Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 108 IA 289



108 Ia 289

55. Arrêt de la Ire Cour de droit public du 21 avril 1982 dans la cause
P. c. B. et Cour de cassation civile du canton de Neuchâtel (recours de
droit public) Regeste

    Art. 4 BV. Kantonaler Zivilprozess. Überspitzter Formalismus.
Unterzeichnen eines Rekurses durch einen Anwaltspraktikanten.

    Kennt ein Kanton das Anwaltsmonopol und erlaubt er Anwaltspraktikanten,
Rekursschriften zu unterzeichnen, so verstösst die Rekursinstanz
gegen Art. 4 BV, wenn sie, ohne die Identität des Praktikanten zu
überprüfen, auf einen Rekurs nicht eintritt, der mit "im Namen von
Rechtsanwalt..." eingelegt wird und mit einer unleserlichen, der Behörde
nicht bekannten Unterschrift versehen ist.

Sachverhalt

    A.- Le Président du Tribunal du district de Neuchâtel a condamné l'Etat
de Neuchâtel et B., solidairement, à payer au demandeur P. un montant
de 1'344 francs avec intérêts et frais. Saisie de recours formés par
chacun des défendeurs, la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal
neuchâtelois a, par arrêt du 3 novembre 1980, admis le premier recours,
libérant l'Etat de Neuchâtel de toute responsabilité envers P.; il a en
revanche déclaré le second recours irrecevable, de sorte que B. restait
condamné à payer seul à P. le montant de 1'344 francs avec intérêts et
frais. A l'appui de sa décision d'irrecevabilité, la Cour a retenu que le
signataire du second recours, agissant prétendument "par ordre" de Me R.,
mandataire de B., était inconnu, de sorte qu'on ignorait si le monopole
des avocats, en vigueur dans le canton de Neuchâtel, était respecté,
un recours émanant d'un stagiaire étant toutefois recevable selon la
pratique neuchâteloise.

    Agissant par la voie du recours de droit public, B. demande au Tribunal
fédéral d'annuler la décision du 3 novembre 1980 en tant qu'elle déclare
son recours irrecevable. Il se plaint "d'un formalisme excessif constituant
un déni de justice qui viole l'article 4 de la Constitution fédérale".

    Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé l'arrêt attaqué en
tant qu'il concerne le recourant B.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Un formalisme excessif, c'est-à-dire qui n'est pas justifié par la
protection d'un intérêt digne de considération ou qui complique inutilement
l'application du droit matériel, constitue un déni de justice formel
condamné par l'art. 4 Cst. (ATF 105 Ia 53 consid. 3a; 104 Ia 406 consid.
4c; 102 Ia 94 consid. 2; 101 Ia 114 s. consid. 5b et les arrêts cités).

    L'assimilation de l'excès de formalisme au déni de justice formel
n'est autre qu'une application, propre à la procédure, du principe
de la proportionnalité. C'est en effet sur la base du principe de la
proportionnalité que l'on pourra déterminer si l'application des règles
de la procédure, dont un certain formalisme est nécessaire pour assurer le
déroulement régulier des procès et la sécurité du droit matériel, aboutit
en réalité à entraver l'application de celui-ci ou à la rendre impossible,
constituant ainsi un formalisme excessif (cf. P. MÜLLER, Le principe de
la proportionnalité, in RDS 1978 II p. 263; ATF 104 Ia 111 s. consid. 5).

    Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral examine en
principe librement s'il y a formalisme excessif condamné par le droit
fédéral; il n'examine cependant que sous l'angle restreint de l'arbitraire
l'interprétation et l'application du droit cantonal déterminant.

Erwägung 2

    2.- Selon la jurisprudence constante, l'exigence de la signature
d'un recours est une condition de sa recevabilité (ATF 102 IV 143
consid. 2 et les arrêts cités). Il n'y a pas lieu d'impartir un délai
supplémentaire pour réparer l'absence de signature après l'expiration
du délai, à moins d'une disposition légale contraire (même arrêt). Il
est toutefois satisfait à cette exigence si la lettre d'accompagnement
est signée (ATF 83 II 514, 60 I 76), ou même simplement si la signature
est apposée au verso de l'enveloppe contenant l'acte (ATF 106 IV 67
consid. 1). Cette jurisprudence concerne essentiellement des situations
où les actes judiciaires en question relèvent du droit fédéral. Les règles
qu'elle pose ont toutefois une portée générale et doivent être appliquées
également lorsqu'il s'agit de la signature d'actes judiciaires cantonaux,
du moins dans la mesure où le droit cantonal n'y déroge pas d'une manière
compatible avec l'art. 4 Cst.

