Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 108 IA 22



108 Ia 22

7. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 12 février 1982 dans la cause
Fischer et consorts c. Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit
public) Regeste

    Zulassung zur Mittelschule im Kanton Waadt; Gleichheit der Geschlechter
im Unterrichtswesen.

    Art. 88 OG: Die betroffenen Schülerinnen können einen Entscheid,
durch den ihnen der Zugang zur Mittelschule verweigert wird, selbständig
anfechten (E. 2).

    Anwendbarkeit von Art. 4 Abs. 2 BV (E. 4c).

    Ein die Mädchen im Verhältnis zu den Knaben benachteiligendes
Bewertungssystem bei den Examen für die Zulassung zur Mittelschule
verstösst gegen das Gebot der Gleichbehandlung von Mann und Frau i.S. von
Art. 4 Abs. 2 BV (E. 5).

    So wie die Examen gehandhabt werden, entbehren sie ausserdem
der gesetzlichen Grundlage und beruhen auf einer willkürlichen
Gesetzesanwendung (E. 6).

Sachverhalt

    A.- Les 1er et 2 juin 1981, Béatrice Aenishänslin, Sandy Fischer,
Barbara Forrer, Leila Gabella, Sophie Grand, Sophie Grundisch, Christine
Kropf, Evelyne Meier, Michèle Philipp, Sophie Piccard, Sandra Pochon et
Claire Zurkinden se sont présentées aux examens d'admission au collège
secondaire dans les communes de Lausanne, Morges ou Pully. Toutes ces
filles ont échoué à l'examen d'entrée. Toutefois, si leurs résultats
avaient été appréciés selon les barèmes appliqués aux garçons se présentant
aux mêmes examens, elles auraient obtenu un nombre suffisant de points
pour être admises au collège secondaire communal auquel leurs parents
les avaient inscrites.

    Après avoir recouru auprès des commissions scolaires respectives
contre la non-admission de leurs filles au collège secondaire, les
parents des élèves concernées ont porté le litige auprès du Département de
l'instruction publique et des cultes du canton de Vaud qui, par décision
du 12 août 1981, a rejeté leur recours.

    La décision du Département ne leur donnant pas satisfaction, les
recourants se sont alors adressés au Conseil d'Etat du canton de Vaud
qui a également rejeté les recours, par décisions du 9 octobre 1981.

    Agissant par la voie du recours de droit public en leur qualité de
représentants légaux, les parents de Sandy Fischer, Barbara Forrer,
Leila Gabella, Sophie Grand, Sophie Grundisch, Christine Kropf,
Evelyne Meier, Michèle Philipp, Sophie Piccard, Sandra Pochon et Claire
Zurkinden concluent, avec suite de frais et dépens, à l'annulation des
décisions du Conseil d'Etat vaudois du 9 octobre 1981. Invoquant les
art. 4 Cst. et 2 Cst. vaud., ils prétendent qu'un traitement juridique
différent dans le domaine de la formation scolaire et de l'enseignement,
basé sur le seul critère du sexe, doit être considéré comme arbitraire
et anticonstitutionnel.

    Par acte de recours séparé, Béatrice Aenishänslin, représentée par
son père Jacques Aenishänslin, conclut également, avec suite de frais et
dépens, à l'annulation de la décision du Conseil d'Etat du 9 octobre 1981,
qui rejetait son recours contre la décision refusant son admission au
collège secondaire. Se fondant sur les art. 4 al. 1 et 2 Cst., ainsi que
sur l'art. 2 al. 1 et 3 Cst. vaud., elle estime notamment que "la règle
posée par les autorités vaudoises doit céder le pas devant le principe
reconnu de l'égalité devant la loi".

    Dans ses observations sur les recours, le Conseil d'Etat prend la
défense du système des barèmes différenciés pour les garçons et pour
les filles. Ce faisant, il se base sur une série de données statistiques
comprises dans 17 tableaux que le Département de l'instruction publique a
rédigés à son intention et en déduit que ce système "a permis de maintenir
depuis quelques années des proportions à peu près équivalentes de filles et
de garçons à l'entrée au collège secondaire ou, plus exactement, d'éviter
une disproportion trop marquée en faveur des filles". Il relève encore
que l'application bien comprise du principe de l'égalité de traitement
suppose que l'on tienne compte des différences de fait existant entre deux
situations données et qu'en voulant nier cette réalité, les recourants
se prononcent plus en faveur d'un principe égalitaire que pour l'égalité
de traitement au sens de l'art. 4 Cst. Le Conseil d'Etat conclut dès lors
au rejet des recours.

