Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 107 IA 246



107 Ia 246

49. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 30 septembre
1981 dans la cause C. et W. contre B. (recours de droit public) Regeste

    Schiedsgerichtsbarkeit.

    Tragweite der Pflicht zur Begründung schiedsrichterlicher Entscheide
(Art. 33 lit. e, 36 lit. h Konkordat über die Schiedsgerichtsbarkeit;
E. 3).

    Gültigkeit des Klagerückzugs bei fehlender Zustimmung des freiwilligen
Streitgenossen (Art. 27 Abs. 3 BZP; 24 Abs. 2 Konkordat; E. 5a bb).

    Substitution von Motiven durch das mit einer Nichtigkeitsbeschwerde
befasste Gericht (E. 5b).

Sachverhalt

    A.- Le 25 octobre 1973, X. a vendu à C. 4500 actions d'une société
anonyme qu'il dirigeait et dont le capital était divisé en 10000
actions. Le prix de vente était déterminé par le bilan de la société au 31
décembre 1972, certifié "sincère et véritable". Le vendeur garantissait
que l'actif net avait augmenté depuis lors d'un certain montant, au
risque de devoir indemniser l'acheteur par le paiement d'une fraction de
la différence.

    Les 5500 actions constituant le solde du capital de la société étaient
détenues par M. S.A., dont le capital-actions appartenait à B., également
titulaire d'une créance chirographaire contre cette société.

    Le 25 octobre 1973, B. a cédé ce capital-actions et cette créance
à un acheteur dont les droits et obligations ont été repris ensuite
par l'établissement W., dont C. était le fondateur. Le prix de vente,
arrêté à Fr. 13'430'656.93, était payable au moyen de 7 billets à ordre,
que C. a signés en qualité de donneur d'aval. Ce prix avait été déterminé
exclusivement en fonction de la valeur des 5500 actions figurant au bilan
de M. S.A. X. a donné à l'acheteur des garanties analogues à celles qu'il
avait fournies à C. quant à la valeur des actions. W. n'a payé que les
deux premiers billets à ordre pour lesquels il s'était engagé.

    Le 29 mai 1974, C. et W. ont saisi un tribunal arbitral d'une demande
tendant notamment à la révision du prix de vente des actions en fonction
de la valeur réelle de la société. Le défendeur a contesté la qualité pour
agir de C. Il a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement,
au paiement par les demandeurs, solidairement, des sommes lui restant
dues en vertu du contrat du 25 octobre 1973 ainsi que d'un montant de 2
millions de francs suisses à titre de dommages-intérêts.

    Par la suite, W. s'est désisté, en déclarant avoir acquis la certitude
que le prix des actions litigieux correspondait à la valeur réelle de
la société. B. a demandé au Tribunal arbitral de prendre acte de ce
désistement, alors que C. s'y est opposé.

    Par sentence du 17 avril 1978, le Tribunal arbitral a pris acte
du désistement de W. et rejeté la demande de C. Il a admis la demande
reconventionnelle et condamné les demandeurs à payer solidairement
au défendeur la somme de Fr. 9'708'554.-- avec intérêt à 8% dès le
1er mai 1974, ainsi qu'un montant de 2 millions de francs à titre de
dommages-intérêts.

    Saisie d'un recours en nullité des demandeurs, la Cour de justice
du canton de Genève, statuant le 30 janvier 1981, a annulé la sentence
arbitrale dans la mesure où elle condamnait les demandeurs à payer au
défendeur la somme de 2 millions de francs à titre de dommages-intérêts
ainsi que la totalité des frais d'arbitrage. Elle s'est fondée sur les
art. 33 lettre e et 36 lettre h du concordat intercantonal sur l'arbitrage
du 27 mars 1969 (ci-après: le concordat). Elle a jugé que la motivation
de cet élément de la sentence était insuffisante et que son annulation
sur ce point imposait une répartition des dépens entre les parties. Elle
a rejeté le recours en nullité pour le surplus.

