Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 106 IA 65



106 Ia 65

15. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 5 mars 1980
dans la cause Joseph Dumas contre Conseil d'Etat du canton du Valais
(recours de droit public) Regeste

    Art. 4 BV; formelle Rechtsverweigerung begangen durch die
Qualifizierung einer kantonalen öffentlich-rechtlichen Streitigkeit als
zivilrechtliche.

    1. Rechtsnatur der enteigneten Restteile und Grenzparzellen i.S. von
Art. 53 des Walliser Strassengesetzes vom 3. September 1965 (E. 2).

    2. Begriff der Entscheidung im öffentlich-rechtlichen
Sprachgebrauch. Die Bewilligung oder Verweigerung eines Abtretungsgesuchs
gemäss Art. 53 Strassengesetz ist eine Verwaltungsverfügung i.S. von
Art. 5 des Walliser Gesetzes über das Verwaltungsverfahren und die
Verwaltungsrechtspflege (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Aux termes de l'art. 53 de la loi valaisanne sur les routes du
3 septembre 1965 (LR), les excédents et parcelles attenants expropriés
peuvent, si l'autorité compétente ne juge pas nécessaire de les incorporer
au domaine public, être rétrocédés à des tiers par le Département des
travaux publics ou le conseil communal soit dans le cadre de la procédure
d'abornement, soit après l'achèvement de cette procédure.

    Par décisions des 12 septembre et 27 octobre 1977, le Chef du
Département cantonal des travaux publics a rejeté une demande de Joseph
Dumas, à Salins, fondée sur la disposition précitée et visant à obtenir
l'attribution du solde d'une parcelle (no 8 a4) qui avait été expropriée
à un voisin, Robert Beytrison, dans le cadre des travaux de correction
de la route Salins-Les Agettes. Le Chef du Département s'était référé
notamment à un rapport du Service cantonal des ponts et chaussées du 20
octobre 1977, qui soulignait l'intérêt public important à maintenir dans
le domaine public la parcelle en question.

    C'est sur la base de ce même rapport que le Conseil d'Etat valaisan a
rejeté, le 15 juin 1978, deux recours formés par le requérant à l'encontre
des décisions prises par le Chef du Département des travaux publics.

    Dumas a recouru au Tribunal administratif cantonal contre la décision
du Conseil d'Etat, mais son recours a été déclaré irrecevable par
arrêt du 1er mai 1979, en bref pour les motifs suivants: les excédents
de parcelles expropriés, mais non utilisés pour les travaux routiers,
appartiennent au patrimoine financier de l'Etat, pour autant qu'ils ne
sont pas incorporés au domaine public de celui-ci. Dès lors, les actes de
disposition dont ils sont l'objet restent soumis au régime du droit civil
fédéral, même si la constitution cantonale les subordonne à l'approbation
du Grand Conseil (art. 44 ch. 13). Etant de droit privé, la contestation
qu'élève Dumas dans le cas particulier doit par conséquent être tranchée
par les tribunaux civils.

    Contre l'arrêt du Tribunal administratif, Dumas a interjeté un recours
de droit public, dans lequel il fait notamment valoir que c'est à tort
que l'autorité cantonale n'est pas entrée en matière sur son recours et
a renvoyé les parties devant les tribunaux civils. Le Tribunal fédéral a
admis le recours de droit public, dans la mesure où il était recevable,
et a annulé l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Pour justifier sa décision d'irrecevabilité, le Tribunal
administratif cantonal a considéré tout d'abord que le bien-fonds
convoité par Joseph Dumas, soit le solde de la parcelle no 8 a4,
n'avait fait l'objet d'aucun acte formel ou matériel d'affectation à
l'accomplissement d'une tâche publique. Cela étant, ce terrain devait
appartenir au patrimoine financier de l'Etat, nonobstant le fait que la
parcelle en question avait été acquise par expropriation. On ne saurait
suivre la juridiction cantonale dans ce raisonnement.

