Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 107 IV 119



107 IV 119

34. Extraits de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 6 mars 1981
dans la cause B. contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en
nullité) Regeste

    Art. 198 und 199 StGB; Gewinnsucht.

    Die Begriffe "Gewinnsucht", "gewinnsüchtige Absicht" ("dessein de
lucre"), die im besonderen Teil des Strafgesetzbuches verwendet werden,
bedeuten nicht das gleiche wie der im allgemeinen Teil (Art. 48 Ziff. 1
Abs. 2, 50 Abs. 1 und 106 Abs. 2 StGB) verwendete Begriff der "Gewinnsucht"
("cupidité"), obschon die Terminologie im deutschen und im italienischen
("fine di lucro") Gesetzestext dieselbe ist. "Gewinnsüchtig" ("cupide")
im Sinne des allgemeinen Teils des Strafgesetzbuches ist derjenige
Täter, welcher aussergewöhnlich begierig auf finanzielle Vorteile
ist. "Gewinnsüchtig", "mit gewinnsüchtiger Absicht" ("avec un dessein de
lucre") handelt, wer eine in moralischer Hinsicht verwerfliche Bereicherung
anstrebt, indem er die Menschenwürde betreffende Werte in Frage stellt, die
nicht in Geld messbar sind oder deren Umsetzung in Geld eine Verunglimpfung
darstellt. Mit andern Worten: das Kriterium bei der "Gewinnsucht"
("cupidité") im Sinne des allgemeinen Teils des Strafgesetzbuches ist
quantitativer Natur, dasjenige bei der "Gewinnsucht" ("dessein de lucre")
im Sinne des besonderen Teils des Strafgesetzbuches qualitativer Art.

Sachverhalt

    A.- a) B. a loué un appartement à Ecublens pour y exercer son métier
d'esthéticienne en janvier 1977, après y avoir exécuté des travaux pour
environ 50'000 fr. Elle a rapidement constaté que son salon n'était pas
rentable et, après quelques mois, elle a commencé, sur leur demande, à
masturber ses clients masculins pour le prix de 70 fr. par séance. A la
fin 1978, elle a fait paraître des annonces dans les revues "spécialisées"
(c'est-à-dire lourdement érotiques) comme "Minuit Plaisir" ou "Happy
Time Report", offrant des massages sur la nature desquels aucun doute
n'était possible.

    b) Depuis le début de 1979 et jusqu'au début de 1980, fin de son
activité, B. a en outre offert une partie de son salon à une douzaine
de prostituées qui se sont succédé chez elle, une à la fois, chacune
pour quinze jours au plus, par prudence vis-à-vis de la police des
étrangers. Ces personnes réalisaient des gains de 3000 à 5000 fr. par
quinzaine, mais ne versaient aucun loyer à B. dans les locaux de laquelle
elles exerçaient leurs talents. Le profit de B. consistait uniquement dans
l'augmentation de sa clientèle, qui croissait en fonction de l'activité
même et de la présence de la prostituée. B. recevait les téléphones et
accueillait les gens. Elle a réalisé par ce moyen des gains de 3000 à
4000 fr. par mois.

    B.- Le 23 avril 1980, le Tribunal correctionnel du district de
Morges a acquitté B. du chef d'accusation de proxénétisme professionnel
et l'a condamnée à 100 fr. d'amende pour publicité donnée aux occasions
de débauche. Le 4 août 1980, le Tribunal cantonal vaudois a admis un
recours du Ministère public et rejeté un recours joint de la condamnée
contre ce jugement, qu'il a réformé en ce sens que B. est condamnée pour
proxénétisme par métier et publicité donnée aux occasions de débauche à
six mois d'emprisonnement et à 500 fr. d'amende avec sursis et délai de
radiation de deux ans.

