Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 107 V 219



107 V 219

51. Arrêt du 24 novembre 1981 dans la cause R. et X contre Caisse cantonale
genevoise de compensation et Commission cantonale genevoise de recours
en matière d'AVS Regeste

    Art. 41 IVG, 29bis, 88a und 88bis IVV. Revision der
Invalidenrente bei Aufenthalt in einer Strafanstalt zum Zwecke der
Strafverbüssung. Wiederaufnahme der Rentenzahlung beim Übergang zur
Halbfreiheit und dann zur bedingten Entlassung. Schicksal der Zusatzrenten.

Sachverhalt

    A.- Charles R., divorcé d'Emilia X (dont il a deux enfants confiés
à leur mère) et remarié avec Annie R. (dont il a un enfant aussi),
a bénéficié d'une rente entière d'invalidité, assortie de rentes
complémentaires (pour son ex-femme et ses deux enfants notamment), depuis
le 1er avril 1973.

    Le 30 novembre 1978, la Cour d'assises du canton de Genève a condamné
Charles R. à cinq ans de réclusion, sous déduction de la détention
préventive. Le prénommé a subi cette peine à partir du 5 mars 1979 dans
différents établissements pénitentiaires. A partir du 3 mars 1980, il a
pu bénéficier du régime de la semi-liberté, ce qui lui a permis d'exercer
une certaine activité lucrative. Il a été libéré conditionnellement le
5 octobre 1980.

    Par décision du 5 octobre 1979, la Caisse cantonale genevoise de
compensation avait supprimé les rentes susmentionnées avec effet au 1er
novembre 1979, pour le motif qu'un détenu invalide n'est pas atteint dans
sa capacité de gain par l'infirmité mais par l'incarcération.

    B.- Annie R. a recouru, en son nom personnel ainsi qu'en sa qualité
de représentante légale de son mari (dont elle est la tutrice) et de son
enfant, contre l'acte administratif précité.

    La Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS l'a
déboutée par jugement du 27 mars 1980, rendu à l'encontre de Charles R.

    C.- Charles R. interjette recours de droit administratif. Il conclut
à l'annulation de la décision du 5 octobre 1979 et au maintien de la
rente entière, ainsi que des rentes complémentaires. Cette démarche a
été ratifiée par Annie R., avec l'autorisation de l'autorité tutélaire.

    La caisse intimée conclut au rejet du recours, alors que l'Office
fédéral des assurances sociales renonce à se déterminer.

    D.- La Caisse cantonale genevoise de compensation a notifié à
Emilia X le 19 mai 1980 seulement sa décision de supprimer les rentes
complémentaires dès le 1er novembre 1979. Elle lui a réclamé simultanément
le remboursement d'un montant de 6'792 fr., représentant celles qui ont
été versées par erreur au-delà du terme susmentionné.

    Emilia X a recouru devant la Commission cantonale genevoise de recours
en matière d'AVS contre cet acte administratif, tout en demandant la
remise de l'obligation de restituer les prestations touchées sans droit.

    L'autorité judiciaire cantonale a proposé au Tribunal fédéral des
assurances de traiter le recours comme une demande d'intervention de
l'ex-épouse de l'assuré dans la procédure fédérale en cours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Lorsque Emilia X, ex-épouse de l'assuré, a recouru contre la
suppression des rentes complémentaires lui revenant, la Commission
cantonale genevoise de recours en matière d'AVS avait déjà rejeté le
recours formé par Annie R. Comme Emilia X et ses enfants se trouvent dans
une situation identique à celle d'Annie R. et de son descendant, recourants
en première instance avec leur mari et père, et auxquels la voie du recours
de droit administratif était ouverte, il est inutile d'astreindre la
juridiction cantonale à rendre un autre jugement. Emilia X et ses enfants
sont à l'évidence atteints par le jugement confirmant la suppression de
la rente allouée à Charles R., mesure entraînant extinction des rentes
complémentaires, qui constituent, comme la jurisprudence l'a déjà rappelé,
des prestations annexes à la rente d'invalidité; à défaut de droit à la
rente de base, aucun droit à la rente complémentaire ne saurait exister
(ATF 101 V 206). L'ex-femme du recourant est donc partie, elle aussi,
à la procédure fédérale. Ses conclusions sont toutefois irrecevables,
dans la mesure où elles tendent à la remise de l'obligation de restituer,
faute de décision administrative statuant sur ce point.

