Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 106 IV 161



106 IV 161

49. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 2 mai 1980 dans
la cause G. contre L. (pourvoi en nullité) Regeste

    Art. 27 Ziff. 5 StGB: Berichterstattung über öffentliche Verhandlungen
einer Behörde.

    1. Das der Presse gewährte Privileg findet seine Begründung in
der Öffentlichkeit der Verhandlung, nicht in der parlamentarischen
Immunität. Der Ausnahmecharakter des Art. 27 Ziff. 5 StGB, der dem
gemeinen Recht und insbesondere dem Art. 173 StGB entgegenstehen kann,
verlangt eine restriktive Auslegung (E. 3b).

    2. Der Begriff der Berichterstattung umfasst nicht nur die wörtliche
Wiedergabe der öffentlichen Verhandlung; er schliesst auch Kommentare
und Kritiken ein, deckt aber jene Äusserungen nicht, die aus anderen
Quellen als der öffentlichen Debatte stammen. Schliesslich hat die
Berichterstattung über die Verhandlungen, unter Vorbehalt besonderer
Umstände, nicht in zu grosser zeitlicher Ferne zu erfolgen (E. 4a).

    3. Der Art. 27 Ziff. 5 StGB ist im Gegensatz zu Art. 173 Abs. 2 StGB
1950 keiner Revision unterzogen worden. Daraus ergibt sich, dass die
Berichterstattung wahrheitsgetreu erfolgen muss und es nicht genügt,
wenn der Verfasser sie in guten Treuen für wahr gehalten hat (E. 5d).

Sachverhalt

    A.- Le 13 octobre 1977 a paru dans "Le Nouvelliste et Feuille d'avis du
Valais", sous la signature "NF", dont il n'est pas contesté qu'elle engage
la responsabilité de L., un article portant en caractères gras le titre:
"Une enquête sur la "Commission d'enquête" parlementaire?" Cet article
faisait suite à la désignation d'une Commission d'enquête, par le Parlement
valaisan, le 10 octobre 1977, après la découverte de "l'affaire Savro",
qui avait donné lieu à l'intervention de plusieurs députés. Examinant
l'indépendance des membres de la Commission d'enquête, l'auteur de
l'article se demandait notamment si son président serait à l'aise pour
conduire les investigations au sujet de l'acquisition par l'Etat du
terrain destiné au Collège de Sion, terrain vendu par G., beau-frère dudit
président, dans des conditions qui avaient été critiquées au Parlement
cantonal par le député R. On lit dans cet article le passage suivant:

    "Ces personnes affirment que le nom de l'entreprise G. a été
publiquement
   prononcé par ce député, celui-ci précisant que cette entreprise avait
   acheté du terrain à 210 francs le mètre carré et avait pu le revendre
   ensuite 245 francs à l'Etat. Si donc une enquête devait être menée sur
   ces transactions - dénoncées comme douteuses par le député - est-ce
   que B.  serait à l'aise dans son rôle de Président des enquêteurs
   puisque son épouse est de la famille G.? Renseignements pris à la
   suite de ces observations de correspondants, nous pouvons certifier
   que c'est le député socialiste R. qui a soulevé cette question des
   terrains pour le collège et qu'il a bien parlé d'un "projet bidon" de
   construction qui aurait été déposé antérieurement à la vente à l'Etat
   "pour tromper la Confédération".

    Celle-ci n'aurait pas "marché", et l'Etat du Valais aurait ensuite
acquis
   les terrains à ce prix surfait."