    Au cours de la procédure cantonale, le Conseil d'Etat a, sur requête
de mesures provisionnelles des recourants, décidé d'admettre à titre
provisoire les élèves concernées au collège secondaire, où elles suivent
actuellement le même enseignement que les élèves normalement admis.

    Le Tribunal fédéral a admis les recours pour les motifs suivants:

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Les recours sont dirigés contre les décisions rendues par
le Conseil d'Etat le 9 octobre 1981 qui concernent le même objet et
contiennent une argumentation identique. Par ailleurs, mis à part
la violation de l'art. 4 al. 2 Cst. alléguée seulement par Béatrice
Aenishänslin, les recourants invoquent les mêmes moyens et font valoir
des arguments semblables. Dans ces conditions, il y a lieu de joindre
les deux recours et de statuer à leur égard dans un seul et même arrêt.

Erwägung 2

    2.- Aux termes de l'art. 88 OJ, la qualité pour agir par la voie du
recours de droit public appartient aux particuliers ou aux collectivités
lésés par des décisions qui les concernent personnellement ou qui sont
d'une portée générale. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement
si les conditions prévues par cette disposition sont remplies (ATF 104
Ia 152; 96 I 547 et les arrêts cités).

    Le droit cantonal reconnaît aux élèves qui ont terminé leur quatrième
ou cinquième année primaire un certain droit à être admis dans les
collèges communaux, aux conditions fixées par le règlement général
et les prescriptions du département (art. 117 de la loi vaudoise sur
l'instruction publique secondaire du 25 février 1908). Un tel droit a
été également reconnu par le Tribunal fédéral dans son arrêt Dubois du
12 octobre 1979 où il s'agissait d'un élève qui avait obtenu un nombre de
points suffisant pour exiger sa promotion dans une classe supérieure (ATF
105 Ia 323 consid. 3b). Il en résulte que les élèves recourantes, lésées
dans leur situation personnelle par le refus des autorités cantonales
de les admettre à l'école secondaire, sont donc touchées dans leurs
intérêts juridiquement protégés et ont, par conséquent, qualité pour
recourir personnellement contre les décisions du Conseil d'Etat. Les
présents recours sont dès lors recevables au sens de l'art. 88 OJ, sans
égard au fait que, formellement, le premier recours a été déposé par les
parents des élèves non admises, agissant en leur qualité de représentants
légaux, alors que le deuxième recours a été formé directement par l'élève
concernée, représentée par son père.

    Formés en temps utile contre des décisions prises en dernière instance
cantonale, les deux recours remplissent en outre les autres conditions
de recevabilité des art. 84 ss OJ.

Erwägung 3

    3.- a) Le règlement général du 10 février 1971 pour les établissements
d'instruction publique secondaire du canton de Vaud donne au Département
d'instruction publique et des cultes la compétence pour fixer les modalités
des examens et les conditions d'admission au collège secondaire, ainsi
que pour adopter les épreuves élaborées par des commissions de maîtres
(art. 85 et 86 du règlement). Dans les limites des prescriptions édictées
par ce département, l'établissement des barèmes de cotation et la décision
d'admission sont de la compétence de la conférence des maîtres, pour les
collèges situés en dehors de la commune de Lausanne, ou de la conférence
des directeurs des collèges lausannois, assistés d'un représentant de la
conférence des maîtres de chacun des établissements, pour l'ensemble des
collèges lausannois (art. 87 du règlement).

    Le système d'examen instauré sur la base de ces dispositions comprend
six épreuves (trois en français, trois en mathématiques), conçues de
manière à faire appel au raisonnement et à la capacité d'appliquer les
connaissances acquises dans ces branches. Ces six notes sont complétées
par deux notes fondées l'une sur la moyenne générale obtenue par le
candidat au deuxième semestre de troisième primaire, l'autre sur la moyenne
générale obtenue au premier semestre de quatrième primaire, ces deux notes
n'intervenant que dans la mesure où elles sont favorables aux candidats.

