Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 107 II 169



107 II 169

22. Arrêt de la Ire Cour civile du 6 avril 1981 dans la cause Schneider
contre Emil Frey S.A. (recours en réforme) Regeste

    Art. 2 ZGB; Art. 336e Abs. 1 lit. b OR. Kündigung gegenüber einem
kranken Arbeitnehmer; Rechtsmissbrauch?

    Art. 2 ZGB beschränkt auch das Recht zur Kündigung eines
Arbeitsvertrags. Der Arbeitgeber, der einem kranken Arbeitnehmer nach
Ablauf der von Art. 336e Abs. 1 lit. b OR vorgeschriebenen Fristen
unter Einhaltung der Kündigungsfrist das Arbeitsverhältnis kündigt,
verhält sich grundsätzlich nicht rechtsmissbräuchlich.

Sachverhalt

    A.- Norbert Schneider est entré le 1er janvier 1969 au service d'Emile
Frey S.A., qui exploite un grand garage à Genève, en qualité de spécialiste
de pièces détachées Mercedes-Benz.

    Le 18 septembre 1979, il a cessé son travail pour cause de maladie. Par
lettre du 18 avril 1980, Emile Frey S.A. a déclaré mettre fin au contrat
avec effet au 31 juillet 1980. Peu avant, lors d'une entrevue avec un
représentant de l'employeur, Schneider avait indiqué que sa santé s'était
améliorée, mais il ne pouvait pas indiquer quand il reprendrait le travail.

    B.- Le 24 septembre 1980, Schneider a demandé l'assignation d'Emile
Frey S.A. devant le Tribunal des prud'hommes de Genève, en concluant
principalement à la réintégration dans son emploi, subsidiairement au
paiement de 37'200 fr. de dommages-intérêts (12 mois de salaire); il
prétendait que la résiliation, motivée par la maladie du travailleur,
violait l'art. 2 CC.

    Le Tribunal des prud'hommes a nié qu'une résiliation formellement
régulière pût violer l'art. 2 CC et rejeté la demande.

    La Chambre d'appel des prud'hommes a confirmé ce jugement par arrêt
du 21 janvier 1981. Elle admet que l'exercice du droit de résilier un
contrat de travail est aussi soumis à la restriction de l'art. 2 CC,
mais considère qu'il n'y a pas d'abus de droit en l'espèce, compte tenu
en particulier des intérêts légitimes de l'employeur et du temps laissé
au travailleur avant l'expiration du contrat.

    C.- Le demandeur recourt en réforme au Tribunal fédéral en reprenant
ses conclusions précédentes.

    Le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Lorsque le contrat de travail a été conclu pour une durée
indéterminée, chaque partie a le droit de mettre fin de façon unilatérale
au contrat par une déclaration de résiliation (congé, art. 336 al. 1
CO). Sauf disposition contraire du contrat individuel, d'un contrat
collectif de travail ou d'un contrat-type de travail (art. 336 al. 2,
336b al. 2 CO), la résiliation d'un contrat qui a duré plus de dix ans,
comme en l'espèce, doit être donnée au moins trois mois à l'avance pour
la fin d'un mois (art. 336b al. 1 CO).

    La loi limite en outre le droit de résiliation de l'employeur,
en ce sens que celui-ci ne peut résilier valablement pendant certaines
périodes considérées comme temps inopportun (art. 336e CO); l'une de ces
périodes est formée des quatre premières semaines d'une incapacité de
travail résultant d'une maladie ou d'un accident dont le travailleur est
victime sans sa faute, cette période étant portée à huit semaines dès la
deuxième année de service (art. 336e al. 1 lettre b).

    Au cas particulier, il n'est pas établi ni même allégué que le
travailleur serait tombé malade par sa faute; l'employeur ne pouvait donc
résilier qu'après les huit premières semaines d'incapacité de travail à
compter du 8 septembre 1979, en respectant le délai de résiliation de trois
mois pour la fin du mois; le congé aurait ainsi pu être donné valablement,
au plus tôt, pour fin février 1980. Déclarée plus de trois mois avant le
31 juillet 1980, la résiliation de l'employeur est formellement régulière.