    Les propos qui précèdent ont été critiqués dans un quotidien vaudois,
provoquant une vive controverse. Le "Nouvelliste et Feuille d'avis
du Valais" a apporté sa réplique le 15 octobre 1977 sous l'en-tête
"Commission parlementaire d'enquête sur les affaires. Que cachent ces
éclats de colère?". Dans ce texte, l'auteur se défendait d'avoir voulu
jeter le discrédit sur le Président de la Commission d'enquête en précisant
derechef ce qui suit:

    "S'agissant d'enquêter sur une "affaire" dénoncée au Grand Conseil
par le
   député socialiste R., dans laquelle un membre de la famille du Président
   de la Commission aurait - c'est toujours le Député qui le dit, pas
   nous -

    "tenté de tromper la Confédération par un projet bidon" puis réussi à
   réaliser en peu de temps - ce ne sont pas nos chiffres, mais toujours
   ceux du député socialiste - un bénéfice de 385'000 francs, nous avons
   très exactement demandé si B. serait à l'aise pour conduire de telles
   investigations. A moins de n'avoir aucun sens de la famille, n'est-ce
   pas là une question qui se pose?"

    En réalité, en séance du Grand Conseil du 10 octobre 1977, le député R.
s'était exprimé comme il suit:

    "Mais il y a encore un autre achat de terrains tout aussi scandaleux en
   ville de Sion. Il s'agit de l'achat des terrains pour le collège
   de Sion.

    Et je crois que cela s'est passé en 1971 où le Conseil d'Etat
avait donc
   décidé d'implanter le collège aux Creusets-d'en-Bas. Et il a pris
   contact avec l'un des propriétaires, F., ancien marchand de cycles à
   Sion, et lui a offert le prix qui paraissait à l'époque convenable,
   soit le prix de Fr.

    100.-- le mètre carré. F. ne l'a pas estimé suffisant: il en
demandait Fr.

    110.--. On a paraît-il refusé ce prix et l'affaire en est restée
là. Mais
   cette affaire n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd, et F. a
   flairé une bonne affaire à réaliser. Il s'est mis en contact avec son
   neveu, l'entrepreneur G. à Sion, et il a vendu son terrain à G., en
   1972, pour un prix de Fr. 210.-- le mètre carré et on s'est empressé
   pour faire valoir encore augmenter ce prix du terrain de mettre en
   soumission un projet de construction sur ce terrain. On a posé paraît-il
   des gabarits, présenté une demande d'autorisation de construire à la
   commune de Sion, ce qui a permis pour finir à G. d'obtenir un prix de
   Fr. 245.-- le mètre carré, soit un supplément de Fr. 385'000.-- pour
   le projet de construction qu'il avait présenté et qui était un projet
   bidon. Et en cela j'ai vu la manière de traiter de la Confédération qui
   avait également acheté différents terrains où on avait fait à peu près
   la même manoeuvre pour obtenir un prix plus élevé. Mais la Confédération
   n'a pas marché dans la combine, elle a refusé de traiter à l'amiable;
   elle a mis en action une commission d'expropriation. En fin de compte,
   c'est un prix approchant de la valeur cadastrale qui a été accordé."

    L'intervention susmentionnée a été transcrite au Bulletin des séances
du Grand Conseil avec quelques nuances dans le libellé qui suit:

    "Mais il y a eu encore un autre achat de terrains tout aussi scandaleux
   en ville de Sion. Il s'agit de l'achat des terrains pour le collège de
   Sion.  (Et) Je crois que cela s'est passé en 1971, où le Conseil d'Etat
   avait (donc) décidé d'implanter le collège aux Creusets-d'en-Bas. (Et)
   Il a pris contact avec l'un des propriétaires, F., ancien marchand
   de cycles à Sion, et lui a offert le prix qui paraissait à l'époque
   favorable, soit (le prix de) Fr. 100.-- le mètre carré. F. ne l'a pas
   estimé suffisant; il en demandait Fr. 110.--. On a paraît-il refusé
   ce prix et l'affaire en est restée là. Mais cette affaire n'était pas
   tombée dans l'oreille d'un sourd.  (Et) F. a flairé une bonne affaire
   à réaliser. Il s'est mis en contact avec son neveu, l'entrepreneur
   G. à Sion. (Et) Il a vendu son terrain à G., en

