Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 107 II 356



107 II 356

56. Arrêt de la Ire Cour civile du 6 octobre 1981 dans la cause Micco
contre Armellin La San Marco S.A. (recours en réforme) Regeste

    Markenrecht, unlauterer Wettbewerb.

    Voraussetzungen, unter welchen der Gebrauch der Marke durch einen
Dritten (in diesem Fall durch einen Alleinvertreter) dem Markeninhaber
angerechnet wird (Erw. 1).

    Art. 1 Abs. 2 lit. d UWG. Verwechslungsgefahr zwischen einer Marke
und einer Firma. Anwendung des Grundsatzes des Vorrechts an der Marke,
unter Vorbehalt besonderer Umstände, welche in diesem Fall nicht vorliegen
(Erw. 4).

    Tragweite der Einwilligung des Markeninhabers, den Wortteil der
Marke in der Firma eines Dritten, einem Alleinvertreter, zu gebrauchen
(Erw. 2, 4d).

Sachverhalt

    A.- a) La société en nom collectif Fratelli G. et F. Romanut Fabbrica
macchine da caffè espresso, ayant son siège à Udine (Italie) et dont la
raison sociale est devenue en mai 1978 "La San Marco S.p.A." (désignée
ci-après: "la Romanut"), fabrique et vend des machines à café express sous
une marque mixte ayant pour élément verbal les mots "La San Marco". Elle
utilise cette marque en Italie depuis 1928 et fait figurer le nom "La
San Marco" sur son papier à lettres, en caractères plus grands que ceux
de sa raison sociale. Ladite marque a été enregistrée en Italie en 1967
et portée au registre international des marques de l'Office mondial de
la propriété intellectuelle.

    A fin 1954, Ermès Armellin, domicilié à Lausanne, a suggéré à la
Romanut d'exporter ses machines sur le marché suisse, où elles n'étaient
pas connues. Le 18 février 1955, la Romanut a accordé à Armellin le
titre de "concessionnaire exclusif pour la Suisse" des machines à café
"La San Marco". Le contrat conclu avec Armellin, d'une durée de 5 ans,
était tacitement renouvelable. Il a été reconduit pour 5 ans en 1960.

    Au début de 1961, Armellin a décidé de transformer son commerce en une
société anonyme qu'il souhaitait appeler "La San Marco S.A.". A sa demande,
la Romanut lui a adressé une déclaration l'autorisant à employer le nom
de "La San Marco" comme raison sociale de la société anonyme à constituer
avec siège à Lausanne et dont le but serait notamment la vente des machines
à café "La San Marco" et d'autres produits fabriqués par la Romanut.

    Armellin a alors constitué la société "Machines à café express La San
Marco S.A.", qui a été inscrite au registre du commerce de Lausanne et
dont le but est l'achat, la vente et l'exploitation de toutes machines
et du matériel pour hôtels, bars et usages domestiques, notamment des
machines à café express "La San Marco".

    b) Les machines livrées par la Romanut à la société Machines à café
express La San Marco S.A. arrivaient d'Italie non terminées. Armellin
commandait ailleurs et installait dans ses ateliers le système électrique
et de chauffage, adapté aux normes suisses. Il assumait le service après
vente et la garantie à la clientèle, ainsi que les frais de promotion et
de publicité en Suisse. Les machines vendues dans ce pays portaient deux
marques: du côté opposé au serveur, la marque d'origine "La San Marco",
assortie de la représentation graphique d'un lion ailé; du côté serveur,
une plaquette métallique sur laquelle figurait la marque "La San Marco
Lausanne" ou "La San Marco S.A. Lausanne".

    Au printemps 1977, la Romanut a substitué à la marque mixte originale
une nouvelle marque, dont l'élément verbal était toujours "La San Marco",
mais dont l'élément graphique était différent. Cette marque a été déposée
en Italie et enregistrée internationalement en 1977.

    c) En automne 1977, les relations entre la Romanut et Armellin se sont
dégradées et aucun accord n'a pu intervenir sur de nouvelles propositions
de contrat de concession de vente exclusive. Le 14 septembre 1977, la
Romanut a informé Machines à café express La San Marco S.A. que dès ce
jour tous les rapports entre les deux maisons avaient pris fin et qu'elle
lui faisait défense d'utiliser la marque "San Marco". Elle a cessé de
lui livrer des machines à café et a chargé d'autres concessionnaires de
couvrir le marché suisse.

