Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 107 II 144



107 II 144

19. Arrêt de la Ire Cour civile du 23 avril 1981 dans la cause Puenzieux
contre Marci (recours en réforme) Regeste

    Zusammengesetzter Vertrag; Auswirkungen des Dahinfallens
gegenseitiger Verpflichtungen, deren Erfüllung ohne Verschulden der
Parteien unmöglich geworden ist, auf den Teil des Vertrages, der für sich
allein weiterbestehen könnte.

    Weder Art. 20 Abs. 2 OR noch Art. 119 OR sind hier anwendbar. Fehlt es
an einer Regelung durch die Parteien, so hat der Richter die Vertragslücke
auszufüllen, indem er danach fragt, was sie in guten Treuen vereinbart
hätten, wenn sie die Möglichkeit in Betracht gezogen hätten, dass nur
die Erfüllung bestimmter ihrer gegenseitigen Verpflichtungen unmöglich
werden könnte.

Sachverhalt

    A.- Georges Marci était propriétaire de deux chevaux, Panic et
Fleury, qu'elle avait placés dans le manège de Pierre Puenzieux, à
Château-d'Oex. Elle désirait les vendre et elle avait trouvé un amateur
au début de l'année 1976; Puenzieux refusa toutefois de les restituer
jusqu'au paiement d'arriérés de pension, qu'il estimait lui être dus. Au
printemps 1976, Georges Marci acheta une jument pur sang de cinq ans,
dénommée La Punt, et la plaça également chez Puenzieux.

    Par acte du 9 avril 1976, intitulé transaction, Georges Marci vendit
à Puenzieux les chevaux Panic et Fleury pour 6'000.- et 7'000.- francs. A
raison de 10'000.- francs, le prix devait être payé par la pension et la
monte de la jument La Punt du 1er mai 1976 au 31 mars 1977; la pension
mensuelle était de 500.- francs et la rémunération due pour la monte,
de 390 francs par mois. Le solde de 3'000.- francs était payable en
espèces le 31 juillet 1977 au plus tard. Dans le même acte, Puenzieux
donna quittance à Georges Marci pour toutes factures se rapportant à la
période antérieure au 1er avril 1976.

    Le 26 mai 1976, en l'absence de sa propriétaire, la jument La Punt
eut un accident dans la salle de manège. Elle se fractura le bassin,
lésion qui ne fut pas immédiatement diagnostiquée. Elle dut être abattue
le 19 juin 1976. Georges Marci reprocha à Puenzieux d'avoir mal soigné
sa jument tant avant qu'après l'accident; elle ne lui réclama toutefois
aucune indemnité de ce chef.

    Dans une lettre adressée à Puenzieux le 28 juin 1976, l'avocat de
Georges Marci, invoquant les erreurs commises à l'égard de la jument La
Punt, déclara résilier avec effet immédiat le contrat conclu le 9 avril
1976; il demanda "restitution du montant de 13'000.- francs" stipulé
dans cet accord. Le 12 juillet, Puenzieux adressa à Georges Marci une
facture de 18'561.- francs pour la pension des chevaux Panic et Fleury,
d'avril à juillet 1976. Le 1er septembre, il lui déclara qu'il résiliait
son contrat de la même manière qu'elle avait, elle, résilié le sien. Il
déclina toute responsabilité pour Panic et Fleury et il l'invita à venir
les reprendre et à payer leur pension, par 24'391 francs. Puenzieux
continua à louer ces deux chevaux à des tiers et les présenta dans des
concours comme sa propriété.

    B.- Georges Marci a ouvert contre Pierre Puenzieux une action en
paiement de 13'000.- francs avec intérêt.

    Pierre Puenzieux a conclu au rejet de la demande et,
reconventionnellement, au paiement de 42'151.- francs, plus 2'950.- francs
par mois dès le 1er mars 1977 et jusqu'au jour où la demanderesse aurait
repris ses chevaux Panic et Fleury.

