Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 105 II 284



105 II 284

47. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 13 novembre 1980 dans la
cause B. c. S. (procès direct) Regeste

    Haftung des Chirurgen.

    Allgemeine Regeln (E. 1).

    Aufklärungspflicht (E. 6).

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- Les deux parties admettent, avec raison, l'application des règles
du mandat (art. 394 ss. CO) aux rapports de droit entre le demandeur
et le défendeur. En sa qualité de mandataire, le médecin est tenu au
même devoir de diligence que le travailleur (art. 328 al. 1 et 2 CO);
il répond donc en principe de toute faute. Mais ce principe, appliqué
strictement, s'opposerait à l'exercice normal de la profession médicale,
cela au détriment des malades comme des médecins. Aussi la jurisprudence
en a-t-elle tempéré la rigueur pour tenir compte des imperfections de
la science et de la faillibilité humaine. La responsabilité du médecin
n'est pas engagée pour de simples méprises, qui sont dans une certaine
mesure inhérentes à l'exercice d'une profession où les opinions peuvent
être aussi multiples et diverses. Il répond en revanche en cas d'erreur
manifeste, de traitement évidemment inapproprié, de violation claire des
règles de l'art ou d'ignorance des données généralement connues de la
science médicale (ATF 70 II 209, 66 II 36, 64 II 205; cf. aussi ATF 93
II 21, 92 II 21, 53 II 424 s.).

    L'erreur de diagnostic ne suffit pas, à elle seule, à engager la
responsabilité du médecin. Si celui-ci pose consciencieusement son
diagnostic, après avoir examiné son malade selon les règles de l'art,
avec tout le temps et l'attention nécessaires, qu'il ordonne ensuite
le traitement approprié et le fait exécuter conformément aux principes
généralement admis, il échappe au reproche de négligence ou d'imprudence
(ATF 64 II 205, 53 II 300).

    Dans le domaine chirurgical, une réserve particulière s'impose. La
chirurgie comporte nécessairement une certaine hardiesse, une certaine
acceptation des risques. Condamner un chirurgien par le seul motif
qu'il a décidé d'opérer alors que l'intervention n'était peut-être
pas indispensable, ou parce qu'il a commis une erreur de technique
opératoire, pourrait avoir pour conséquence d'empêcher les chirurgiens
d'intervenir dans les cas douteux, leur abstention pût-elle être fatale
au patient. Le chirurgien doit jouir d'une grande liberté d'appréciation
dans sa décision sur l'opportunité d'une opération et la façon d'y
procéder. Il est cependant tenu, lors de son intervention, de prendre
toutes les précautions commandées par la technique opératoire et par
les circonstances du cas pour réduire le plus possible les dangers de
l'opération. On est en droit d'exiger de lui une attention particulière,
puisque les suites d'une négligence peuvent être des plus graves (ATF
70 II 209 s., 30 II 308 s.). Il doit en outre se tenir au courant des
progrès de sa spécialité (ATF 66 II 36).

    Dans le procès en responsabilité contre un médecin, il appartient
au lésé d'établir l'inobservation d'une règle de l'art (Kunstfehler),
ainsi que l'existence de son dommage et d'un rapport de causalité adéquate
entre la faute et le préjudice. Lorsque ces conditions sont réalisées, le
médecin ne peut échapper à sa responsabilité que s'il prouve à son tour que
sa méconnaissance des règles de l'art ne constitue pas une faute dans les
circonstances de l'espèce (art. 97 CO; ATF 70 II 208 s., 57 II 211 ss.).

Erwägung 6

    6.- Le demandeur reproche au défendeur de ne pas l'avoir informé
de son diagnostic de tumeur et de ne pas lui avoir indiqué qu'il allait
procéder à l'ablation d'une partie de l'intestin. Ayant modifié son plan
primitif en cours d'opération, le défendeur n'aurait à plus forte raison
pas obtenu le consentement du patient pour l'ablation supplémentaire du
colon et de l'intestin grêle. Or, le demandeur affirme que s'il avait été
dûment informé du diagnostic posé et de l'opération projetée, il aurait
différé celle-ci pour consulter d'abord des spécialistes.

    a) Selon le demandeur, le défendeur l'a informé le 5 novembre 1973,
"sans donner de détails, qu'une nouvelle intervention s'impose, ayant
diagnostiqué une tumeur d'une dizaine de centimètres au bas du colon". Le
demandeur a tacitement consenti à cette intervention, puisque, après en
avoir été informé et avoir été préparé à cet effet, il n'a formulé aucune
objection ni demandé d'explications au défendeur ou au médecin chargé de
la surveillance médicale pré- et postopératoire. Une violation du devoir
d'information ne peut donc entrer en considération qu'en ce qui concerne
le caractère cancéreux de la tumeur - selon le diagnostic posé par le
défendeur - et l'étendue de la résection intestinale.

    b) Le demandeur affirme qu'il est habitué, de par sa personnalité et sa
profession, à voir les choses en face et que le défendeur n'avait aucune
raison de se dispenser d'obtenir son consentement, rien ne justifiant
l'idée qu'une information éventuelle aurait compromis le traitement.