    Machines à café express La San Marco S.A. a dès lors fabriqué
elle-même, de toutes pièces, un nouveau modèle de machine à café express
portant également la marque verbale "La San Marco", accompagnée d'un
dessin différent. Elle l'a présenté pour la première fois en septembre
1978, comme étant un modèle projeté et réalisé pour la Suisse par "La
San Marco S.A. Lausanne".

    d) Renato Micco exploite un commerce de machines à café à Lausanne. Par
contrat du 18 octobre 1977, la Romanut lui a accordé une concession
exclusive de vente des machines et appareils de sa production pour le
canton de Vaud. Dès 1978, il a fait inscrire sur sa camionnette, en
gros caractères, "Machines à café La San Marco", à côté d'autres marques
qu'il représente.

    Par lettre du 27 janvier 1978, Machines à café express La San Marco
S.A. a avisé Micco qu'elle agirait contre lui s'il vendait des machines
à café sous la marque "La San Marco". Micco n'a pas répondu à cette lettre.

    B.- Machines à café express La San Marco S.A. a ouvert action contre
Micco le 12 mai 1978. Elle demandait au Tribunal de constater qu'elle
avait un usage exclusif sur sa raison de commerce, interdiction étant
faite en conséquence au défendeur d'utiliser les mots "Machines à café
express La San Marco" ou "Machines à café La San Marco" pour désigner son
entreprise; de constater qu'elle possédait en Suisse un droit exclusif sur
la marque "La San Marco" ou "San Marco", pour désigner des machines à café,
interdiction étant faite en conséquence au défendeur de mettre en vente
ou en circulation des machines à café revêtues du signe "La San Marco"
ou "San Marco"; de faire interdiction au défendeur d'utiliser ce signe
sur tous documents commerciaux et tous supports publicitaires.

    Par jugement du 16 mars 1981, la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois a interdit au défendeur, sous la menace des peines prévues par
l'art. 292 CP, de mettre en vente et en circulation des machines à café
revêtues du signe "La San Marco" ou "San Marco" et d'utiliser ce signe
sur tous documents commerciaux, tels que papier à lettres, factures,
liste de prix, et sur tous supports publicitaires, graphiques ou verbaux.

    C.- Le défendeur recourt en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut
principalement au rejet de la demande et au paiement de 7'000 fr. à titre
de dépens de première instance, subsidiairement au renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour qu'elle complète le dossier et statue à nouveau.

    L'intimée, dont la raison de commerce est maintenant "Armellin La
San Marco S.A.", propose le rejet du recours.

    Le Tribunal fédéral admet le recours, annule le jugement attaqué et
rejette la demande.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) La cour cantonale relève avec raison que la marque mixte
"La San Marco", utilisée en Italie dès 1928 par la Romanut, était une
marque valable susceptible d'être protégée en Suisse. On ne peut que se
rallier à cet égard aux considérants du jugement attaqué, qui ne sont
pas critiqués par les parties.

    Les premiers juges examinent ensuite qui, de la Romanut ou de
la demanderesse, peut se prévaloir de la priorité d'usage en Suisse
de la marque litigieuse et invoquer la protection de la loi sur les
marques. Jugeant cette question de priorité d'après le droit suisse,
ils considèrent qu'Armellin, concessionnaire exclusif pour la Suisse des
machines à café "La San Marco", a fait un usage dérivé de cette marque,
usage qui valait pour la Romanut; c'est dès lors cette société qui peut
se prévaloir de la priorité d'usage de la marque en Suisse, à condition
qu'elle n'ait pas perdu ultérieurement la titularité du droit.