    a) L'expropriation constitue un acte de droit public dont la
finalité tend à remettre à l'expropriant la pleine disposition des droits
existant sur un fonds et qui lui sont nécessaires pour la réalisation
de l'ouvrage projeté, tel que la construction de bâtiments publics, de
routes, d'hôpitaux, etc. L'expropriation a donc pour but de transférer à
l'expropriant la propriété d'un bien ou d'un fonds, naturellement contre
paiement d'une indemnité pleine et entière, sur la base d'une procédure
fixée par la loi. C'est plus précisément un acte étatique destiné à
permettre la réalisation d'une entreprise de caractère public. De plus,
l'expropriation est un mode d'acquisition originaire de la propriété,
dont le transfert à l'expropriant s'opère avant l'inscription au registre
foncier et est indépendant de cette inscription (art. 656 al. 2 CC). Par
ailleurs, ce n'est pas le Code civil qui détermine le moment où l'objet
de l'expropriation passe à l'expropriant, mais le droit d'expropriation
fédéral et cantonal. A cet égard, on admet généralement que le transfert de
propriété s'effectue juridiquement au moment du paiement de l'indemnité,
sans inscription au registre foncier. Dans le cas d'envoi en possession
anticipé, le transfert peut déjà intervenir au moment de l'envoi
en possession, sous réserve de dispositions légales particulières
(IMBODEN/RHINOW, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, II, no 126,
B VI). Sur ce point, la loi valaisanne du 1er décembre 1887 concernant
les expropriations pour cause d'utilité publique (LEx) dispose, à son
art. 25 al. 1, que la prise de possession a lieu de plein droit dès que
le paiement de l'indemnité a été effectué à l'intéressé.

    b) En l'espèce, la parcelle no 8 a4, qui appartenait à Robert
Beytrison, a fait l'objet d'une expropriation totale par l'Etat du Valais
dans le cadre des travaux de correction et d'agrandissement de la route
Salins-Les Agettes. Elle a donc été expropriée pour cause d'utilité
publique au sens des art. 1er et 3 LEx. Selon cette dernière disposition,
sont en effet considérés comme d'utilité publique tous les travaux d'un
intérêt général, tels que l'établissement et les corrections de routes
classées. De plus, conformément à ce qui a été exposé ci-dessus, c'est
au moment de l'envoi en possession, en tout cas au moment du paiement
de l'indemnité (art. 25 al. 1 LEx), que le transfert de propriété, de
Beytrison à l'Etat du Valais, a été réalisé.

    La parcelle ainsi expropriée n'a cependant pas été entièrement utilisée
pour la correction de la route précitée. Est resté un excédent d'environ
300 m2 que le Département des travaux publics a envisagé tout d'abord de
rétrocéder à un tiers ou à son ancien propriétaire. Toutefois, constatant
par la suite qu'il s'agissait d'un excédent pouvant servir non seulement à
un élargissement futur de la route, avec possibilité d'aménager une place
d'arrêt pour le car postal, mais également, pour l'immédiat, à entreposer
des machines et du matériel d'entretien de la route, le Chef du Département
décida, sur la base d'un rapport du 20 octobre 1977 du Service des ponts
et chaussées, de refuser la rétrocession de l'excédent en question et
de le maintenir dans le domaine public. Il faut reconnaître en fait
que non seulement la route comme telle, à partir de sa mise en service,
a été incorporée au domaine public, mais aussi les terrains qui ont été
expropriés pour permettre sa transformation et sa correction. Ces terrains
ont servi exclusivement et directement à l'exécution d'une tâche de droit
public. Par l'expropriation, ils ont été mis à la pleine disposition de
l'expropriant, qui en avait besoin pour la correction et l'exploitation
de l'ouvrage public projeté. Ces fonds ont donc été soustraits à l'empire
du droit privé et sont devenus des biens du patrimoine administratif de
l'Etat, dès le moment où a commencé leur destination publique. L'excédent
litigieux fait partie de ces fonds; étroitement lié à la route, il doit
servir à la réalisation des tâches d'entretien qui incombent à l'Etat du
fait de cet ouvrage.

    C'est dès lors à tort que le Tribunal administratif cantonal soutient
une opinion contraire et prétend que ce solde de parcelle n'a pas fait
l'objet d'un acte d'affectation au domaine public et appartiendrait ainsi
au patrimoine financier de l'Etat.

Erwägung 3

    3.- La juridiction cantonale soutient en outre que, dans le cas
particulier, le Département des travaux publics n'aurait pas pu rendre une
décision au sens des art. 1er de l'arrêté du 11 octobre 1966 concernant la
procédure administrative par-devant le Conseil d'Etat et ses départements
(APA) ou 5 de la loi du 6 octobre 1976 sur la procédure et la juridiction
administratives (LPJA).