    C.- B. se pourvoit en nullité contre cet arrêt dont elle demande
l'annulation, la cause étant renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle
la libère des chefs d'accusation retenus et par conséquent de toute peine
et de tous frais.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La recourante conteste avant tout avoir agi dans un dessein de
lucre. Cet élément de l'infraction définie à l'art. 199 CP dont l'autorité
cantonale a fait application n'est exprimé qu'à l'art. 198 CP. Mais
l'art. 199 CP ne se distingue de l'art. 198 CP que par la qualification
du métier (ATF 76 IV 239 consid. 3; LOGOZ, n. 1 ad art. 199 p. 336). Si
donc une condition d'application de l'art. 198 CP fait défaut, l'art. 199
CP ne sera pas non plus applicable (LOGOZ, ibidem; STRATENWERTH, B.T. II,
p. 54 n. 2).

    Aux termes de l'art. 198 CP, celui qui, dans un dessein de lucre,
aura favorisé la débauche, sera puni de l'emprisonnement.

    En l'espèce, la recourante ne conteste pas avoir favorisé les douze
prostituées auxquelles elle a offert un local. Elle ne conteste pas
non plus qu'elles s'y sont adonnées à la débauche en y recevant leurs
clients. La chose est du reste évidente. C'est donc bien uniquement la
notion de dessein de lucre au sens de l'art. 198 CP qui doit être examinée.

Erwägung 2

    2.- Le dessein de lucre appartient à la définition des infractions
définies aux art. 129 al. 2, 159 al. 2, 198 et 199, 219 al. 2 et 313 CP. Il
en va de même, mais négativement, à l'art. 200 CP. Le texte allemand use
de l'expression Gewinnsucht (respectivement gewinnsüchtige Absicht, art.
200 et 313) qui se retrouve aux art. 48 ch. 1 al. 2, 50 al. 1 et 106
al. 2 CP. En revanche, dans ces dernières dispositions de la partie
générale du Code, le texte français utilise l'expression "cupidité",
réservant l'expression "dessein de lucre" ou "but de lucre" aux textes de
la partie spéciale. La version italienne du Code de même que l'allemande
fait appel à la même expression ("fine di lucro") dans tous les cas.

    a) Ces différences ont attiré l'attention tout d'abord de
SCHWANDER (1re éd. p. 154, 2e éd., n. 370 p. 193) et de VON WEBER (Die
Bereicherungsabsicht im Schweizerischen Strafgesetzbuch, thèse Fribourg
1951, p. 86), qui accordent leur préférence à la distinction qui ressort
du texte français, approuvés en cela par CLERC ("A propos de la cupidité",
in JdT 1962, p. 98 ss., 102).

    b) La distinction entre la cupidité, d'une part, et le dessein ou
but de lucre, d'autre part, se justifie d'abord, selon CLERC, par les
travaux préparatoires (loc.cit., p. 102): alors que l'avant-projet de 1908,
à l'art. 37, traduisait "Gewinnsucht" par "but de lucre", Gautier proposa
de remplacer "but" par "mobile", insistant sur la nécessité de distinguer
la finalité de l'acte (but) de la raison pour laquelle l'auteur agit
(mobile). La proposition fut adoptée (IIe Commission d'experts, I p. 293)
et la Commission de rédaction remplaça l'expression "mobile de lucre" par
"cupidité", qui exprimait mieux la pensée de Gautier. Que la "cupidité"
relève des mobiles de l'auteur, qu'elle ne soit pas un élément constitutif
de l'acte, mais un trait de caractère de l'auteur, un élément de sa
personnalité dangereuse, le Tribunal fédéral l'a déclaré expressément:
"On doit qualifier de cupide l'auteur qui se montre particulièrement avide
d'avantages financiers, qui, par exemple pour se procurer de l'argent,
outrepasse habituellement et sans scrupules les limites tracées par la
loi, la bienséance ou les bonnes moeurs et qui n'hésite donc pas à se
procurer un gain illicite" (ATF 101 IV 134, 94 IV 100 et les références sur
l'art. 50 CP; le dernier arrêt cité reprend expressément les considérations
de Clerc au JdT 1962 IV 103). Selon VON WEBER (loc.cit., p. 86/87), cette
notion de cupidité signifie autre chose que le dessein de lucre auquel
font appel les textes de la partie spéciale du Code. En effet, les art. 48
ch. 1 al. 2 et 50 al. 1 CP sont applicables pour sanctionner n'importe
quelle infraction définie dans la partie spéciale du Code, pourvu que,
dans le cas concret, ces infractions manifestent que le mobile de l'auteur
est la passion de gagner de l'argent. VON WEBER en déduit que le dessein de
lucre dans la partie spéciale du Code ne se distingue pas essentiellement
du dessein d'enrichissement illégitime. La différence d'expression est
justifiée parce que la recherche du gain qualifiée de "dessein ou but de
lucre" apparaît particulièrement choquante et moralement répréhensible.

