Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 105 IV 242



105 IV 242

63. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 23 octobre 1979
dans la cause P. contre Ministère public du canton du Valais (pourvoi en
nullité) Regeste

    Art. 110 Ziff. 5 und 251 Ziff. 1 Abs. 3 StGB.

    Der Tatbestand des Gebrauchs einer von einem Dritten hergestellten
falschen Urkunde ist erfüllt, wenn der Täter mit Wissen und Willen
eine objektiv falsche Urkunde zur Täuschung eines andern verwendet;
es ist unerheblich, ob der Hersteller der Urkunde die subjektiven
Tatbestandselemente der Urkundenfälschung erfüllt (Erw. 2 a-c).

    Art. 68 Ziff. 1, 148 und 251 Ziff. 1 Abs. 3 StGB.

    Es besteht ldealkonkurrenz zwischen dem Gebrauch einer von einem
Dritten hergestellten Urkunde und dem Betrug (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- P. a commis diverses irrégularités dans l'administration et dans
l'exploitation de deux sociétés anonymes s'occupant de projets immobiliers:

    a) En qualité d'administrateur unique de la société X., il a demandé
à F., alors chef des crédits d'une banque de Sierre, une attestation
de financement destinée au Préposé fédéral à la stabilisation du marché
de la construction. Bien que la banque n'eût ouvert aucun crédit à la
société X. et n'assurât en aucune manière le financement de la promotion
mise en oeuvre par la société de P., celui-ci reçut de F. une pièce aux
termes de laquelle la banque déclarait assurer le financement intégral
de la construction de l'immeuble prévu.

    b) La société X. était débitrice de Fr. 4'500'000.- pour l'achat des
terrains où devaient s'édifier ses projets. Cette dette était garantie
par des hypothèques au porteur d'un total de Fr. 4'500'000.-, déposés
auprès d'une Banque genevoise. Le concours de cette banque et de ses
clients se limitait à l'acquisition des terrains, de telle sorte que la
société ne disposait dans cet établissement d'aucun crédit de construction
ni d'aucune autre liquidité. Toujours dans l'intention de justifier du
financement du projet de construction et d'obtenir ainsi une dérogation
à l'interdiction de construire instaurée par l'arrêté fédéral urgent du
25 juin 1971, P. s'adressa à L., sous-directeur de la Banque genevoise,
lequel lui envoya une déclaration, signée conjointement avec un autre
employé, datée du 27 août 1971 et dont le contenu était le suivant:

    "Monsieur, Conformément à votre demande, nous vous confirmons bien
   volontiers que, agissant d'ordre de plusieurs de nos clients, nous
   avons mis à votre disposition une somme totale de Fr. 4'500'000.-
   (quatre millions cinq cent mille francs suisses) en vue d'assurer le
   financement de la première tranche de l'opération susmentionnée."

    Le 28 août 1971, P. transmit cette déclaration au Service cantonal
des constructions avec une lettre d'accompagnement précisant ce qui suit:

    "Etant donné l'importance de l'ensemble, la construction se fera en
   plusieurs tranches successives.

    La première tranche prévoit la construction de l'immeuble situé au
nord de
   la route des Mélèzes, d'un cube total de 18000 m3 environ, devisé à Fr.

    4'500'000.-.

    Le financement des tranches futures se fera de la même façon. Pour ces
   tranches viendra, en outre, se greffer l'autofinancement (...)"

    Sur la base de la déclaration de la banque genevoise, le Préposé à
la stabilisation du marché de la construction estima que le financement
de la première étape de la construction était suffisamment assuré et,
par décision du 27 septembre 1971, il autorisa la mise en oeuvre de
cette première étape consistant dans la construction de l'immeuble situé
au nord de la route des Mélèzes. S'il avait connu la situation réelle,
autrement dit s'il avait su que les Fr. 4'500'000.- avaient déjà été mis
à disposition de la société et utilisés pour l'acquisition des terrains
seulement, il n'aurait pas donné son autorisation.

    c) La société X. conclut avec la société Y., constituée par les nommés
V., G. et B., un contrat réservant à celle-ci l'exclusivité des ventes
d'une partie de l'immeuble de la société X. Pour décider les associés de
Y. à prendre collectivement en charge la vente de l'immeuble, p. leur
a exhibé la déclaration mensongère citée sous litt. a, que F. avait
établie. Cette tromperie a déterminé les associés à investir dans Y. et
à conduire leur affaire comme si le financement de l'immeuble était assuré.