    1972, pour un prix de Fr. 210.-- le mètre carré et on s'est empressé
pour
   (faire valoir encore augmenter ce prix du) valoriser encore ce terrain,
   de mettre en soumission un projet de construction (sur ce terrain). On a
   posé, paraît-il des gabarits; on a présenté une demande d'autorisation
   de construire à la commune de Sion. Ce qui a permis, pour finir, à G.
   d'obtenir un prix de Fr. 245.-- le mètre carré, soit un supplément de

    385'000 francs pour le projet de construction qu'il avait présenté
et qui
   était un projet bidon. (Et en cela j'ai vu la manière de traiter de)
   J'ai eu l'occasion de comparer cette manière de faire avec celle de la

    Confédération qui avait également à acheter (é) différents terrains
(où on
   avait fait) et avait été la victime d'à peu près la même manoeuvre pour
   obtenir un prix plus élevé. (Mais) La Confédération n'a cependant pas
   marché dans la combine, (elle) et a refusé de traiter à l'amiable. Elle
   a mis en action une commission d'expropriation. En fin de compte,
   c'est un prix approchant de la valeur cadastrale qui a été accordé."

    B.- G. ayant déposé plainte le 12 janvier 1978 contre inconnu du
chef des articles parus dans le "Nouvelliste" des 13 et 15 octobre 1977,
L. fut renvoyé en jugement comme prévenu de diffamation, calomnie ou
injure. Il a été acquitté par jugement du 22 novembre 1978.

    Sur appel de G., le Tribunal cantonal du Valais a, le 3 octobre 1979,
confirmé ce jugement, sauf en ce qui concerne les frais qui furent mis
à la charge du fisc.

    G. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il conclut au renvoi
de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle condamne L.

    L'intimé propose de rejeter le pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- a) L'art. 173 CP est applicable en matière de diffamation sans
égard au fait qu'elle a été commise par la voie de la presse (ATF 104 IV
13/14 et les références).

    b) La presse jouit toutefois d'un statut spécial en vertu de l'art. 27
ch. 5 CP aux termes duquel l'auteur du compte rendu véridique des débats
publics d'une autorité n'encourra aucune peine.

    1o La jurisprudence fédérale publiée n'a jamais eu à s'occuper de
cette disposition. Seul un arrêt (ATF 73 IV 27) y fait allusion. Un
seul arrêt non publié, l'affaire Dudli c. Rüger, du 7 avril 1972, pose -
sans la trancher - la question de savoir si une conférence de presse du
gouvernement peut être assimilée aux débats publics d'une autorité.

    La doctrine ne s'est pas non plus beaucoup occupée du sujet. On peut
seulement relever, avec l'arrêt Dudli déjà cité, que l'art. 27 ch. 5 CP
n'a pas été modifié depuis l'entrée en vigueur du CP; qu'il figurait
dans le projet du Conseil fédéral de 1918 et n'a donné lieu à aucune
discussion lors des débats parlementaires; qu'il remonte à une décision
de la IIe Commission d'experts de 1916, qui, après avoir envisagé de
limiter le privilège aux débats des parlements cantonaux et fédéraux,
a renoncé à désigner expressément les corps dont les débats peuvent
faire l'objet de comptes rendus à l'abri de toute sanction pénale; elle
a en effet considéré que l'élément déterminant n'est pas tant la nature
de l'autorité délibérante que le caractère public de sa délibération
(Protocole de la IIe Commission d'experts, Vol. 8 pp. 182-188; vol. 9
pp. 41-44). On en déduit que le privilège de l'art. 27 ch. 5 CP ne dépend
pas de l'immunité parlementaire, mais de la publicité des débats (HAFTER,
AT. p. 139 rem. 2; p. 505; LUDWIG, Schweiz. Presserecht p. 166 ch. I et II;
BÉGUIN, Les délits de presse in "Revue internationale de criminologie",
1963, p. 102).