    c) Cette distinction entre le mobile - caractère permanent -
de l'auteur (cupidité) et son but - occasionnel - (dessein de lucre)
dont Clerc reconnaît qu'elle est malaisée (loc.cit., p. 103) est-elle
nécessaire, voire utile? La distinction serait inutile si, du point de
vue formel, les textes de la partie générale du Code pénal faisant appel
à la notion de cupidité ne peuvent pas trouver application en même temps
que ceux de la partie spéciale qui retiennent comme élément le dessein
de lucre.

    Elle serait en outre inutile du point de vue matériel si le dessein
de lucre manifesté lors de la commission d'infractions définies dans
la partie spéciale du Code est nécessairement la démonstration de la
mentalité générale de l'auteur, de sa recherche passionnée du gain par
n'importe quel moyen.

    d) Du point de vue formel, l'art. 50 al. 1 CP permet d'infliger une
amende à l'auteur cupide, alors même que l'infraction définie dans la
partie spéciale n'est menacée que d'une peine privative de liberté.

    Les art. 129 al. 2, 159 al. 2, 198 al. 3, 199 al. 3 CP imposent
l'amende. Ils vont donc plus loin que l'art. 50 al. 1 CP, qui la déclare
facultative. Si l'on examine uniquement ces dispositions légales, la
distinction entre la cupidité et le dessein de lucre est formellement
inutile, car elle ne peut avoir aucune influence sur l'application de
la loi.

    Il en va de même en ce qui concerne les art. 313 et 50 al. 1 CP: les
deux dispositions prévoient que le juge peut prononcer l'amende. Qu'il
puisse la prononcer parce que l'auteur a, dans le cas particulier, cherché
à s'enrichir par des moyens répréhensibles, ou qu'il puisse la prononcer
parce que l'auteur est mû généralement par la passion du gain, la sanction
demeure la même. Formellement, la distinction est donc inutile.

    En revanche, le même raisonnement démontre l'utilité formelle de
la distinction lorsqu'il s'agit d'appliquer l'art. 219 al. 2 CP, qui ne
prévoit pas l'amende. Si, par hypothèse, le dessein de lucre ne recouvre
pas la notion de cupidité, si en d'autres termes on peut concevoir que
l'auteur agisse dans un dessein de lucre sans pour autant faire preuve
de cupidité, l'application de l'art. 50 CP serait exclue dans une telle
hypothèse et le juge ne pourrait pas prononcer d'amende.

    En ce qui concerne l'art. 48 ch. 1 al. 2 CP auquel correspond pour
les contraventions l'art. 106 al. 2 CP, la distinction entre cupidité et
dessein de lucre peut toujours être formellement utile. En effet, même
quand les textes de la partie spéciale imposent l'amende, ils ne font
aucune mention de son maximum. Si donc une distinction peut être faite
matériellement entre la cupidité et le dessein de lucre, il en résulterait
que formellement le juge pourrait dépasser le maximum prévu par l'art. 48
ch. 1 al. 1 CP si l'auteur a agi non seulement dans un dessein de lucre,
mais encore en manifestant un caractère cupide, et qu'il ne le pourrait
pas si cette dernière condition faisait défaut.