Erwägung 2

    2.- a) L'art. 2 CC, qui fait partie des dispositions générales du Code
civil, limite l'exercice de tous les droits civils, y compris le droit de
résilier un contrat de travail (arrêt non publié Pitard c. Zuccati, du 9
mars 1979, consid. 3; MERZ, n. 316-318 ad art. 2 CC; OSER/SCHÖNENBERGER,
n. 14 ad art. 347 CO; HUG, Das Kündigungsrecht, I p. 151-153; GOLDSCHMIDT,
RSJ 36/1939 p. 170; GRISEL, RDS 67/1948 p. 519 a; NAEGELI, RDS 67/1948
p. 422 a ss; ORLANDO, RSJ 73/1977 p. 197 ss.; SCHWEINGRUBER, Commentaire
du contrat de travail, trad. française d'A. Laissue, p. 185 s.; REHBINDER,
Schweiz. Arbeitsrecht, 6e éd., p. 103; VISCHER, Schweiz. Privatrecht,
VII/1 p. 414; cf. aussi RSJ 70/1974 p. 111).

    L'abus de droit se caractérise par l'utilisation contraire à son
but d'une institution juridique en vue de satisfaire des intérêts que
cette institution n'a pas pour objet de protéger (ATF 94 I 667 et les
références citées).

    Lié par la loi (art. 113 al. 3 Cst.), le juge ne saurait admettre
l'existence d'un abus de droit, sous réserve de situations particulières,
pour apporter à un problème impliquant la pesée des intérêts en présence
une solution autre que celle prévue par le législateur.

    b) S'agissant de la résiliation du contrat de travail par
l'employeur en cas d'incapacité de travail du travailleur, l'intérêt
que peut avoir l'employeur à exercer son droit de résiliation pour être
délié de ses engagements - notamment en raison de l'incapacité dans
laquelle le travailleur se trouve de rendre les services attendus -
s'oppose à l'intérêt du travailleur à conserver son emploi malgré cette
incapacité. Or ce problème particulier est expressément réglé par la loi,
soit par l'art. 336e al. 1 lettre b, al. 2 et 3 CO. Il ressort de cette
réglementation qu'en principe l'employeur résilie valablement le contrat
de travail, malgré l'incapacité de travail du travailleur, s'il respecte
le délai de résiliation prolongé par l'art. 336e CO; il ne commet pas
d'abus de droit, quels que soient les inconvénients de la résiliation
pour le travailleur.

    Les considérations générales du recours visant à l'interdiction de
toute résiliation du contrat de travail par l'employeur à l'égard du
travailleur malade sont donc contraires à la loi. Quant aux références
à l'art. 337 CO (résiliation immédiate du contrat pour justes motifs),
à l'art. 324a CO (salaire dû pendant l'incapacité de travail) et à
l'art. 328a CO (soins dus au travailleur malade vivant en communauté
domestique avec son employeur), elles sont dénuées de toute pertinence.

    c) Le demandeur soutient en outre que, dans les circonstances du cas
particulier, l'employeur n'aurait aucun intérêt digne de protection à son
renvoi, alors que lui-même aurait un intérêt éminent à être maintenu dans
son emploi; en effet, l'employeur aurait une centaine d'employés, ce qui
lui permettrait plus facilement de redonner une occupation au demandeur
lorsque celui-ci ne sera plus malade; un moyen provisoire de pallier la
carence du demandeur aurait pu être trouvé, "tel que l'engagement d'un
employé temporaire venant de Suisse allemande, comme cela avait déjà été
pratiqué dans l'entreprise". Par ailleurs, le maintien du demandeur dans
le personnel de la défenderesse n'entraînerait pour elle aucune charge
financière, la perte de gain étant couverte pendant deux ans par la
caisse-maladie; s'il avait été ensuite déclaré à l'assurance-invalidité,
il aurait touché des indemnités suffisantes qui auraient permis alors à
l'employeur de le rayer du rôle de son personnel.

    Ces allégations ne font l'objet d'aucune constatation de l'arrêt
attaqué, et le demandeur ne prétend pas les avoir présentées en instance
cantonale. Elles doivent dès lors être considérées comme nouvelles,
et partant irrecevables (art. 55 al. 1 lettre c, 63 al. 2 OJ). Les
circonstances invoquées ne permettent d'ailleurs pas d'admettre que la
défenderesse ait commis un abus de droit, en utilisant l'institution de
la résiliation dans un but non protégé par la loi. La faculté reconnue à
l'employeur de se séparer d'un travailleur qui ne peut pas (ou plus) rendre
les services promis entre en effet, on l'a vu, dans le cadre des intérêts
de l'employeur protégés par la loi. Cet intérêt ne saurait être nié du
seul fait que l'employeur occupe de nombreux travailleurs. Par ailleurs,
il subsiste même en l'absence de toute obligation de payer un salaire ou
une autre prestation financière, compte tenu notamment du besoin que peut
avoir l'employeur de s'attacher les services d'un autre travailleur en
lieu et place de celui dont il ne peut plus attendre les services promis.