    Agissant par la voie du recours de droit public, C. et W. demandent au
Tribunal fédéral de casser ce jugement et de renvoyer la cause à l'autorité
cantonale pour qu'elle annule dans sa totalité la sentence arbitrale du
17 avril 1978. Ils invoquent une violation de l'art. 4 Cst. et soutiennent
que le jugement attaqué est contraire aux art. 33 lettre e et 36 lettres c,
h et f du concordat.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Les recourants invoquent d'abord les art. 33 lettre e et 36 lettre
h du concordat. L'art. 33 lettre e prescrit que la sentence arbitrale
doit contenir les motifs de fait, de droit et, le cas échéant, d'équité,
à moins que les parties n'y aient expressément renoncé. La violation de
cette règle, impérative selon l'art. 1er al. 3 du concordat, peut faire
l'objet d'un recours en nullité auprès de l'autorité judiciaire compétente
en vertu de l'art. 36 lettre h qui ouvre en outre cette voie lorsque le
dispositif de la sentence est inintelligible ou contradictoire.

    a) L'obligation faite au juge ordinaire de motiver ses décisions
découle du droit d'être entendu garanti par l'art. 4 Cst. Reconnue déjà
dans un arrêt fort ancien, comme une règle essentielle "dont la violation
frustre les citoyens en ouvrant la porte à l'arbitraire" (ATF 19 p. 470),
cette obligation s'impose par la nécessité de sauvegarder les droits de
recours du justiciable. Celui-ci est en effet hors d'état d'attaquer à
bon escient une décision dont il ne connaît pas l'argumentation et dont
le bien-fondé est alors soustrait tant au contrôle de l'intéressé qu'à
celui de l'autorité de recours (ATF 98 Ia 464 s. consid. 5a). Il suffit
cependant, selon la jurisprudence, que le tribunal mentionne, au moins
brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa
sentence (ATF 102 Ia 6 consid. 2e).

    Il n'y a pas de raison de donner à l'obligation de motiver qu'institue,
pour les tribunaux arbitraux, l'art. 33 lettre e du concordat une portée
plus étroite que celle qui découle de l'art. 4 Cst., pour les tribunaux
étatiques (cf. RÜEDE et HADENFELDT, Schweiz. Schiedsgerichtsrecht p. 296
à 299). Une telle distinction ne trouverait aucun appui dans le texte du
concordat. Elle ne saurait se justifier par la considération que l'autorité
judiciaire compétente pour connaître des recours en nullité n'examine
le fond de la sentance que sous l'angle restreint de l'arbitraire;
l'obligation des tribunaux étatiques de motiver leurs décisions, fondée
sur l'art. 4 Cst., n'est en effet pas différente selon que celles-ci
peuvent être déférées à une autorité jouissant d'une libre cognition ou
d'un pouvoir d'examen limité. De plus, les sentences arbitrales rendues
en Suisse ne bénéficient du mode d'exécution institué par les art. 80 et
81 LP qu'à la condition notamment que le Tribunal arbitral ait offert aux
parties les garanties de procédure qui leur sont accordées par le droit
fédéral (ATF 81 I 325 s., 76 I 92). Enfin le principe de l'économie des
moyens qui domine la procédure arbitrale ne contredit pas une application
stricte de l'obligation de motiver la sentence, puisque les parties ont
la faculté de renoncer expressément à la motivation.

    b) Selon les recourants, l'autorité cantonale aurait failli à son
devoir de contrôle en considérant comme conforme à l'art. 33 lettre e
du concordat une sentence incompréhensible du fait de ses insuffisances
linguistiques. La rédaction de la sentence n'est certes pas un modèle,
et les nombreuses incorrections de style et fautes grammaticales qu'elle
comporte en rendent l'abord malaisé. L'argumentation des arbitres n'en
est pas pour autant inintelligible ou contradictoire, pour reprendre
les termes dont l'art. 36 lettre h du concordat use à l'égard du seul
dispositif de la sentence. Les critiques adressées à la Cour de justice
à cet égard ne sont manifestement pas fondées.

    c) Les motifs qui ont conduit le Tribunal arbitral à admettre la
validité du désistement de W. et à rejeter les objections de C. sur
ce point, de même que ceux qui l'ont amené à accueillir la demande
reconventionnelle de B., ressortent sans équivoque du texte de la sentence,
même s'ils sont évoqués brièvement. Quant à savoir si cette motivation
était soutenable, la question ne relève pas des art. 33 lettre e et 36
lettre h du concordat.

    Les motifs pour lesquels le Tribunal arbitral a débouté C. de toutes
ses conclusions sont sans nul doute excessivement sommaires. La cour
cantonale en a donné acte aux recourants et a même considéré qu'ils
étaient manifestement erronés. Elle est toutefois arrivée à la conclusion
que l'argumentation du Tribunal arbitral à l'appui de l'admission de la
demande reconventionnelle ne pouvait que conduire au rejet de la demande
principale, cette argumentation résistant elle-même au grief tiré de
l'insuffisance de la motivation. Dans ces conditions, on ne saurait dire
que l'autorité cantonale a méconnu les obligations qui lui étaient imposées
par l'art. 33 lettre e du concordat.

