Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 105 V 241



105 V 241

52. Extrait de l'arrêt du 14 novembre 1979 dans la cause D. contre Caisse
cantonale genevoise de compensation et Commission cantonale genevoise de
recours en matière d'AVS Regeste

    Art. 1 Abs. 1 lit. a und Art. 3 Abs. 2 lit. b AHVG.  Unterstellung
und Befreiung einer in der Schweiz wohnhaften, nicht erwerbstätigen
Schweizerin, deren ausländischer Ehemann der AHV nicht angehört.

    Art. 10 AHVG und 28 f. AHVV. Bemessung der von einer solchen
Versicherten geschuldeten Beiträge.

Sachverhalt

                       Résumé des faits:

    Raymond D., né à Genève, a versé des cotisations à l'AVS suisse
jusqu'au 11 mars 1957. Entré à cette date au service de l'Organisation
européenne pour la recherche nucléaire (CERN), il cessa de cotiser. Le 27
juin 1975, il demanda d'être réaffilié à l'AVS; cela lui fut refusé, parce
qu'il était un étranger bénéficiant d'exemptions fiscales particulières au
sens de l'art. 1er al. 2 let. a LAVS. Le Tribunal fédéral des assurances
confirma ce refus dans un arrêt du 22 septembre 1977.

    De son côté, Nelly D., son épouse, qui avait elle aussi cotisé avant
et durant son mariage, avait demandé conjointement avec son mari d'être
réintégrée dans l'AVS. La Caisse cantonale genevoise de compensation
le lui refusa par décision du 28 janvier 1976; elle considéra qu'en
qualité d'épouse suisse d'un fonctionnaire international étranger
la requérante n'avait ni l'obligation ni la possibilité de cotiser
aux assurances sociales suisses AVS/AI/APG, alors qu'elle n'exerçait
pas d'activité lucrative. Statuant sur un recours de la prénommée,
la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS annula
le 8 septembre 1976 la décision précitée, dit que la recourante avait
la qualité d'assurée et invita la caisse de compensation à fixer les
cotisations dues par l'intéressée comme personne sans activité lucrative.

    Dans une lettre du 5 novembre 1976, la caisse de compensation,
afin de déterminer la cotisation de Nelly D., lui demanda quelle était
sa fortune personnelle en date des 1er janvier 1974, 1975 et 1976,
ainsi que le montant brut des salaires touchés par son mari pour les
années 1973 à 1976. L'assurée répondit qu'elle ne possédait aucune
fortune et, quant au traitement de son époux, elle invita la caisse à se
renseigner directement auprès de ce dernier. La caisse somma Nelly D.,
le 21 juin 1977, de lui fournir dans les dix jours les renseignements
qui permettraient d'établir ses conditions sociales, conformément à
l'art. 10 LAVS, à savoir les salaires du mari de 1973 à 1976, faute de
quoi elle serait taxée d'office. La prénommée refusa de donner suite à
cette injonction. Passant à la taxation d'office, la caisse de compensation
évalua à 40'000 fr. par an le traitement de Raymond D., estima que celui-ci
devait en consacrer la moitié à l'entretien de sa femme; elle évalua
donc à 20'000 fr. le revenu acquis par l'assurée sous forme de rente et
à 600'000 fr. (20'000 fr. x 30) le montant déterminant les cotisations,
qu'elle fixa par trois décisions du 1er août 1977.

    Nelly D. recourut contre les actes administratifs précités.

    Le 13 octobre 1978, la Commission cantonale genevoise de recours en
matière d'AVS admit partiellement le recours. Elle enjoignit à la caisse
de compensation de traiter comme revenu déterminant de la recourante 40%
et non la moitié du salaire supposé du mari, donc 16'000 fr. au lieu de
20'000 fr.

    Agissant au nom de l'assurée, Me J. a formé en temps utile un recours
de droit administratif contre le jugement cantonal. Il conclut à ce que
le Tribunal fédéral des assurances annule les décisions attaquées et à
ce qu'il prononce que la recourante doit, pour les années 1973 à 1977 et
aussi longtemps qu'elle n'aura pas une activité lucrative, uniquement la
cotisation AVS/AI/APG minimale.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Suivant le jugement du 8 septembre 1976 de la Commission cantonale
genevoise de recours en matière d'AVS, qui n'a pas fait l'objet d'un
recours, la Suissesse domiciliée en Suisse qui n'exerce pas d'activité
lucrative et dont le mari étranger n'est pas affilié à l'AVS/AI/APG y
est affiliée, elle, obligatoirement en vertu de l'art. 1 al. 1 let. a
LAVS. Comme elle n'est pas l'épouse d'un assuré, l'art. 3 al. 2 let. b
LAVS ne la dispense pas de cotiser. Ce jugement n a à juste titre pas
été déféré au Tribunal fédéral des assurances, car il était à l'évidence
fondé au regard du texte clair de la loi. Semblable solution est au
demeurant justifiée, si l'on pense au sort réservé aux épouses sans
activité lucrative dans le domaine de l'assurance facultative.

