Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 107 IA 226



107 Ia 226

46. Arrêt de la Ire Cour de droit public du 24 juin 1981, dans la cause
Unité jurassienne Corgémont c. Commune de Corgémont et Conseil-exécutif
du canton de Berne (recours de droit public) Regeste

    Demonstrationsfreiheit.

    - Die Organisation eines Volksmarsches beschlägt sowohl die
Versammlungs- wie die Meinungsäusserungsfreiheit. Diese Grundrechte
schützen auch Tätigkeiten, welche einen gesteigerten Gemeingebrauch des
öffentlichen Grundes bedingen und aus diesem Grund bewilligungspflichtig
sein können (Bestätigung der Rechtsprechung, E. 4).

    - Die Bewilligungsbehörde darf ihre Zustimmung zum geplanten
Volksmarsch nicht einzig deswegen verweigern, weil dieser politischen
Charakter hat und er der Erreichung des statutarischen Zwecks des
Organisationskommitees dient; sie hat vielmehr in jedem konkreten
Bewilligungsverfahren die Gefahr für die öffentliche Ordnung abzuschätzen,
die von der geplanten Manifestation ausgehen kann (E. 5).

Sachverhalt

    A.- Unité jurassienne Corgémont est une association au sens des
art. 60 ss CC, dont l'activité s'inscrit dans le cadre du programme
de l'association faîtière "Unité jurassienne" constituée dans le Jura
méridional à la suite de la consultation populaire du 16 mars 1975,
au cours de laquelle la majorité des électeurs de cette région s'est
prononcée pour son maintien dans le canton de Berne.

    Le 5 mars 1976, Unité jurassienne Corgémont a informé le Conseil
municipal de son intention d'organiser, le samedi 19 juin 1976, sur le
territoire de la commune de Corgémont, une marche populaire avec départ
et arrivée au pâturage des Carollines où un pique-nique devait avoir lieu
en fin de journée. Par lettre du 16 septembre 1976, Unité jurassienne a
informé le Conseil municipal qu'elle désirait reporter cette manifestation
au samedi 25 septembre 1976; elle a en outre requis l'autorisation de
poser une signalisation fléchée dans le village en vue d'indiquer aux
participants leur lieu de rassemblement. Le Conseil municipal de Corgémont
a, par décision du 23 septembre 1976, interdit la marche populaire pour
le motif que les organisateurs avaient avisé l'autorité communale qu'ils
rejetaient sur elle l'entière responsabilité des incidents qui pourraient
se produire pendant son déroulement.

    Unité jurassienne Corgémont a porté plainte contre cette décision
auprès du préfet du district de Courtelary. Après les diverses précisions
apportées par les parties le préfet a rejeté la plainte d'Unité jurassienne
Corgémont, par décision du 30 novembre 1978. Il a considéré en bref que
la marche populaire envisagée avait un caractère politique évident et que
la pétition signée par 169 personnes opposées à la manifestation révélait
que celle-ci aurait été ressentie comme une provocation par la majorité
des citoyens de Corgémont.

    Unité jurassienne Corgémont a recouru contre la décision préfectorale
auprès du Conseil-exécutif du canton de Berne. Par décision du 30 avril
1980, le Conseil-exécutif a rejeté le recours. Il retient notamment que
les organisateurs de la marche populaire poursuivent le but de renverser
l'ordre légalement établi par les plébiscites dans le Jura méridional
et sont prêts à user, pour y parvenir, de moyens sur la nature desquels
le vocabulaire qu'ils utilisent ne laisse planer aucune équivoque. La
publicité faite dans le territoire du futur canton du Jura en faveur de
cette marche laissait prévoir l'arrivée de participants innombrables en
provenance de celui-ci. La manifestation aurait ainsi été propre à porter
atteinte à l'intégrité territoriale du canton de Berne que garantit
l'art. 5 Cst. Au demeurant, la pétition parvenue au Conseil municipal
était révélatrice de la situation tendue qui régnait à l'époque dans
la région. Dans ces circonstances, le fait que les organisateurs aient
rejeté la responsabilité de tout incident objectivement prévisible sur
la commune légitimait le Conseil municipal à interdire, sans tomber dans
l'arbitraire, la manifestation projetée.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit public formé par Unité
jurassienne Corgémont contre la décision du Conseil exécutif du 30 avril
1980, notamment pour les motifs suivants.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- La recourante soutient que la décision entreprise est entachée
d'une inégalité de traitement. Elle fait valoir que les autorités communale
et cantonale auraient traité différemment, dans des situations analogues
à la sienne, Force démocratique et le groupe "Sanglier" et que ce dernier
aurait "organisé une marche populaire, en mai 1976, sans en demander
l'autorisation et sans encourir d'interdiction".