    Les six épreuves d'examen sont jugées en fonction des résultats
obtenus par l'ensemble des candidats du même degré dans une même zone de
recrutement. Le seuil d'admission n'est donc pas déterminé au préalable,
mais seulement une fois l'épreuve effectuée. La proportion d'élèves
admise par rapport à la population scolaire du même âge est à peu près
la même chaque année et, pour assurer un certain équilibre entre le
nombre des filles et celui des garçons, les résultats des filles et des
garçons sont traités séparément (sauf si l'effectif des candidats est trop
restreint). L'objectif visé est d'admettre - à quelques unités près - une
proportion fixée d'avance d'élèves masculins et féminins, par rapport à
l'effectif des filles et des garçons considérés séparément, ayant l'âge
requis et habitant l'aire de recrutement du collège considéré. Chaque
établissement (ou, à Lausanne, chaque groupe d'établissements) dispose
ainsi d'une relative liberté pour fixer le seuil d'admission de manière
à tenir compte des particularités propres à sa région.

    b) Dans les collèges secondaires des communes de Lausanne, Morges
et Pully présentement en cause, les barèmes appliqués pour l'évaluation
des épreuves d'admission ne sont pas les mêmes pour les filles et pour
les garçons, les barèmes utilisés pour l'appréciation des travaux des
filles étant, dans l'ensemble, plus sévères. Il y a également des barèmes
différents pour la prise en considération de l'écart à la moyenne primaire,
qui est converti en plus de points pour les garçons que pour les filles.

    En l'espèce, il est constant que les recourantes auraient été admises
dans le collège respectif où elles avaient passé l'examen d'entrée, si
les résultats de leurs épreuves avaient été appréciés selon les barèmes
fixés pour l'évaluation des travaux des garçons et si l'on avait tenu
compte, dans la même mesure que pour ces derniers, de leur écart à la
moyenne primaire. Il y a lieu dès lors d'examiner si le système des
barèmes différenciés, tel qu'il est appliqué dans le canton de Vaud pour
les examens d'admission au collège secondaire, est compatible avec les
droits constitutionnels invoqués par les recourantes.

Erwägung 4

    4.- a) Se fondant sur l'art. 4 al. 1 et 2 Cst. et sur l'art.
2 Cst. vaud., les recourantes soutiennent que ce système de barèmes
différenciés, qui rend l'accès aux études secondaires plus difficile
aux élèves de sexe féminin, constitue une inégalité de traitement dans
l'évaluation des aptitudes scolaires entre garçons et filles. En effet,
le principe de l'égalité de l'instruction, consacré actuellement par
diverses normes de droit cantonal, fédéral ou même international, doit
être considéré comme l'un des domaines où l'égalité entre l'homme et la
femme ne saurait souffrir d'exceptions. Les motifs d'ordre physiologique
ou sociologique avancés par les autorités cantonales seraient dès lors
inacceptables au regard des textes constitutionnels qui imposent à l'Etat
de traiter d'une manière identique deux personnes se trouvant dans une
situation de fait semblable.

    b) De leur côté, les autorités vaudoises estiment que, même dans
le cadre des dispositions constitutionnelles actuellement en vigueur,
il ne saurait être question de substituer un égalitarisme mal compris
à une notion d'égalité de traitement qui, pour assurer une égalité
véritable, implique que les autorités tiennent compte des différences
de fait existant entre deux situations données. En l'occurrence, les
raisons qui militeraient en faveur de l'adoption de barèmes différents
pour l'accession à l'école secondaire vaudoise peuvent, de l'avis du
Conseil d'Etat, être résumées comme suit:

    aa) Il s'agirait en premier lieu d'assurer, au niveau cantonal,
une proportion à peu près égale de garçons et de filles au sein de la
population fréquentant les établissements scolaires du canton. Or, cet
objectif ne pourrait être réalisé que moyennant l'adoption de barèmes
différenciés pour les filles et les garçons. Si tel n'était pas le cas, les
premières nommées entreraient en effet en surnombre à l'école secondaire,
privant par là même un certain nombre de garçons - soit tout un groupe de
la population - de la possibilité d'acquérir une formation à laquelle ils
doivent, dans la structure actuelle de notre société, pouvoir accéder, si
l'on ne veut pas créer un déséquilibre préjudiciable à tout le monde. En
d'autres termes, il s'agirait donc de sauvegarder l'égalité des chances
entre élèves de sexe différent.