Erwägung 2

    2.- En vertu de l'art. 10 al. 1 LAVS, les assurés n'exerçant aucune
activité lucrative paient une cotisation de 168 à 8'400 fr. par an "suivant
leurs conditions sociales". Ces montants étaient de 78 à 7'800 fr. de
1973 à 1978. L'art. 10 al. 3 LAVS délègue au Conseil fédéral la compétence
d'édicter des règles plus détaillées sur le calcul des cotisations. C'est
ce que l'autorité exécutive a fait au moyen des art. 28 à 30 RAVS. Elle
y concrétise la notion des conditions sociales en prescrivant de fixer
les cotisations sur la base de la fortune et du revenu annuel acquis
sous forme de rente multiplié par 30 (art. 28 al. 1 RAVS). Le Tribunal
fédéral des assurances a toujours admis la légalité de cette solution (voir
p. ex. RCC 1965, p. 93, 1969, p. 340; voir aussi ATF 99 V 145, 100 V 26,
202, 101 V 177, 103 V 49, 104 V 181; RCC 1975, p. 29). La notion de rente
doit être interprétée ici dans le sens le plus large: ce qui est décisif,
c'est que les prestations en cause influencent les conditions sociales
d'une personne sans activité lucrative (RCC 1975, p. 29).

    La Cour de céans n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur le rapport
qui peut exister entre le revenu et la fortune du mari, d'une part, et
les conditions sociales - au sens de l'art. 10 al. 1 LAVS - de l'épouse,
d'autre part. Elle n'a statué que dans la situation inverse, et dit
que la base de calcul des cotisations personnelles AVS/AI/APG dues par
le mari sans activité lucrative s'étend aussi à la fortune de l'épouse
(voir p. ex. ATF 103 V 49; RCC 1969, p. 340, 1977, p. 402), fût-elle
mariée sous le régime de la séparation de biens (ATF 103 V 49; 98 V 92;
RCC 1977, p. 402), cela même s'il se refuse à en tirer profit (ATF 103
V 49). Elle comprend en outre la fortune des enfants mineurs et leurs
revenus (ATF 103 V 49; 101 V 177).

    Jusqu'ici, le Tribunal fédéral des assurances n'a pas non plus examiné
si le salaire du conjoint doit influer sur les conditions sociales de
l'assuré sans activité lucrative.

Erwägung 3

    3.- En l'occurrence, la caisse de compensation a fixé d'office le
montant du salaire du mari de la recourante, parce qu'elle ne pouvait
obtenir ce renseignement ni de cette dernière ni des autorités fiscales
(art. 29 al. 2 RAVS). L'intéressée ne conteste pas devant le Tribunal
fédéral des assurances la légitimité d'une taxation d'office. Elle n'a
jamais allégué que le montant de cette taxation fût excessif.

    Le présent litige soulève dès lors trois problèmes: la fortune et
le revenu du mari doivent-ils influer sur le calcul de la cotisation
de l'épouse sans activité lucrative, valablement affiliée à l'assurance
comme il a été dit plus haut? Si oui, le salaire du mari est-il compris
dans ledit revenu? Si oui, dans quelle proportion cet élément doit-il
être porté en compte? Vu leur importance, ces questions ont été soumises
à la Cour plénière, qui les a tranchées comme il sera exposé ci-après.

Erwägung 4

    4.- Puisque les biens de l'épouse et ses revenus acquis sous forme de
rente doivent être pris en considération pour arrêter la cotisation du mari
sans activité lucrative, il est logique d'admettre la réciproque, à savoir
que les biens du mari et ses revenus acquis sous forme de rente entrent
dans le calcul de la cotisation de l'épouse sans activité lucrative. Car,
dans les deux cas, la situation sociale du conjoint sans activité est
influencée par les biens et revenus dont dispose l'autre conjoint.