    La demanderesse conteste ce point de vue. Selon elle, l'usage
qu'Armellin a fait de la marque "La San Marco" entre 1955 et 1961 doit
être considéré comme un usage originaire et non pas comme un usage dérivé
du droit de la Romanut.

    b) La question de la priorité d'usage de la marque litigieuse en
Suisse doit être jugée d'après le droit de ce pays (ATF 72 II 425). Ce
droit est également applicable au contrat de concession exclusive de
vente, ou contrat de représentation exclusive, dont la cour cantonale a
retenu l'existence, à juste titre, entre la Romanut et Armellin (ATF 100
II 450 s.).

    c) Selon le principe de la territorialité, le droit à la marque
n'est acquis et conservé que par l'usage en Suisse (ATF 105 II 52,
89 II 100). Le droit prioritaire est rattaché au premier usage (ATF 63
II 124), qui commence avec l'apparition de la marchandise sur le marché
(cf. ATF 102 II 115). En l'espèce, l'usage à titre de marque, constitutif
du droit de priorité en Suisse, a donc commencé avec l'apparition de la
marchandise sur le marché suisse, soit en 1955, selon une constatation
souveraine du jugement attaqué, quand bien même la Romanut utilisait la
marque litigieuse en Italie depuis 1928.

    Le titulaire d'une marque, enregistrée ou non, doit en principe
utiliser la marque lui-même. Dans certaines conditions cependant, l'usage
de la marque par un tiers profite au détenteur du droit (A. TROLLER,
Immaterialgüterrecht, I p. 326 ss). Ainsi, en cas de licence de marque,
soit lorsque le titulaire confère à un tiers le droit de munir de la
marque des marchandises ou leur emballage, après avoir fabriqué lui-même
la marchandise ou l'avoir transformée dans une mesure non négligeable;
l'utilisation de la marque par le preneur vaut emploi par le donneur de
licence (ATF 105 II 55, 101 II 297 consid. 2 et les arrêts cités). Cette
jurisprudence s'applique à plus forte raison lorsque le tiers se borne à
apposer la marque sur une marchandise fabriquée par le titulaire (emploi
de la marque par représentation immédiate, unmittelbar stellvertretender
Gebrauch; cf. notamment BAUER, Die Agentenmarke, p. 137 et les auteurs
cités; WUNDERLICH, in Die Warenzeichenlizenz, publication collective
dédiée à E. ULMER, 1963, p. 239 s.; A. TROLLER, op.cit., I p. 326-328;
BAUMBACH/HEFERMEHL, Warenzeichenrecht, 11e éd., p. 440, n. 5 ad WZG Anh
par. 8). Quant au cas où la marque est apposée par son titulaire sur la
marchandise qu'il produit et qui est remise au tiers, agent ou représentant
exclusif, pour qu'il la revende, l'agent n'est qu'un intermédiaire dans
l'usage de la marque, qui est en réalité le fait du titulaire de la marque
(A. TROLLER, op.cit., I p. 328).

    En l'espèce, les machines mises en vente par Armellin étaient bien
celles de la Romanut, munies de la marque dont celle-ci était titulaire,
même s'il les complétait avec une installation électrique adaptée à la
Suisse. La situation relève donc davantage de l'emploi par représentation
immédiate que de la licence, et il est exclu d'admettre qu'il y ait eu
emploi originaire de la marque par Armellin. L'argument de l'intimée selon
lequel la Romanut aurait perdu son droit à la marque, parce qu'elle aurait
"omis de prendre toutes mesures utiles pour informer le public que les
machines provenaient de son entreprise, et ... laissé naître l'impression
que les machines avaient leur origine dans l'entreprise d'Armellin"
(avec référence à A. TROLLER, op.cit., II p. 964), est sans pertinence du
moment que la marque était apposée sur la marchandise, même incomplète,
par le titulaire de la marque lui-même.

    Les premiers juges considèrent dès lors avec raison qu'Armellin a fait
un usage dérivé de la marque et que c'est la Romanut qui peut se prévaloir
de la priorité d'usage de la marque en Suisse et invoquer la protection
de la loi spéciale, pour autant qu'elle n'ait pas perdu ultérieurement
la titularité du droit.

