Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 105 IB 431



105 Ib 431

63. Arrêt de la Ire Cour de droit public du 4 décembre 1979 dans la
cause A. contre R. (recours de droit public) Regeste

    Interkantonales Konkordat über die Schiedsgerichtsbarkeit;
Anfechtungsmöglichkeit von Zwischenentscheiden.

    1. Art. 87 OG ist auf eine gegen einen Zwischenentscheid gerichtete
staatsrechtliche Beschwerde wegen Verletzung des Art. 4 BV und des
Konkordats nur dann nicht anwendbar, wenn der zweite vorgebrachte
Beschwerdegrund mit der Willkürrüge nicht zusammenfällt und nicht
offensichtlich unzulässig oder unbegründet ist (E. 4a).

    2. a) Die Verletzung von Art. 36 lit. f des Konkordats bedeutet auch
eine solche des Art. 4 BV (E. 4b).

    b) Hat die Rüge der Verletzung von Art. 36 lit. c des Konkordats neben
derjenigen von Art. 4 BV selbständige Bedeutung? Frage offen gelassen
(E. 4c).

Sachverhalt

    A.- A. et R. ont conclu en 1968 un contrat de société simple en vue
de fabriquer et de vendre des produits alimentaires. Ce but était réalisé
par l'intermédiaire de sociétés filiales ayant leur propre personnalité
juridique, dont la société anonyme X. S.A. Le capital social de celle-ci
appartenaît pour 55% à A. et pour 45% à R.

    A la suite de la dissolution de la société simple qui les liait, les
associés sont convenus que A. achetait les actions de X. S.A. appartenant à
R. Ils ont par ailleurs chargé un tribunal arbitral de fixer entre autres
le prix des participations ainsi acquises.

    Le 17 avril 1978, le Tribunal arbitral a rendu une sentence partielle
dont le dispositif avait notamment la teneur suivante:

    "I. L'art. 23 du contrat de société simple du 25 mai 1968 est
interprété
   de la manière suivante:

    Le prix à payer par A. à R., pour le rachat des participations de ce
   dernier, est égal au 45% de la moitié de la somme des deux facteurs
   suivants:

    a) la valeur intrinsèque de X. S.A. au 31 décembre 1974;

    b) le décuple du bénéfice net moyen des exercices 1972-3-4."

    Statuant le 30 janvier 1979 sur recours des deux parties, la Chambre
des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a maintenu le chiffre I
du dispositif de la sentence partielle. Aussi A. a-t-il formé un recours
de droit public contre la sentence partielle du Tribunal arbitral et
contre l'arrêt du Tribunal cantonal. Le recourant, qui ne contestait
que les dates auxquelles la valeur intrinsèque et le bénéfice net moyen
de X. S.A. devaient être calculés, invoquait le fait que les décisions
attaquées étaient arbitraires et que les arbitres avaient statué sur des
points qui ne leur étaient pas soumis.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La possibilité de recourir à la fois contre la décision de
l'autorité supérieure et contre celle qui a été rendue en instance
inférieure suppose notamment que cette dernière émane d'une autorité
cantonale. Or, les sentences arbitrales ne constituent pas des décisions
cantonales au sens de l'art. 84 al. 1 OJ; elles ne peuvent en conséquence
être attaquées par la voie du recours de droit public, ni directement,
ni par le biais d'un arrêt cantonal rendu sur recours (ATF 103 Ia 357
consid. 1b et les arrêts cités).

    Il s'ensuit que le recours de A. est d'emblée irrecevable dans la
mesure où il est dirigé contre la sentence arbitrale du 17 avril 1978.

Erwägung 2

    2.- En tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du Tribunal cantonal,
le recours de droit public est formé en premier lieu pour arbitraire,
soit pour violation de l'art. 4 Cst.; à cet égard, il s'agit donc d'un
recours pour violation d'un droit constitutionnel des citoyens, au sens
de l'art. 84 al. 1 lettre a OJ.

    Le recourant fait toutefois valoir, à l'appui de son recours de droit
public, que la décision cantonale est arbitraire dans la mesure où elle
n'a pas admis, d'une part, que la sentence arbitrale était elle-même
arbitraire, et, d'autre part, que les arbitres avaient statué sur des
points qui ne leur étaient pas soumis. Or, ces griefs correspondent à
la violation de l'art. 36 lettres c et f du concordat sur l'arbitrage
(RS 279, ci-après: le concordat), de sorte que l'on peut considérer que
le recours est également formé pour violation de concordat (art. 84 al. 1
lettre b OJ): A. peut en effet se prévaloir de cette disposition légale,
nonobstant le fait qu'il se plaint de la violation d'un concordat par
les autorités de son canton de domicile (ATF 100 Ia 421 consid. 2b).

