Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 105 IV 278



105 IV 278

70. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 12 novembre 1979 dans la
cause B. contre S. (pourvoi en nullité) Regeste

    Art. 270 Abs. 3 BStP.

    Wenn der öffentliche Ankläger des Kantons Bern ausdrücklich
darauf verzichtet hat, die Anklage zu vertreten, steht dem Kläger die
Nichtigkeitsbeschwerde als Privatstrafkläger im Sinne dieser Bestimmung zu
(Erw. 1).

    Art. 292 StGB.

    Anwendung bei einem Konkurrenzverbot (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- Le 5 novembre 1976, S. a conclu avec B., devant la Première Chambre
civile de la Cour d'appel du canton de Berne, une transaction aux termes
de laquelle il s'est engagé à cesser son activité de maître d'auto-école
"dans les districts de La Neuveville et au Landeron", pendant un délai
de deux ans.

    A la suite d'une réclamation de B., le Président du Tribunal du
district de La Neuveville a rendu le 6 décembre 1977 une décision
aux termes de laquelle S. était rendu attentif aux conséquences d'une
infraction aux dispositions de la transaction, celle-ci lui étant désormais
signifiée sous la commination des peines d'arrêts ou d'amende prévues à
l'art. 292 CP pour sanctionner l'insoumission à une décision de l'autorité.

    A la demande de B., le président ad hoc de la Première Chambre
civile de la Cour d'appel du canton de Berne a précisé qu'à son avis
la transaction signifiait que S. cessait son activité, c'est-à-dire que
dans le rayon fixé il ne recrutait pas d'élèves conducteurs, qu'il n'y
donnait ni leçon pratique, ni leçon de théorie, et qu'il ne pouvait pas,
dans ce rayon, annoncer ou se faire connaître en qualité de maître de
conduite pour véhicules à moteur.

    Le 4 janvier 1978, B. a porté plainte contre S. pour insoumission à
une décision de l'autorité, alléguant que le prévenu n'avait pas respecté
les termes de la transaction.

    L'instruction de la cause a révélé un certain nombre de faits que
l'on peut résumer de la manière suivante:

    Le bureau des experts d'automobiles du canton de Berne a fourni une
liste de 28 élèves du district de La Neuveville que S. a présentés à
l'examen de conduite entre le 6 décembre 1977 et le 31 mai 1978.

    Sept de ces personnes ont été entendues comme témoins. A l'exception
de l'une d'elles, qui n'avait pas pris de leçon avec S., les six autres
ont affirmé avoir suivi les cours de celui-ci, lequel venait certes les
chercher dans le district, à leur domicile ou à sa proximité, mais ne
leur passait le volant qu'une fois sortis du district; ces personnes ont
ainsi déclaré n'avoir jamais conduit dans le district. En ce qui concerne
la théorie, deux témoins ont déclaré qu'elle avait été enseignée par le
frère du prévenu.

    Un encart publicitaire découpé dans le journal local porte la mention
"Auto-école A. S." (A étant l'initiale du prénom du frère du prévenu)
et indique deux numéros de téléphone, l'un étant celui de la Société
anonyme F. et l'autre celui du prévenu lui-même.

    B.- Le 7 novembre 1978, le Président du Tribunal de La Neuveville
a libéré S. des fins de la prévention d'insoumission à une décision
de l'autorité.

    B. ayant fait appel, le procureur général du canton de Berne a écrit le
8 janvier 1979 à la Première Chambre pénale de la Cour suprême du canton
de Berne, à propos de cette affaire dont les débats avaient été fixés
au 15 février 1979: "...je déclare par les présentes que le Ministère
public renonce à occuper en seconde instance et qu'il laisse entièrement
à la partie plaignante le soin de représenter l'accusation. Motifs: Il
manque en particulier un intérêt public pour que la participation d'un
accusateur public intervienne à côté de l'accusateur privé".

    Le 15 février 1979, la Première Chambre pénale de la Cour suprême
du canton de Berne a libéré derechef S. des fins de la prévention
d'insoumission à une décision de l'autorité.