Erwägung 2

    2.- a) La cour cantonale nie que l'autorisation donnée en 1961 par la
Romanut à Armellin d'employer le nom "La San Marco" comme raison sociale de
la société anonyme qu'il se proposait de constituer puisse être considérée
comme une renonciation de la société italienne à son droit à la marque
issu de l'usage antérieur. Elle relève qu'un accord portant sur une telle
renonciation ne ressort nullement des circonstances et que la Romanut est
restée titulaire du droit immatériel à la marque d'origine après 1961,
puisqu'elle était alors au bénéfice d'un droit prioritaire et qu'elle
n'a pas cessé d'utiliser la marque depuis lors.

    b) La demanderesse conteste à tort ce point de vue. L'autorisation
donnée par la Romanut en 1961 ne porte que sur la raison sociale, et rien
ne permet d'en déduire une renonciation à l'usage de la marque. Le seul
fait qu'un fabriquant, titulaire d'une marque, confère à un représentant
exclusif le doit d'utiliser dans sa raison sociale les éléments de cette
marque ne signifie pas qu'il renonce à la titularité de la marque en
faveur du représentant. Une telle interprétation est exclue en l'espèce,
puisque la Romanut a continué à fabriquer ses machines et à apposer
sa marque sur elles. Un transfert du droit immatériel à la marque est
d'ailleurs interdit par l'art. 11 al. 1 LMF, s'il ne s'accompagne
du transfert simultané de l'entreprise (ATF 83 II 326 consid. 3b);
l'autorisation d'employer l'élément verbal d'une marque dans une raison
sociale ne peut donc impliquer un transfert de la marque. Enfin, la thèse
de la demanderesse est démentie par le fait qu'en 1967, alors qu'aucun
différend n'avait encore surgi, la société italienne a déposé la marque
et l'a fait enregistrer internationalement.

    La cour cantonale a donc admis avec raison que la Romanut était restée
titulaire du droit à la marque d'origine après 1961.

    c) Les raisons de commerce suisses utilisées comme marques sont
protégées de plein droit (art. 2 LMF). Elles sont alors soumises aux mêmes
règles que les autres marques, notamment aux règles sur la priorité. Le
titulaire d'une raison de commerce utilisée comme marque peut donc se voir
opposer l'usage antérieur de la même marque par autrui (ATF 93 II 49). Vu
le droit prioritaire dont bénéficie ici la Romanut, la demanderesse ne
peut pas se fonder sur le droit des marques pour prétendre à un droit
exclusif ou préférentiel à la marque "La San Marco".

Erwägung 3

    3.- La demanderesse ne peut pas invoquer non plus la protection
conférée aux raisons de commerce par l'art. 956 CO à l'encontre du
défendeur, car ce dernier utilisait la dénomination litigieuse "La
San Marco" non pas comme raison sociale, ni même pour désigner son
entreprise, mais uniquement comme marque et à des fins publicitaires,
en l'apposant sur sa camionnette avec d'autres marques qu'il représente
(ATF 92 II 278 consid. 6, 77 II 327, 72 II 188 consid. 6; P. TROLLER,
Kollisionen zwischen Firmen, Handelsnamen und Marken, thèse Berne 1980,
p. 70 ss et la doctrine citée à la note 71 p. 72). La demanderesse ne
conteste pas sur ce point le jugement attaqué.

Erwägung 4

    4.- La cour cantonale a admis l'action au regard de la loi sur la
concurrence déloyale. Elle considère que l'application du principe de la
priorité ne se justifie pas ici, compte tenu du fait que la demanderesse
a adopté sa raison sociale avec l'autorisation de la Romanut, et que c'est
Armellin puis la demanderesse qui ont fait connaître en Suisse le nom "La
San Marco" et lui ont donné sa réputation. Pesant dès lors les intérêts
en présence, elle estime que la demanderesse est au bénéfice d'un droit
préférable, lui conférant l'exclusivité sur la désignation commerciale
"La San Marco" et l'autorisant à s'opposer à tout ce qui risquerait de
créer la confusion.