    Condamné en première instance, P. a fait appel. Le Tribunal cantonal
du Valais a condamné P. à 28 mois de réclusion, sous déduction de
quarante-sept jours de détention préventive, à Fr. 10'000.- d'amende et
à l'interdiction d'exercer la profession d'agent intermédiaire pendant
trois ans, pour escroquerie, faux dans les titres, instigation à faux
dans les titres, et, en raison d'autres faits non résumés ici, pour abus
de confiance et obtention frauduleuse d'une constatation fausse.

    P. se pourvoit en nullité.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- a) A la suite des faits rappelés sous lettre b ci-dessus, la
cour cantonale a reconnu le recourant coupable de faux dans les titres,
à savoir d'usage de faux au sens du ch. 1 al. 3 de l'art. 251 CP. Le
recourant critique cette manière de voir en soutenant d'abord que l'arrêt
attaqué contient des contradictions, en ce sens qu'il y est reconnu
que la déclaration faite par le sous-directeur L. était "d'une certaine
manière exacte" et que L. lui-même n'avait pas conscience et volonté
de donner à la pièce un contenu mensonger ni de procurer à la Société
X. un avantage illicite, alors qu'il y est affirmé en même temps que le
délit est cependant "objectivement réalisé". Selon le recourant, si la
déclaration en cause ne constitue pas un faux, elle ne peut le devenir
du seul fait qu'elle a passé en ses mains à lui. Le recourant conteste
ensuite d'une part que le préposé fédéral ait été trompé par une astuce
et d'autre part que lui-même ait été conscient du caractère ambigu de la
déclaration, qu'il ait voulu l'erreur du préposé et qu'il l'ait exploitée.

    b) Contrairement à l'opinion du recourant, il n'existe aucune
contradiction entre les motifs qui ont conduit la cour cantonale à
le libérer de l'accusation d'instigation à faux dans les titres et
sa condamnation pour usage de faux au sens de l'art. 251 ch. 1 al. 3
CP. Si L., qui a rédigé la déclaration incriminée, n'a pas été reconnu
coupable d'un faux, c'est uniquement pour des motifs touchant aux éléments
subjectifs de l'infraction: il n'a pas été établi qu'il ait eu conscience
et volonté de donner un contenu mensonger à la déclaration, ni qu'il ait
eu le dessein de procurer à la société du recourant un avantage illicite,
ni enfin qu'il connaissait la destination précise de l'attestation;
c'est uniquement en raison du caractère accessoire de l'instigation, qui
selon la cour cantonale ne peut être réprimée que si la personne qui a
fait l'objet de l'instigation a commis intentionnellement l'infraction,
que le recourant a été libéré de ce chef d'accusation.

    c) Quant au fait que les éléments subjectifs du faux ne sont pas
réunis chez le rédacteur de la pièce incriminée, il n'exclut nullement
que cette pièce puisse néanmoins constituer un titre faux. Ce qui importe,
objectivement, c'est de savoir d'abord s'il s'agit d'un écrit destiné ou
propre à prouver un fait ayant une portée juridique (art. 110 ch. 5 CP)
et ensuite si cet écrit constate faussement un tel fait.

    Or il ressort des constatations de l'autorité cantonale que la pièce
incriminée était destinée à justifier, auprès de l'autorité fédérale, du
financement du projet de construction de la société X. en vue d'obtenir
une dérogation à l'interdiction de construire. Ce qui devait être prouvé
et ce que voulait prouver le recourant, pour se conformer à l'arrêté
fédéral urgent du 25 juin 1971 concernant la stabilisation du marché de
la construction, alors en vigueur (art. 15; et art. 19 de l'ordonnance
d'exécution), c'est que le financement du projet de construction était
assuré.

    Destinée à démontrer que le financement de construction - et seulement
celui-là, car le financement d'autre chose que de la construction
proprement dite importait peu à l'autorité fédérale - était assuré, la
pièce incriminée était parfaitement propre à réaliser ce but, puisqu'il
s'agit d'une attestation bancaire en bonne et due forme (cf. ATF 102 IV
194 consid. 3).