    Par jugement du 27 mai 1980, la Cour civile du Tribunal cantonal du
canton de Vaud a admis la demande principale à concurrence de 11'656.-
francs avec intérêt à 5% l'an à compter du 1er août 1977. Elle a débouté le
défendeur de ses conclusions reconventionnelles et l'a condamné aux dépens.

    C.- Le défendeur a interjeté un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Il conclut au rejet de l'action de la demanderesse et à
l'admission de ses conclusions reconventionnelles à concurrence de 26'317.-
francs, plus 2'132.- francs par mois depuis le 1er mars 1977 et jusqu'au
jour où la demanderesse aura repris ses chevaux Panic et Fleury.

    La demanderesse propose le rejet du recours, avec suite de frais
et dépens.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La cour cantonale a jugé que l'accord conclu le 9 avril 1976
ne constituait pas un contrat mixte mais se composait de deux contrats
objectivement distincts, une vente et un mandat. Elle a nié qu'ils fussent
connexes et formassent, dans l'idée des parties, une unité juridique et
économique composée d'éléments indissociables. Elle y a vu, au contraire,
deux conventions indépendantes réunies de manière purement formelle dans
un acte unique, et liées par la seule faculté conférée aux deux parties
de compenser leurs dettes d'argent réciproques. La mort de la jument
La Punt, survenue par cas fortuit, avait rendu impossible l'exécution du
mandat. Le défendeur n'avait droit, comme mandataire, qu'à une rémunération
de 1'344.- francs, calculée "pro rata temporis". Il devait en revanche
payer le prix des chevaux achetés à la demanderesse, soit 11'656.- francs
après compensation. La vente étant maintenue, il n'avait droit à aucune
indemnité pour la pension de ces chevaux.

    Le défendeur et recourant soutient que l'accord passé avec la
demanderesse forme un tout, une unité infrangible, de sorte que la
caducité d'une partie du contrat entraînait celle du reste. Il semble
estimer par ailleurs que les parties ont mis fin, d'un commun accord,
à l'ensemble de leur convention.

Erwägung 2

    2.- La cour cantonale a jugé à bon droit que l'accord conclu par les
parties comprend des éléments caractéristiques de plusieurs contrats.
Le défendeur a déclaré acheter deux chevaux pour le prix de 6'000.-
et 7'000.- francs et a reconnu devoir 13'000.- francs de ce chef à la
demanderesse. Il a en outre accepté, contre une rémunération mensuelle
de 500.- et 390.- francs, de soigner, de nourrir et de dresser une jument
appartenant à la demanderesse. Ces deux engagements réciproques auraient
pu, en soi, faire l'objet de deux contrats entièrement séparés.

    Les éléments d'une convention où l'analyse juridique distingue
objectivement plusieurs contrats, peuvent toutefois, dans l'idée
des parties, former une unité juridique et économique indissociable,
au point de constituer un contrat unique mais complexe (ATF 94 II 361
s. consid. 4). La cour cantonale a nié en l'espèce l'existence d'un tel
lien de connexité. Se fondant sur des indices, elle a jugé que les parties
avaient voulu conclure deux contrats; de plus, aucune d'elles n'avait
allégué qu'elle n'eût pas conclu l'un des contrats sans l'autre. On peut
se demander si la cour cantonale n'a pas de la sorte constaté des faits
auxquels l'art. 63 al. 2 OJ lierait le Tribunal fédéral. la question
n'est toutefois pas décisive, car le défendeur doit être débouté de toutes
ses conclusions même si l'on admet, pour la convention du 9 avril 1976,
la qualification de contrat complexe.