Erwägung 3

    3.- Selon l'art. 87 OJ, le recours de droit public pour violation de
l'art. 4 Cst. n'est recevable que contre les décisions finales prises en
dernière instance; il n'est recevable contre les décisions incidentes
prises en dernière instance que s'il en résulte un dommage irréparable
pour l'intéressé.

    Constitue seule une décision finale celle qui met un terme à la
procédure, qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision
qui clôt l'action judiciaire en raison d'un motif tiré des règles de la
procédure. En revanche, une décision qui est prise pendant le cours de
l'action judiciaire et qui ne constitue qu'une étape vers la décision
finale se caractérise comme étant incidente, sans égard au fait qu'elle
porte sur un point de procédure ou qu'elle tranche une question de fond
jugée préalablement à la décision finale (ATF 98 Ia 443).

    En l'espèce, l'arrêt du Tribunal cantonal est attaqué en tant qu'il
confirme les dates figurant au chiffre I du dispositif de la sentence
arbitrale partielle du 17 avril 1978. Or, en rendant cette décision,
l'autorité cantonale n'a pas mis fin au litige qui oppose A. à R.; elle
a simplement maintenu les dates que le Tribunal arbitral a retenues
comme étant celles auxquelles doivent être calculés les facteurs qui
permettront de déterminer le prix que le recourant devra payer à sa partie
adverse. A la suite de la décision qui fait l'objet du présent recours,
le Tribunal arbitral devra poursuivre la procédure, pour précisément
fixer le montant dû à R. par A., conformément à la mission que lui ont
confiée les intéressés. L'arrêt attaqué constitue donc à l'évidence
une décision incidente, nonobstant le fait qu'il concerne une sentence
arbitrale tranchant des questions de fond.

    Cette décision ne peut en conséquence faire d'ores et déjà l'objet d'un
recours de droit public, à moins qu'elle n'entraîne un dommage irréparable
pour le recourant (art. 87 in fine OJ) ou que celui-ci ne se prévale
d'autres moyens qui ne se confondent pas avec le grief d'arbitraire et ne
se révèlent pas manifestement irrecevables ou mal fondés (ATF 104 Ia 107;
102 Ia 199/200; 99 Ia 250; 96 Ia 463 consid. 2). A ce défaut, le moyen tiré
de la violation de l'art. 4 Cst. est irrecevable. Or, l'arrêt rendu par
le Tribunal cantonal n'a d'autres effets que de prolonger la procédure,
voire la rendre plus chère, ce qui ne constitue qu'un dommage de fait
(ATF 87 I 372) et non un dommage de nature juridique, tel qu'exigé
par la jurisprudence (ATF 102 Ia 198; 98 Ia 328 et les arrêts cités,
443). Quant aux autres griefs invoqués par A., ils sont - ainsi que cela
sera examiné plus bas - manifestement mal fondés, dans la mesure où ils
ne se confondent pas avec le moyen tiré de l'art. 4 Cst.

    Le recours est par conséquent irrecevable en tant qu'il est formé
pour violation de l'art. 4 Cst. (art. 84 al. 1 lettre a OJ).

Erwägung 4

    4.- A. ne se prévaut pas uniquement de la violation de l'art.  4 Cst.;
on peut également considérer qu'il fonde son recours de droit public sur
l'art. 36 lettres c et f du concordat.

    a) Les restrictions de l'art. 87 OJ ne sont en principe pas applicables
aux recours formés pour violation de concordats (art. 84 al. 1 lettre b
OJ): de tels griefs peuvent donc être également invoqués à l'encontre
de décisions incidentes, quand bien même celles-ci ne causent - comme
en l'espèce - aucun dommage irréparable à l'intéressé. Cela découle
logiquement de ce que l'art. 87 OJ ne concerne que les recours de droit
public pour violation de l'art. 4 Cst., soit une catégorie de ceux qui
se fondent sur l'art. 84 al. 1 lettre a OJ.

