Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 107 IB 68



107 Ib 68

15. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 27 mars 1981 en
la cause Dharmarajah contre Ministère public fédéral et Office fédéral
de la police (opposition à une demande d'extradition) Regeste

    Auslieferung. Abwesenheitsurteil. Rechtliches Gehör.  Todesstrafe.

    Art. 5, Art. 7, Art. 8, Art. 9, Art. 10, Art. 11 AuslG., Art. 3 EAUe,
Art. 6 EMRK.

    1. In der Beziehung zu einem Land, mit welchem die Schweiz nicht
durch ein Auslieferungsabkommen gebunden ist, sind gegebenenfalls
geeignete Massnahmen für die Einhaltung der aus der Europäischen
Menschenrechtskonvention und aus dem Europäischen Auslieferungsabkommen
fliessenden Rechte zu ergreifen (E. 2a).

    2. Voraussetzungen für die Auslieferungsbewilligung zum Vollzug eines
Abwesenheitsurteils; Erfordernisse des rechtlichen Gehörs (E. 2b).

Sachverhalt

    A.- Arrêté à l'aéroport de Zurich-Kloten le 10 mai 1978 pour trafic
de stupéfiants, le ressortissant sri-lankais Dharmarajah a purgé jusqu'au
23 janvier 1980 une peine d'emprisonnement prononcée par le Tribunal
du district de Bülach et une peine d'arrêt résultant de la conversion
d'une amende douanière. Le 2 mai 1979, l'Etat du Sri Lanka a requis son
extradition, d'une part pour l'exécution d'un jugement le condamnant à la
peine de mort pour meurtre, d'autre part pour la poursuite et le jugement
d'un crime de brigandage (affaire dans laquelle le jugement est intervenu
pendant la procédure d'extradition, le 7 juillet 1980).

    A la suite d'une communication de l'Office fédéral de la police
indiquant qu'en l'absence d'un traité, la Suisse ne pouvait pas extrader
pour l'exécution d'un jugement portant condamnation à mort, l'Etat
requérant a informé la Suisse, par note du 27 juillet 1979, que le
Président de la République avait décidé, le 10 juillet 1979, de commuer
la peine de mort en détention à perpétuité, pour le cas où Dharmarajah
serait extradé.

    Dharmarajah s'est opposé à son extradition; subsidiairement,
il a demandé qu'elle soit subordonnée au respect du principe de la
spécialité et à la condition qu'il ne soit ni poursuivi ni jugé pour
délit politique. L'Etat requérant n'ayant répondu que partiellement à une
requête en complément d'information visant différents points, le Tribunal
fédéral a subordonné l'autorisation d'extrader à certaines conditions et
charges, en vue d'assurer le respect des dispositions de la loi fédérale
sur l'extradition, de la Convention européenne des droits de l'homme et
de la Convention européenne d'extradition.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- Depuis l'adhésion de la Suisse à la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), la
portée de la loi fédérale sur l'extradition du 22 janvier 1892 (LExtr.) a
été partiellement modifiée (cf. ATF 106 Ib 17). Il appartient à la
Suisse, lorsqu'elle accorde une extradition, de prendre les dispositions
nécessaires pour que cette mesure n'entraîne pas directement une violation
des droits consacrés par ladite Convention; les objections qui se fondent
sur cette convention internationale sont de la compétence du Tribunal
fédéral, à l'égal de celles qui s'appuient sur un traité d'extradition,
la loi sur l'extradition ou une déclaration de réciprocité (art. 22 et
23 LExtr.; arrêt Khetty du 22 février 1980).

    a) Dans l'arrêt précité, où il s'agissait d'une demande présentée
par un Etat avec lequel la Suisse n'est pas liée par un traité, le
Tribunal fédéral a autorisé l'extradition en l'assortissant de charges et
conditions, exigeant notamment que l'Etat requérant accorde à l'extradé
les droits reconnus aux personnes par la Convention européenne des
droits de l'homme, que la situation de l'extradé ne soit pas aggravée
(lors de sa détention, de l'instruction et du jugement) en raison de
considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinion politique
(art. 3 ch. 2 de la Convention européenne d'extradition - CEExtr. -, par
application de l'art. 10 LExtr.; ATF 99 Ia 547, 101 Ia 540) et que les
dispositions de l'art. 5, à l'art. 7, à l'art. 8, à l'art. 9, à l'art.
10 et à l'art. 11 LExtr. soient respectées, ainsi que certaines règles
particulières. Il se justifie de faire de même en l'espèce.

    b) En revanche, le Tribunal fédéral n'a pas eu l'occasion de se
prononcer sur les conditions auxquelles l'extradition peut être accordée,
pour l'exécution d'un jugement prononcé par défaut, à un Etat non lié à
la Suisse par un traité.

