Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 107 II 233



107 II 233

34. Arrêt de la Ire Cour civile du 29 avril 1981 dans la cause Blanchard
contre Bürgisser (recours en nullité) Regeste

    Verfahren bei arbeitsrechtlichen Streitigkeiten; Art. 343 Abs. 4 OR.

    1. Entgegennahme einer staatsrechtlichen Beschwerde als
Nichtigkeitsbeschwerde (E. 1).

    2. Art. 343 Abs. 4 OR verpflichtet den Richter, alle rechtserheblichen
Umstände zu berücksichtigen, die sich im Laufe des Verfahrens ergaben, auch
wenn die Parteien nicht ausdrücklich darauf Bezug genommen haben (E. 2b).

    3. Der Richter hat insbesondere durch Befragung der Parteien
nachzuprüfen, ob ihre Vorbringen und Beweisangebote vollständig sind,
sofern er sachliche Gründe hat, an deren Vollständigkeit zu zweifeln
(E. 2c).

Sachverhalt

    A.- Anne-Luise Blanchard a travaillé jusqu'au 11 octobre 1979 comme
serveuse dans le restaurant de Pius Bürgisser, à Fribourg. Par lettre
datée du 10 octobre, elle fit valoir diverses prétentions; Bürgisser
opposa un refus, invoquant l'indemnité à laquelle il estimait avoir
droit pour rupture injustifiée des rapports de travail. Le 25 octobre,
une discussion eut lieu entre parties en l'étude de Me Franz Hayoz,
mandataire d'Anne-Luise Blanchard. Bürgisser reconnut devoir 387 fr. 10
à titre de salaire pour le mois d'octobre et d'indemnité pour huit jours
de congé. Cette somme fut payée le 4 novembre.

    B.- En juin 1980, Anne-Luise Blanchard a intenté à Pius Bürgisser
une action en paiement de 536 fr. 45 représentant le reliquat du salaire
qui lui était dû pour ses vacances. Bürgisser a opposé en compensation
sa créance de dommages et intérêts pour abandon d'emploi et rupture du
contrat de travail.

    Par jugement du 8 septembre 1980, le Président de la Chambre des
prud'hommes de l'arrondissement de la Sarine a rejeté l'action. Il a
reconnu le bien-fondé des prétentions d'Anne-Luise Blanchard à concurrence
de 370 fr. 35 mais a jugé qu'elles avaient été éteintes par compensation
avec la créance de Bürgisser.

    Anne-Luise Blanchard a formé un recours civil tendant à l'admission
de son action à concurrence de 370 fr. 35, avec intérêt. Elle a fait
alors valoir qu'à l'issue de la discussion tenue le 25 octobre 1979 en
l'étude de Me Hayoz, Bürgisser avait renoncé au paiement d'une indemnité
pour rupture des rapports de travail. Bürgisser a contesté ce fait.

    Par arrêt du 21 novembre 1980, la Cour civile du Tribunal cantonal
de l'Etat de Fribourg a rejeté le recours et confirmé le prononcé
attaqué. Elle a jugé que l'abandon par Bürgisser de son droit à une
indemnité n'avait pas été allégué en première instance et ne pouvait plus
être pris en considération dans la procédure de recours.

    C.- Anne-Luise Blanchard a interjeté un recours de droit public
qui tend à l'annulation de l'arrêt du 21 novembre 1980. Elle reproche
au Tribunal cantonal d'avoir violé l'art. 4 Cst. en méconnaissant, de
manière arbitraire, les principes de la procédure inquisitoriale prévue
à l'art. 343 al. 4 CO.

    L'intimé Pius Bürgisser propose le rejet du recours, avec suite
de dépens.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La recourante n'a pas été admise à prouver que l'intimé avait
renoncé à la créance opposée en compensation. La cour cantonale a considéré
que ce fait n'avait pas été allégué de manière expresse et formelle en
première instance, ce qui interdisait au juge inférieur de le prendre
en considération. Et la recourante était déchue du droit de présenter,
devant l'autorité de recours, un moyen qu'elle eût pu régulièrement
articuler auparavant.

    La cour cantonale s'est fondée exclusivement sur les règles ordinaires,
légales et jurisprudentielles, de la procédure civile fribourgeoise. La
recourante, qui lui reproche une interprétation insoutenable de
l'art. 343 al. 4 CO, se plaint en réalité d'une application du droit
cantonal en lieu et place du droit fédéral déterminant. Or l'art. 68
al. 1 lettre a OJ ouvre en pareil cas la voie du recours en nullité, ce
qui, selon l'art. 84 al. 2 OJ, exclut celle du recours de droit public
pour violation des droits constitutionnels des citoyens. La recourante,
il est vrai, invoque également une violation de l'art. 31 al. 3 de la
loi fribourgeoise sur la juridiction des prud'hommes, qui oblige le juge
à établir d'office les faits. Elle ne soutient toutefois pas que cette
disposition, passée sous silence dans l'arrêt attaqué, soit autre chose
qu'un rappel de l'art. 343 al. 4 CO, ni qu'elle-même pouvait en l'espèce
en déduire des prérogatives procédurales que le droit fédéral ne lui
reconnaissait pas. Le grief qu'elle tire de la violation de l'art. 31
précité n'a donc aucune portée propre mais se confond avec celui pris de
la non-application de l'art. 343 al. 4 CO.

    L'acte de recours satisfait néanmoins aux exigences d'un recours en
nullité. Il est parvenu au Tribunal fédéral avant l'expiration du délai
légal, qui est dès lors tenu pour observé en vertu de l'art. 32 al. 3
OJ, encore que l'écrit aurait dû normalement être adressé à l'autorité
cantonale. Partant, le présent recours est recevable comme recours en
nullité et doit être traité comme tel (ATF 103 II 71 s. consid. 2).

