Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 106 IV 298



106 IV 298

75. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 2 mai 1980 dans la cause T.
contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité) Regeste

    Art. 17 UWG, Art. 1 AO.

    Individuelle oder individualisierte Ankündigungen stellen eine
öffentliche Ankündigung dar, wenn sie an eine grosse Zahl von Personen
gerichtet werden. Daran ändert nichts ein Vermerk wie "persönlich, nicht
übertragbar", wenn die Zahl der Adressaten jede ernsthafte Kontrolle
ihrer Identität ausschliesst.

Sachverhalt

    A.- La société I. S.A. exploite dans le canton de Vaud plusieurs
magasins spécialisés dans la vente à prix réduits d'appareils
photographiques, téléviseurs, etc. La société est contrôlée par I. Holding
S.A., dont le siège social est à Fribourg et dont T. préside le conseil
d'administration.

    Au début de l'année 1978, I. S.A. a fait distribuer en Suisse romande
70'000 cartes postales donnant droit à un rabais de 10% sur tout achat à
partir de 100 fr., rabais valable du 7 au 28 février 1978. Près de 26'000
cartes ont été distribuées dans le canton de Vaud. T. était au courant de
cette campagne publicitaire et il en prend la responsabilité. Il fait
cependant valoir que les destinataires figuraient sur le fichier de
l'entreprise et avaient tous été clients d'I. S.A.

    B.- Le 23 octobre 1978, à la suite d'une dénonciation du Service
de la police administrative du canton de Vaud, le juge informateur
itinérant a condamné T. à une amende de 1000 fr., avec délai d'épreuve et
de radiation d'une année. T. ayant fait opposition à cette ordonnance,
le Tribunal de police du district de Lausanne confirma cette condamnation
le 10 septembre 1979, en considérant que l'accusé avait contrevenu par
négligence à l'art. 20 al. 1 lettre a de l'OL.

    Statuant le 5 novembre 1979 sur le recours déposé par T., la Cour
de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a maintenu la décision
qui précède.

    C.- T. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Arguant de la
violation des art. 17 LCD et 1 OL, il conclut à libération. Il estime en
effet que les dispositions précitées ne sauraient trouver application en
l'espèce, dès lors qu'il n'y a pas eu "annonce publique", et cela même
s'il n'est pas contesté qu'il y ait eu offre d'"avantages momentanés".

    Tant l'autorité cantonale que le Ministère public déclarent se référer
purement et simplement aux considérants de l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon le recourant, ce qui fait "l'annonce publique",
ce n'est pas le nombre de personnes touchées, mais la manière dont
l'auteur s'est adressé à elles. Il ne saurait en conséquence y avoir
"annonce publique" là où les personnes visées ont été atteintes par des
notifications individuelles, intervenues à la suite d'un choix fondé sur
les caractéristiques personnelles de chaque destinataire. Tel serait le
cas en l'espèce où les cartes litigieuses, qui portaient de surcroît la
mention "personnel, pas transmissible!", ont été envoyées expressément
et nommément aux clients de la Société I. S.A. En revanche, il y aurait
"annonce publique" au regard de la loi lorsque la notification intervient
collectivement, l'identité des personnes touchées dépendant alors du
seul hasard.

Erwägung 2

    2.- a) Il est malaisé de tracer une frontière nette et objective
entre les annonces "publiques" et celles qui ne le sont pas. Le Tribunal
supérieur de Zurich a amorcé une solution en considérant, le 1er juillet
1957, dans le cadre de l'art. 152 CP (BJP 1957 no 200) qu'une publication
est faite au public aussitôt qu'un nombre non limité de personnes peut en
prendre connaissance, par hasard. Ce point de vue se rapproche de celui
de la jurisprudence allemande relative au § 186 du Code pénal allemand,
pour laquelle une diffamation est rendue publique "wenn sie von einem
grösseren, individuell nicht begrenzten und durch nähere Beziehung
nicht verbundenen Personenkreis unmittelbar wahrgenommen werden kann"
(cf. Commentaire de SCHÖNKE/SCHRÖDER no 19).