    La jurisprudence admet qu'il y a inégalité de traitement lorsque,
sans motifs sérieux, deux décisions soumettent deux situations de fait
semblables à des règles juridiques différentes (ATF 102 Ia 87 consid. 3 et
arrêts cités). En l'occurrence, la recourante ne démontre cependant pas
que les circonstances de fait à la base de la décision attaquée étaient
semblables à celles qui ont entouré la marche populaire que le groupe
"Sanglier" aurait organisée sans requérir l'autorisation du Conseil
municipal et sans que celui-ci intervienne d'office pour en empêcher le
déroulement. Au demeurant, pour reprendre les termes utilisés par le
Conseil exécutif dans sa décision, la manifestation organisée par les
probernois avait lieu sur le territoire de leurs partisans alors que,
pour sa marche populaire, Unité jurassienne comptait sur une participation
massive de citoyens provenant du futur canton du Jura. Dans ces conditions,
l'autorité cantonale pouvait, sans violer le principe de l'égalité de
traitement, considérer qu'il ne s'agissait pas de situations de fait
semblables nécessitant un traitement juridique identique (ATF 103 Ia 319).

Erwägung 4

    4.- La recourante invoque que la décision entreprise viole les
libertés d'association, de réunion et d'opinion telles qu'elles sont
garanties par l'art. 56 Cst., le droit constitutionnel non écrit, ainsi
que par les art. 77 et 79 Cst. bern. du 4 juin 1893 et les art. 10 et
11 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH); elle fait
aussi appel à la liberté de manifestation.

    a) L'art. 77 Cst. bern. garantit à chacun le droit de communiquer ses
pensées par parole, par écrit, par la presse et par des emblèmes. De son
côté, l'art. 79 Cst. bern. reconnaît aux citoyens le droit de se grouper
en associations et de se réunir en assemblées publiques dans la mesure où,
dans leurs buts et dans leurs moyens, elles n'ont rien d'illégal. Quant aux
art. 10 et 11 CEDH, ils garantissent également la liberté d'opinion et les
libertés d'association et de réunion. La recourante se borne à citer ces
dispositions sans y apporter de commentaire. Elle ne prétend ni ne démontre
qu'elles lui accorderaient des garanties plus étendues que celles qui lui
sont offertes par le droit constitutionnel fédéral. On peut d'ailleurs
inférer d'une décision de la Commission européenne des droits de l'homme
du 10 octobre 1979, déclarant irrecevable une requête du Rassemblement
jurassien et d'Unité jurassienne, que la liberté de réunion n'a pas
un contenu très différent en droit conventionnel européen et en droit
constitutionnel fédéral (Décisions et rapports de la Commission, vol. 17,
1980 p. 93 ss). Il en résulte que, dans le cas particulier, les griefs
que la recourante entend tirer du droit constitutionnel cantonal et du
droit conventionnel n'ont pas de portée propre et doivent, par conséquent,
être examinés à la seule lumière du droit constitutionnel fédéral.

    b) Les droits individuels dont la recourante invoque la violation
ressortissent soit au droit constitutionnel écrit, soit au droit
constitutionnel non écrit.

