Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 104 II 259



104 II 259

43. Arrêt de la Ire Cour civile du 29 novembre 1978 dans la cause Bolognese
contre Camandona S.A. Regeste

    Haftpflicht, Genugtuung.

    Art. 129 Abs. 2 KUVG. Die Haftung des Arbeitgebers für den durch
einen Arbeitsunfall verursachten Schaden setzt grobe Fahrlässigkeit
des Arbeitgebers selbst bzw. eines Organs voraus, wenn eine juristische
Person Arbeitgeberin ist; für das Verschulden einer Hilfsperson hat der
Arbeitgeber weder nach Art. 55 OR noch nach Art. 58 Abs. 4 SVG einzustehen
(E. 2 und E. 3a).

    Art. 47 OR. Bestimmung einer Geldsumme als Genugtuung bei Tötung
eines Menschen (E. 5).

Sachverhalt

    A.- En 1974, Antonio Bolognese travaillait comme chef d'équipe au
service de l'entreprise de travaux publics et de génie civil Camandona
S.A. Le 11 septembre 1974, cette entreprise goudronnait un tronçon de
route en réfection au moyen d'une machine dite "finisseuse", suivie
d'un rouleau compresseur pneumatique qui tassait la couche de bitume. Ce
travail se faisait sur une moitié de la chaussée, l'autre étant ouverte au
trafic. Le rouleau compresseur était conduit par un employé de Camandona
S.A., Manuel Rodriguez. Alors que celui-ci opérait une manoeuvre de recul
en s'éloignant de la finisseuse, les roues arrière du rouleau compresseur
ont écrasé la tête et le bras droit de Bolognese, qui est décédé sur
place. Rodriguez a notamment déclaré à la gendarmerie qu'au moment où il a
bloqué son véhicule, en entendant crier le manoeuvre Liazar, il avait la
tête tournée à gauche "pour regarder le joint au centre de la route". Il
a également affirmé ne pas avoir vu Bolognese dans son miroir rétroviseur.

    Pour le conducteur du rouleau compresseur, la visibilité à proximité
immédiate des roues est réduite à cause du volume de l'engin; même avec
les rétroviseurs, le conducteur ne peut voir ce qui se passe derrière les
roues. Rodriguez avait appris le maniement de ce véhicule avec Bolognese
et le conduisait depuis une semaine. Auparavant, il avait piloté de petites
machines de chantier en Espagne et il était au bénéfice d'un permis de
conduire espagnol pour voitures automobiles légères et poids lourds.

    Le juge informateur chargé de l'enquête a rendu une ordonnance
de non-lieu. Il a admis que l'accident "paraît être dû à une légère
imprudence de la victime, qui s'est probablement trop approchée du rouleau
à un moment critique", et qu'"aucune faute ne semble imputable à un tiers".

    Antonio Bolognese a laissé sa femme Filomena, née en 1942, et deux
enfants nés en 1967 et 1973, Claudio et Silvana.

    Le 5 novembre 1974, la Caisse nationale suisse d'assurances en cas
d'accidents, à Lucerne, a accordé des rentes mensuelles de 935 fr. à
Filomena Bolognese et de 468 fr. à chacun de ses enfants. Dame Bolognese
a également reçu de la Caisse de retraite professionnelle de l'industrie
vaudoise de la construction, outre des rentes d'orphelin pour ses enfants,
un capital de 20'000 fr., et de la Fribourgeoise, assurance collective
de Camandona S.A. contre les accidents, un capital décès de 51'895 fr.

    Le 6 avril 1976, Filomena Bolognese et ses enfants Claudio et Silvana,
ainsi que Pietro Bolognese, père du défunt, ont ouvert action contre
Camandona S.A. en paiement d'indemnités pour un montant total de 348'008
fr. 90, avec intérêt à 5% dès le 4 avril 1975.

    Par jugement du 6 juin 1978, la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois a alloué à Filomena Bolognese une indemnité pour tort moral de
20'000 fr. et à chacun des enfants 10'000 fr. au même titre. Elle a rejeté
la demande pour le surplus.

    Filomena Bolognese et ses deux enfants recourent en réforme au Tribunal
fédéral en concluant à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de
la cause à la juridiction cantonale pour nouveau jugement dans le sens
des considérants.