Erwägung 2

    2.- Aux termes de l'art. 41 LAI, si l'invalidité d'un bénéficiaire de
rente se modifie de manière à influencer le droit à la rente, celle-ci est,
pour l'avenir, augmentée, réduite ou supprimée.

    Suivant la jurisprudence, l'invalidité peut varier parce que
l'infirmité qui la provoque a elle-même évolué ou, bien que l'atteinte
à la santé ne se soit pas modifiée, parce que des circonstances qui
lui sont associées en modifient les effets économiques (voir p.ex. ATF
105 V 29, ATFA 1968 p. 187, RCC 1974 p. 48). Or, la détention dans un
établissement pénitentiaire aux fins d'y subir une peine privative de
liberté constitue précisément l'une de ces circonstances de nature à
modifier les effets économiques d'une atteinte à la santé, dans ce sens
que ce n'est plus cette atteinte qui est responsable de la perte de gain
encourue par l'assuré, mais bien la peine infligée à ce dernier. Il n'en va
pas autrement lorsqu'on est en présence d'une personne dite non active,
dont les occupations dans l'établissement pénitentiaire ne sauraient
être réputées, à cet égard, constituer ses travaux habituels: c'est
la détention, non l'atteinte à la santé, qui lui interdit d'accomplir
lesdits travaux, pendant la durée d'exécution de la peine. On arrive du
reste au même résultat en considérant que l'assuré qui est incarcéré pour
y subir une peine privative de liberté change de statut (v. p.ex. ATF
104 V 148) et qu'il est désormais une personne non active dont les
travaux habituels "consistent dans l'exécution de sa peine" (ATF 102 V
167, RCC 1980 p. 554). Que l'on se trouve en présence d'un assuré déjà
invalide (et titulaire d'une rente) avant la détention, ou au contraire
d'une personne qui devient invalide en cours d'exécution de la peine,
cela ne change rien au problème. En outre, on ne voit pas pourquoi les
détenus invalides et leurs proches devraient être avantagés sur le plan
économique par rapport à leurs compagnons de détention valides et à leurs
familles. On relèvera en passant que la LAI ne contient pas de disposition
semblable à celle de l'art. 43 LAM, dont la solution, sur le point ici en
discussion, ne saurait être étendue au domaine de l'assurance-invalidité,
vu les particularités des législations applicables.

    Il n'est pas nécessaire d'examiner aujourd'hui quelles exceptions
pourraient se justifier dans ce domaine.

    En l'espèce, l'entrée en détention de Charles R. le 5 mars 1979 a
constitué un motif de révision de la rente dont il bénéficiait, dans le
sens de la suppression de celle-ci ainsi que des prestations accessoires
que constituaient les rentes complémentaires.

Erwägung 3

    3.- Suivant l'art. 88a al. 1 RAI, si la capacité de gain d'un
assuré s'améliore, il y a lieu de considérer que ce changement supprime,
le cas échéant, tout ou partie de son droit aux prestations dès qu'on
peut s'attendre à ce que l'amélioration constatée se maintienne durant
une assez longue période. Il en va de même lorsqu'un tel changement
déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans
qu'une complication prochaine soit à craindre.

    Quant à l'art. 88bis al. 2 let. a RAI, il prescrit de supprimer la
rente (ou de la diminuer) dans tous les cas dès le premier jour du mois
qui suit la notification de la décision, au plus tôt.