    C.- B. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral; il conclut à la
condamnation de S. pour insoumission à une décision de l'autorité.

    Invité à se prononcer sur la qualité du recourant pour déposer en
qualité d'accusateur privé un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral,
le Procureur général du canton de Berne a estimé que le recourant avait
cette légitimation.

    L'intimé propose de ne pas entrer en matière sur le pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) L'infraction en cause, celle de l'art. 292 CP, est une
infraction qui se poursuit d'office. C'est donc à la lumière de l'art. 270
al. 3 PPF et non pas de l'art. 270 al. 1, 2e phrase PPF que doit donc,
contrairement au point de vue du procureur général, être examinée la
qualité pour recourir de l'accusateur privé.

    Selon l'art. 270 al. 3 PPF, l'accusateur privé peut se pourvoir en
nullité si, conformément au droit cantonal, il a soutenu l'accusation à
lui seul sans intervention de l'accusateur public. De ce point de vue,
la seule disposition cantonale, dont le sens et la portée doivent être
analysés ici, est l'art. 311 al. 4 du code de procédure pénale du canton
de Berne (ci-après PP), selon lequel:

    "Lorsque le plaignant a interjeté appel au pénal, le dossier est soumis
   au procureur général. Celui-ci doit déclarer dans les huit jours s'il
   se propose à soutenir l'accusation en instance supérieure. Si tel
   n'est pas le cas, le plaignant soutient seul l'accusation."

    b) Il a été jugé depuis longtemps déjà que l'on ne peut considérer que
l'accusateur privé a soutenu l'accusation à lui seul, sans intervention
de l'accusateur public, au sens de l'art. 270 al. 3 PPF, que si - et
seulement si - d'après la procédure cantonale, le procureur général n'a
pas la faculté d'exercer les droits accordés aux parties ou du moins
de faire valoir l'intérêt public devant les autorités du canton. Il
faut en d'autres termes que l'accusateur privé soit seul détenteur de
l'action pénale et qu'il exerce en lieu et place du Ministère public,
totalement absent de la procédure. En revanche, aussitôt que l'accusateur
public possède le droit d'intervenir, l'accusateur privé ne peut plus
prétendre qu'il soutient l'accusation à lui seul. Il suffit d'ailleurs
que le procureur général ait ce droit, sans qu'il importe de savoir s'il
en a fait ou non usage in casu. Il n'est pas non plus nécessaire qu'il
ait eu la faculté d'intervenir devant l'autorité de première instance,
s'il est en état de former l'un ou l'autre des recours prévus par la
procédure cantonale (ATF 93 IV 101; 85 IV 110; 84 IV 135; 77 IV 126).

    Le Tribunal fédéral n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer
clairement sur la portée de l'art. 311 al. 4 PP à cet égard. Dans un arrêt
non publié (Lüscher c. Schwarz, Cour de Cassation, 17 septembre 1954),
il est bien posé que l'absence du procureur général du canton de Berne
aux débats devant la Cour suprême et le fait qu'il n'y ait pas pris de
conclusions, ne conférait pas à l'accusateur privé la qualité pour se
pourvoir en nullité au Tribunal fédéral, étant donné que le Ministère
public avait tant en première qu'en seconde instance la position d'une
partie et qu'il était ainsi habilité aussi bien à interjeter appel
contre le jugement de première instance qu'à prendre des conclusions
dans une procédure d'appel engagée par l'accusateur privé. Toutefois,
comme il n'est fait dans cet arrêt aucune allusion à l'art. 311 al.
4 PP, entré pourtant en vigueur en 1952 et qu'il est fait référence à une
décision antérieure (ATF 62 I 58, citée par Waiblinger in RJB 80 (1944),
p. 212) remontant à une époque où l'art. 311 al. 4 PP n'existait pas -
on doit admettre que la question de la portée de cette disposition au
regard de l'art. 270 al. 3 PPF n'est pas résolue. Tel est d'ailleurs
l'avis de la doctrine bernoise à laquelle le problème n'a pas échappé
(SCHULTZ, in RJB 97 (1961), p. 221/222), et qui estime que lorsque le
procureur général a déclaré expressément renoncer à soutenir l'accusation
en instance supérieure, c'est l'accusateur privé qui soutient alors seul
l'accusation et qui a dès lors la qualité pour se pourvoir en nullité
au Tribunal fédéral (WAIBLINGER, in RJB (1960), p. 144/145; FALB, in
lebendiges Strafrecht, Festgabe Schultz, RPS 94, p. 361 ss.; cf. BAUMANN,
Die Stellung des Geschädigten in schweiz. Strafprozess, thèse Zurich 1958,
p. 176).