    bb) Sur le plan pratique, cette différence de traitement entre deux
groupes de personnes de sexe opposé trouverait sa justification dans les
différences de fait fondamentales que l'on constate entre individus des
deux sexes quant à leurs aptitudes respectives à affronter les épreuves
d'un examen scolaire à l'âge de 10 ou 11 ans. En effet, le développement
physique et psychologique des garçons et des filles présenterait, à cet
âge, des différences sensibles, notamment dans la façon dont les deux
groupes scolaires réagissent aux possibilités que leur offre l'école. Il
s'ensuivrait que les résultats des examens d'admission au collège, de même
que ceux obtenus à l'école primaire, seraient, depuis plusieurs années,
systématiquement meilleurs pour les filles que pour les garçons. Avec
l'introduction d'un barème unique, les filles auraient ainsi plus de
trente-trois chances sur cent d'accéder au collège, alors qu'un garçon
de la même année n'aurait guère plus de vingt-huit chances sur cent.

    Les autorités vaudoises en tirent la conclusion que, "face à une telle
situation, il serait conforme au principe de l'égalité de recourir à un
système de quota", qui permet de tenir compte des différences de fait
constatées entre les individus des deux sexes, quant à leurs aptitudes
à affronter l'examen d'entrée au collège, de manière à sauvegarder le
principe de l'égalité des chances entre filles et garçons. Ce système
s'imposerait d'autant plus que, malgré l'existence de barèmes différenciés,
les filles admises au niveau secondaire sont plus nombreuses que les
garçons (par exemple en 1981, il y a eu 1211 filles et 1181 garçons
représentant respectivement 50,6% et 49,4% des élèves).

    c) Les examens litigieux se sont déroulés les 1er et 2 juin
1981, soit avant l'entrée en vigueur, le 14 juin 1981, du nouvel
article constitutionnel prévoyant l'égalité des droits entre hommes
et femmes. Toutefois, les décisions du Département de l'instruction
publique du 12 août 1981 et celles du Conseil d'Etat vaudois du 9
octobre 1981 ont été rendues sous l'empire du nouveau droit. L'art. 4
al. 2 Cst. peut dès lors être pris en considération dans la mesure où il
concrétise le principe de l'égalité de traitement que la jurisprudence
a déduit de l'ancien art. 4 Cst. (ATF 103 Ia 519 consid. 2). En effet,
dans son Message sur l'initiative populaire "pour l'égalité entre hommes
et femmes" du 14 novembre 1979 (FF 1980 I p. 73 ss), le Conseil fédéral
relevait que l'ancien art. 4 Cst. n'avait eu pratiquement aucune influence
sur l'émancipation civile de la femme. Eu égard à la portée limitée du
principe général de l'égalité formulée par cette disposition, une règle
spéciale sur l'égalité des sexes aurait donc une signification distincte,
qui traduirait une décision politique du constituant selon laquelle la
différence de sexe ne justifie plus une différence de traitement (FF 1980
I p. 127).

    Il faut ainsi admettre qu'en inscrivant dans la Constitution l'art. 4
al. 2 Cst., le peuple suisse a clairement démontré qu'il accordait à cette
disposition une valeur spécifique, qui va plus loin dans la garantie
constitutionnelle de l'égalité des sexes que l'ancien art. 4 Cst. Il
se justifie dès lors d'examiner le cas des recourantes à la lumière du
nouveau droit, même si, formellement, une seule d'entre elles a invoqué
l'art. 4 al. 2 Cst. D'ailleurs, en se prévalant de l'ancien art. 4 Cst. et
de l'art. 2 Cst. vaud., qui représente une étape intermédiaire entre
l'ancien et le nouvel art. 4 Cst., les autres recourantes reprennent
exactement la même argumentation.

Erwägung 5

    5.- L'art. 4 al. 2 Cst. dispose que:

    "L'homme et la femme sont égaux en droits. La loi pourvoit à
   l'égalité, en particulier dans les domaines de la famille, de
   l'instruction et du travail. Les hommes et les femmes ont droit à un
   salaire égal pour un travail de valeur égale."

    a) Ce nouvel article pose sans ambiguïté le principe que l'homme
et la femme doivent être traités de manière égale dans tous les
domaines juridiques et sociaux, ainsi qu'à tous les niveaux étatiques
(Confédération, cantons, communes). Le principe de l'égalité entre les
sexes ne signifie cependant pas nivellement total, aussi des exceptions
sont-elles tolérées lorsque la différence biologique ou fonctionnelle
due au sexe exclut absolument une égalité de traitement; tel est le cas,
par exemple, de la protection de la femme en sa qualité de mère (FF 1980
I 146).