Erwägung 5

    5.- a) Plus délicate est la question de l'inclusion du salaire de
l'époux actif dans le calcul de la taxation de l'épouse non active.
Aux termes de la disposition sous chiffre marginal 269 des Directives
de l'Office fédéral des assurances sociales sur les cotisations des
travailleurs indépendants et des non-actifs, les revenus acquis sous
forme de rente comprennent les revenus périodiques acquis en Suisse et à
l'étranger qui ne sont ni le produit d'un travail ni le rendement d'une
fortune. L'énumération, à vrai dire exemplaire, qu'on trouve sous chiffre
270 ne mentionne pas le produit du travail du conjoint. Pourtant, dans
sa réponse au présent recours, ledit office propose de tenir compte du
salaire du mari de la recourante pour fixer la cotisation AVS de cette
assurée. La contradiction entre cette proposition et les directives
susmentionnées n'est qu'apparente: ces dernières se placent du point de
vue des revenus périodiques dont jouit l'assuré sans activité lucrative
qui ont une autre source que l'entretien et le confort qu'apporte le
conjoint. La prise en considération de cette dernière source de "revenu"
provient plutôt de la pratique et de la jurisprudence. Or, dès l'instant
où l'on admet que la personne mariée retire, dans le cours normal des
choses, un avantage de la fortune et des revenus du conjoint et qu'on
décide d'inclure cet avantage dans sa taxation AVS d'assuré sans activité
lucrative, il est équitable de tenir compte du salaire du conjoint actif,
non point directement mais indirectement, en vue d'évaluer la capacité
de ce dernier de contribuer aux "conditions sociales" de l'assuré (RCC
1975, p. 29, déjà cité). Du moins en est-il ainsi lorsque, comme en
l'espèce, seul le salaire de l'époux détermine les conditions sociales
de la femme, en l'absence de toute fortune et de tout revenu autre que
celui du travail. Sinon, par exemple, l'épouse suisse sans activité ni
fortune d'un haut fonctionnaire international, assuré ailleurs qu'en
Suisse, lui-même sans fortune avouée et sans autre revenu déclaré que
son traitement, pourrait obtenir le bénéfice de l'AVS suisse moyennant la
cotisation quasiment symbolique exigée des affiliés les plus déshérités. Il
n'y a pas lieu de décider aujourd'hui ce qu'il serait advenu si l'époux
de la recourante avait joui d'une fortune à côté de son salaire.

    b) La recourante invoque certes, à l'encontre de la mise en compte
du salaire de son mari, notamment les objections ci-après:

    En vertu de l'art. 28 al. 2 RAVS, le revenu acquis sous forme de
rente ne devrait être pris en considération que lorsque l'intéressé
dispose aussi d'une fortune. - C'est en effet ce qu'exprime la lettre
de la disposition. Mais le Tribunal fédéral des assurances a toujours
étendu l'application de cette dernière aux personnes qui ne disposent
pas de fortune mais seulement d'un revenu acquis sous forme de rente
(voir p. ex. ATFA 1949, p. 175, 1952, p. 183, 1956, p. 113, RCC 1958,
p. 66, modifié sur une autre question par RCC 1959, p. 398; ATF 99 V
145). Bien que ces arrêts ne justifient pas l'interprétation qu'ils
donnent de l'art. 28 al. 2 RAVS, il faut les confirmer. Il serait en
effet contraire à l'art. 10 LAVS que de tenir les revenus comme dépourvus
d'effet sur les conditions sociales des personnes sans fortune.

    L'épouse qui travaille uniquement au ménage devrait cotiser sur la
valeur de ce travail et non sur celle du travail de son mari. - Mais,
dans le système de l'AVS et de l'AI, la ménagère est réputée personne
sans activité lucrative (art. 5 al. 1 et 28 al. 3 LAI, 27 RAI). Il est
donc exclu, quelles que soient les circonstances, qu'elle cotise sur la
valeur de son travail ménager.

    La ménagère mariée n'est pas soumise aux impôts communaux et
cantonaux. - Mais c'est aussi le cas, le plus souvent, de la femme mariée
qui exerce une activité lucrative, dans ce sens qu'elle ne constitue pas
un sujet distinct de droit fiscal. Au demeurant, la notion AVS du revenu
sous forme de rente ne correspond pas forcément à celle du fisc, même
fédéral (voir p. ex. ATFA 1956, p. 113; RCC 1968, p. 272, 1975, p. 29).

    La conception de l'administration et du premier juge devrait conduire à
calculer la cotisation des étudiants sans activité lucrative sur le revenu
de leur père, ce qu'interdit l'art. 10 al. 2 LAVS. - Mais, précisément, le
fait que le législateur ait astreint cette catégorie d'étudiants au seul
paiement de la cotisation minimale, tandis qu'il ne l'a pas prévu pour
les femmes mariées, montre qu'il entendait traiter les unes différemment
des autres.