Erwägung 3

    3.- La jument La Punt s'est blessée par cas fortuit et a dû être
abattue le 19 juin 1976. A compter de ce jour, l'obligation d'en assurer
l'entretien et le dressage était impossible et s'est éteinte en vertu
de l'art. 119 al. 1 CO, le défendeur n'ayant commis aucune faute. Dans
les contrats bilatéraux, l'extinction d'une obligation dont l'exécution
est devenue impossible sans faute du débiteur, dispense l'autre partie
de la prestation qu'elle devait fournir en échange (art. 119 al. 2 CO;
ATF 84 II 161). Après la mort de sa jument, la demanderesse n'était donc
plus tenue de payer le prix de pension convenu et le défendeur n'a pu
s'acquitter par ce moyen du prix de vente des chevaux Panic et Fleury.

    Les contractants peuvent en principe régler librement les effets que
la caducité d'une partie de leur accord sortit sur celle qui, de soi,
pourrait demeurer en force. S'ils ne l'ont pas fait, leur convention
doit être complétée, le cas échéant. Cela ne peut se faire toutefois
par application des dispositions générales du code des obligations,
dont aucune ne vise l'hypothèse en question. L'art. 119 CO détermine les
effets que l'impossibilité survenante d'une prestation, non imputable à
faute, exerce sur l'obligation du débiteur et sur cette correspondante
du créancier. Il ne règle pas l'incidence de la caducité d'obligations
réciproques sur le reste du contrat dont elles font partie. L'art. 20
al. 2 CO ne s'applique, selon son texte même, qu'à la nullité encourue
à raison de l'objet du contrat. La jurisprudence a certes étendu cette
disposition à la nullité pour vice de forme, à l'invalidité pour vices du
consentement, à l'annulabilité des actes à cause de mort et à la nullité
d'une convention sur les effets accessoires du divorce (ATF 104 II 241,
99 II 308 s., 98 II 84 s., 96 II 106 s., 63 II 418 s. consid. 3). Cette
extension se justifie par le fait que les hypothèses visées représentent
toutes, comme à l'art. 20 CO, des cas d'inefficacité due aux vices du
contrat. On ne saurait en revanche permettre à une partie de se dégager
entièrement d'un contrat initialement valable dans sa totalité, pour le
seul motif qu'elle ne l'aurait pas conclu si elle avait connu sa caducité
partielle ultérieure. On l'avantagerait ainsi par rapport à celle qui
aurait débattu de ce point avec son cocontractant. Car celle-là, discutant
d'évènements éventuels propres à empêcher l'exécution d'une partie pour
elle essentielle du contrat, aurait dû soit obtenir l'accord de son
partenaire à une condition résolutoire, soit évaluer le risque à courir
et décider si elle était prête à l'assumer. Rien ne permet de favoriser
la partie moins prévoyante, en la libérant du risque que l'incertitude de
l'avenir fait nécessairement peser sur tout contrat. Une application pure
et simple de l'art. 20 al. 2 CO serait d'ailleurs encore moins légitime
lorsque, comme en l'espèce, le contrat frappé de caducité partielle était
destiné à durer et a pu sortir tous ses effets durant un certain temps.

    Le juge doit compléter les contrats qui sont valablement conclus mais
ne prévoient pas de solution à une difficulté surgie entre parties. En
l'absence de dispositions légales supplétives, il ne peut le faire qu'en
recherchant ce dont les contractants seraient convenus de bonne foi s'ils
avaient envisagé l'hypothèse non réglée; il s'inspire de l'économie du
contrat et de son but, et tient compte de l'ensemble des circonstances
(ATF 90 II 244 s. consid. 4c, 83 II 308 s.; DESCHENAUX, Traité de droit
privé suisse, tome II/1 p. 161 s.; JÄGGI/GAUCH, n. 498 ss ad art. 18
CO; MERZ, n. 145 ad art. 2 CC; PIOTET, Le complétement judiciaire du
contrat, RDS 1961 I p. 376 ss). Lorsque la question à régler tient à
un événement qui était incertain lors de la conclusion du contrat, la
volonté hypothétique des parties ne correspond pas à ce qu'elles auraient
décidé si elles avaient su que le fait se produirait, mais à ce dont elles
seraient convenues si elles en avaient envisagé l'éventualité (JÄGGI/GAUCH,
n. 498 ad art. 18 CO). Les mêmes principes s'appliquent au complétement
des contrats innomés ou complexes (ENGEL, Traité des obligations en droit
suisse, p. 170 s.; JÄGGI/GAUCH, n. 547 ad art. 18 CO).