    Il n'est donc pas inutile d'examiner si, du point de vue matériel,
une distinction est possible entre la cupidité et le dessein de lucre.

    e) La cupidité est définie comme le trait de caractère de l'auteur qui
se montre particulièrement avide d'avantages financiers, qui par exemple
pour se procurer de l'argent outrepasse habituellement et sans scrupules
les limites tracées par la loi, la bienséance ou les bonnes moeurs et
qui n'hésite donc pas à se procurer un gain illicite (ATF 101 IV 134,
94 IV 100 et les références). Doit-on en déduire que toute recherche
d'un gain illicite par le moyen d'une violation de la loi, des bonnes
moeurs ou de la bienséance manifeste nécessairement le trait de caractère
général qu'exprime le mot cupidité? Si tel était le cas, on devrait en
déduire que la cupidité est démontrée chaque fois que l'auteur viole la
loi pour s'enrichir, savoir notamment dans toutes les infractions dont
un des éléments constitutifs est le dessein d'enrichissement illégitime,
ainsi le vol, l'abus de confiance ou l'escroquerie, ou en tout cas chaque
fois que l'auteur de ces infractions agit dans son propre intérêt (comme
dans la majorité des cas), et non pas pour procurer un enrichissement
illégitime à autrui.

    Il est donc admis que la cupidité va au-delà du simple dessein
d'enrichissement ou de se procurer un avantage; elle ne saurait non plus
être confondue avec le souci de l'intérêt personnel (ATF 101 IV 134,
94 IV 100).

    f) Le critère de distinction entre le dessein d'enrichissement et
le dessein de lucre est en revanche plus difficile à poser, car il
ne peut être quantitatif, que ce soit en fonction de la durée ou de
l'importance. Ce qui paraît en définitive devoir distinguer le dessein
d'enrichissement du dessein de lucre, c'est que l'enrichissement qualifié
péjorativement de lucre est particulièrement répréhensible, au point de
vue moral, parce qu'il met en cause des valeurs supérieures à celles que
représentent la propriété ou les intérêts financiers. Il met en cause les
valeurs relatives à ce qui fait la dignité de la personne, à sa sphère
intime, des valeurs dont la caractéristique est de n'être pas monnayables,
et qui sont bafouées du seul fait qu'elles sont monnayées. Ainsi en va-t-il
de la vie d'autrui (art. 129 CP), des relations de dépendance entre deux
personnes organisées par la loi ou le contrat (art. 159 CP), de la vie
sexuelle (art. 198 et 199 CP), du devoir de protéger et d'élever son enfant
(art. 219 CP), de l'autorité que donne la fonction publique (art. 313 CP).

    On dégage ainsi, pour distinguer le dessein d'enrichissement du
dessein de lucre, un critère qualitatif, tenant à la valeur du bien lésé,
et non seulement quantitatif tenant à l'intensité de la recherche du gain,
contrairement à ce qui est affirmé par le Tribunal de Zoug dans l'arrêt
publié au BJP 1945 no 141. Un critère qualitatif est préférable à un
critère quantitatif, parce qu'il est in casu plus précis. Il se réfère à
la nature de l'acte et non pas à sa plus ou moins grande répétition. On
doit donc approuver HAFTER (B.T. I, p. 141) qui voit le critère du lucre
dans le fait que le dessein d'enrichissement est "verpönt". De même VON
WEBER (loc.cit., p. 87) pour qui le lucre se définit comme un dessein
d'enrichissemen "besonders anstössig und sittlich verwerflich".