    Il ressort toutefois des rapports fournis aux experts par le médecin
traitant du demandeur que celui-ci l'a consulté à plusieurs reprises,
entre 1964 et 1972, parce qu'il était déprimé, qu'il avait des soucis
professionnels et craignait d'avoir un ulcère d'estomac. Le défendeur a
d'autre part allégué, sans être contredit par le demandeur, qu'une fois
informé après la première opération du diagnostic posé et de la nouvelle
intervention prévue, le médecin traitant avait vivement déconseillé,
tout comme la femme du demandeur, "qu'on dévoile la vérité au malade,
qui n'était, selon lui, pas en condition psychologique de la supporter".

    c) Cette appréciation médicale, opposée par le défendeur au grief du
demandeur, pose le problème des limites du devoir d'informer incombant
au médecin. Le Tribunal fédéral n'a pas eu à se prononcer sur la question
jusqu'à ce jour. Il l'a toutefois abordée, mais sous un autre angle, dans
l'arrêt ATF 66 II 36, où il a nié l'existence du devoir d'information par
le motif que le patient n'aurait pas renoncé à l'intervention (ablation
de verrues par diathermo-coagulation) si le praticien l'avait informé
du risque normal et minime qu'il courait. La doctrine suisse admet en
principe l'obligation du médecin de renseigner le patient sur son état,
notamment sur la nature de sa maladie, les conséquences prévisibles du
traitement proposé et de l'abstention thérapeutique. L'information du
malade sur les risques d'un traitement déterminé, en particulier d'une
intervention chirurgicale, est une condition de validité du consentement
au traitement: ce consentement, auquel est en règle générale subordonnée
l'intervention du médecin, doit être " éclairé ". L'obligation du
médecin ne saurait toutefois être étendue à une information propre à
alarmer le malade et, partant, à porter préjudice à son état physique
ou psychique, ou à compromettre le succès du traitement (cf., sur ces
questions, HINDERLING, Die ärztliche Aufklärungspflicht, Zwei Aufsätze zum
Persönlichkeitsschutz, Basler Studien zur Rechtswissenschaft, fasc. 66,
1963, p. 49 ss.; W. LOEFFLER, Die Haftung des Arztes aus ärztlicher
Behandlung, thèse Zurich 1945, p. 96 ss.; LOTZ, Zur Frage der rechtlichen
Verantwortlichkeit des Arztes, Basler juristische Mitteilungen 1968,
p. 107 ss.; M. NEY, La responsabilité des médecins et de leurs auxiliaires
notamment à raison de l'acte opératoire, thèse Lausanne 1979, p. 70 ss.;
W.-E. OTT, Voraussetzungen der zivilrechtlichen Haftung des Arztes,
thèse Zurich 1978, p. 33 ss.; THILO, La responsabilité professionnelle
du médecin, dans JdT 1946 I, p. 105 ss. Cf., dans le même sens, en
droit français: KORNPROBST, Responsabilité du médecin devant la loi
et la jurisprudence françaises, Flammarion 1957, p. 351 ss.; PENNEAU,
La responsabilité médicale, Paris 1977, Nos 46 ss.; SAVATIER, Traité de
la responsabilité civile en droit français, 2e éd., Paris 1951, n. 782;
SAVATIER/AUBY/PEQUIGNOT, Traité de droit médical, Paris 1956, No 251;
en droit allemand: STAUDINGER, Kommentar zum BGB, 10/11e éd., 1975, II/5
n. 398 ss. ad par. 823, avec référence à la jurisprudence, plus stricte,
du Bundesgerichtshof (n. 404 bb); SOERGEL/SIEBERT, Kommentar zum BGB,
10e éd., 1969, 3/II n. 146 ss. ad par. 823; en droit belge: ANRYS, La
responsabilité civile médicale, Bruxelles 1974, Nos 38 ss.).

    Cette conception de la doctrine suisse, qui est proche de celle
des droits français, allemand (sous réserve de la jurisprudence du
Bundesgerichtshof) et belge, doit être approuvée. Le devoir d'informer
trouve ses limites dans la définition même de la science médicale, qui a
pour objet la conservation et le rétablissement de la santé. Le médecin
est tenu à une information simple, intelligible et loyale concernant
le diagnostic, le pronostic et la thérapeutique. Sur ce dernier point,
le malade doit être suffisamment renseigné sur la nature du traitement
préconisé et ses répercussions possibles pour pouvoir y consentir en
connaissance de cause. L'information donnée au malade ne doit cependant
pas susciter chez lui un état d'appréhension préjudiciable à sa santé. Un
pronostic grave ou fatal - tel celui qui accompagnait autrefois le
diagnostic de tuberculose ou qui est aujourd'hui souvent lié à celui de
cancer - peut être caché au patient, mais doit en principe être révélé
à ses proches. Il appartient en définitive au médecin d'apprécier les
risques d'une information complète et de limiter cette information,
le cas échéant, à ce qui est compatible avec l'état physiologique et
psychologique du malade.

    Le devoir d'informer tombe au surplus s'il ressort des circonstances
de l'espèce que le patient est déjà renseigné ou est censé l'être (par
exemple s'il est lui-même médecin), ou encore s'il donne son accord au
traitement proposé en renonçant expressément ou par une attitude sans
équivoque à recevoir de plus amples informations (HINDERLING, op.cit.,
p. 55; LOTZ, op.cit., p. 117 aa; OTT, op.cit., p. 37).

    d) En l'espèce, le demandeur, informé de la nécessité d'une nouvelle
intervention en vue de l'exérèse de la tumeur découverte le 4 novembre
1973, n'a demandé aucune explication sur le caractère de cette tumeur
ni sur l'étendue de la résection intestinale projetée. D'autre part, le
défendeur a communiqué son diagnostic au médecin traitant et à l'épouse
du demandeur, et ces deux personnes, qui connaissaient beaucoup mieux que
lui le malade et ses réactions, l'ont dissuadé de révéler le diagnostic
au demandeur. Dans ces conditions, le défendeur n'était pas tenu de
passer outre à ces conseils et de fournir des éclaircissements que le
demandeur lui-même ne sollicitait pas, alors qu'il était dûment informé
de l'existence d'une tumeur et de la nécessité d'une résection.