Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 107 IA 340



107 Ia 340

65. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 27 mars 1981 dans
la cause Société neuchâteloise des médecins-dentistes contre Moeller et
Commune de Bâle (recours de droit public) Regeste

    Art. 88 OG.

    1. Legitimation von Verbänden, insbesondere von Berufsverbänden (E. 1).

    2. Legitimation zur staatsrechtlichen Beschwerde gegen Entscheide,
die Dritte des selben Berufes begünstigen (E. 2).

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- Alors même qu'elle n'est pas elle-même touchée par la décision
attaquée, une association a qualité pour défendre les intérêts de ses
membres par la voie du recours de droit public, pour autant que soient
remplies certaines conditions. C'est ainsi qu'il faut que la recourante
ait la personnalité juridique, que ses membres pris individuellement aient
eux-mêmes qualité pour former ledit recours, que la décision attaquée
lèse la majorité, ou du moins un grand nombre, de ceux-ci et qu'enfin la
défense des intérêts ainsi atteints figure parmi les buts statutaires de
la recourante (ATF 103 Ia 68, 102 Ia 374/375, 101 Ia 126, 99 Ia 396 et
les arrêts cités, 93 I 175).

    En l'espèce, le recours est formé par la Société neuchâteloise des
médecins-dentistes, qui ne prétend pas être elle-même touchée par la
décision attaquée. Il s'agit toutefois d'une association au sens des
art. 60 ss CC: elle a donc la personnalité juridique. Il ressort au
surplus de l'art. 6 lettre a de ses statuts qu'elle a notamment pour
tâche de défendre les intérêts professionnels de ses membres. Il reste
dès lors à examiner si ceux-ci auraient eux-mêmes qualité pour former un
recours de droit public à titre individuel.

Erwägung 2

    2.- a) Ont qualité pour recourir les particuliers et les collectivités
lésés par des arrêtés ou par des décisions qui les concernent
personnellement ou qui sont d'une portée générale (art. 88 OJ). Ainsi,
le recours n'est ouvert au particulier que si l'inconstitutionnalité
dont il se prévaut l'atteint dans des intérêts qui lui appartiennent en
propre et qui sont juridiquement protégés. Le simple fait d'alléguer que
telle décision déterminée viole un droit constitutionnel ne suffit pas;
le recours formé pour sauvegarder l'intérêt général est irrecevable,
tout comme l'est celui qui tend à préserver de simples intérêts de fait
(ATF 105 Ia 273 et les arrêts cités, 355 et les arrêts cités, 104 Ia 152).

    C'est ainsi qu'un recours de droit public fondé sur le simple fait
que la décision attaquée avantage un tiers de manière illicite n'est pas
recevable. Pour qu'il le soit, il faut que les normes dont la violation
est alléguée tendent également, sinon principalement, à la protection
d'intérêts propres au recourant. Ce n'est en effet que dans une telle
circonstance que se trouve réalisée la condition relative à la lésion
d'un intérêt juridiquement protégé. A défaut, le recours tend tout au
plus à éviter l'atteinte à des intérêts de fait, quand encore il ne vise
pas exclusivement à la sauvegarde d'intérêts généraux (ATF 105 Ia 355/356
et les arrêts cités). Or, les principes jurisprudentiels ainsi dégagés
s'appliquent en particulier aux recours de droit public formés à l'encontre
d'autorisations de pratiquer une profession ou une activité économique
délivrées à des concurrents (ATF 105 Ia 188 ss, 103 Ia 65 ss, 93 I 171 ss).

    b) Dans le cas particulier, la recourante fait précisément valoir
que les dispositions légales cantonales dont elle allègue la violation,
savoir les art. 1er à 3 de la loi neuchâteloise sur les professions
médicales du 21 mai 1952, ont été édictées non seulement aux fins de
sauvegarder la santé publique, mais également pour préserver - et même
asseoir - un monopole au bénéfice des médecins, dentistes, vétérinaires
et pharmaciens porteurs d'un diplôme fédéral.

    Cette argumentation ne saurait toutefois être suivie, quand bien même
les travaux préparatoires sur lesquels la recourante se fonde paraissent
lui donner raison. Force est en effet de constater que la législation
neuchâteloise ne saurait contenir des dispositions tendant à un tel but
sans contrevenir au principe constitutionnel de la liberté du commerce
et de l'industrie.

    Il résulte de l'art. 31 al. 2 Cst. que si les cantons sont compétents
pour prendre des mesures de police économique, ils ne peuvent en
revanche édicter des restrictions de politique économique qu'autant que
la constitution elle-même le leur permette. Tel est par exemple le cas de
l'art. 31ter al. 1 Cst., qui permet aux cantons de subordonner l'exercice
de la profession de restaurateur et de cafetier à une clause de besoin,
afin de protéger cette profession d'une concurrence excessive; on peut
du reste relever que, si les concurrents peuvent recourir lorsqu'une
patente d'aubergiste est délivrée en vertu du droit cantonal édicté en
application de l'art. 31ter al. 2 Cst., c'est parce qu'ils sont précisément
atteints dans leurs intérêts juridiquement protégés (ATF 105 Ia 189,
103 Ia 69). En ce qui concerne cependant l'exercice des professions
libérales, les cantons sont privés de telles compétences: l'art. 33
al. 1 Cst. se borne à permettre aux cantons d'en subordonner l'exercice
à un certificat de capacité, soit à édicter des mesures de pure police
économique destinées à éviter des activités dommageables pour le public.
Il s'ensuit que la législation neuchâteloise ne saurait contenir des normes
tendant à protéger les professions médicales contre toute concurrence:
comme le relève du reste expressément la recourante dans son mémoire de
recours, il s'agirait en effet là de restrictions de politique économique,
donc prohibées.

    c) Il est vrai que dans un arrêt d'ailleurs invoqué par la recourante
le Tribunal fédéral a admis que des techniciens-dentistes pouvaient
attaquer une disposition cantonale qui avait pour effet de dispenser
certaines personnes exerçant cette profession d'un examen auquel les autres
étaient astreintes (ATF 86 I 281 ss). Cette jurisprudence n'est toutefois
pas pertinente. En effet, lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce,
contre une décision fondée sur un arrêté de portée générale déjà entré
en vigueur et dont on prétend qu'elle avantagerait indûment un tiers,
l'existence d'un intérêt juridiquement protégé est exigée sans restriction;
ce n'est que si l'on fait valoir qu'un arrêté de portée générale privilégie
indûment un tiers que la qualité pour recourir pourrait éventuellement
ne pas être déniée dans tous les cas, encore que cela ait fait l'objet
de critiques dans des arrêts ultérieurs et que la question du maintien
de cette solution jurisprudentielle ait en définitive été laissée ouverte
(ATF 105 Ia 355 consid. 3a et les arrêts cités).

    Sur le vu de l'ensemble de ce qui précède, le recours doit être
déclaré irrecevable.