    La conception critiquée entraînerait des abus: il suffirait à une
assurée de prendre un petit emploi à peine rémunéré pour échapper à une
cotisation fondée sur une partie du traitement du mari. - Mais l'objection
vaut pour toutes les personnes sans activité lucrative. Elle concerne
une pratique qui pouvait le cas échéant constituer dans le passé un
abus de droit non protégé par la loi et qui, depuis le 1er janvier 1979,
se heurte aux dispositions expresses de l'art. 28bis RAVS.

    Il serait injuste de soumettre indirectement à cotisation, pour
le compte de l'épouse, un homme que l'AVS a refusé de recevoir comme
assuré, alors que par surcroît le ménage n'aura pas droit à une rente de
couple. - Mais la cotisation de la femme mariée à un homme non assuré,
de quelque manière qu'elle soit calculée, ne donne jamais droit à une
rente de couple], de même qu'il n'existe en aucun cas de rente de veuf. Ce
sont des règles de base qui, incontestablement, désavantagent certains
conjoints. Pourtant, elles ont été voulues par le législateur.

    La critique la plus sérieuse qu'on puisse faire au système attaqué
dans le recours, c'est que, lorsque un conjoint seul actif et exclu
de l'AVS en vertu de l'art. 1er RAVS cotise auprès d'une institution
étrangère ou internationale de sécurité sociale, son gain est frappé
d'une double cotisation, directement en ce qui concerne son assurance
et indirectement en ce qui a trait à l'assurance de son conjoint. Or,
il ne peut être exempté de l'assurance obligatoire suisse conformément
à l'art. 3 RAVS, puisque précisément il n'y est point affilié. Et son
conjoint ne le pourrait à la rigueur que si les conditions d'assurance
de l'institution étrangère ou internationale permettent aux autorités
suisses de le considérer comme un affilié de ladite institution, bien
que ne cotisant pas personnellement. Cette situation peu satisfaisante ne
provient pas du système instauré par les art. 10 LAVS et 28 RAVS mais de
la décision de soumettre à l'AVS obligatoire des conjoints de personnes
assurées ailleurs qu'en Suisse. Il serait injuste, on l'a vu plus haut, de
renoncer à tenir compte du salaire du conjoint de l'assuré sans activité
lucrative. En revanche, il faut corriger les rigueurs du système en ne
prenant en considération qu'une partie du salaire en question et peut-être
même en recourant, lorsque c'est possible, à l'exemption de l'assurance
pour charge trop lourde.

Erwägung 6

    6.- La caisse de compensation avait estimé à une demie la part du
salaire qu'un homme est censé consacrer à sa femme. La commission cantonale
de recours à réduit cette proportion à 40%, par analogie avec les règles
posées par le Tribunal fédéral en matière de calcul des indemnités dues,
selon le droit civil, à la veuve pour perte de soutien. Afin de tenir
compte des problèmes de double cotisation, mentionnés au considérant 5
let. b ci-dessus, et d'unifier la pratique, il se justifie d'adopter ici
le taux d'un tiers pratiqué dans l'assurance facultative des Suissesses
sans activité lucrative domiciliées à l'étranger et dont le mari n'est pas
assuré en Suisse (chiffre marginal 55 des Directives concernant l'assurance
facultative des ressortissants suisses résidant à l'étranger), sous
réserve de situations spéciales, occasionnées par exemple par la présence
d'enfants, ou résultant du fait que la part du salaire du conjoint actif
affectant les conditions sociales de l'autre conjoint est beaucoup plus
basse ou au contraire beaucoup plus élevée que ce tiers.

    Il serait en revanche prématuré de décider aujourd'hui quand le
conjoint suisse non actif d'une personne exemptée de l'AVS/AI/APG mais
cotisant sur son salaire auprès d'une institution sociale étrangère ou
internationale, peut lui-même être réputé affilié à cette institution
et demander, le cas échéant, d'être exempté de l'assurance obligatoire
suisse pour charge trop lourde, en vertu de l'art. 3 RAVS, au moyen d'une
requête présentée à cette fin à l'administration...

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

    Le recours est admis partiellement, dans ce sens que le salaire du mari
entrera jusqu'à concurrence d'un tiers dans le calcul de la cotisation
de la recourante, cela dans le sens des considérants. Il est rejeté pour
le surplus. L'affaire est renvoyée à la Caisse cantonale genevoise de
compensation, qui statuera à nouveau sur les cotisations dues par la
recourante pour les années 1973 à 1976.