    Aux termes de l'art. 395 al. 1 du code de procédure civile neuchâtelois
(en abrégé: CPC), le recours en cassation est formé par requête adressée en
deux doubles à la Cour de cassation civile. L'art. 108 al. 4 CPC dispose,
dans le chapitre consacré à la "forme des actes", que "les doubles de
l'exploit sont signés par la partie instante ou son mandataire". La
procédure civile neuchâteloise ne connaît pas de disposition permettant
de réparer l'absence de signature après l'expiration du délai. D'autre
part, l'action intentée par P. est soumise, selon l'arrêt attaqué qui
n'est pas contesté sur ce point, au monopole des avocats conformément à
la législation cantonale. Il n'est pas contesté non plus qu'un recours
émanant d'un stagiaire est recevable en procédure civile neuchâteloise.

Erwägung 3

    3.- La Cour de cassation civile a déclaré le recours de B.  irrecevable
parce que "signé par un tiers non précisé sur ordre d'un avocat", et qu'en
conséquence "on ignore si le signataire anonyme est un tiers, un employé
ou un stagiaire de Me R.". La Cour ajoute que tant la collaboratrice
de Me R. que son stagiaire "pouvait valablement recourir au nom de B.,
à condition d'agir et de signer ès qualités".

    Le recours dont il s'agit est signé. La jurisprudence relative
à la signature d'un acte après l'expiration du délai n'est donc pas
applicable. Dès lors, de deux choses l'une: ou bien la signature émane
d'une personne habilitée (avocat, collaboratrice, stagiaire) dont la
procuration éventuelle peut être déposée après coup; ou bien elle n'est
pas celle d'une personne habilitée au sens de ce qui précède, et alors
le recours est entaché d'un vice irrémédiable.

    La recevabilité du recours dépend donc uniquement de l'identification
de la personne qui l'a signé, dont la signature n'est pas sans autre
déchiffrable avec certitude, et donc vérifiable, mais qui agissait
sans doute dans le cadre de l'Etude de Me R. et par ordre (p.o.) de ce
dernier. La signature apposée était du moins suffisamment lisible pour que
la Cour de cassation puisse exclure qu'il s'agît de celle de Me R. ou de
sa collaboratrice, Me C., qui doivent lui être connues. Le recours n'était
donc recevable que si la personne qui l'a signé était avocat stagiaire en
l'Etude de Me R., lequel affirme que tel était le cas de la signataire,
dlle F. Il n'y a pas de raison de mettre en doute cette affirmation, que
la Cour de cassation civile ne conteste d'ailleurs pas dans sa réponse
au recours.

    Il est vrai que toute la procédure, jusqu'au recours déclaré
irrecevable par la juridiction cantonale, a été conduite exclusivement au
nom de B. par un avocat stagiaire de Me R. qui n'était pas dlle F., mais
G. S. Il eût dès lors été pour le moins souhaitable que le changement de
"mandataire" fût clairement indiqué. L'arrêt attaqué indique que Me R. a
présenté "un" stagiaire au Tribunal cantonal: on ignore s'il s'agit de
G. S. ou de dlle F., mais cela n'est pas décisif. Dès lors qu'un acte
judiciaire émanant d'une Etude d'avocats occupant un avocat collaborateur
et un avocat-stagiaire porte une signature manuscrite avec l'indication
"p.o. Me X...", on peut présumer que cette signature est celle d'une
personne habilitée à cet effet conformément à la réglementation cantonale
du monopole des avocats. Si l'identification du signataire n'est pas
possible à première vue de manière certaine, alors il incombe à l'autorité
à qui l'acte est adressé de procéder à une vérification par la voie normale
et raisonnable qu'elle juge utile. A tout le moins est-il inadmissible
de sanctionner cette simple incertitude de l'autorité par la perte du
droit de recours.

    La Cour de cassation civile n'indique d'ailleurs pas quelle disposition
légale aurait été violée par le fait que le signataire de l'acte n'a
pas précisé sa qualité à côté de sa signature; elle n'indique pas
davantage selon quelle disposition légale ou en vertu de quelle règle
de jurisprudence la sanction d'une telle "informalité" devrait être
l'irrecevabilité du recours.

    Dans ces circonstances, on doit conclure que l'arrêt attaqué est
entaché d'un formalisme excessif qui n'est pas justifié par la sauvegarde
d'intérêts importants, de sorte qu'il doit être annulé.