Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 107 IV 94



107 IV 94

28. Extraits de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 6 mars 1981
dans la cause R. contre Procureur général du canton du Jura (pourvoi
en nullité). Regeste

    Art. 64 und 65 StGB; schwere Bedrängnis.

    1. Der Richter muss einen Strafmilderungsgrund nicht schon immer
dann berücksichtigen, wenn eine der Voraussetzungen des Art. 64 StGB
erfüllt ist, sondern nur, wenn darüber hinaus die mildere Strafe,
die gegebenenfalls gemäss Art. 65 StGB auszusprechen ist, sich
rechtfertigt. Dabei hat der Richter das gleiche Ermessen wie im Rahmen
von Art. 63 StGB.

    2. Genauso wie in einer Notstandslage hat der Bedrängte eine gewisse
Verhältnismässigkeit zwischen den Gründen, die ihn zur Tat veranlassen,
und der Bedeutung des Rechtsguts, in das er eingreift, zu beachten. Diese
ist nicht gewahrt, wenn jemand überlegt tötet, um sich schweren Kummer
zu ersparen.

Sachverhalt

    A.- Le 2 mars 1978 aux environs de 19 h, R., qui est fonctionnaire de
police, s'est rendu avec son camarade H., pour une raison que l'on ignore,
dans une maison abandonnée. A un moment donné, alors que les deux hommes se
trouvaient dans l'habitation obscure, R., qui avait en main son pistolet
privé Beretta 6,35, a tiré par accident trois coups de feu sur H., lui
causant des lésions mettant sa vie en danger, mais dont la victime aurait
éventuellement pu se remettre si elle avait été immédiatement secourue
et transportée à l'hôpital. Le caractère accidentel de ces trois premiers
coups de feu est admis au bénéfice du doute.

    Cinq minutes plus tard au moins, R. a encore tiré, intentionnellement,
trois coups de feu sur son camarade, alors qu'il était encore en vie,
dans l'intention de l'achever, visant la tête, à bout touchant et à
bout portant, les deux premiers avec son Beretta, le dernier, qui fut
immédiatement mortel, avec l'arme de service de H., un pistolet Walther
de calibre 7,65.

    Lorsqu'il a tiré les trois derniers coups de feu, R. n'était pas
en proie à la panique. Mais constatant qu'il avait abattu son camarade,
comprenant que sa carrière était brisée, supputant les conséquences du
drame pour lui-même et pour sa famille à laquelle il est attaché d'une
façon exceptionnelle, il n'a plus vu d'autre issue que d'achever son
camarade, pour tenter de camoufler l'accident en un crime dans lequel il
allait soutenir n'être nullement impliqué.

    B.- Le 14 mars 1980, la Cour criminelle du canton du Jura a déclaré R.
coupable d'assassinat et, retenant la circonstance atténuante de la
détresse profonde, l'a condamné à vingt ans de réclusion et à la peine
accessoire de dix ans d'incapacité de revêtir une charge ou une fonction
officielle.

    C.- Tant le condamné que le Ministère public se sont pourvus en
nullité à la Cour de cassation du Tribunal fédéral.

    Le procureur général conclut à l'annulation du jugement dans la mesure
où il retient la circonstance atténuante de la détresse profonde.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.- ... Les premiers juges ont admis que R. se trouvait dans une
détresse profonde lorsqu'il a tiré sur son camarade H. pour l'achever,
cinq minutes au moins après l'avoir atteint par accident de trois coups
de feu. Le procureur général conteste que cette circonstance atténuante
soit réalisée en l'espèce.

    a) La détresse profonde peut être aussi bien morale que matérielle
(GAUTIER, P.v. 2e com. d'expr. I p. 363; LOGOZ/SANDOZ, n. 5b ad art. 64
CP p. 335; THORMANN-OVERBECK, n. 6 ad art. 64 CP). Il faut que l'auteur
soit poussé à violer la loi pénale par une situation proche de l'état de
nécessité, savoir que, sous la pression d'une détresse particulièrement
grave, il croit ne pouvoir trouver une issue que dans la commission de
l'infraction (ATF 83 IV 188). L'imputabilité de la détresse à une faute
ou à une négligence de l'auteur ne suffit pas à exclure l'application de
l'art. 64 CP; le juge ne peut tenir compte de ces derniers éléments que
pour déterminer si une atténuation se justifie dans le cadre de l'art. 65
CP (même arrêt). Cette jurisprudence est approuvée par la doctrine
(SCHWANDER, n. 390 a 2; LOGOZ/SANDOZ, n. 5 lettre b ad art. 64 p. 355;
SCHULTZ, AT. II p. 79).