    Dans le langage du droit public, le mot "décision" au sens large
vise habituellement toute résolution que prend une autorité et qui est
destinée à produire un certain effet juridique ou à constater l'existence
ou l'inexistence d'un droit ou d'une obligation; au sens étroit, c'est
un acte qui, tout en répondant à cette définition, intervient dans un
cas individuel et concret (ATF 99 Ia 520).

    Selon le Tribunal administratif, le Département aurait tout au plus
fait part à Dumas, au nom de l'Etat, d'une manifestation de volonté au
sens de l'art. 1er CO. Cette opinion pourrait à la rigueur se défendre
si la parcelle en cause était un bien du patrimoine financier ou privé
de l'Etat, comme le prétend la juridiction cantonale. Mais, même dans ce
cas, il ne s'agirait pas d'une manifestation de volonté au sens du droit
civil, car, en vertu de la jurisprudence, la déclaration de volonté de
l'autorité qui entraîne la conclusion d'un contrat de droit privé est un
acte administratif au sens large du terme et appartient au droit public,
dans la mesure où celui-ci détermine l'autorité compétente pour faire
la déclaration (ATF 89 I 258). En réalité, la disposition de l'art. 53
LR ici en cause, qui permet au Département de céder les excédents de
terrains expropriés, implique, semble-t-il, de manière sous-entendue,
une désaffectation préalable de ceux-ci, acte qui relève sans aucun
doute du droit public (cf. GRISEL, Droit administratif suisse, p. 292).
Il en va de même du refus de céder signifié en vertu de cette même
disposition, l'autorité compétente estimant justifié dans ce cas de
maintenir l'affectation des excédents au domaine public.

    Dans sa décision du 27 octobre 1977, le Chef du Département des travaux
publics s'est référé expressément à l'art. 53 LR pour refuser de céder
la parcelle litigieuse au recourant. Il était au demeurant compétent pour
prendre une telle décision, puisqu'en vertu des art. 228 al. 2 et 229 LR,
le Département cantonal des travaux publics est autorité de surveillance
des voies publiques cantonales.

    C'est donc exclusivement en vertu du droit public cantonal que le Chef
du Département a procédé à l'examen de la requête de Dumas, pour aboutir
à la conclusion que l'intérêt public impliquait le refus de "rétrocéder"
la parcelle réclamée et, partant, le rejet de ladite requête. Ainsi,
ce n'est pas en tant que sujet de droit privé, mais bien comme détenteur
de la puissance publique qu'il a signifié ce refus au recourant dans sa
décision du 27 octobre 1977. Cette dernière constitue sans aucun doute
une décision administrative au sens des art. 1er APA et 5 LPJA et, comme
telle, elle a pour objet le rejet d'une demande tendant à créer des droits
ou des obligations (art. 5 al. 1 lettre c LPJA, qui n'est d'ailleurs que
la transcription de l'art. 5 al. 1 lettre c PA). Il en est rigoureusement
de même de la décision du Conseil d'Etat rendue le 15 juin 1978, ce dernier
agissant comme autorité administrative de recours au sens de l'art. 233 LR.

    On constate en conséquence que toute la procédure ayant opposé
le recourant à l'Etat du Valais s'est déroulée dans le cadre du droit
administratif cantonal. Fondée sur l'art. 53 LR, cette procédure devait
aboutir à une décision qui statue de manière définitive sur la question de
savoir si l'excédent de terrain litigieux devait ou non être désaffecté
au profit du recourant. Ce dernier pouvait donc prétendre à ce que cette
question soit définitivement tranchée au sein d'une même procédure. A cet
égard, on ne voit d'ailleurs pas bien quelles prétentions pourrait faire
valoir le recourant dans le cadre d'une action civile, ni quel serait le
fondement d'une telle action.

    Il faut dès lors admettre qu'en se déclarant incompétent et en
renvoyant les parties à agir devant les tribunaux civils, le Tribunal
administratif cantonal a commis un déni de justice et a violé de ce
fait l'art. 4 Cst. Sa décision d'irrecevabilité doit par conséquent être
annulée, le dossier étant renvoyé à la juridiction cantonale afin qu'elle
entre en matière sur le recours de Dumas du 7 juillet 1978 dirigé contre
la décision du Conseil d'Etat du 15 juin 1978.