    2o Quoi qu'il en soit, l'art. 27 ch. 5 CP constitue bien un privilège
en faveur de la presse (cf. REHBINDER, Schweiz. Presserecht, p. 58). Il
permet de propager des imputations contraires à l'honneur, pour peu
qu'elles aient été faites au cours des débats publics d'une autorité. Une
telle propagation suffit dans le droit commun à entraîner l'application
de l'art. 173 CP, comme cela ressort du texte exprès de l'art. 173 ch. 1
al. 2 CP et de la jurisprudence (ATF 73 IV 30 consid. 1; 82 IV 79).

    Le caractère manifestement exceptionnel de l'art. 27 ch. 5 CP implique
toutefois une interprétation restrictive.

Erwägung 4

    4.- Le recourant conteste que l'art. 27 ch. 5 CP puisse trouver
application en l'espèce, parce que selon lui les articles litigieux ne
sont pas des comptes rendus.

    a) Un compte rendu est un exposé, un récit de quelque fait particulier
(QUILLET). ROBERT le définit comme "exposé, rapport, récit, relation",
LITTRÉ comme "récit, exposé d'un fait ou d'une question... exposé d'une
situation, d'un ensemble d'opérations"; et l'Académie: "compte se dit
aussi, figurément, de l'action de rapporter ce qu'on a fait, ce qu'on
a vu et d'en rendre raison, de l'expliquer. Dans ce sens, il s'emploie
ordinairement avec les verbes rendre, devoir, demander". Un compte rendu de
débats ne peut donc avoir pour objet que ces débats eux-mêmes. Mais cela
ne signifie pas nécessairement que le compte rendu doive être un bulletin
sténographique de ce qui s'est dit dans la délibération publique. C'est
encore rendre compte d'un débat que de le commenter, voire de critiquer
les décisions prises. Le Tribunal fédéral l'a admis dans l'arrêt Frey
(ATF 50 I 204) concernant le compte rendu d'une décision judiciaire. De
même dans l'arrêt reproduit aux ATF 64 I 180, après avoir relevé que le
devoir de la presse est de renseigner le public de manière approfondie
sur les faits et les questions d'intérêt général, le Tribunal fédéral
considère: "In den Rahmen dieser Aufgabe fällt zwar gewiss an sich
auch die Berichterstattung über die Strafrechtsprechung der Gerichte,
mit Einschluss einer sachlichen Kritik ihrer Ergebnisse." Ces arrêts ne
sont évidemment pas rendus en application de l'art. 27 ch. 5 CP, comme
leur date l'indique, mais bien de l'art. 55 Cst. dans le cadre duquel
s'inscrit l'art. 27 CP. Mais il ne résulte pas des travaux préparatoires
que cette disposition du CP devait restreindre le champ d'application
jusque là reconnu à l'art. 55 Cst., si bien que ces arrêts sont topiques
pour interpréter la notion de compte rendu au sens de l'art. 27 ch. 5 CP.

    On peut donc admettre que le compte rendu se caractérise en ce
qu'il a pour objet les délibérations publiques d'une autorité, que ces
délibérations soient reproduites telles quelles ou dans leur substance,
en tout ou en partie, ou qu'il s'y ajoute des commentaires sur l'objet
des délibérations et des décisions prises. Lorsque cet objet est donné,
peu importe la forme plus ou moins développée du compte rendu. La forme
ne saurait avoir d'influence sur sa nature.

    En revanche, on n'aura plus affaire à un compte rendu si le journaliste
prend pour objet de son article une personne ou un fait autre que le débat
lui-même ou les décisions qui lui ont servi de conclusions. Si au cours de
cet article ayant un autre objet, il se réfère au débat à titre d'élément
de son exposé ou de sa démonstration, cette référence ne suffit pas à
faire de son article, ayant un autre objet, un compte rendu des débats.