    La situation est la même en matière de recours pour violation d'un
traité international (art. 84 al. 1 lettre c OJ). Cependant, lorsqu'il
s'agit d'une violation alléguée de la convention européenne des droits
de l'homme (ci-après: la convention), les recours sont soumis aux mêmes
règles de procédure que ceux qui sont formés pour violation de droits
constitutionnels des citoyens au sens de l'art. 84 al. 1 lettre a OJ,
compte tenu du rapport étroit existant entre les droits garantis par la
constitution et ceux que la convention tend à sauvegarder (ATF 102 Ia 199;
101 Ia 69). Il découle notamment de cette règle qu'en matière de décisions
incidentes, le grief de violation de la convention invoqué conjointement
à celui de violation de l'art. 4 Cst. n'échappe à la règle de l'art. 87
OJ que s'il a une portée propre et ne se confond pas avec le grief
d'arbitraire; il doit en outre ne pas être manifestement irrecevable ou
manifestement mal fondé (ATF 102 Ia 199/200). Comme en matière de droits
constitutionnels (ATF 104 Ia 107), cette solution tend à préserver le
but d'économie de procédure poursuivi par l'art. 87 OJ. S'il en allait
autrement, on pourrait en effet éluder cette prescription en invoquant
n'importe quelle disposition de la constitution (ATF 99 Ia 250) ou de la
convention (ATF 102 Ia 200).

    Les motifs qui sont à l'origine de cette jurisprudence justifient
qu'elle soit étendue au concordat sur l'arbitrage. L'art. 87 OJ résulte
essentiellement d'une double préoccupation: il s'agit en premier lieu
d'empêcher que la procédure cantonale ne soit inutilement allongée et
enchérie par des recours de droit public formés contre chaque décision
incidente; il convient de surcroît d'éviter que le Tribunal fédéral ait à
s'occuper à réitérées fois de la même affaire par le biais de tels recours
(ATF 96 I 465; 94 I 369; 87 I 368). Or, non seulement ces risques ne sont
pas exclus en matière de juridiction arbitrale, mais on peut même les
tenir pour accrus. Il est en effet fréquent que l'on procède en pareil
cas par voie de décisions partielles (cf. l'art. 32 du concordat). Dans
ces conditions, il se révèle opportun d'empêcher que le justiciable ne se
soustraie aux règles de l'art. 87 OJ, soit en invoquant une disposition du
concordat qui se confond avec l'art. 4 Cst., soit en se prévalant du grief
d'arbitraire et, conjointement, d'une quelconque violation du concordat, ce
dernier moyen fût-il irrecevable ou à l'évidence dénué de tout fondement.

    En outre, le refus d'étendre ces principes jurisprudentiels
au concordat sur l'arbitrage conduirait à des situations fort
insatisfaisantes. Ainsi, pour peu qu'une violation du concordat serait
alléguée, fût-elle sans portée propre, irrecevable ou manifestement mal
fondée, le Tribunal fédéral se verrait contraint d'entrer en matière si
la sentence partielle émanaît d'un tribunal arbitral; il refuserait en
revanche d'examiner le fond du même recours si la décision incidente était
rendue par la juridiction ordinaire, puisqu'en pareil cas seul l'art. 4
Cst. pourrait être invoqué. De même, et pour des raisons identiques, un
recours de droit public serait recevable ou non, selon que le tribunal
arbitral ayant rendu la sentence partielle à l'origine du litige aurait
son siège sur le territoire d'un canton concordataire - auquel cas le
concordat serait en principe applicable (art. 1er al. 1 concordat) -
ou non concordataire - hypothèse dans laquelle seule la violation de
l'art. 4 Cst. pourrait être alléguée.

    b) Il résulte de l'art. 36 lettre f du concordat que la sentence
arbitrale peut être attaquée en nullité devant le tribunal supérieur de la
juridiction civile ordinaire du canton où se trouve le siège de l'arbitrage
(art. 3 du concordat) - soit en l'espèce la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud - lorsque cette décision est arbitraire parce
qu'elle repose sur des constatations manifestement contraires aux faits
résultant du dossier ou parce qu'elle constitue une violation évidente du
droit ou de l'équité. La cognition de la Cour cantonale, ainsi définie,
recouvre la notion d'arbitraire déduite de l'art. 4 Cst. par le Tribunal
fédéral (ATF 102 Ia 3/4 et les arrêts cités). Le recours de droit public
formé auprès du Tribunal fédéral pour violation de cette disposition
concordataire par l'autorité cantonale ne saurait dès lors avoir une
portée plus étendue que le recours en nullité par lequel la sentence
arbitrale a été préalablement attaquée. Même, lorsque le Tribunal fédéral
est appelé à revoir l'application de l'art. 36 lettre f du concordat, sa
cognition est doublement restreinte à l'égard de la sentence arbitrale:
il doit uniquement rechercher si la Cour cantonale s'est soustraite d'une
façon insoutenable à son devoir d'examiner si la sentence était entachée
d'arbitraire (ATF 103 Ia 358 ss. consid. 2 et 3).