Erwägung 2

    2.- a) Le litige qui oppose les parties porte sur moins de 5000
fr. et est donc soumis à la règle de l'art. 343 al. 4 CO (ATF 103
II 276 s.). Cette disposition impose une procédure inquisitoriale
dans les contestations relevant du contrat de travail (GULDENER,
Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd., p. 172; STRÄULI/MESSMER,
Kommentar zur Zürcherischen Zivilprozessordnung, n. 15 ad par. 54; WALDER,
Die Offizialmaxime, p. 21 ss). Etant un empiétement sur les compétences
que la constitution réserve aux cantons en matière de procédure, elle
doit s'interpréter de manière restrictive, ainsi que la Cour de céans en
avait déjà jugé pour l'art. 29 de la loi du 18 juin 1914 sur le travail
dans les fabriques (ATF 94 II 214).

    b) La cour cantonale, se référant à sa pratique constante en
matière de procédure ordinaire, a estimé que seuls pouvaient être pris
en considération les faits allégués de manière expresse, à l'exclusion de
ceux qui ressortiraient simplement des pièces versées au dossier (Extraits
des principaux arrêts du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, 1976
p. 87 s., 1973 p. 64). Dans les litiges relevant du contrat de travail,
une telle restriction au pouvoir d'examen du juge est incompatible tant
avec la lettre qu'avec l'esprit de l'art. 343 al. 4 CO; elle se heurte à
l'intention clairement reconnaissable du législateur (Message du Conseil
fédéral, du 25 août 1967, FF 1967 II p. 416). Le juge peut et doit fonder
son prononcé sur tous les faits pertinents établis lors des débats, même
si les parties ne les ont pas invoqués à l'appui de leurs conclusions
(BRÜHWILER, Handkommentar zum Einzelarbeitsvertrag, n. 7 ad art. 343;
STREIFF, Leitfaden zum neuen Arbeitsvertrags-Recht, 3e éd., n. 10 ad
art. 343; VISCHER, Schweizerisches Privatrecht, t. VII/1 p. 487). Cela
découle d'ailleurs de la nature même de la procédure inquisitoriale
(GULDENER, op.cit., p. 169; STRÄULI/MESSMER, op.cit., n. 18 i.f. ad
par. 54).

    c) L'obligation pour le juge d'établir d'office les faits ne dispense
pas les parties d'une collaboration active à la procédure. Il leur incombe
de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les
moyens de preuve disponibles. Le juge doit néanmoins s'assurer, notamment
par l'interpellation des parties, que leurs allégations et leurs offres
de preuve sont complètes, mais il n'est tenu de le faire que s'il a des
motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. Il n'y a en effet
aucune raison de lui imposer une inquisition plus poussée que celle prévue
dans d'autres procédures également dominées, à certains égards au moins,
par le principe de l'instruction d'office, notamment dans le domaine du
divorce (BÜHLER/SPÜHLER, n. 85 ss ad art. 158 CC), des assurances sociales
(ATF 100 V 62 s. consid. 4, 96 V 95 s.) ou du contentieux administratif
(ATF 106 Ib 80 ss, 100 Ib 359 ss).

    Dans sa demande en justice, la recourante a simplement signalé que
son mandataire avait tenté une conciliation entre parties, à la suite
de laquelle l'intimé avait payé certains des montants réclamés. Elle a
produit sa lettre du 10 octobre 1979, par laquelle elle réclamait diverses
prestations à l'intimé, ainsi que la réponse du 11 octobre où l'intimé
lui opposait ses propres prétentions fondées sur la rupture injustifiées
des rapports de travail. Elle a versé en outre au dossier la copie d'une
lettre que son mandataire avait adressée le 9 avril 1980 à l'intimé,
pour l'inviter à payer 689 fr. 95 à titre d'indemnité pour jours de
congé; cette pièce ne mentionne pas, fût-ce par allusion, l'accord qui
serait intervenu le 25 octobre 1979. Rien dans cette correspondance ne
permettait de supposer que l'intimé eût renoncé à ses prétentions lors
de l'entrevue du 25 octobre. Le juge avait d'ailleurs d'autant moins de
raisons de s'en enquérir que la recourante n'a pas réagi lorsque l'intimé,
en audience, a déclaré compenser sa dette avec sa créance de dommages
et intérêts. Partant, la cour cantonale n'a pas abouti à une solution
incompatible avec l'art. 343 al. 4 CO en jugeant, pour des motifs certes
erronés, que l'autorité de première instance n'avait pas à tenir compte
d'une éventuelle renonciation de l'intimé à ses propres prétentions.

Erwägung 3

    3.- La cour cantonale a considéré que les art. 130, 302 et 320 du
code de procédure civile fribourgeois lui interdisaient de prendre en
considération un fait nouveau, allégué en procédure de recours alors
qu'il eût pu l'être en première instance. L'art. 343 CO n'oblige pas les
cantons à donner aux justiciables la garantie de la double instance dans
les litiges relevant du contrat de travail. Les cantons décident librement
de la création de voies de recours en la matière et, s'ils en prévoient
une, ils peuvent restreindre le pouvoir d'examen de l'autorité supérieure,
en prohibant notamment la production de moyens nouveaux d'attaque ou de
défense (ATF 100 Ia 129). La cour cantonale n'a dès lors pas violé le droit
fédéral en se fondant sur son propre droit de procédure pour refuser de
prendre en considération un fait nouveau que le juge inférieur avait pu
ignorer sans méconnaître l'art. 343 al. 4 CO.

Entscheid:

              Par ces motifs,le Tribunal fédéral:

    1. Reçoit le recours de droit public comme recours en nullité.

    2. Rejette le recours.