    b) On ne saurait toutefois prendre l'expression "cercle non déterminé
de personnes" au pied de la lettre sans s'exposer à vider de leur substance
les dispositions légales qui font appel à la notion de communication ou
d'annonces faites au public. En effet, les moyens techniques modernes
rendent extrêmement facile, le recourant le dit lui-même, la communication
individualisée d'écrits en réalité destinés à tous: il suffit d'ailleurs
d'ouvrir sa boîte aux lettres pour s'en persuader. Il n'existe dès lors
aucun critère objectif permettant de caractériser la communication
intervenue à titre proprement individuel et personnel lorsqu'elle
touche un grand nombre d'individus. C'est pourquoi la doctrine fait
appel à des critères subjectifs et ne sépare des communications et
annonces faites au public que les "private Mitteilungen und Auskünfte
an einzelne Personen" (THORMANN/VON OVERBECK, n. 5 ad art. 152), les
"communications... à quelques personnes déterminées seulement" (LOGOZ,
n. 2 a, p. 167, ad art. 152), la "private Auskunft an einzelne Personen"
(GERMANN, Verbrechen, n. 4, p. 283, ad art. 152, ainsi que STRATENWERTH,
part. spéc. I p. 248 infra). Une position analogue existe dans la
doctrine italienne relative à l'art. 501 CPI, pour laquelle seule n'est pas
punissable la communication "fatta in via reservata ad una persona o a un
numero ristrettissimo di persone" (ANTOLISEI, Manuale di diritto penale,
part. spéc., t. XV p. 845; V. MANZINI, Trattato, t. VII, no 2439 III
p. 39) et française (cf. Encyclopédie DALLOZ, Droit commercial, vol. 4,
sous "Publicité mensongère" no 14).

    c) Si l'on admet que la notion de "communications et annonces faites
au public" doit être interprétée extensivement, le Conseil fédéral
n'a nullement excédé le large pouvoir d'appréciation qui est le sien
(cf. ATF 101 Ib 144 ss), lorsqu'à l'art. 1 al. 2 OL qui est fondé sur
l'art. 17 al. 4 LCD, il a qualifié d'annonces publiques celles "faites
par le moyen de la presse... de lettres ou cartes répandues dans un
grand cercle d'acheteurs, de journaux destinés à la clientèle... ou par
tout autre procédé approprié". Le recourant ne le conteste d'ailleurs
pas. Or il ressort expressément de cette disposition que l'envoi de cartes
répandues dans un grand cercle d'acheteurs constitue une annonce publique
au même titre que l'envoi de journaux destinés à la clientèle, envoi qui
intervient le plus souvent par la poste et qui nécessite alors l'indication
de l'adresse de chaque destinataire qui est ainsi individualisé. Il
s'ensuit que le fait pour des cartes d'être adressées nommément à des
personnes dont le cercle est strictement délimité par la liste d'adressage
ne leur enlève nullement le caractère d'annonce publique. La circulaire
explicative du 16 avril 1947 (FF 1947 II 73) qui a été publiée en même
temps que l'OL ne permet pas de tirer d'autres conclusions. En effet,
on ne saurait assimiler les lettres ou cartes répandues dans un grand
cercle d'acheteurs à celles "adressées à certains clients personnellement"
qui ne sont pas considérées comme des annonces publiques: les premières
sont, comme en l'espèce, adressées à une clientèle choisie in abstracto,
tandis que les secondes sont envoyées à des clients bien précis, choisis
en fonction de leurs besoins spécifiques et personnels que l'expéditeur
connaît individuellement.

    d) La jurisprudence a jusqu'ici également donné une interprétation
large de l'annonce publique. Ainsi, dans un arrêt Krause du 14 juin 1957,
un envoi par la poste de 50'000 cartes de clients à des destinataires
résidant avant tout dans le canton et la ville de Zurich a-t-il été
qualifié d'annonce publique. De même on peut lire aux ATF 92 IV 149,
en confirmation expresse de l'arrêt qui précède, qu'une telle annonce ne
doit pas nécessairement être adressée au public en général ou à un cercle
indéterminé de personnes, mais qu'elle peut consister en une communication
faite à des personnes déterminées, mais dont le nombre est important,
par exemple à une classe précise de clientèle ou à des clients déjà
connus. Il n'y a aucun motif de revenir sur cette jurisprudence.

    e) Il est vrai que sur les cartes en cause figure la mention
"Personnel, pas transmissible". Ce point est toutefois dénué de toute
pertinence, car le grand nombre même des destinataires (26'000) et
l'impossibilité pratique dans laquelle l'expéditeur se serait trouvé
de vérifier le respect de sa volonté suffit à démontrer que l'on se
trouve devant une véritable clause de style destinée à donner le change
à l'autorité. Comment en effet s'assurer que seul l'un des destinataires
présentera la carte octroyant un rabais de 10% dans l'une des succursales
de la chaîne, si la présentation simultanée d'un document établissant
l'identité du porteur n'est pas exigée? Et comment une telle présentation
pourra-t-elle être exigée si cela n'est pas annoncé sur la carte même? Il
y a lieu de faire application ici mutatis mutandis des considérants émis
aux ATF 92 IV 150 lettre b.

    Le pourvoi doit ainsi être rejeté.