Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 105 II 241



105 II 241

40. Arrêt de la IIe Cour civile du 25 octobre 1979 dans la cause D. contre
Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel (recours en réforme) Regeste

    Art. 30 Abs. 1 ZGB; Namensänderung bei einem Kind nicht verheirateter
Eltern.

    1. Überprüfungsbefugnis des Bundesgerichts (E. I 1).

    2. Im Falle eines Kindes ist der Begriff der wichtigen Gründe weniger
streng auszulegen als bei einem Erwachsenen (E. I 3).

    3. Hat ein Kind nicht verheirateter Eltern ein berechtigtes Interesse,
den Namen des Vaters zu tragen, darf ihm die Namensänderung nicht mit der
Begründung verweigert werden, seine Eltern könnten heiraten (E. II 1-4).

Sachverhalt

    A.- Dame D., domiciliée à La Chaux-de-Fonds, est veuve depuis le 19
mai 1970. De son mariage sont issus trois enfants, nés en 1960, 1966 et
1969. Le 23 janvier 1978, Dame D. a mis au monde un fils, Pascal, qui a
été reconnu le 26 janvier 1978 par U. Ce dernier est célibataire et vit
depuis longtemps en concubinage avec dame D. Les quatre enfants de dame
D. sont soumis à l'autorité parentale de leur mère.

    Dame D. et U. n'envisagent pas de se marier, pour des raisons
financières: dame D. perdrait sa rente de veuve (art. 23 al. 1 lettre
a LAVS); U. souffre périodiquement de furoncles dans la bouche, ce qui
entraîne une immobilisation et une perte de gain.

    B.- Le 14 septembre 1978, Pascal D., représenté par sa mère, a demandé
au Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel l'autorisation de changer de nom
pour porter désormais celui de U. Le Conseil d'Etat a rejeté la requête
par arrêté du 6 juillet 1979. Cette décision est motivée en substance
comme il suit:

    Il n'y a pas de justes motifs au sens de l'art. 30 al. 1 CC:
l'intérêt de l'enfant commande qu'il porte le même nom que sa mère et
ses frère et soeurs. D'ailleurs, les parents ont la possibilité de
donner au requérant le nom de son père: rien ne s'oppose légalement à
leur mariage. Le changement de nom doit rester une mesure exceptionnelle,
limitée au cas où il n'est pas possible d'assurer autrement la concordance
des noms par un changement d'état.

    C.- Pascal D. a recouru en réforme au Tribunal fédéral. Il demandait
que la décision attaquée fût annulée et que l'enfant fût autorisé à
changer de nom pour porter désormais celui de U.

    Le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel proposait le rejet du recours.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours et accordé l'autorisation.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:
I.

Erwägung 1

    I.1.- Aux termes de l'art. 30 al. 1 CC, le gouvernement du canton
de domicile peut, s'il existe de justes motifs, autoriser une personne
à changer de nom.

    La notion de justes motifs étant interprétée différemment d'un canton
à l'autre, le projet de loi fédérale modifiant le Code civil (filiation),
du 5 juin 1974, contenait un texte nouveau qui comprenait une énumération
non exhaustive des justes motifs (FF 1974 II, p. 94/95, 134/135). Mais,
lors des débats parlementaires, il a été décidé de renoncer à donner dans
la loi des exemples de justes motifs et d'assurer une application uniforme
de cette notion en ouvrant le recours en réforme au Tribunal fédéral
contre les décisions des gouvernements cantonaux refusant une demande
d'autorisation de changement de nom (Bulletin officiel de l'Assemblée
fédérale, 1975, Conseil national, p. 1790 ss.; art. 44 lettre a OJ,
modification du 25 juin 1976).

    Il appartient dès lors au Tribunal fédéral de préciser un concept
que, jusqu'à présent, il ne pouvait revoir que sous l'angle restreint
de l'arbitraire, dans le cadre d'un recours de droit public. Bien que
l'application de la notion de justes motifs relève au premier chef de
l'appréciation de l'autorité cantonale, il l'examine dorénavant avec une
pleine cognition: il lui incombe de vérifier si l'autorité cantonale est
restée dans les limites de son pouvoir d'appréciation, si elle en a usé
dans l'esprit de la règle appliquée, si elle s'est inspirée de critères
objectifs et pertinents, eu égard aux solutions consacrées par la doctrine
et la jurisprudence (cf. H. DESCHENAUX, Le titre préliminaire du Code
civil, Traité de droit civil suisse, tome II, 1, Fribourg 1969, p. 133).