    En soi, la loi ne prohibe pas une extradition accordée en vue de
l'exécution d'un jugement rendu par défaut (arrêt Bozano, ATF 106 Ib 403
consid. 5c et 6; SCHULTZ, Das schweizerische Auslieferungsrecht, p. 191).

    Il appartient toutefois à la Suisse de ne pas participer, par une
extradition, à l'exécution d'un jugement rendu contre une personne qui n'a
pas eu la possibilité de se faire entendre dans le procès ou qui ne peut
pas faire reprendre le procès ayant conduit au jugement par contumace. Le
droit fondamental d'être entendu est reconnu par l'art. 6 CEDH et, sur le
plan du droit interne, il découle également de l'art. 4 Cst. C'est aussi
la préoccupation de sauvegarder un tel droit qui a conduit à l'adoption
de l'art. 3 du second protocole additionnel à la Convention européenne
d'extradition, qui dispose:

    "Jugements par défaut

    Lorsqu'une partie contractante demande à une autre partie contractante
   l'extradition aux fins d'exécution d'une peine ou d'une mesure de
   sûreté prononcée par une décision rendue par défaut à son encontre,
   la partie requise peut refuser d'extrader à cette fin si, à son avis,
   la procédure de jugement n'a pas satisfait aux droits minimums de la
   défense, reconnus à toute personne accusée d'une infraction.

    Toutefois l'extradition sera accordée si la partie requérante donne
   des assurances jugées satisfaisantes pour garantir à la personne
   dont l'extradition est demandée le droit à une nouvelle procédure
   de jugement qui sauvegarde les droits de la défense. Cette décision
   autorise la partie requérante soit à exécuter le jugement en question
   si le condamné ne fait pas opposition, soit à poursuivre l'extradé
   dans le cas contraire."

    Bien que la Suisse n'ait pas signé ledit protocole, la jurisprudence
peut s'inspirer de cette disposition lorsqu'il s'agit d'extrader,
hors traité, sur la base d'un jugement par défaut. Dans l'arrêt Thareau
(ATF 100 Ia 407), le Tribunal fédéral a considéré que les exigences du
droit d'être entendu sont satisfaites lorsque l'extradé a la possibilité
d'obtenir sans condition, en se présentant devant le juge, le relief du
jugement par défaut. Dans l'arrêt Bozano précité, le Tribunal fédéral a
considéré que la faculté d'être entendu avait été reconnue à la personne
dont l'extradition était demandée, du moment que la procédure s'était
déroulée en présence de l'avocat du prévenu et que celui-ci (en liberté
et habitant la ville où siégeait le tribunal) s'était volontairement
abstenu de participer aux débats; aussi le Tribunal fédéral n'a-t-il
pas eu à décider si, dans les relations avec des Etats qui ont signé
les Conventions européennes des droits de l'homme et d'extradition,
la violation de l'art. 6 CEDH pouvait empêcher l'extradition.

    c) Dans le cas particulier, le Tribunal fédéral a requis de l'Etat
de Sri Lanka les renseignements nécessaires pour lui permettre de juger
si les exigences précitées étaient satisfaites: n'ayant pas reçu de
renseignements suffisants à ce sujet, il doit partir de l'idée que ces
exigences ne sont peut-être pas satisfaites.

    aa) L'opposant prétend que la procédure ayant conduit à sa condamnation
à mort prononcée pour homicide s'est déroulée totalement à son insu; l'Etat
requérant n'a fourni aucun renseignement permettant de se déterminer sur ce
point. Par ailleurs, on ignore si l'opposant obtiendrait la possibilité de
faire reprendre le procès et comment seraient appliquées les dispositions
légales qui sont invoquées.

    bb) La condamnation pour brigandage a été prononcée alors que
l'opposant était en détention extraditionnelle en Suisse. Toutefois,
Dharmarajah a été mêlé à cette procédure en son début; c'est dans
le cadre de celle-ci qu'il était détenu et il s'y est volontairement
soustrait en prenant la fuite. Ce n'est donc pas sans sa faute qu'il n'a
pas participé au procès (cf. ATF 72 IV 44 ad art. 148 PPF). Peu importe
qu'il ait été arrêté ultérieurement. Du reste, il ne prétend pas s'être
enquis du déroulement ultérieur du procès ni avoir vainement demandé
un ajournement de celui-ci jusqu'au moment où la demande d'extradition
aurait fait l'objet d'une décision. Dharmarajah n'ayant pas été privé
sans sa faute de la faculté de se faire entendre dans le procès, il n'est
pas nécessaire de savoir s'il pourrait obtenir maintenant la reprise du
procès selon le droit du Sri Lanka. Comme le Tribunal fédéral en a décidé
dans l'arrêt Bozano susmentionné, le droit d'être entendu, tel qu'il est
garanti par l'art. 6 CEDH, donne à l'accusé le droit d'avoir un procès
régulier et équitable; il ne lui donne pas le droit de faire reprendre
un procès alors qu'il s'est volontairement abstenu d'y prendre part
(cf. VOGLER, Auslieferung und Grundgesetz, Berlin 1970, p. 224, 225).