    En l'occurrence, l'entrée de Charles R. dans un établissement
pénitentiaire le 5 mars 1979 aux fins d'y purger la peine prononcée contre
lui justifiait une révision qui aurait pu, en principe, déployer ses effets
dès le 1er avril 1979 au plus tôt. La suppression de la rente à partir
du 1er novembre 1979, en vertu de la décision prise le 5 octobre 1979,
échappe donc à toute critique, s'agissant de Charles et Annie R. et de
leur descendant.

    Quant à Emilia X et à ses enfants, la décision de suppression des
rentes complémentaires leur revenant n'est intervenue que le 19 mai 1980,
les intéressés n'ayant été informés de la révision de la rente de base
qu'à cette date-là. Vu le caractère accessoire des rentes complémentaires,
ils ne sauraient cependant se prévaloir de l'art. 88bis al. 2 let. a
RAI. En revanche, la circonstance susmentionnée pourra jouer un rôle
lors de l'examen, sous l'angle de la bonne foi, de la demande de remise
de l'obligation de restituer les prestations touchées indûment.

Erwägung 4

    4.- Bien que cela ne fasse pas l'objet de la décision litigieuse, il
paraît opportun d'examiner encore les conséquences sur le droit à la rente
du régime de semi-liberté auquel l'assuré a été soumis à partir du 3 mars
1980, puis de la libération conditionnelle intervenue le 5 octobre 1980.

    Le détenu bénéficiant du régime de la semi-liberté, et à
plus forte raison celui qui a été libéré conditionnellement, a la
possibilité d'exercer une activité lucrative à son propre compte (ATF
106 IV 107). S'agissant d'un invalide, l'atteinte à la santé peut,
dès l'installation du nouveau régime, entraîner derechef une perte de
gain. Le changement de statut de l'intéressé, qui constitue également une
circonstance associée à l'infirmité de nature à en modifier les effets
économiques, appelle donc lui aussi une procédure de révision. Plus
exactement, il justifie, au besoin, le rétablissement du droit à la
rente conformément à l'art. 29bis RAI, dont la teneur est la suivante
(sous le titre "Reprise de l'invalidité après suppression de la rente"):
Si la rente a été supprimée du fait de l'abaissement du degré d'invalidité
et que l'assuré, dans les trois ans qui suivent, présente à nouveau un
degré d'invalidité ouvrant droit à la rente en raison d'une incapacité
de travail de même origine, on déduira de la période d'attente que lui
imposerait l'art. 29 al. 1 LAI celle qui a précédé le premier octroi.

    Une modification ultérieure (au moment du passage au régime de la
liberté conditionnelle, par exemple) pourra éventuellement donner lieu à
une nouvelle révision, conformément à l'art. 88a al. 2 RAI qui précise que,
si l'incapacité de gain d'un assuré s'aggrave, il y a lieu de considérer
que ce changement accroît, le cas échéant, son droit aux prestations dès
qu'il a duré trois mois sans interruption notable (l'art. 29bis RAI étant
toutefois applicable par analogie).

    La décision administrative ne concernant pas cette question, on l'a
déjà relevé, la Cour de céans n'a pas à examiner dans tous ses détails
le problème du rétablissement du droit à la rente dans le cas particulier
(le dossier ne fournirait du reste pas de renseignements suffisants pour ce
faire). Il incombera à l'administration d'instruire sur les possibilités
de gain effectives d'un détenu en semi-liberté non atteint dans sa santé,
respectivement sur celles d'une personne libérée conditionnellement, ainsi
que sur les revenus obtenus par le recourant en utilisant sa capacité
résiduelle de travail et de gain (ou sur les revenus qu'il aurait pu
réaliser en tirant le meilleur parti possible de cette dernière). Après
quoi elle statuera à nouveau sur le droit à la rente dès le 3 mars 1980.

    Elle examinera en même temps la demande de remise présentée par
Emilia X.

Entscheid:

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

    Le recours de Charles R. est rejeté. Le recours d'Emilia X est
rejeté, dans la mesure où il est recevable. Le dossier est retourné
à l'administration pour qu'elle instruise et statue sur un éventuel
rétablissement de la rente, conformément au considérant 4, ainsi que sur
la demande de remise présentée par Emilia X.