    Certes, si l'on voulait prendre la jurisprudence au pied de la lettre,
on pourrait dénier à l'accusateur privé bernois la qualité pour se pourvoir
en nullité, puisque le Ministère public a toujours le droit - qu'il en
fasse usage ou non - d'interjeter appel auprès de la dernière instance
cantonale, mais ce serait méconnaître trop légèrement la teneur et le
caractère bien particuliers de l'art. 311 al. 4 PP. A la différence de la
plupart des procédures cantonales qui n'attachent aucune conséquence légale
expresse à la renonciation du Ministère public ou à son refus d'intervenir
devant les instances cantonales, l'art. 311 al. 4 PP prévoit d'une part
en toutes lettres que le procureur général doit déclarer s'il se propose
d'intervenir, et d'autre part attache expressément une conséquence précise
à son abstention, à savoir que dans ce cas le plaignant soutient seul
l'accusation. Ainsi, quand bien même le Ministère public avait la faculté
d'exercer devant la cour cantonale supérieure les droits accordés aux
parties, la loi prévoit tout à fait clairement qu'il perd ces droits s'il
renonce à soutenir l'accusation. Toute autre interprétation du texte de
l'art. 311 al. 4 PP serait spécieuse. Bien plus, la loi elle-même confère
dans ce cas sans aucune équivoque au seul plaignant la charge de soutenir
l'accusation. Comme la loi cantonale, pour définir cette conséquence,
use des mêmes termes que ceux qui figurent à l'art. 270 al. 3 PPF (aussi
bien dans les versions française qu'alémanique), on ne saurait guère,
sans artifices difficilement soutenables, attribuer à l'art. 311 al. 4
PP un sens différent.

    Il s'ensuit qu'en tout cas lorsque le procureur général du canton
de Berne a expressément renoncé à soutenir l'accusation en application
de l'art. 311 al. 4 PP, il perd à ce moment-là toute faculté d'exercer
les droits accordés aux parties par la procédure cantonale, et que
l'accusateur privé, qui soutient dès lors ex lege seul l'accusation,
remplit les conditions de l'art. 270 al. 3 PPF et a qualité pour se
pourvoir en nullité au Tribunal fédéral.

    Comme, dans la présente espèce, le procureur général a expressément
renoncé à représenter l'accusation en seconde instance et qu'il a laissé
ce soin au plaignant, ce dernier est légitimé à se pourvoir en nullité
au Tribunal fédéral.

Erwägung 2

    2.- a) Sur le fond, après avoir donné à la transaction liant les
parties le sens que lui avait conféré le président a.h. de la Première
Chambre civile devant laquelle elle avait été conclue, l'autorité
cantonale a considéré qu'il n'était pas établi que l'intimé ait violé ses
engagements ni qu'il aurait exercé une activité de maître d'auto-école
"dans le district de La Neuveville et au Landeron". Elle a estimé que
"cesser son activité" ne saurait signifier que le prévenu s'engageait à
refuser les clients provenant de La Neuveville, et que partant, il n'avait
pas violé la transaction en acceptant des élèves de La Neuveville et en
les inscrivant aux examens à Bienne.

    b) A l'instar de la cour cantonale, on doit considérer que la
transaction en cause doit être interprétée dans le sens que lui a donné
le président a.h. de la Cour devant laquelle elle a été conclue, à savoir
que l'intimé cessait son activité, c'est-à-dire que dans le rayon fixé il
ne recrutait pas d'élève, qu'il n'y donnait ni leçon pratique, ni leçon
de théorie, et qu'il ne pouvait pas, dans ce rayon, annoncer ou se faire
connaître en qualité de maître de conduite pour véhicules à moteur.