    Il faut remarquer en outre que si dans sa critique ou son commentaire
des débats publics le journaliste fait état d'autres éléments qui lui
sont connus par d'autres sources que le débat public, il n'est plus au
bénéfice de l'art. 27 ch. 5 CP. C'est ce qui ressort de l'arrêt Schärer
(ATF 73 IV 27): le Grand Conseil de Lucerne, en examinant des questions
relatives aux recours en matière fiscale, à l'effet de l'amnistie et
aux conventions fiscales, avait évoqué le cas d'un entrepreneur qui avait
commis des soustractions d'impôt puis qui, au bénéfice de l'amnistie, avait
déclaré une fortune plus de quatre fois supérieure à celle pour laquelle
il avait été taxé d'office et qui avait encore obtenu, en passant dans un
autre canton, un forfait fiscal favorable; il convenait de mettre fin à
des manoeuvres aussi scandaleuses. Le chroniqueur ne s'était pas contenté
de rendre compte de ces débats, mais dans son commentaire avait précisé
le nom de l'entrepreneur en lui reprochant vivement cette conduite. Le
Tribunal fédéral a jugé, en accord avec la juridiction cantonale, que
le journaliste ne pouvait se prévaloir de l'art. 27 ch. 5 CP que pour la
première partie de son article, mais que l'art. 173 CP lui était applicable
pour la seconde.

    Cette distinction est justifiée (SCHWANDER, no 230). En effet, ce qui
fonde le privilège de l'art. 27 ch. 5 CP, c'est que la presse doit pouvoir
renseigner l'opinion publique sur les débats publics des autorités,
auxquels chacun peut théoriquement assister, sans en avoir toutefois
nécessairement le loisir (LUDWIG, Schweiz. Presserecht p. 167). Dans la
mesure où il ajoute des renseignements de son cru, le journaliste ne
place pas le lecteur dans la situation où il se trouverait s'il avait
assisté aux débats publics. Il y ajoute autre chose dont il doit prendre
la responsabilité conformément au droit commun.

    La notion de compte rendu comprend encore un élément chronologique,
en ce sens qu'il ne saurait sauf circonstances spéciales intervenir
trop longtemps après les événements qu'il rapporte et commente. Il n'est
toutefois pas possible de fixer sur ce point une limite générale et la
question n'a pas à être tranchée in casu.

    b) 1o En l'espèce, l'article du 13 octobre 1977 a pour objet de
commenter et de critiquer la décision prise au Grand Conseil le 10
octobre 1977 de désigner B. comme président de la Commission d'enquête.
S'agissant d'un événement important et ouvrant la voie à une procédure
longue, on ne saurait admettre avec le recourant que cet article venait
trop tard pour être encore qualifié de compte rendu. Son objet est bien
une décision prise par le Grand Conseil en séance publique, décision qui
est critiquée et commentée. Les éléments à la base de la critique sont
pris dans le débat lui-même exclusivement, savoir dans l'intervention
qu'y a faite le député R. Contrairement à ce que soutient le recourant,
l'objet de l'article n'est nullement de parler de ses éventuelles
spéculations immobilières. Lesdites spéculations ne sont mentionnées que
comme un élément permettant de faire des réserves sur l'indépendance du
président de la Commission d'enquête. Comme son titre l'indique, l'objet
de l'article incriminé est la désignation de la Commission d'enquête,
en tant que décision prise par le Grand Conseil le 10 octobre 1977. La
qualité de compte rendu doit donc être reconnue à cet article.

    2o En ce qui concerne le second article, du 15 octobre 1977, il a pour
objet de répondre aux critiques soulevées par le premier et de maintenir
le point de vue exprimé précédemment en le justifiant à nouveau par les
mêmes arguments, et en insistant sur le fait que ces arguments sont tirés
du débat parlementaire lui-même, et non pas du cru de l'auteur. Dans
cette mesure, cet article a donc, bien que l'on puisse hésiter, le même
objet que le premier, savoir l'examen critique de la décision prise au
Grand Conseil. A nouveau les spéculations immobilières éventuelles ne
sont mentionnées que pour autant que le député R. en ait réellement fait
état, comme élément pouvant compromettre l'indépendance du président de
la Commission d'enquête. Le second article a donc bien le même objet que
le premier; il est de la même nature et doit aussi être qualifié de compte
rendu. Le fait qu'il intervienne un peu plus tard, mais encore à un moment
où la décision du Grand Conseil faisait l'objet de controverses publiques,
ne saurait en changer la nature. Il ne s'est en effet nullement agi pour
l'auteur d'aller rechercher des fragments d'un débat parlementaire déjà
sorti de la courte mémoire de l'opinion publique pour s'en servir comme
d'un élément parmi d'autres de son article.