    Le défendeur soutient que le conflit entre le droit à la marque et le
droit à la raison de commerce doit être soumis au principe de la priorité,
sans qu'il y ait lieu de peser les intérêts respectifs des parties;
au demeurant, une telle pesée ne pourrait que lui être favorable, à lui.

    a) Un acte qui fait naître une confusion avec les marchandises,
les oeuvres, l'activité ou l'entreprise d'autrui ne tombe sous le
coup de l'art. 1er al. 2 lettre d LCD que s'il constitue un abus de la
concurrence économique, conformément à la condition générale de l'art. 1er
LCD. Comme le relève la cour cantonale en se référant à MARTIN-ACHARD
(FJS 887 a, lettre d, p. 5), la loi sur la concurrence déloyale tend à
empêcher non pas le risque de confusion comme tel, mais son exploitation
par une personne aux fins de s'approprier d'une façon inadmissible le
résultat du travail d'autrui; le risque de confusion doit être de nature
à favoriser une amélioration injustifiée de la situation économique de
cette personne. L'acte de concurrence déloyale ne suppose chez son auteur
ni mauvaise foi ni faute; une violation objective des règles de la bonne
foi suffit (ATF 91 II 24).

    b) Le risque de confusion entre la marque dont use le défendeur et
la raison sociale de la demanderesse est évident. En règle générale,
s'agissant de collision entre deux signes de nature différente, l'auteur
du risque de confusion est le titulaire du droit qui a pris naissance
en second lieu; celui qui fait usage du droit antérieur n'agit pas de
manière injustifiée. Le principe de la priorité s'applique en effet non
seulement aux cas de collision entre signes de même nature, mais aussi
entre signes de nature différente, car tous ces droits sont de même valeur
(P. TROLLER, op.cit., p. 212; VON BÜREN, Kommentar zum Wettbewerbsgesetz,
n. 112 p. 146).

    Il est vrai que le juge ne pourra pas toujours se contenter d'appliquer
ce principe et devra parfois peser les intérêts en présence. Mais il
ne le fera que dans des situations tout à fait particulières, où les
circonstances ne permettent pas, selon les règles de la bonne foi,
de considérer comme justifiée la position du prioritaire: ainsi, dans
certains cas d'extension d'activité par le prioritaire, engendrant des
confusions qui n'existaient pas auparavant (ATF 85 II 332 ss), d'homonymie
ou de tolérance de la confusion durant une période prolongée (P. TROLLER,
op.cit., p. 214 ss).

    c) En l'espèce, la situation de confusion est la conséquence de la fin
des relations contractuelles qui existaient entre la demanderesse et la
Romanut et de la création de nouvelles relations entre cette dernière et le
défendeur. Or il s'agit là de circonstances qui n'ont rien d'exceptionnel
et ne font pas apparaître comme injustifiée, contraire aux règles de la
bonne foi, la position résultant pour le défendeur de l'application du
principe de la priorité.

    L'extinction du contrat de représentation exclusive entraînait
naturellement pour la demanderesse la perte du droit de vendre les
produits de la Romanut. Elle permettait en outre à cette dernière de
livrer ses produits à un nouveau représentant habilité à les mettre en
circulation sous la marque dont la Romanut était restée titulaire. Les
circonstances qui justifient aux yeux de la cour cantonale le droit
préférable de la demanderesse, contrairement au principe de la priorité,
à savoir le développement de la vente des machines à café "La San Marco"
par Armellin et la demanderesse et la réputation qu'ils leur ont donnée,
découlent normalement de la bonne exécution du contrat de représentation
exclusive. On ne saurait considérer comme une situation tout à fait
particulière, dans le sens indiqué plus haut, des événements inhérents à
l'exécution et à l'extinction d'un contrat. Le seul fait que la résiliation
d'un contrat de représentation exclusive entraîne des conséquences graves
pour le représentant ne suffit pas à justifier que l'on renonce à appliquer
un principe fondamental du droit des marques et de la concurrence déloyale.