    g) Doit-on déduire du fait que l'auteur a démontré, à une occasion,
agir dans un dessein de lucre, la conclusion qu'il a manifesté ainsi une
mentalité telle qu'il outrepassera habituellement et sans scrupules les
limites tracées par la loi, la bienséance et les bonnes murs? Tel peut sans
doute être le cas suivant les circonstances, mais il ne saurait s'agir
d'une règle. Ainsi dans la cause Bolliger c. Aargau, du 28 octobre 1949,
le Tribunal fédéral a-t-il admis le dessein de lucre de l'hôtesse qui loue
une chambre pour le prix normal à un couple dont elle sait qu'il n'occupera
la chambre que pendant une heure pour y entretenir des relations intimes,
de sorte qu'elle pourra relouer la chambre après l'avoir refaite à un
client qui voudra y passer la nuit le même soir. Il n'est pas convaincant
de tirer de cette seule circonstance la conclusion que l'hôtesse se montre
particulièrement avide d'avantages financiers et que, pour se procurer
de l'argent, elle outrepasse habituellement et sans scrupules les limites
tracées par la bienséance ou les bonnes murs. Le Tribunal fédéral ne l'a
du reste pas affirmé. Il lui a suffi de constater qu'en cette occasion la
recourante Bolliger avait admis de recevoir en un seul jour deux fois le
loyer de sa chambre en favorisant la débauche. Il n'a pas recherché ni
demandé à l'autorité de renvoi de contrôler si la condamnée avait ainsi
manifesté un trait de caractère et non seulement commis une faute isolée.

    Il se justifie de réprimer plus sévèrement l'acte de celui qui est mû
par la passion du gain au point de ne pas reculer habituellement devant le
monnayage de valeurs non monnayables, d'en faire un système, que l'acte
isolé de celui qui ne recourt qu'exceptionnellement à une telle source
de gain. Le premier manifeste en effet une mentalité plus répréhensible
et plus dangereuse. La loi tient compte de circonstances comparables
lorsqu'elle fait du métier une circonstance qualifiant l'infraction
(art. 119 ch. 3, 137 ch. 2, 144 al. 3, 148 al. 2, 153 al. 2, 154 al. 2,
156 ch. 2, 157 ch. 2, 194 al. 3, 199, 202 ch. 2 in fine, 235 ch. 1 al. 2,
243 ch. 1 al. 2, 252 ch. 2 CP).

    Une distinction entre le trait de caractère, soit le mobile de la
cupidité, et le but, soit le dessein de lucre, est donc matériellement
justifiée.

Erwägung 3

    3.- Pour examiner le cas de la recourante, il convient donc seulement
de se demander si elle a cherché à obtenir un gain par les moyens
critiquables qui caractérisent le lucre, sans se préoccuper de savoir
si chez elle le désir de s'enrichir est devenu une passion, si elle est
particulièrement avide d'avantages financiers au point d'outrepasser
habituellement et sans scrupules les limites tracées par la loi, la
bienséance ou les bonnes moeurs.

    Il est établi en fait que si la recourante a accueilli gratuitement
dans son salon d'esthéticienne des prostituées dont elle a favorisé la
débauche, c'était pour obtenir des gains supplémentaires par l'augmentation
de sa clientèle. Le gain visé ne provenait pas d'un loyer exagéré exigé
des prostituées, puisque la recourante n'exigeait aucun loyer ni aucune
participation aux frais généraux. Il n'est pas établi que les clients
des prostituées fussent tenus de recourir aux services de la recourante
à l'occasion des visites qu'ils rendaient à la prostituée. Il n'est pas
établi non plus que la recourante ait augmenté ses tarifs en raison de
la présence d'une prostituée dans les locaux. La cause n'est donc pas
comparable à celle examinée par le Tribunal fédéral à l'ATF 89 IV 17 qui
est d'ailleurs dépassé au vu de ce qui précède, où le gain qualifiable de
lucre résidait dans un loyer exagéré, ni à l'ATF 98 IV 259 où le bailleur
B. touchait aussi un loyer exagéré des locaux affectés à la débauche.
La présente cause n'est pas non plus comparable à celle examinée dans
l'ATF 76 IV 236 où la présence de prostituées permettait d'augmenter le
prix des bouteilles de vin au bénéfice du proxénète, ni à celle examinée
dans l'ATF 98 IV 258 dans la mesure où il concerne la recourante A. qui,
pour des massages, exigeait un prix exagéré de 45 fr. pour une demi-heure,
prix nettement supérieur à celui des salons de massage sérieux et que
seule expliquait la nature très particulière des soins donnés.