Erwägung 2

    I.2.- A cet effet, peut être utilisée la jurisprudence de droit
public, qui, dans la mesure où elle a censuré au titre de l'arbitraire
des décisions cantonales rejetant des requêtes, a indirectement promu au
rang de justes motifs certaines raisons invoquées par les requérants. Mais
l'inverse n'est pas vrai: le rejet d'un recours de droit public du point
de vue de l'arbitraire ne saurait faire jurisprudence dans le cadre du
recours en réforme. Sont inutilisables d'autre part, bien que citées
parfois en doctrine (cf. C. HEGNAUER, Droit suisse de la filiation,
Adaptation française par B. Schneider, Berne 1978, p. 99), les décisions
rendues ensuite d'une action civile fondée sur l'art. 30 al. 3 CC, qui
se bornent à mettre en balance les intérêts respectifs des parties (ATF
95 II 505 consid. 1 et les références).

Erwägung 3

    I.3.- Les justes motifs supposent un intérêt légitime au
changement, l'emportant sur l'intérêt public à la fonction du nom,
qui est d'individualiser la personne dans ses relations sociales
(cf. H. ROGGWILLER, Der "wichtige Grund" und seine Anwendung in ZGB und
OR, Thèse Zurich 1956, p. 91): comme l'indiquent les termes employés
dans les textes allemand et italien de l'art. 30 CC ("wichtige Gründe",
"motivi gravi"), il faut une prédominance manifeste du motif invoqué sur
l'intérêt général à l'immutabilité du nom.

    Mais, s'agissant d'un enfant, notamment, comme en l'espèce, d'un
très jeune enfant, la fonction d'individualisation de la personne dans
ses relations sociales joue un rôle moins important que pour un adulte:
l'intérêt général au maintien du nom est moins évident. On peut donc se
montrer plus souple.

    Dans le cadre du recours de droit public, le Tribunal fédéral a dit
que, pour lui permettre de dissimuler autant que possible sa naissance
illégitime, l'enfant naturel doit être autorisé à prendre le nom de ses
parents nourriciers - et par voie de conséquence du père - lorsque ces
parents y consentent l'un et l'autre, s'occupent de son entretien et de
son éducation à titre durable, dans son intérêt, et enfin qu'il n'existe
pas d'autre moyen de lui donner le nom de la famille où il vit (ATF 96
I 429 ss.; 70 I 220 consid. 3).

    Dégagée dans l'optique de l'application arbitraire de la loi, cette
jurisprudence est fondée sur une appréciation nécessairement restrictive
de la notion de justes motifs: elle pose des conditions minimales. II.

Erwägung 1

    II.1.- En l'espèce, le père du recourant, qui vit "depuis longtemps"
en concubinage avec la mère, a reconnu l'enfant et contribue de façon
durable, dans la mesure de ses moyens, à l'entretien du ménage où se
trouve son fils. La première condition d'un juste motif, au sens où la
jurisprudence précitée interprète cette notion, est réalisée.

    La seconde condition, en revanche, fait défaut: au rebours de ce
qui se passait dans les cas susmentionnés, rien n'empêche les parents de
se marier, ce qui aurait pour effet de conférer au recourant le statut
d'enfant de conjoints et de lui donner le nom de son père. Les parents s'y
refusent essentiellement pour le motif que la mère cesserait de percevoir
sa rente de veuve. Quant à dire, comme ils le font, qu'en raison de
sa mauvaise santé U. ne pourrait pas assumer la charge d'une famille de
plusieurs enfants, cet argument n'est pas sérieux: les charges que, marié,
U. assumerait juridiquement ne sont pas plus lourdes que celles qu'il a
actuellement, l'obligation d'entretien de son épouse, seule charge qui
viendrait s'ajouter, étant limitée à ses capacités effectives (cf. ATF
51 II 102 consid. 3).

    Au fond, les parents veulent conserver les avantages d'une union
libre tout en se donnant, ainsi qu'à leur enfant, les apparences de la
légitimité. C'est non seulement contradictoire, mais, dans une certaine
mesure, abusif: la rente de veuve perd sa raison d'être dès lors que le
concubin de la veuve contribue aux frais du ménage. Dans ses observations
sur le recours, l'autorité cantonale estime qu'admettre la requête dans
de telles conditions serait "favoriser l'union libre au détriment d'une
institution fondamentale de notre droit".

    Mais ces considérations ne sont pas pertinentes.

    Il est inadmissible de vouloir punir le comportement des parents en
portant préjudice à un enfant innocent (ATF 96 I 432 b): s'il a un intérêt
certain à changer de nom, on ne peut en aucune façon lui opposer la faute
de ses parents, dont il n'a pas à répondre. Le changement de nom n'implique
pas la reconnaissance ou l'approbation du lien illégitime des parents,
ni ne met en péril l'institution du mariage comme telle (ATF 96 I 430 d).