    cc) Il résulte de ce qui précède que, toutes autres conditions
remplies, l'extradition peut être accordée sur la base du jugement par
défaut du 7 juillet 1980 (brigandage), alors qu'il ne peut l'être sur
la base du jugement par défaut du 6 avril 1978, que si l'Etat requérant
s'engage à accorder à Dharmarajah le droit de demander la reprise ab
initio - ou à partir d'un certain stade - du procès ayant conduit au
jugement par défaut du 6 avril 1978.

Erwägung 3

    3.- Conformément à la pratique suisse, le Département fédéral de
justice et police a informé l'Etat requérant que l'extradition ne pouvait
être accordée pour l'exécution d'une peine capitale. Le Sri Lanka en a
tenu compte, en ce sens que le Président a commué la peine de mort en
détention à vie, pour le cas où l'opposant serait extradé.

    Si les autres conditions en sont remplies, l'extradition ne devra
être accordée pour la poursuite de l'homicide que si le Conseil fédéral
obtient des assurances jugées suffisantes que la peine capitale ne sera
ni prononcée ni exécutée (art. 11 CEExtr. par analogie).

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Admet partiellement l'opposition en ce sens que l'extradition
n'est accordée que pour le délit d'homicide et le délit de brigandage - à
l'exclusion du délit d'association de malfaiteurs (conspiracy et unlawful
assembly) - et à la condition que les autorités du Sri Lanka donnent des
garanties jugées suffisantes:

    a) qu'une nouvelle procédure de jugement, sauvegardant les droits
de la défense, sera ordonnée pour le délit d'homicide, si l'extradé le
requiert dans un délai raisonnable que pourra fixer l'Etat requérant;

    b) que la quotité de la peine pour le délit de brigandage sera
réexaminée à la suite de l'exclusion du délit d'association de malfaiteurs;

    2. Subordonne en outre l'extradition à la condition que les autorités
du Sri Lanka donnent des garanties jugées suffisantes que les charges et
conditions suivantes seront respectées:

    a) la situation de l'extradé ne pourra être aggravée (lors de sa
détention, de l'instruction, du jugement et de l'exécution de la peine)
en raison de considérations de race, de religion, de nationalité ou
d'opinion politique (art. 3 Convention européenne d'extradition);

    b) l'Etat requérant accordera à l'extradé les droits reconnus
aux personnes par la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950, notamment par
les art. 6 et art. 7;
   c) l'extradé ne pourra encourir aucune peine corporelle (art. 5 LExtr.);

    d) l'extradé ne pourra être ni poursuivi ni puni pour les infractions
qu'il pourrait avoir commises antérieurement à la demande, autres que
celles qui ont donné lieu à extradition, au sens de l'art. 7 LExtr.;

    e) l'Etat requérant ne pourra réextrader Dharmarajah à un Etat tiers,
si ce n'est aux conditions de l'art. 8 LExtr.;
   f) l'extradé ne sera pas jugé par un tribunal d'exception (art. 9
   LExtr.);

    g) l'extradé ne sera ni poursuivi ni puni pour un crime politique
non plus que pour son motif ou son but politique (art. 10 LExtr.);

    h) l'Etat requérant ne prononcera ni n'exécutera de peine capitale
contre l'extradé;

    i) si l'extradé a commis en outre une infraction de nature fiscale
ou militaire, cette contravention ne pourra ni entraîner une condamnation
ni constituer une circonstance aggravante (art. 11 LExtr.);

    j) l'extradé ne pourra encourir aucun sévice ni traitement dégradant
ou nuisible à sa santé;
   k) l'extradé recevra les soins médicaux nécessaires et, si son
état de santé le requiert, il devra recevoir les soins appropriés et au
besoin être reçu dans un établissement approprié;

    l) la représentation suisse pourra s'enquérir de l'état de la procédure
et assister aux éventuels débats judiciaires; elle recevra un exemplaire
de la décision mettant fin à la procédure judiciaire; elle pourra rendre
visite sans contrôle à l'extradé; celui-ci pourra en tout temps s'adresser
à la représentation suisse;

    3. Fixe aux autorités du Sri Lanka un délai au 30 juin 1981 pour
donner les assurances requises sous chiffres 1 et 2 ci-dessus, faute de
quoi l'extradition ne sera pas autorisée et la détention de Dharmarajah
à titre extraditionnel ne pourra pas être maintenue.