    Le droit à la marque exercé par le concessionnaire en vertu d'un
contrat de représentation exclusive reste acquis au concédant, titulaire
de la marque (cf. ATF 72 II 423 ss, 61 II 59 ss). Même si la marque
est enregistrée par le concessionnaire, elle l'est en raison des liens
contractuels noués avec le concédant; lorsque ces relations prennent fin,
le concédant doit recouvrer la titularité de la marque et peut exiger la
radiation de l'enregistrement effectué par le concessionnaire (arrêt du
Tribunal fédéral du 11 décembre 1973 Staehle KG contre Dixon AG, Rollnick
& Gordon Ltd et Columbus-Dixon Ltd, publié dans la Revue suisse de la
propriété industrielle et du droit d'auteur 1974, p. 120 ss, notamment
consid. 3c; cf. aussi ATF 43 II 252).

    A supposer qu'une réserve doive être faite à cette jurisprudence dans
l'hypothèse où le goodwill acquis par la marque et le produit qu'elle
recouvre a été le seul fait du concessionnaire, alors que le concédant est
resté purement passif (cf. A. TROLLER, op.cit., I p. 328; BAUER, op.cit.,
p. 137 s. et les auteurs cités), cette réserve ne saurait s'appliquer ici:
la Romanut ne s'est en effet nullement désintéressée de ses produits et de
sa marque puisqu'elle continuait à fabriquer le produit pour l'essentiel,
à y apposer la marque et à le transmettre à son concessionnaire.

    d) L'autorisation donnée par la Romanut à la demanderesse d'user de
l'appellation "La San Marco" dans sa raison sociale ne justifie pas non
plus une dérogation au principe de la priorité, quelle que soit la portée
de cette autorisation.

    aa) Si l'on admet avec la cour cantonale que l'autorisation
était indépendante de la vente des machines à café "La San Marco", la
demanderesse était fondée à garder la désignation litigieuse dans sa raison
sociale, en tout cas à l'égard de la Romanut et de ses ayants cause. Mais
ce droit de la demanderesse entre en collision avec celui de la Romanut de
conserver sa marque. On se trouve donc en présence d'un conflit d'intérêts
équivalents, et il n'y a pas lieu de s'écarter du principe de la priorité.

    bb) Si l'on considère que l'autorisation donnée par la Romanut
en 1961 était liée à la vente de machines à café "La San Marco" et ne
valait que pour la durée du contrat de concession exclusive de vente, la
demanderesse n'est pas fondée à garder la désignation litigieuse dans sa
raison sociale. Une comparaison des intérêts en présence ne peut alors que
profiter au défendeur, et confirmer la solution découlant de l'application
du principe de la priorité.

    cc) L'interprétation de la cour cantonale, quant à la portée de
l'autorisation donnée par la Romanut en 1961, n'est d'ailleurs guère
convaincante. Le mot "notamment" signifie seulement que la société à créer
pouvait vendre d'autres produits que les machines "La San Marco". L'octroi
de l'autorisation n'en reste pas moins lié à la vente de ces machines,
éventuellement complétée par d'autres produits, avec cette conséquence
que l'autorisation n'a plus de raison d'être et devient caduque en
cas de cessation de cette vente. L'utilisation d'un nom pour des buts
particuliers, comme dans une raison sociale, peut être autorisée (EGGER,
n. 24 ad art. 29 CC). Une telle autorisation déploie des effets purement
contractuels, susceptibles d'être limités dans le temps et l'espace. Elle
est donc inopérante en dehors de ces limites. Lorsqu'elle repose sur
des relations particulières existant entre parties, on peut admettre -
à l'instar de la jurisprudence et de la doctrine allemande (BGH 10, 196;
BAUMBACH/HEFERMEHL, Wettbewerbsrecht, 13e éd., p. 1463, n. 67 ad par. 16
UWG) - que l'autorisation ne vaut que pour la durée de ces relations.

    e) L'usage de la marque "La San Marco" par le défendeur reposant sur le
droit prioritaire de la Romanut, et rien ne justifiant de faire exception
au principe de la priorité, l'action de la demanderesse doit également être
rejetée en tant qu'elle se fonde sur la concurrence déloyale. Quant à
l'art. 29 CC, qui peut s'appliquer cumulativement avec la loi sur la
concurrence déloyale, il ne saurait en l'espèce conférer à la demanderesse
une protection plus étendue que celle qui résulte de cette loi.

    Les conclusions prises par la demanderesse contre le défendeur sont
aussi dénuées de fondement et doivent être rejetées.