Erwägung 4

    4.- Les recourants invoquent une violation de l'art. 36 lettre
c du concordat, qui ouvre la voie du recours en nullité lorsque le
Tribunal arbitral a statué sur des points qui ne lui étaient pas soumis
ou lorsqu'il a omis de se prononcer sur un des chefs de la demande,
sous la réserve des sentences partielles prévues à l'art. 32. Alors que
sa mission comportait 11 questions matérielles, le Tribunal arbitral
se serait limité à examiner la première, soit celle de la qualité pour
agir de C., et aurait délibérément éludé les deux questions suivantes qui
se rapportaient aux bases sur lesquelles les parties au contrat avaient
déterminé la valeur des actions litigieuses. Or ces deux questions étaient
la clé de l'arbitrage, puisque de la réponse qui devait leur être donnée
dépendait celle qui serait donnée à toutes les autres.

    Ce grief est mal fondé. Contrairement à ce que paraissent admettre
les recourants, l'art. 36 lettre c du concordat ne postule pas que le
dispositif de la sentence apporte une réponse expresse à toutes les
questions soumises à l'appréciation des arbitres. Une telle exigence
relèverait d'un formalisme excessif, notamment lorsque la réponse à l'une
des questions rend superflue une prise de position expresse sur les autres
questions liées à la première, ce qui est le cas en l'espèce. Appelé
à juger si les exceptions des recourants quant à la valeur réelle des
actions qu'ils avaient acquises étaient fondées, le Tribunal arbitral a
en effet retenu sur la base du dossier que le vendeur n'assumait envers
eux aucune garantie de ce chef. Cette solution le dispensait d'examiner
si le prix de vente des actions correspondait à une valeur que, à son
avis, le vendeur n'avait pas garantie; elle était de nature, à elle
seule, à entraîner, d'une part, le rejet des exceptions soulevées par le
demandeur principal C. et de ses conclusions, d'autre part, l'admission
de la demande reconventionnelle du défendeur.

Erwägung 5

    5.- a) Dans le cadre de l'art. 36 lettre f du concordat, les recourants
reprennent d'abord l'argumentation qu'ils avaient développée devant la
cour cantonale au sujet de la reconnaissance par le Tribunal arbitral de
la validité du désistement de W. Tout en admettant que la lettre adressée
par cet établissement le 29 mars 1976 au président du Tribunal arbitral
pouvait être interprétée comme un désistement pur et simple de l'instance,
ils affirment que ce désistement est nul et non avenu en raison, d'une
part, d'une collusion frauduleuse évidente entre un ancien administrateur
de W. et le défendeur, d'autre part, de l'absence du consentement de C.
   aa) La prétendue collusion ressortirait de deux décisions
rendues par le Tribunal de la Principauté du Liechtenstein les 7 mai 1976
et 21 février 1977 ainsi que de la revente à B., par W., du capital de
M. S.A., un mois à peine après l'envoi de la lettre de désistement. Les
circonstances qui ont entouré le désistement de W. sont à vrai dire
troublantes. Cela n'a pas échappé au Tribunal liechtensteinois, qui
a notamment prononcé la révocation de l'administrateur en cause après
avoir constaté qu'il existait une haute vraisemblance de collusion entre
W. et B., opposés pourtant dans la procédure arbitrale. Le Tribunal
arbitral s'est lui-même référé dans son état de fait aux soupçons de
C. et en particulier aux deux décisions judiciaires qu'il produisait. Il
a toutefois admis, en conclusion, que ces allégations ne suffisaient pas
à établir la réalité de la manoeuvre dénoncée. L'autorité cantonale a
considéré que le Tribunal arbitral avait ainsi librement apprécié les
indices résultant de la procédure, sans négliger les moyens de preuve
mis en oeuvre par C., et que cette appréciation des preuves n'était pas
insoutenable. Le recours de droit public ne fournit aucun argument précis,
propre à démontrer que ce point de vue de l'autorité judiciaire cantonale
serait lui-même insoutenable. Or il incombe aux recourants d'indiquer
en quoi la décision attaquée est arbitraire, comme il leur appartenait
d'établir devant la cour de justice que la sentence elle-même était
arbitraire parce qu'elle reposait sur des constatations manifestement
contraires aux faits résultant du dossier ou parce qu'elle constituait
une violation évidente du droit. Saisie d'un recours fondé sur l'art. 36
lettre f du concordat, l'autorité cantonale doit en effet reconnaître aux
tribunaux arbitraux une grande liberté dans le domaine de l'administration
et de l'appréciation des preuves, et ne revoir leurs décisions à cet égard
que si elles sont évidemment fausses ou arbitraires ou si elles reposent
sur une inadvertance manifeste. Que la Cour de justice ait retenu à tort,
comme le prétendent les recourants, qu'ils n'avaient pas critiqué dans leur
recours en nullité l'insuffisance de la motivation sur cette question ne
change rien au fait que le résultat auquel elle est parvenue n'est pas
insoutenable, vu le pouvoir d'examen restreint dont elle disposait.