    Dans un arrêt non publié Koller c. Luzern, Staatsanwaltschaft, du 18
novembre 1965, où la recourante, qui avait mis sa chambre à la disposition
d'un garçon et de deux filles qui entendaient s'y livrer à la débauche,
avait reçu 50 fr., le Tribunal fédéral a considéré comme sans pertinence
que la somme reçue ait rétribué d'une part la mise à disposition de la
chambre et d'autre part le fait que la recourante s'était tenue elle-même à
la disposition du garçon. En effet, même dans ce dernier cas, elle n'aurait
mis la chambre à disposition que pour pouvoir elle-même participer à la
débauche et en recevoir le salaire. Le Tribunal fédéral a donc estimé
que le seul fait de se procurer un client - qui autrement ne serait pas
venu - par la favorisation de la débauche constituait la recherche d'un
gain procuré par le proxénétisme.

    Dans l'affaire Albiez c. Solothurn, Staatsanwaltschaft, du 11 décembre
1970 (non publié sur ce point aux ATF 96 IV 118), le Tribunal fédéral a
admis plus nettement encore que le gain du proxénète peut consister dans
l'augmentation du chiffre d'affaires d'un établissement, provenant du
fait qu'une prostituée est installée par le tenancier dans le voisinage
immédiat du bar.

    De même, un arrêt bâlois (SJZ 53/1957 p. 241) retient comme le gain
du proxénète l'augmentation du chiffre d'affaires de la prostituée qui,
pour attirer davantage de clients, loge gratuitement chez elle d'autres
prostituées.

    Lorsque les affaires du proxénète deviennent plus rentables grâce à
son activité, la cause du gain supplémentaire réside bien dans le fait
que l'auteur favorise la débauche. Il y a bien un lien de causalité
entre cette favorisation et le gain supplémentaire, alors même que les
personnes favorisées dans leur débauche ne versent rien au proxénète et
que celui-ci améliore sa situation non pas parce qu'il augmente ses prix,
mais simplement parce qu'il a une clientèle plus nombreuse. Peu importe,
car le proxénétisme se caractérise par la favorisation de la débauche,
et non pas nécessairement par son exploitation (ATF 89 IV 20 consid. 2
d et e). STADELMANN (Kuppelei und Zuhälterei, in RPS 83/1967 p. 366 ss.,
373) approuve cette jurisprudence, de même que LOGOZ semble-t-il, puisque
cet auteur (n. 2 c in fine ad art. 198 CP, p. 335) admet que le dessein
de tirer indirectement un avantage matériel de la débauche d'autrui suffit.

    Dans le cas de la recourante, il est démontré qu'elle a obtenu
un gain supplémentaire du fait qu'elle a eu davantage de clients dès
l'instant où elle a hébergé une prostituée, et que c'est à cette fin
qu'elle a offert une partie de son salon à une prostituée. En favorisant
la débauche de la prostituée, elle a donc cherché à obtenir un avantage de
nature pécuniaire indirect découlant de l'augmentation de sa clientèle,
qu'elle n'aurait pas obtenu sans la favorisation de la débauche. Comme
ce gain supplémentaire est dû à cette activité moralement répréhensible,
la recourante a agi dans un dessein de lucre au sens de l'art. 198 ou
199 CP. Son premier moyen doit ainsi être rejeté.