    Enfin, le contenu de la déclaration incriminée est faux et mensonger,
puisqu'elle atteste et confirme un financement qui n'existait pas. En
effet, de par sa destination, de par la volonté du recourant, et de par
le seul sens que devait lui donner l'autorité fédérale à laquelle elle a
été adressée, l'opération dont le financement était censé être assuré ne
pouvait être que l'opération de construction; toute autre signification
était dépourvue de toute raison d'être. Si, pour le rédacteur de la pièce,
à supposer qu'il en ait réellement ignoré la destination, une telle pièce
pouvait à la rigueur être considérée comme ambiguë, ou incomplète, voire
inexacte par omission de précisions, elle ne présentait absolument pas
le même caractère pour le recourant ni pour son destinataire fédéral,
compte tenu du contexte bien précis dans lequel elle était utilisée.

    La déclaration incriminée constitue donc bien un titre faux. Comme par
ailleurs, subjectivement, au vu des constatations de fait, le recourant
était parfaitement conscient du caractère mensonger de cette déclaration
et que c'est avec volonté de tromper autrui qu'il l'a utilisée, c'est
à bon droit qu'il a été reconnu coupable d'usage de faux au sens de
l'art. 251 ch. 1 al. 3 CP. C'est au surplus en vain que le recourant
voudrait remettre en cause les constatations touchant à sa conscience et
à sa volonté; il s'agit là de constatations qui ne peuvent être critiquées
dans un pourvoi en nullité (art. 273 ch. 1 lettre b et 277bis al. 1 PPF),
et qui en outre ressortent avec une telle évidence du contexte de l'affaire
que la position du recourant à cet égard est téméraire.

    On relève enfin que si, en raison du caractère accessoire de
l'instigation, le recourant a pu être libéré de cette accusation en
ce qui concerne l'établissement de la déclaration incriminée, il aurait
parfaitement pu être en revanche considéré comme auteur médiat du faux. Ce
point n'ayant cependant été ni examiné ni retenu par l'autorité cantonale,
il n'y a pas lieu de l'examiner plus avant.

Erwägung 3

    3.- a) Pour les faits rappelés sous lettre c ci-dessus, le recourant
a été reconnu coupable d'usage de faux et d'escroquerie. D'une part,
il conteste les faits, ce qui peut d'emblée être déclaré irrecevable
dans un pourvoi en nullité; d'autre part - et c'est la seule question
qui mérite un examen - il conteste que l'usage de faux entre en concours
idéal avec l'escroquerie.

    b) Le concours entre le faux dans les titres et l'escroquerie est
admis par la doctrine et la jurisprudence, lorsque le faussaire utilise
le titre faux pour tromper astucieusement autrui et porter atteinte à ses
intérêts pécuniaires. Il s'agit du concours réel entre l'art. 251 ch.1
al. 2 CP et l'art. 148 CP (cf. ATF 82 IV 138; 76 IV 94; 71 IV 210). En
revanche, comme le relève avec pertinence la cour cantonale, la question
du concours entre l'escroquerie et l'usage de faux (art. 251 ch. 1 al. 3
CP), c'est-à-dire l'usage d'un faux imputable à un tiers, ne paraît pas
aussi clairement résolue. La doctrine n'a en effet guère approfondi
le problème et interprété de manière divergente le seul arrêt publié
qui fait état de cette question (ATF 71 IV 210; cf. par exemple GRAVEN,
in FJS 822, p. 6, qui cite cet arrêt à l'appui du concours parfait, et
PANCHAUD-OCHSENBEIN, CPS annoté, n. B 2 a, ad art. 68 CP, qui le cite à
l'appui du concours imparfait).

    Cela dit, c'est à juste titre que l'autorité cantonale a admis
le concours, soit ici le concours idéal, entre l'usage de faux et
l'escroquerie, et qu'elle s'est écartée de l'avis contraire exprimé dans
un arrêt du Tribunal cantonal des Grisons (PKG 1957, p. 69). En effet,
les biens juridiques protégés par les art. 251 et 148 CP sont différents:
le premier protège la foi à accorder à des documents pouvant servir de
preuve tandis que le second protège le patrimoine. Dés lors, les deux
infractions peuvent entrer en concours parfait (cf. EMIL SCHMID, in RPS
65 (1950), p. 400-402); c'est d'ailleurs bien dans ce sens que doit être
compris l'arrêt publié in ATF 71 IV 210, ainsi que l'a confirmé un arrêt
ultérieur non publié (ATF du 17 septembre 1954, B. c. LU, p. 9).

    Le moyen du recourant est donc mal fondé.