    aa) La liberté d'opinion et la liberté de réunion ont été reconnues
comme droits constitutionnels non écrits. Condition indispensable à
l'exercice de la liberté personnelle, la liberté d'opinion comprend la
faculté d'exprimer librement ses idées et de les répandre en usant de
moyens légaux; elle n'implique pas la faculté de faire pression sur autrui
pour le convaincre et ne peut s'exercer que dans le respect de la liberté
d'autrui (ATF 97 I 896 consid. 4; 96 I 592 consid. 6). De son côté, la
liberté de réunion comporte, parmi d'autres garanties, celle d'assurer
aux membres et aux sympathisants d'une association la possibilité de se
réunir sur la propriété privée ou sur le domaine public, afin de réaliser
les buts statutaires ou le programme d'action de cette association (ATF
96 I 224 consid. 4 et arrêts et doctrine cités).
   bb) En ce qui concerne la liberté de manifestation, le Tribunal
fédéral a jugé qu'elle n'était ni une condition nécessaire à l'exercice
d'autres libertés, ni un élément indispensable de l'ordre démocratique
fondé sur le droit. Elle n'est, par conséquent, pas garantie par le droit
constitutionnel non écrit (ATF 99 Ia 693 E. 6; 96 I 224). S'agissant de
l'organisation d'une marche populaire par une association, il y a lieu
de constater qu'elle relève sans équivoque de la liberté de réunion et
qu'elle dépend également de la liberté d'opinion. Or, la jurisprudence
admet que la liberté de réunion et celle d'opinion protègent des activités
liées à l'usage du domaine public et qui peuvent, pour cette raison,
être soumises à autorisation (ATF 101 Ia 481 in fine). A cet égard, les
autorités chargées de réglementer l'usage accru du domaine public doivent
poursuivre des buts d'intérêt public et agir selon des critères objectifs,
en prenant en considération, dans la pesée des intérêts en présence, le
contenu idéal des libertés dont l'exercice est en jeu. Les limitations
apportées à un tel usage peuvent se baser sur des motifs autres que
purement policiers; elles doivent cependant respecter les principes de la
proportionnalité et de l'égalité de traitement (ATF 105 Ia 21 consid. 4;
101 Ia 481 consid. 6; 100 Ia 402 consid. 5 et les arrêts cités).

    c) La recourante ne met pas en discussion la base légale de la
décision attaquée par laquelle le Conseil exécutif a, en définitive,
confirmé la décision municipale d'interdiction de sa marche populaire du
25 septembre 1976. Il résulte de l'argumentation peu explicite du recours
que cette interdiction ne répondrait pas à un intérêt public et qu'elle
violerait le principe de la proportionnalité. Saisi d'un tel recours, le
Tribunal fédéral jouit en principe d'un pouvoir de libre examen. Le grief
d'arbitraire évoqué par la recourante n'a dès lors pas de portée propre. Le
Tribunal fédéral ne substitue cependant pas son pouvoir d'appréciation
à celui de l'autorité cantonale qui porte la responsabilité directe du
maintien de l'ordre. Il fera preuve d'une certaine retenue en raison des
circonstances locales que celle-ci est mieux à même d'apprécier; il en sera
ainsi, notamment, lorsqu'il s'agit d'évaluer le danger qu'une manifestation
déterminée peut faire courir à la tranquillité et à la sécurité publiques
(ATF 100 Ia 403 consid. 5; 99 Ia 695 consid. 7b; 97 I 898 consid. 6a).

Erwägung 5

    5.- a) La marche populaire d'Unité jurassienne Corgémont était
la première que cette association organisait sur le territoire de la
commune. Elle devait, à l'origine, avoir lieu le 19 juin 1976; en raison
d'un tournoi de football qui se déroulait à cette date, elle a été reportée
au 25 septembre 1976. Le parcours projeté, qui n'a pas été modifié dans
l'intervalle, couvrait une distance de 15 km, comportant une dénivellation
de 450 m, avec départ et arrivée au lieu dit "Les Carollines", en passant
par les pâturages de Jean Guisboden et de Jeanbrenin. Les premiers départs
avaient été fixés à 7 h et les dernières arrivées à 18 h, des postes de
ravitaillement étant disséminés tout au long du parcours; un pique-nique
était envisagé à l'arrivée.