    b) En l'espèce, pour admettre que R. s'est trouvé dans un état
de détresse profonde après avoir tiré par accident trois coups de
feu sur son camarade, l'autorité cantonale a considéré que l'auteur
avait dû se trouver dans un état de détresse très marqué en envisageant
toutes les conséquences qu'un tel drame pouvait entraîner pour lui et sa
famille. Elle a relevé à ce sujet - et l'art. 277bis al. 1 PPF interdit
de revenir sur cette constatation sur la psychologie de l'auteur - que
la personnalité de R. est entièrement dominée par un attachement d'une
force exceptionnelle à sa famille et à sa situation professionnelle et
sociale. Pour les premiers juges, pris dans la situation dramatique où
l'avait mis l'accident, R. n'a pas vu d'autre issue que d'achever son
collègue; dès lors la détresse profonde serait établie.

    c) A l'appui de son pourvoi, le procureur général fait valoir que R.,
niant toute participation au drame, n'a pu se prononcer sur l'état d'esprit
où il se trouvait après avoir tiré les trois premiers coups de feu par
accident et avant d'achever son camarade. Il ajoute que même pendant
la période de l'enquête - du 1er au 15 juin 1978 - où R. a avoué avoir
tiré sur H., il a affirmé avoir tiré les six balles coup sur coup et n'a
pas donné d'indication sur son état d'esprit entre deux séries de trois
coups de feu. Dans la mesure où ces moyens tendent à démontrer que c'est
à tort que les premiers juges ont constaté l'état d'esprit où se trouvait
R. immédiatement après avoir tiré par accident, ils sont irrecevables. Ils
tendent en effet à mettre en doute une situation de fait constatée par les
premiers juges (art. 277bis PPF). Il n'est de plus pas exact de dire que
les premiers juges ont retenu comme une hypothèse seulement l'état d'esprit
de R. immédiatement avant sa décision d'achever son camarade. Les mots "il
a dû se trouver dans un état de détresse très marquée" dont les premiers
juges se sont servis n'expriment pas le doute, mais bien la nécessité. Les
premiers juges ont d'ailleurs fait suivre immédiatement leur affirmation
de la démonstration en évoquant l'attachement exceptionnellement fort
que R. avait pour sa famille et sa situation. Lorsqu'on sait d'une part
que R. venait de blesser mortellement par accident son collègue H. - et
l'on ne saurait mettre en doute ce point sans violer l'art. 277bis PPF -
et que l'on prend en considération les très graves ennuis qu'une telle
situation ne pouvait manquer de comporter pour l'accusé en ce qui concerne
sa carrière professionnelle et par voie de conséquence pour sa famille,
on ne peut que constater l'évidence que R. s'est trouvé immédiatement
après l'accident dans une situation inextricable, propre à provoquer une
grande angoisse, à défaut de l'affolement et de la panique que l'autorité
cantonale a expressément niés. En qualifiant cette situation de détresse
profonde, les premiers juges n'ont donc pas violé le droit fédéral,
puisqu'ils se sont prononcés sur un point de fait.

    Il n'en résulte toutefois pas que le pourvoi du Ministère public est
mal fondé. En effet, le juge n'a pas à retenir une circonstance atténuante
chaque fois que l'une des conditions de l'art. 64 CP est réalisée,
mais seulement lorsqu'en outre, la peine plus douce qu'il y a eu lieu
de prononcer selon l'art. 65 CP se justifie (ATF 71 IV 79 ss.). En se
prononçant sur ce point, le juge a le même pouvoir que dans le cadre de
l'art. 63 CP; il ne saurait sans violer le droit fédéral abuser de son
pouvoir d'appréciation.

    Tel est le cas en l'espèce. En effet, la détresse profonde est certes
de nature à expliquer des actes irrationnels et partant à excuser bien
des comportements à l'auteur, mais pas d'une manière inconditionnelle
(cf. ATF 83 IV 188 précité). De même que dans l'état de nécessité,
l'auteur doit respecter une certaine proportionnalité entre les motifs
qui le poussent et l'importance du bien qu'il lèse. C'est dire que d'une
part il devra, dans la mesure que l'on peut exiger de lui compte tenu de
son état psychologique - lequel toutefois rappelons-le ne justifie par
définition pas l'application de l'art. 11 CP -, choisir la solution la
moins préjudiciable pour autrui et que, d'autre part, il devra le cas
échéant renoncer à faire prévaloir ses intérêts sur ceux des tiers,
si la morale le commande.

    In casu, les ennuis que R. encourait pour avoir blessé accidentellement
et non mortellement son camarade justifiaient sans doute une certaine
appréhension, mais ils n'étaient pas tels que pour les éviter à soi-même
ou à sa famille, il soit possible, sans faire preuve d'un égoïsme
forcené, d'essayer de les éviter en tuant délibérément (en faisant usage
successivement de deux armes) un être humain. L'autorité cantonale ne
pouvait donc sans abuser de son pouvoir d'appréciation mettre R. au
bénéfice de la circonstance atténuante de la détresse profonde sur la
base des faits qu'elle a retenus. Elle n'aurait pu le faire que si elle
avait constaté expressément que, dans la situation telle qu'il se la
représentait, R. a respecté une proportionnalité raisonnable entre le but
qu'il cherchait et le préjudice causé à la victime, autrement dit qu'il
s'est conduit d'une manière que la morale ne réprouve pas totalement. La
décision attaquée doit donc être annulée.