Erwägung 5

    5.- A titre subsidiaire, le recourant fait valoir que les comptes
rendus des 13 et 15 octobre 1977 ne sont pas véridiques.

    a) A ce sujet, il est établi en fait que le député R. a accusé le
recourant d'avoir réalisé un bénéfice de 385'000 fr. au préjudice de
l'Etat du Valais en donnant à son terrain une plus-value fictive par un
"projet-bidon". Le député n'a pas accusé le recourant d'avoir essayé d'user
de la même manoeuvre au préjudice de la Confédération. Le recourant fait
donc valoir que le compte rendu n'est pas véridique au sens de l'art. 27
ch. 5 CP dans la mesure où, en plus de la manoeuvre contre l'Etat du
Valais, les articles litigieux évoquent une tentative de tromperie aux
dépens de la Confédération.

    b) L'autorité cantonale a considéré que, le député R. s'étant exprimé
de façon obscure au Grand Conseil le 10 octobre 1977, et le sens de sa
pensée n'ayant été précisé que plus tard, dans le Bulletin des séances du
Grand Conseil, l'intimé, comme d'ailleurs tout auditeur de la séance du
Grand Conseil, avait pu interpréter les déclarations du député en ce sens
que, contrairement à l'administration cantonale, l'administration fédérale
ne s'était pas laissée abuser par les procédés du recourant. Elle en a
déduit que même si les imputations de l'intimé au sujet d'une tentative de
tromperie de la Confédération ne correspondaient pas à ce qui avait été dit
au Grand Conseil, il n'y avait néanmoins pas eu reproduction tendancieuse
des débats ou relation volontairement erronée de leur contenu excluant
l'immunité de l'art. 27 ch. 5 CP.

    c) La doctrine a examiné le problème de la véracité du compte
rendu de débats publics. Elle est unanime à dire que l'exigence de la
vérité ne porte pas sur la reproduction littérale des débats. Il suffit
que le lecteur soit à même de se faire des débats une représentation
correspondant à leur déroulement essentiel (LUDWIG, Die Verantwortlichkeit
des Gerichtsberichterstatters, in Festschrift für Ruck, p. 23; idem,
Schweiz. Presserecht, p. 167 no V). Mais une exposition tronquée
de passages exacts des débats, destinée à en faire voir une image
tendancieuse, ne saurait être qualifiée de véridique (LUDWIG, ibidem;
REHBINDER, Schweiz. Presserecht, p. 58).