    Les organisateurs ont ouvert une campagne publicitaire dans le
territoire de ce qui était alors le futur canton du Jura, afin d'appeler
leurs sympathisants à participer nombreux à leur manifestation. Dès
l'annonce de son organisation, celle-ci s'est heurtée à une pétition
adressée par 169 citoyennes et citoyens du village de Corgémont au Conseil
municipal et au préfet du district de Courtelary. Cette pétition avait
la teneur suivante:

    "1. Les citoyennes et citoyens ci-dessous surpris par la décision du

    Conseil municipal d'accorder aux mouvements satellites du R.J.
   (Jeunesse-Sud, Unité jurassienne) le droit à l'organisation d'une
   manifestation sur le territoire communal (pique-nique, marche populaire)
   invitent le Conseil municipal à revoir sa position.

    2. Considérant en outre l'incursion préméditée des membres d'Unité
   jurassienne - serait-ce par le biais d'une prétendue activité sportive
   ou gastronomique - comme une grave provocation à l'encontre de la
   population antiséparatiste de notre village, les signataires de la
   présente se considéreront à cette occasion en état de légitime défense
   et agiront avec les moyens qu'offre cette alternative.

    3. La lecture du journal séparatiste "L'Objectif" a permis à toute la
   population du Jura bernois de prendre connaissance des activités de

    Jeunesse-Sud, particulièrement celle du 19 juin prochain.

    Ayant démocratiquement à deux reprises, clairement exprimé sa
volonté de
   rester bernoise, elle ne tolérera pas les agissements d'une minorité
   agressive révolutionnaire et profondément antisuisse."

    b) L'autorité cantonale affirme que la situation politique dans le
Jura bernois était à l'époque particulièrement tendue. La recourante
ne le conteste pas, le texte de la pétition lancée par ses adversaires
étant, au reste, un élément révélateur à cet égard. Elle prétend, en
revanche, que sa manifestation était purement sportive et n'avait aucun
caractère politique. Ceci n'est guère soutenable si l'on prend notamment
en considération les buts exclusifs qu'elle poursuit aux termes de ses
statuts, son association pour la circonstance avec Jeunesse-Sud et l'appel
lancé à ses sympathisants domiciliés dans l'actuel canton du Jura. Ce
caractère politique, en relation avec l'état de tension régnant dans la
région, n'était cependant pas, à lui seul, de nature à fonder une décision
d'interdiction. Il en est de même des arguments que l'autorité cantonale
tire des buts statutaires de la recourante et des formules verbales dont
elle aurait coutume d'user, qui ne sont pas décisifs pour la motivation
d'une telle décision. En effet, l'autorité appelée à se prononcer sur une
mesure restrictive de la liberté de réunion ou de la liberté d'opinion ne
peut pas refuser une autorisation uniquement parce qu'elle ne partage pas
ou n'approuve pas le point de vue des requérants, mais doit bien plutôt
adopter une attitude neutre et objective (ATF 105 Ia 21 in fine). Seul est
déterminant pour elle le danger qu'une manifestation pourrait faire courir
à l'ordre public, compte tenu des circonstances concrètes de chaque cas.

    c) La décision d'interdire la manifestation litigieuse a été prise
le 23 septembre 1976, soit deux jours avant la date prévue pour son
déroulement, alors que les organisateurs avaient, le 15 mars 1976 déjà,
informé de leur projet le Conseil municipal. Cette décision se fonde
essentiellement sur le fait que, dans sa lettre du 22 septembre 1976,
écrite en réponse à une demande de renonciation de l'autorité municipale,
la recourante avait rejeté sur celle-ci l'entière responsabilité
d'éventuels incidents. Cette déclaration doit être replacée dans le
contexte évoqué ci-après.

