Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 106 II 29



106 II 29

6. Arrêt de la Ire Cour civile du 10 avril 1980 dans la cause Brown contre
Kyriakidou (recours en réforme) Regeste

    Rückerstattungsanspruch aus ungerechtfertigter Bereicherung (Art. 62
OR).

    Kein Anspruch gegen jemanden, der eine Zuwendung gutgläubig und
gestütz auf einen gültigen Grund von einem Dritten erhalten hat. Auch
wenn der Dritte die erforderlichen Mittel durch unerlaubte Handlung zum
Nachteil des Klägers erlangt hat, verhält es sich nicht anders (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Au début de l'année 1975, Victoria Brown, titulaire d'un compte
auprès de l'Union de banques suisses à Genève, donna procuration à Roger
Meylan pour la représenter envers la banque.

    Roger Meylan était depuis plusieurs années en relations d'affaires
avec Maria Kyriakidou qui lui livrait régulièrement des marchandises. En
septembre 1975, Maria Kyriakidou remit ou fit livrer divers objets
à Meylan. Le 26 septembre, Meylan donna à l'Union de banques suisses
l'ordre de virer 21'259 dollars du compte de Victoria Brown à celui de
Maria Kyriakidou. L'avis de crédit remis à la bénéficiaire ne mentionnait
ni le nom du donneur d'ordre, ni le numéro de son compte.

    En décembre 1976, Victoria Brown fit séquestrer les avoirs de Maria
Kyriakidou à l'Union de banques suisses, à Genève. Elle valida le séquestre
par une poursuite qui fut frappée d'opposition.

    B.- Le 28 mars 1977, Victoria Brown a ouvert action en validation du
séquestre contre Maria Kyriakidou. Elle a conclu au paiement de 53'147
fr. 50 avec intérêt à 5% l'an à compter du 29 septembre 1975.

    Le Tribunal de première instance de Genève l'a déboutée par jugement
du 23 juin 1978.

    Statuant sur appel le 30 novembre 1979, la Cour de justice du canton
de Genève a confirmé sur le fond le jugement de première instance et
compensé les dépens des deux instances.

    C.- La demanderesse a interjeté un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Elle reprend les conclusions formulées en procédure cantonale.

    La défenderesse et intimée propose le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La demanderesse fonde son action sur l'art. 62 CO. Elle soutient
que la défenderesse s'est enrichie à ses dépens, sans cause légitime,
grâce au transfert de fonds opéré sur l'ordre de Roger Meylan. La
défenderesse admet n'avoir eu avec la demanderesse aucune relation
juridique qui justifiât le virement en cause. Toutefois, l'avantage qu'elle
en a tiré n'est à son avis pas dénué de cause légitime, puisque l'ordre
litigieux a été donné et exécuté en paiement d'une dette que Meylan avait
contractée envers elle. De plus, le détournement commis au préjudice
de la demanderesse n'aurait profité qu'à son auteur. Elle-même n'aurait
bénéficié qu'indirectement, en toute bonne foi, du fait que Meylan s'est
procuré au détriment de sa mandante les fonds dont il avait besoin pour
faire face à ses obligations.

Erwägung 2

    2.- Celui qui agit en restitution de l'enrichissement illégitime doit
établir que l'avantage obtenu à ses dépens est dépourvu de cause légitime
(art. 8 CC). Comme le demandeur doit apporter la preuve d'un fait négatif,
les règles de la bonne foi obligent le défendeur à coopérer à la procédure
probatoire, notamment en offrant la preuve du contraire (ATF 100 Ia 15
s. consid. 4a; 98 II 243 consid. 5).

    La cour cantonale a jugé sur le vu des preuves administrées que
la défenderesse a fourni des prestations à Meylan, qu'elle a rendu
plausible sa qualité de créancière et qu'elle n'a pas été surprise par
le paiement reçu le 29 septembre 1975. Les griefs que la demanderesse
articule contre ces constatations de faits sont irrecevables en instance
de réforme (art. 55 al. 1 lettre c, art. 63 al. 2 OJ). La cour cantonale
a estimé ne pouvoir écarter la thèse d'un ordre de virement donné par
Meylan pour payer sa dette envers la défenderesse, dont elle a admis la
bonne foi. La cour cantonale n'a violé aucune règle du droit fédéral en
constatant l'échec de la preuve qui incombait à la demanderesse.

Erwägung 3

    3.- La demanderesse soutient que la défenderesse a obtenu à ses dépens
un avantage que ne justifiait pas sa créance contre Meylan, l'existence
et le montant en fussent-ils établis. Elle estime que le paiement dont
elle demande restitution a passé directement de son patrimoine à celui
de la défenderesse, sans entrer dans le patrimoine de Meylan.

    L'action en restitution ne peut être intentée qu'à celui qui s'est
enrichi sans cause légitime aux dépens du demandeur (art. 62 CO). Elle
ne saurait porter sur une prestation que le défendeur a reçue de bonne
foi d'un tiers, en vertu d'une cause valable. Il n'en va pas autrement
lorsque le tiers s'est procuré les fonds nécessaires au paiement par
un acte illicite commis au détriment du demandeur. L'avantage que le
défendeur tire de la prestation lui est en effet procuré directement
aux dépens de son débiteur, et indirectement à ceux du demandeur. Le
patrimoine mis à contribution n'est donc pas celui du demandeur, mais
celui du tiers débiteur, auquel le demandeur doit s'adresser (ATF 87 II
18 ss; VON CAEMMERER, in Gesammelte Schriften, tome 1, p. 387 s.; CARRY,
Les conditions générales de l'action en enrichissement illégitime en droit
suisse, p. 80 ss; SOERGEL/SIEBERT, 10e éd., n. 40 ss ad par. 812 BGB).
Lorsqu'il a reçu un bien comme prestation fournie par un tiers en vertu
d'un titre juridique valable, le défendeur peut en outre objecter que,
s'il est enrichi, il ne l'est pas sans cause légitime (ATF 99 II 134
s. consid. 2; 97 II 71 consid. 4b; BUSSY, Etude sur les conditions
générales de l'enrichissement illégitime en droit suisse, p. 101 s.;
VON TUHR/PETER, Allg. Teil, tome 1, p. 517). Il est d'ailleurs douteux
que le défendeur soit réellement enrichi lorsque la prestation éteint sa
créance contre le tiers.

    En l'espèce, la banque a opéré le virement au moyen d'un avis de
crédit qui ne mentionnait ni le nom du donneur d'ordre, ni le numéro de
son compte. Aucun indice ne permettait à la défenderesse de penser que
le paiement fût fait pour le compte d'une personne autre que Meylan. Les
parties n'ont d'ailleurs pas allégué que ce dernier eût agi envers la
défenderesse comme représentant de la demanderesse. La défenderesse
était donc en droit de voir dans l'avis de crédit une prestation de
son débiteur. Cette prestation reposait sur un titre juridique valable,
soit l'exécution d'obligations contractées antérieurement.

    La défenderesse n'est en outre pas enrichie directement aux dépens de
la demanderesse, mais d'un tiers, Roger Meylan. L'avantage qu'elle a tiré
du paiement de Meylan n'est certes pas sans lien avec l'appauvrissement
incontestable de la demanderesse. Toutefois, Meylan s'est seul enrichi
directement en s'appropriant les fonds de sa mandante, c'est-à-dire en
les utilisant comme provision pour le paiement de ses propres dettes.

    L'action est partant mal fondée.