    d) La revision de 1950 du CP a comporté notamment une extension
de l'exceptio veritatis au sens de l'art. 173 ch. 2 CP, en ce sens que
l'auteur admis à faire la preuve n'encourt aucune peine non seulement si
ses allégations sont conformes à la vérité, mais encore s'il a des raisons
sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies. Cette extension s'est
imposée notamment pour tenir compte des besoins de la presse (cf. FF
1949 I pp. 1250-1253). Mais l'art. 27 et notamment l'art. 27 ch. 5 CP
n'ont nullement été modifiés par la même occasion. Il reste donc comme
dans le passé que le compte rendu au sens de cette disposition doit être
véridique et que son auteur ne peut se libérer en invoquant le fait qu'il
l'a tenu de bonne foi - mais erronément - pour vrai. Lorsque le privilège
de l'art. 27 ch. 5 CP a été introduit dans le Code pénal militaire où il
est devenu l'art. 26a CPM, il n'a pas non plus été étendu en ce sens qu'au
compte rendu véridique doit être assimilé le compte rendu tenu de bonne foi
pour vrai. La question n'a pas été évoquée (cf. FF 1974 I p. 1401), mais
il est logique que l'art. 27 ch. 5 CP n'ait pas été étendu parallèlement à
la revision de l'art. 173 CP en autorisant, outre la preuve de la vérité,
celle de la bonne foi. En effet, dans le cadre de l'art. 27 ch. 5 CP, la
preuve de la vérité ne porte pas sur la réalité des faits abordés lors
des débats publics de l'autorité, mais uniquement sur la circonstance
formelle qu'ils ont bien été l'objet du débat. Normalement, l'auteur du
compte rendu a assisté au débat public. Il n'est pas concevable qu'il
puisse croire de bonne foi que le débat avait un autre objet que ce n'a
été le cas réellement ou que les participants au débat se sont exprimés
autrement qu'ils l'ont fait en réalité. On ne voit pas comment la bonne
foi du journaliste pourrait être surprise sur ces points là. Il s'ensuit
que si le compte rendu n'est pas véridique, c'est le droit commun qui
s'applique, la preuve de la bonne foi pouvant alors, mais dans ce cadre
seulement, être rapportée conformément à l'art. 173 ch. 2 CP.

    f) En l'espèce, il est bien établi que le député R. a évoqué au Grand
Conseil le cas du recourant auquel il a reproché d'avoir obtenu de l'Etat
du Valais un prix surfait pour son terrain en le valorisant faussement
par un projet de construction imaginaire. Sur ce point, l'art. 27 ch. 5
CP est sans aucun doute applicable et le recourant n'en conteste pas
l'application. La question de la vérité du compte rendu ne se pose que
pour les éléments complémentaires des articles litigieux, d'où il ressort
qu'avant de réussir à tromper l'Etat du Valais, le recourant avait tenté de
tromper la Confédération, laquelle avait déjoué sa manoeuvre. Sur ce point,
le compte rendu n'est pas conforme à la vérité, car le député R. a dit
ou voulu dire que la Confédération a su déjouer une manoeuvre semblable,
dont il n'a pas affirmé qu'elle émanait du recourant. Il n'a nullement
affirmé que celui-ci avait tenté d'user de sa manoeuvre à l'égard de
la Confédération.

    Certes, l'autorité cantonale a considéré que les déclarations du
député pouvaient prêter à confusion et que le public du Grand Conseil,
tout comme les journalistes, ne disposait pas d'un texte revu et dont
la syntaxe avait été raffermie; que devant se contenter de saisir les
propos du député, ce qui était malaisé en raison de leur ambiguïté,
ils pouvaient normalement les comprendre en ce sens que non seulement
l'Etat du Valais s'était laissé abuser, mais qu'il n'avait même pas su
recourir aux moyens dont avait usé la Confédération pour faire échouer
la manoeuvre dirigée contre elle dans les mêmes circonstances.

    Mais l'intimé est allé plus loin que de rapporter des déclarations mal
comprises dans un sens erroné. A plusieurs reprises dans ses articles, il
use de guillemets, laissant entendre par là qu'il reprend les paroles mêmes
du député. Or cela est inexact dans la mesure où cet orateur n'a jamais
dit que le recourant avait recouru à un projet factice "pour tromper la
Confédération" (article du 13 octobre 1977), ni qu'il avait "tenté de
tromper la Confédération par un projet bidon" (article du 15 octobre
1977). Un journaliste sérieux ne saurait imputer à un orateur, en les
mettant entre guillemets et en prétendant ainsi les citer textuellement,
des paroles que cet orateur n'a pas prononcées. Un tel procédé est
contraire à la vérité.

    Dans cette mesure, c'est à bon droit que le recourant reproche aux
juges cantonaux une fausse application de l'art. 27 ch. 5 CP.