    Par ailleurs, ce caractère en quelque sorte subsidiaire du changement
de nom, qui ne devrait être autorisé que lorsqu'il n'y a pas d'autre moyen
de faire coïncider le droit avec la situation de fait, a été dégagé dans
l'optique d'une appréciation restreinte à l'arbitraire. Ce serait adopter
un point de vue trop étroit que d'en faire une condition sine qua non dans
le cadre du recours en réforme. Selon les circonstances, on pourra le
retenir lorsque le requérant est un adulte et peut par lui-même pallier
d'une autre façon les inconvénients qu'il invoque. Mais, dans le cas du
petit enfant qui a avantage à porter le nom de son père, chez lequel il est
élevé, on aboutirait à un résultat paradoxal et choquant: on refuserait le
changement de nom à l'enfant de deux célibataires vivant en concubinage,
tandis qu'on l'autoriserait pour l'enfant du couple doublement adultère,
dont aucun des membres ne peut obtenir le divorce, et cela lors même que,
dans les deux éventualités, l'intérêt de l'enfant à porter le nom de son
père serait identique.

Erwägung 2

    II.2.- Depuis le 1er janvier 1978, il n'y a plus, en droit suisse,
d'enfants légitimes et d'enfants naturels (loi fédérale du 25 juin 1976
modifiant le titre septième et le titre huitième du Code civil). Toutefois,
ce n'est pas la situation telle que la définit la loi qui est décisive
pour juger l'intérêt au changement de nom, mais les conceptions et les
réactions du milieu social (cf. ATF 96 I 429 ss.; 70 I 220 consid. 3). Or,
le nouveau système de la filiation a été codifié pour "renforcer le rôle
de pilote" du Code civil (Message du Conseil fédéral du 5 juin 1974, FF
1974 II p. 23): il ne consacre pas une mentalité acquise. La distinction
supprimée par le législateur demeure sans aucun doute dans l'esprit d'une
grande partie de la population suisse; d'incontestables inconvénients
d'ordre social s'attachent, aujourd'hui encore, à la condition d'enfant
de parents non mariés.

    En l'espèce, on ne peut se rallier à l'opinion de l'autorité cantonale,
qui, contrairement d'ailleurs à l'avis de l'Office cantonal des mineurs,
estime que l'intérêt prédominant de l'enfant est de porter le nom de sa
mère et de ses frère et soeurs. Dame D. étant en communauté domestique
avec U., le recourant a avantage à porter le nom de son père, chez lequel
il vit, plutôt qu'un nom qui révèle son état d'enfant de parents non
mariés. Pour qui connaît un peu la famille, il est évident qu'il n'est
pas issu des oeuvres du mari de sa mère: né huit ans après le décès de
celui-ci, il est sensiblement moins âgé que ses frère et soeurs utérins.

    Dans ses observations sur le recours, l'autorité cantonale affirme
qu'elle a appliqué la législation nouvelle: le recourant perd de vue,
dit-elle, que, d'après le droit actuel de la filiation, l'enfant né
de parents non mariés acquiert le nom de famille de sa mère (art. 270
al. 2 CC), alors que, selon l'ancien droit (art. 325 al. 1 CC), il portait
automatiquement le nom de son père, si celui-ci l'avait reconnu. Mais c'est
mal comprendre la loi. La solution de l'art. 270 al. 2 CC est commandée par
la considération que l'enfant né hors mariage vit généralement auprès de
sa mère, avec laquelle il a des liens plus étroits qu'avec le père. Si tel
n'est pas le cas, la procédure en changement de nom lui est précisément
ouverte pour tenir compte des circonstances (cf. le Message du Conseil
fédéral, FF 1974 II, p. 51, et le texte de l'art. 30 nouveau selon le
projet, FF 1974 II, p. 134/135).

Erwägung 3

    II.3.- Le concubinage peut être rompu d'un jour à l'autre: il y a
donc risque, en cas de rupture, que l'enfant, vivant avec sa mère, ne
porte un autre nom qu'elle, alors qu'il n'aura plus de relations avec son
père; c'est précisément, on l'a vu, ce que la législation nouvelle tend à
éviter. Mais on ne saurait, sans ignorer la réalité, déduire du caractère
juridiquement précaire du concubinage qu'il y a toujours absence d'une
union solide et, pour cette raison, contester par principe l'existence
de justes motifs au sens de l'art. 30 al. 1 CC: dans sa jurisprudence
antérieure, le Tribunal fédéral a autorisé des enfants de concubins à
prendre le nom de leur père, retenant que, bien qu'illégitime, le groupe
familial était affectivement aussi stable qu'une famille constituée selon
la loi (ATF 96 I 430 a).

    La stabilité des liens affectifs unissant les concubins entre eux et
le père à l'enfant est une condition nécessaire du changement de nom. Cette
condition doit être vérifiée de cas en cas.

    En l'espèce, l'autorité cantonale ne met pas en doute la solidité de
l'union, qui résulte d'ailleurs des faits établis. Les concubins vivent
ensemble "depuis longtemps", sept ans selon le recourant: on est en
présence d'un ménage durable.

Erwägung 4

    II.4.- Au vu de ce qui précède, c'est à tort que l'autorité cantonale
a dénié qu'il y eût de justes motifs au sens de l'art. 30 al. 1 CC.
Le recourant a un intérêt certain à porter le nom de son père et il n'est
pas admissible qu'on lui refuse l'autorisation de changer de nom pour
sanctionner le comportement de ses parents.