    En ce qui concerne l'instruction, l'art. 4 al. 2 Cst. considère qu'il
s'agit précisément d'un des domaines privilégiés de l'égalité entre les
sexes, où le législateur a mandat d'intervenir immédiatement. Le principe
de l'égalité dans l'instruction et la formation professionnelle est
d'ailleurs largement reconnu sur le plan européen. La plupart des Etats
se sont en effet efforcés de concrétiser dans leurs lois nationales la
Résolution (77) 1 de la Charte sociale européenne qui exige qu'hommes et
femmes reçoivent une formation scolaire et professionnelle leur offrant
les mêmes droits et de même nature. La Charte sociale européenne, signée
par la Suisse le 6 mai 1976, n'a pas encore été ratifiée. Toutefois,
la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique
s'est occupée de cette question depuis 1972. Elle a notamment créé une
commission ad hoc en septembre 1979 pour étudier spécialement les questions
de la formation des filles et de l'égalité des chances, étude qui aboutit
à formuler une dizaine de recommandations lors de l'Assemblée générale
des directeurs cantonaux de l'instruction publique qui s'est tenue à
Lucerne, en octobre dernier. Ces recommandations invitaient surtout les
établissements scolaires à prévoir rigoureusement la même formation pour
les garçons et les filles pendant le temps d'école obligatoire, selon un
programme identique, et à encourager l'accès aux professions techniques
pour les femmes. Actuellement, les nouvelles lois sur l'instruction
publique mentionnent expressément que les mêmes possibilités de formation
sont offertes aux élèves des deux sexes (cf., par exemple, § 3 al. 2 et
12 al. 2 de la loi argovienne du 17 mars 1981; art. 18 du projet de la
loi saint-galloise in Botschaft des Regierungsrates zum Entwurf eines
Volksschulgesetzes du 23 juin 1981).

    b) Dans le canton de Vaud, les écoles secondaires sont devenues
mixtes en 1956. A cette époque, les filles ne suivaient pas le même
programme que les garçons à l'école primaire et obtenaient des résultats
systématiquement inférieurs aux examens d'admission au collège, d'où
l'origine du système de barèmes différents, appliqués à chacun des sexes
de manière à admettre la même proportion de filles que de garçons par
rapport à la volée de référence (voir Bulletin du Grand Conseil vaudois,
session ordinaire printemps 1979, vol. 1a, p. 1094). Ce système, qui se
justifiait par le fait que les garçons avaient des leçons d'arithmétique
pendant qu'on envoyait les filles à la couture, n'a d'ailleurs nullement
empêché une légère disproportion dans le nombre des élèves masculins et
féminins admis au collège dans les années soixante (par exemple en 1962,
il y avait 43,5% de filles et 56,5% de garçons; en 1968, ces pourcentages
avaient passé respectivement à 46,4% et 53,6%).

    Dès que les programmes furent uniformisés pour les élèves des deux
sexes, la tendance s'inversa, les filles réussissant mieux les examens
que les garçons. On décida alors d'appliquer un barème plus favorable
aux garçons pour assurer l'égalité des chances entre les deux groupes et
maintenir l'équilibre entre garçons et filles dans les collèges. C'est
ainsi que, lors de la session d'examens de juin 1981, il y aurait eu,
sans la correction que permet le système de barèmes différenciés, 55%
de filles (soit +42) et 45% de garçons (soit -84).

    Actuellement, ce système est donc utilisé alors que les candidats
masculins et féminins aux examens du collège suivent rigoureusement la
même instruction et bénéficient de la même préparation pour passer le même
examen d'admission dans le même établissement secondaire. Vouloir, dans
ces conditions, apprécier de manière plus sévère les prestations scolaires
des filles ne saurait être justifié par les prétendues différences dans
le développement physique et l'évolution psychologique des garçons
et des filles à l'âge de 10 ou 11 ans. En effet, les particularités
qui les caractérisent ne peuvent être comparées aux différenciations
fonctionnelles marquées qui, exceptionnellement, permettent de faire une
entorse au principe de l'égalité des sexes.