    Dans ces conditions, il est patent que le moyen pris de la violation
de l'art. 36 lettre f du concordat se confond avec le grief d'arbitraire,
au sens de l'art. 4 Cst. Etant dirigé contre une décision incidente qui
n'entraîne pas de dommage irréparable pour le recourant, il doit être
déclaré irrecevable, en conformité de l'art. 87 OJ, compte tenu de ce
que le dernier moyen invoqué par le recourant à l'appui de son recours
est à tout le moins mal fondé.

    c) L'art. 36 lettre c in principio du concordat ouvre la voie du
recours en nullité à l'encontre de la sentence arbitrale, lorsque le
tribunal qui l'a rendue a statué sur des points qui ne lui étaient pas
soumis. A. se prévaut également de la violation de cette disposition. Il
soutient que le compromis donnait pour seule mission au Tribunal arbitral
de fixer le prix que lui-même avait à payer à R. pour le rachat des
participations de ce dernier, mais que les parties ne s'en étaient pas
remises aux arbitres pour fixer les modalités de la dissolution de la
société simple qui les liait.

    On pourrait se demander si le moyen tiré de l'art. 36 lettre c du
concordat ne se confond pas aussi avec le grief de violation de l'art. 4
Cst., soit parce que la disposition en cause recouvrirait celle de
déni de justice formel déduite de la norme constitutionnelle précitée,
soit au motif que, dans le cas particulier, le grief fait au Tribunal
arbitral reviendrait à lui reprocher d'avoir procédé à une interprétation
arbitraire du compromis arbitral. Dans une telle hypothèse, l'art. 87
OJ serait à nouveau applicable, compte tenu de ce que la violation du
concordat alléguée serait dépourvue de portée propre. Cette question peut
néanmoins demeurer irrésolue, car le grief ainsi invoqué est manifestement
mal fondé. En effet, l'application de l'art. 36 lettre c du concordat
par l'autorité cantonale, qui est examinée par le Tribunal fédéral avec
plein pouvoir de cognition (ATF 100 Ia 423 consid. 3), ne prête pas le
flanc à la critique.

    Les arbitres ont retenu que la société simple avait été dissoute
en 1975; c'est de cette constatation que découlent les dates arrêtées
au chiffre I du dispositif de la sentence et contestées par A. Il est
vrai, ainsi que l'allègue celui-ci, que le mandat du Tribunal arbitral
se limitait à déterminer le montant dû par le recourant à l'intimé à la
suite de la dissolution, mais que l'autorité arbitrale a estimé qu'il était
indispensable, pour trancher la question qui lui était soumise, d'établir à
quel moment les intéressés s'étaient entendus sur les éléments essentiels
de la dissolution. Or, il est évident que les arbitres ne pouvaient
s'acquitter de leur tâche, soit trancher des questions résultant de la
dissolution d'une société simple, sans que soit préalablement déterminé
le moment de cette dissolution, dès lors que le montant dû par A. à R.
dépendait notamment de cette date. Dans ces conditions, on doit admettre
que ce point préalable, considéré par le Tribunal arbitral comme essentiel
pour juger le litige dont il était saisi, entrait dans le cadre de ceux
qui lui étaient soumis. Il s'ensuit que la Chambre des recours du Tribunal
cantonal était fondée à considérer, comme elle l'a fait, que la sentence
partielle ne violait pas l'art. 36 lettre c du concordat.

    Le recours de droit public est donc manifestement mal fondé,
pour autant qu'il soit recevable, dans la mesure où il se fonde sur la
violation de cette disposition concordataire. Il n'y a par conséquent
pas lieu d'entrer en matière sur les griefs tirés de la violation de
l'art. 4 Cst. et de l'art. 36 lettre f du concordat (ATF 104 Ia 107; 102
Ia 199/200; 99 Ia 250); le recourant pourra cependant attaquer la sentence
partielle en se prévalant de ces moyens, si tant est qu'elle aura encore
de l'importance à ce moment-là, en même temps que la décision finale
(ATF 98 Ia 240; 96 I 466; 89 I 362/363; 89 I 40).