    Le dossier révèle que le Conseil municipal et les organisateurs de la
marche populaire ont eu une entrevue le 1er mai 1976. Le 6 du même mois,
la recourante a envoyé au Conseil municipal une copie du procès-verbal
qu'elle avait établi à cette occasion; dans la plainte qu'elle a adressée
à la préfecture de Courtelary, le 15 novembre 1976, elle se réfère aussi
aux engagements pris lors de cette séance. Cette relation n'a pas été
contestée par l'autorité communale. Il en ressort que la recourante a
assuré cette dernière qu'elle ne provoquerait aucun trouble, qu'elle ne
donnerait pas à sa manifestation un caractère politique extérieur avec
déploiement de drapeaux et discours et que les marcheurs ne traverseraient
pas la localité. Ces engagements répondent aux exigences posées par le
Conseil municipal. L'expression, peu heureuse il est vrai, adoptée par la
recourante dans sa lettre du 22 septembre 1976 quant à la responsabilité
des incidents qui pourraient se produire, n'a, dans ce contexte, qu'une
portée relative. Elle doit avant tout être considérée comme une réponse à
la pétition dont la teneur pouvait paraître provocatrice, mais ne démontre
nullement que la recourante aurait été décidée à violer ses engagements. Il
faut bien plutôt en inférer que les organisateurs entendaient simplement
que l'autorité communale veille, en contrepartie de leurs concessions,
à ce que leur manifestation ne soit pas perturbée par des tiers.

    d) Invoquant l'art. 5 Cst., l'autorité cantonale attache également
une grande importance à l'appel lancé par Unité jurassienne Corgémont
à ses sympathisants dans l'actuel canton du Jura. L'art. 5 Cst. vise,
certes, non seulement les atteintes qu'un canton porte à l'intégrité
territoriale d'un autre canton, mais également celles qui sont le fait
d'habitants d'autres cantons agissant en leur nom personnel (ATF 103 Ia
319 consid. 6). Il ne saurait toutefois avoir pour conséquence de limiter
indûment la libre circulation des citoyens sur l'ensemble du territoire
de la Confédération. A cet égard, il n'est ni allégué ni établi que
la recourante ait lancé une publicité démesurée dans le Jura-Nord pour
stimuler la participation de ses sympathisants. Au contraire, la recourante
a clairement démontré qu'elle désirait éviter toute provocation, mais en
l'occurrence, celle-ci venait en premier lieu de ses adversaires. Or il est
évident que s'il suffisait, dans chaque cas, d'une pétition d'un groupe
opposé et majoritaire pour interdire une manifestation, les minorités
n'auraient plus le droit de s'exprimer. Il est donc important que, dans un
pays démocratique, les manifestations soient tolérées réciproquement pour
permettre l'exercice des libertés individuelles. Dans cette situation,
l'autorité compétente ne doit pas opter forcément pour la mesure la
plus restrictive. Il lui appartient plutôt d'examiner, en présence d'une
demande concrète, si les intérêts publics sont prépondérants par rapport
à l'intérêt d'une minorité à pouvoir s'exprimer.

    En l'espèce, malgré la situation tendue du moment, les risques de
troubler l'ordre public n'étaient pas aussi grands que le Conseil exécutif
l'a relevé dans la décision attaquée. On doit en effet constater que
la manifestation litigieuse se serait déroulée en dehors des zones
d'habitation de la commune de Corgémont et à l'écart des grandes
voies de communication. Les marcheurs auraient traversé une région de
pâturages et de forêts avant de participer à un pique-nique terminal en
un lieu sensiblement distant de la localité. D'autre part, il n'est pas
contesté que la marche populaire du groupe "Sanglier" prévue pour les
8 et 9 mai 1976 se soit déroulée sans incidents. En outre, la décision
attaquée rapporte qu'un pique-nique, organisé le 27 juin 1976 par Unité
jurassienne elle-même sur un pacage communal, n'a pas non plus donné lieu
à des désordres. On ne voit pas dès lors pour quelle raison objective il
n'en serait pas allé de même de la manifestation du 23 septembre 1976.

    Dans ces circonstances particulières, les craintes de l'autorité
bernoise de voir dégénérer la marche populaire projetée par la recourante
n'étaient pas fondées; sa décision interdisant cette manifestation n'était
ainsi pas justifiée au regard de l'ordre public à sauvegarder.

    Portant une atteinte inadmissible à la liberté de réunion de la
recourante, la décision entreprise viole le principe de la proportionnalité
et doit dès lors être annulée.