    Quant à la notion d'égalité des chances, elle n'a, selon le Conseil
fédéral jamais signifié autre chose que: "formellement, les hommes et
les femmes doivent être placés dans la même situation juridique" (FF
1980 I p. 124). Sur le plan scolaire, cela signifie que chaque élève doit
pouvoir se prévaloir individuellement de l'égalité de traitement juridique,
indépendamment de son appartenance à l'un ou l'autre sexe. En transposant
la notion d'égalité des chances sur le plan collectif, entre deux groupes
sociaux, le Conseil d'Etat méconnaît le caractère individuel des droits
constitutionnels que l'Etat confère à chaque citoyen. Il est d'ailleurs
intéressant de noter que, selon une allégation des recourantes qui n'est
pas contestée par le Conseil d'Etat, aucun autre canton suisse n'exige
des filles des prestations supérieures à celles des garçons pour accéder
à l'école secondaire.

    d) Compte tenu de tous ces éléments, le Tribunal fédéral doit constater
que dans la mesure où les autorités vaudoises appliquent un système de
barèmes différenciés, défavorable aux filles, pour les examens d'admission
au collège secondaire, elles violent le principe de l'égalité des droits
entre hommes et femmes tel qu'il est inscrit à l'art. 4 al. 2 Cst.

Erwägung 6

    6.- Les recourantes font également valoir que le système des barèmes
différenciés, visant à instaurer un numerus clausus au détriment des
filles, serait dépourvu de toute base légale.

    Comme on l'a vu (supra consid. 2), l'art. 117 de la loi vaudoise sur
l'instruction publique donne aux élèves un certain droit à être admis
dans les collèges communaux, s'ils remplissent les conditions d'âge
et d'examen déterminées par la loi, le règlement et le programme des
cours. L'art. 60 du règlement précise même qu'un élève peut être admis
à titre régulier sans examen, s'il a suivi régulièrement la classe et
la section correspondante d'un établissement secondaire officiel de
Suisse. Le droit cantonal ne prévoit donc nullement un examen concours
qui a pour résultat d'instituer un numerus clausus pour l'admission dans
les collèges secondaires communaux. Il n'est pas davantage question d'un
système basé sur l'égalité des chances entre garçons et filles, tel que
le conçoit le Conseil d'Etat. En réalité, ce système résulte d'une simple
directive interne du Département de l'instruction publique aux directeurs
des collèges en 1971. Au sujet de la non-transparence de ces règles
d'examen, il est révélateur que lors des débats au Grand Conseil sur la
motion Marianne Fritsch et consorts concernant les examens d'admission dans
les collèges secondaires du 4 septembre 1978, aucun député n'ait soulevé
la question du système des barèmes différenciés (voir Bulletins du Grand
Conseil, session extraordinaire "Septembre 1978", vol. 1, p. 1672 ss;
session ordinaire "Automne 1978", vol. 2a, p. 1553 ss et 1562; session
ordinaire "Printemps 1979", vol. 1a, p. 744 ss). Ce n'est que lors de la
discussion au sujet du Rapport du Conseil d'Etat sur l'initiative fédérale
"pour l'égalité des droits entre hommes et femmes" que le rapporteur de
la majorité de la commission relevait que la question du barème établi
pour chacun des sexes avait soulevé une longue discussion; il se bornait
cependant à constater que "dans le domaine de l'égalité entre les sexes,
l'idéal n'est pas atteint" (voir Bulletin du Grand Conseil, session
ordinaire "Printemps 1979", vol. 1a, p. 1105).

    Dans ces conditions, il faut admettre que les systèmes du numerus
clausus et des barèmes différenciés, tels qu'ils sont pratiqués
par les autorités cantonales pour les examens d'admission dans les
collèges secondaires communaux n'ont pas de base légale et consacrent
une application arbitraire du texte légal (sur la question du numerus
clausus: voir ATF du 4 décembre 1981, en la cause Goël c. Conseil d'Etat
vaudois, non publié). A cet égard, le grief des recourantes se révèle
donc également fondé.

Erwägung 7

    7.- Compte tenu de ce qui précède, les décisions du Conseil d'Etat
vaudois du 9 octobre 1981 doivent être annulées pour violation de l'art.
4 al. 2 Cst. et arbitraire.

    En application de l'art. 159 al. 1 OJ, l'Etat de Vaud devra verser
des dépens à chacun des deux avocats qui représentaient les recourantes.