    bb) L'autorité cantonale a admis que le Tribunal arbitral avait à
juste titre reconnu la validité du désistement de W., indépendamment de
l'absence de consentement de son codemandeur C. Elle s'est référée, selon
l'art. 24 al. 2 du concordat, à l'art. 27 al. 3 PCF aux termes duquel seul
le consentement du défendeur, et non celui d'un codemandeur, est requis
pour le retrait d'une demande après sa notification. Elle a toutefois
réservé le cas d'une demande formée par des consorts nécessaires. Ce point
de vue résisterait même à un libre examen. En effet, aucune disposition
concordataire ne subordonne le retrait d'une demande notifiée à des
exigences formelles plus étendues que celles posées par l'art. 27 al. 3
PCF. Or cette disposition ne prévoit pas que le défaut de consentement du
défendeur aurait pour conséquence de rendre sans effet le retrait d'une
action; elle donne au contraire à ce retrait la portée d'un désistement
revêtu de l'autorité de la chose jugée. Le consentement du demandeur et
défendeur reconventionnel C. n'était dès lors pas nécessaire pour valider
le désistement de W. Pour le surplus, les recourants ne discutent pas
l'argument du jugement attaqué selon lequel les deux demandeurs principaux
à la procédure arbitrale ne se trouvaient pas dans un cas de consorité
nécessaire, où le désistement de l'un d'eux aurait exigé le consentement
de l'autre.

    b) Après avoir admis la validité du désistement de W., le Tribunal
arbitral avait à se prononcer sur la demande principale de C. et la demande
reconventionnelle de B. La première avait été formée conjointement avec
celle de W. qui, en sa qualité d'acheteur, agissait en garantie contre le
vendeur des actions. La seconde était une action en paiement ouverte par le
vendeur tant contre l'acheteur W. qui, en se désistant, y avait acquiescé,
que contre le donneur d'aval C. Le Tribunal arbitral a débouté ce dernier
de toutes les conclusions de son action principale puisqu'il n'était que
donneur d'aval. La Cour de justice a taxé ce raisonnement d'arbitraire
parce que le donneur d'aval est légitimé à opposer au porteur, titulaire
originaire de la créance garantie par l'effet de change, les exceptions
dont pourrait se prévaloir le tireur en vertu notamment de l'art. 1007
CO. Cette opinion n'est pas en cause dans le recours de droit public.

    Procédant à une substitution de motifs, la Cour de justice a justifié
le rejet de la demande de C. au moyen de l'argument qui a conduit le
Tribunal arbitral à admettre la demande reconventionnelle. La sentence
considère à cet égard comme mal fondées les exceptions que C. entendait
tirer du rapport de droit civil à l'origine de la création des effets
de change, l'affirmation selon laquelle X. aurait agi en qualité de
représentant de B. n'étant pas établie en fait. La Cour de justice constate
que sur ce point les considérants de la sentence arbitrale ne sont pas
critiqués par les recourants. Or il n'est pas arbitraire d'admettre que
ceux-ci auraient dû contester cette argumentation du Tribunal arbitral,
quand bien même elle était présentée à l'appui du rejet de la demande
reconventionnelle seulement, vu l'interdépendance de l'action principale
et des prétentions reconventionnelles. Les recourants ne démontrent
d'ailleurs nullement, dans leur recours de droit public, que le Tribunal
arbitral serait tombé dans l'arbitraire en considérant que le vendeur ne
répondait pas de la garantie assumée par X. et en admettant par ce motif
la demande reconventionnelle. Enfin, les recourants soutiennent à tort
que la motivation substituée aurait été écartée par le Tribunal arbitral,
puisque celui-ci l'a au contraire retenue pour l'admission de la demande
reconventionnelle et que cette admission excluait celle de l'action de C.,
vu leur interdépendance.

    Le grief tiré de l'art. 36 lettre f du concordat doit donc également
être rejeté.