    Le complétement des contrats relève du droit et le Tribunal fédéral
le revoit librement (ATF 86 II 187 s., 80 III 57, 76 II 15). Considérée
comme contrat complexe, la convention passée entre les parties le 9
avril 1976 présente en l'espèce une lacune, dont le comblement selon
les principes énoncés ci-dessus ne conduit pas à une solution autre que
celle retenue par la cour cantonale. Lors de la conclusion du contrat,
la jument La Punt n'avait que cinq ans et était en bonne santé. Il
était donc peu probable qu'elle mourût dans l'année ensuite de maladie
ou d'accident et que le défendeur fût empêché, de ce fait, de payer le
prix de vente des deux autres chevaux par des prestations en nature. Le
risque n'était certes pas pas négligeable mais pouvait être assumé par
un homme du métier. Le défendeur n'a établi aucune circonstance propre
à faire admettre le contraire, telles des difficultés financières,
l'impossibilité de revendre les chevaux ou de les utiliser de manière
rentable. La demanderesse, en revanche, entendait se défaire définitivement
de ses chevaux et n'aurait vraisemblablement pas couru le risque qu'ils
lui fussent restitués. L'attitude ultérieure des parties confirme ce
point de vue puisque la demanderesse a refusé de reprendre les chevaux
vendus tandis que le défendeur, tout en déclarant ne pas être lié par le
contrat, s'est comporté comme s'il était leur propriétaire. On doit donc
admettre que, dans les circonstances de l'espèce, des parties agissant
de bonne foi n'auraient pas stipulé la caducité de la vente des chevaux
Panic et Fleury en cas de mort de la jument La Punt mise en pension. Elles
auraient selon toute vraisemblance prévu un versement complémentaire en
espèces, au jour fixé pour le paiement de la soulte de 3'000.- francs,
le 31 juillet 1977. Aucun élément ne permet de supposer qu'elles seraient
convenues d'un rabais ou d'autres facilités de paiement pour le défendeur.

Erwägung 4

    4.- Le défendeur soutient que les parties ont résilié leur contrat d'un
commun accord, mais il n'entreprend pas de le démontrer. Dans sa lettre
du 28 juin 1976, la demanderesse a certes déclaré résilier avec effet
immédiat l'accord conclu le 9 avril 1976. Elle a toutefois, simultanément,
exigé le paiement immédiat et intégral du prix de vente convenu pour les
chevaux Panic et Fleury. Il est donc évident qu'elle entendait maintenir
la vente et ne mettre fin qu'aux obligations réciproques contractées au
sujet de l'entretien et du dressage de la jument La Punt; sur ce dernier
point, son acte était d'ailleurs surérogatoire, l'effet juridique recherché
s'étant déjà produit de plein droit. Le défendeur a déclaré vouloir se
départir de la vente mais ni la loi ni le contrat ne l'autorisaient à le
faire de manière unilatérale. Il reste donc lié.

    La cour cantonale a nié à bon droit que le défendeur eût contracté
sous l'empire d'une erreur essentielle sur des éléments nécessaires du
contrat. Une erreur ne saurait porter que sur des faits susceptibles
d'être connus et non pas sur ceux qui, tels les faits futurs, ne peuvent
en principe être l'objet que d'espoirs ou de conjectures. Or nul ne peut
affirmer savoir qu'un animal, ou un être humain, vivra encore une année;
la chose est par essence aléatoire, même lorsque les risques de décès
semblent faibles.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours et confirme le jugement attaqué.