 Ia 544). En revanche si, comme le soutiennent les recourants, la loi
cantonale, au moyen de la clause de besoin qu'elle contient, a aussi pour
but d'assurer la protection des cafetiers et restaurateurs menacés dans
leur existence par une concurrence excessive, au sens de l'art. 31ter
Cst., ceux-ci bénéficient non pas simplement d'une protection de fait,
mais d'une protection juridique leur permettant d'attaquer une décision
qui léserait de façon inadmissible leur intérêt à la limitation du
nombre d'entreprises concurrentes; s'agissant toutefois d'une décision
d'application, la disposition constitutionnelle qu'ils pourraient
invoquer à l'appui d'un recours de droit public serait l'art. 4 Cst. et
non l'art. 31ter Cst. (ATF 82 I 152 consid. 2; 79 I 159; AUBERT, Traité
de droit constitutionnel suisse p. 605, No 1685).

    Dans le cas particulier, il s'agit donc d'examiner à titre préjudiciel
si la loi neuchâteloise sur les établissements publics, telle qu'elle a été
modifiée le 2 juillet 1962, est fondée non seulement sur l'art. 32quater,
mais aussi sur l'art. 31ter Cst.

Erwägung 2

    2.- La loi neuchâteloise n'indique pas selon quels critères les
besoins de la population doivent être appréciés, ni s'il faut considérer
l'évolution de l'alcoolisme ou la situation économique des établissements
publics existants. Le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'appui
d'un projet de loi, du 13 juin 1961, mentionnait l'inquiétude des milieux
professionnels face à l'apparition de nouveaux genres d'établissements et
de nouvelles formes de vente, tels que les bars à café et les distributeurs
automatiques (Bulletin des séances du Grand Conseil, juin 1961, p. 59).
Invoquant expressément l'art. 31ter Cst., le Conseil d'Etat proposait
dès lors de soumettre aussi à la clause de besoin les établissements
qui ne vendent pas d'alcool, car la prolifération de ces établissements
constituait une menace grave pour la profession dans son ensemble (Bulletin
cité p. 60/61). Toutefois, le Grand Conseil s'est manifestement écarté de
la proposition du Conseil d'Etat et n'a pas voulu soumettre à la clause de
besoin les établissements qui ne débitent pas de boissons alcooliques. La
Commission chargée d'étudier le projet de loi explique cette modification
par le fait qu'elle n'a pas eu l'intention d'instituer une clause de besoin
qui, constitutionnellement, ne peut avoir d'autres motifs que le souci de
protéger la profession de tenancier d'établissements publics (Bulletin
des séances du Grand Conseil, juillet 1962 p. 433/434). Le législateur
n'a cependant pas exclu expressément que la clause de besoin ait un but
de politique économique. Reste à savoir si cette référence implicite est
suffisante pour fonder la clause de besoin sur l'art. 31ter Cst.

    b) L'art. 31ter Cst. prévoit expressément le recours à la voie
législative; les conditions qu'il fixe pour l'introduction d'une clause
de besoin sont par ailleurs différentes de celles de l'art. 32quater
Cst. Selon la jurisprudence, un canton ne peut faire usage de la faculté
prévue par l'art. 31ter Cst. qu'au moyen d'une disposition légale expresse
et non pas par simple interprétation extensive d'une disposition légale
existante (ATF 97 I 889; 95 I 121 consid. 1; 82 I 151; 79 I 159). Aussi le
législateur est-il tenu de fixer lui-même les critères relatifs au besoin
et il ne saurait accorder à l'administration une délégation de compétence
sous forme de blanc-seing (ATF 78 I 208; MARTI, Die Wirtschaftsfreiheit
der schweizerischen Bundesverfassung, p. 161/162).

    En l'occurrence, il faut admettre que la loi neuchâteloise sur les
établissements publics du 2 juillet 1962 ne contient aucune référence à
l'art. 31ter Cst. pouvant être assimilée à une modification législative
proprement dite qui, conformément à la doctrine et à la jurisprudence,
eût été nécessaire pour adopter une nouvelle clause de besoin destinée à
protéger les tenanciers d'établissements publics contre une concurrence
excessive.

    Il en résulte que, dans le canton de Neuchâtel, une limitation
des débits de boissons ne peut être entreprise qu'en vue de combattre
l'alcoolisme, soit dans un but exclusivement d'intérêt public, et que les
autorisations délivrées en cette matière par l'administration cantonale,
quand bien même elles ne seraient pas conformes à la loi, ne sont pas
susceptibles d'être attaquées par des concurrents.
   c) Au vu de ce qui précède, la qualité pour attaquer par la voie
du recours de droit public la décision du Conseil d'Etat neuchâtelois du
9 mars 1981 doit être déniée aux recourants, dans la mesure où ceux-ci
fondent leurs griefs sur une application arbitraire de la clause de besoin
prévue par l'art. 14 LECDB. Il en découle que les trois recours formés
par Lilian Juillard, Anne-Marie Monnard et Isauro Santorelli, ainsi que
par Paul Monnard, doivent être déclarés irrecevables. En revanche, dans
la mesure où Charles Frutschi et les époux Schlup se plaignent aussi de
violations de règles essentielles de la procédure, constitutives d'un
déni de justice formel, il y a lieu d'entrer en matière sur ce grief,
indépendamment de leur qualité pour recourir quant au fond (ATF 105 Ia
198 consid. 4b, 103 Ia 16 et 574, 102 Ia 94).