    Cette transaction ayant été expressément signifiée par le juge, en vue
d'assurer son application, sous la menace des peines d'arrêts ou d'amende
prévues à l'art. 292 CP en cas d'insoumission, l'intimé doit tomber sous le
coup de cette disposition s'il apparaît qu'il a violé ladite transaction.

    Interprété comme il doit l'être, c'est-à-dire conformément aux
règles de la bonne foi, un engagement de cesser une activité de maître
d'auto-école dans un district signifie que l'on s'interdit de fournir,
sur place, aux habitants du district des prestations semblables ou
équivalentes à celles que fournirait ou pourrait fournir tout maître
d'auto-école exerçant son activité dans ce district. Or l'une de ces
prestations essentielles, même si elle n'est qu'accessoire, est de
garantir à l'élève qu'il sera pris en charge sur place, sans avoir à se
transporter dans une autre ville ou dans un autre district. Entre ainsi
dans l'activité commerciale du maître d'auto-école, à côté de son activité
d'enseignement proprement dite, le transport de l'élève jusqu'au lieu où
pourra commencer la leçon.

    Au vu des faits retenus dans la présente espèce, il n'est pas
sérieusement contestable que l'intimé a exercé son activité dans
le district de La Neuveville. L'interprétation étroite de l'autorité
cantonale ne saurait être retenue sans mettre en cause le sens même des
mots et partant la sécurité du droit. Dans les six cas examinés - alors
qu'une vingtaine d'autres eussent encore mérité de l'être - il est sans
importance que les élèves n'aient tenu le volant qu'après être sortis du
district de La Neuveville, ce qui compte c'est qu'ils pouvaient obtenir sur
place, dans leur district, en s'adressant à l'intimé les mêmes avantages
et prestations que celles que pouvait leur offrir le recourant. Ce n'est
pas un court transport hors des limites d'un district aussi peu étendu
géographiquement qui pouvait les gêner en quoi que ce soit. Ainsi en
venant chercher ses élèves sur place, le recourant exerçait déjà son
activité commerciale de maître d'auto-école et violait la transaction.

    Il ne fait pas davantage de doute, en dépit du libellé d'une annonce
publicitaire à l'initiale du prénom de son frère, que l'intimé recrutait
une partie de ses élèves dans le district prohibé, puisqu'un des numéros de
téléphone figurant dans l'annonce était le sien. Quant au fait que c'est
par l'entremise de son frère qu'étaient données les leçons de théorie
des élèves de l'intimé, il constitue également une part de l'activité de
maître d'auto-école de l'intimé qui s'exerçait en fait à La Neuveville;
sa collaboration avec une personne donnant la théorie dans le district
prohibé constitue en effet une activité s'étendant dans ce district,
en contradiction flagrante avec la façon dont la transaction devait être
appliquée de bonne foi. Quant aux photographies prises par le recourant,
et auxquelles se réfère expressément la cour cantonale, si elles ne
permettent peut-être pas d'affirmer que l'intimé a donné des leçons de
conduite à l'endroit où elles ont été prises, elles ne permettent pas
- et c'est ce qui importe - de nier qu'il exerçait à ce moment-là une
activité de maître d'auto-école. En effet, fait partie de l'activité
du maître d'auto-école sa seule présence comme titulaire du permis de
conduire aux côtés d'un élève au volant.

    C'est donc à tort que les juges précédents ont libéré l'intimé de la
prévention d'insoumission aux actes de l'autorité. L'arrêt attaqué doit
ainsi être cassé et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle
condamne S. pour infraction à l'art. 292 CP.

Erwägung 3

    3.- Le recourant ayant procédé seul sans formuler d'ailleurs de
conclusions en dépens, il n'y a pas lieu de lui allouer d'indemnité.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à
l'autorité cantonale pour qu'elle condamne l'intimé pour infraction à
l'art. 292 CP.