    La défenderesse a formé un recours joint tendant à la réduction
à 15'000 fr. pour la mère et 7'500 fr. pour chaque enfant des sommes
allouées à titre de réparation du tort moral.

    Le Tribunal fédéral a rejeté les deux recours et confirmé le jugement
attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Bien que concluant uniquement à la nullité du jugement attaqué et
au renvoi de la cause à la juridiction cantonale, le recours en réforme
principal est recevable au moins en ce qui concerne la perte de soutien:
en cas d'admission du point de vue des demandeurs, le Tribunal fédéral ne
serait pas à même de statuer au fond, en l'absence de toute constatation
relative à l'ampleur du dommage (ATF 95 II 436 consid. 1 et les arrêts
cités).

Erwägung 2

    2.- Les demandeurs critiquent longuement les considérants du jugement
déféré qui, suivant l'opinion d'OFTINGER (Schweiz. Haftpflichtrecht,
2e éd., II/2 p. 468), rejette l'application de la loi sur la circulation
routière pour le motif que l'accident s'est produit non pas sur la voie
publique, mais sur un chantier, la portion de route où fonctionnait
l'engin étant fermée à la circulation.

    La question peut toutefois demeurer indécise. Les prétentions
en dommages-intérêts litigieuses dérivent en effet d'un accident
professionnel. Or même si la responsabilité civile de la défenderesse était
engagée en sa qualité de détenteur de l'engin en vertu des art. 58 ss. LCR,
cette responsabilité serait limitée en application de l'art. 129 al. 2
LAMA (ATF 95 II 625; OFTINGER, op. cit., 4e éd., I p. 429 et 436; MAURER,
Recht und Praxis der schweiz. obligatorischen Unfallversicherung, 2e éd.,
Berne 1963, p. 356). Quelle que soit la source de sa responsabilité, la
défenderesse ne répond ainsi du dommage qu'aux conditions de l'art. 129
al. 2 LAMA, soit pour autant qu'un dol ou une faute grave soit retenu à
sa charge.

Erwägung 3

    3.- Les demandeurs font valoir que la défenderesse répond comme de
sa propre faute, en vertu de l'art. 58 al. 4 LCR, de la faute grave du
conducteur Rodriguez.

    Cet argument doit être rejeté pour deux raisons.

    a) D'une part, selon l'art. 129 al. 2 LAMA, la condition d'une
responsabilité de l'employeur est un dol ou une faute grave personnelle;
la faute d'un auxiliaire, prévue par l'art. 58 al. 4 LCR, ne remplit
pas cette condition. L'art. 129 al. 2 LAMA a pour but de supprimer
la responsabilité de l'employeur sauf faute exceptionnelle (ATF 87 II
189), cette responsabilité ne subsistant que dans le cadre fixé par
l'art. 129 LAMA, indépendamment de la cause de responsabilité invoquée
par le lésé (DESCHENAUX/TERCIER, La responsabilité civile, Berne 1975,
p. 302). L'art. 129 LAMA substitue aux responsabilités spéciales, notamment
à la responsabilité causale de l'art. 58 al. 4 LCR, une responsabilité
délictuelle soumise à ses propres conditions (OSWALD, Die beschränkte
Haftung des Arbeitgebers gemäss KUVG 129 II, Schweiz. Zeitschrift für
Sozialversicherung, 1962, p. 267, 276). Le lésé doit donc toujours établir
une faute personnelle de l'employeur ou, s'agissant d'une personne morale,
d'un organe; l'employeur ne peut se voir imputer la faute d'un auxiliaire
en vertu de l'art. 55 CO (ATF 72 II 430 s.; OFTINGER, op. cit., 4e éd., I
p. 435; MAURER, op. cit., p. 356 s.; OSWALD, loc. cit.). En l'espèce, il ne
servirait ainsi à rien d'établir une faute grave à la charge de Rodriguez.

    b) D'autre part, il ne ressort nullement des constatations de fait
du jugement déféré que Rodriguez ait commis une faute qui pourrait être
qualifiée de grave.

    Les demandeurs font grief à la Cour civile de n'avoir examiné que
sommairement la faute de Rodriguez qui, selon eux, aurait "reculé sur une
vingtaine de mètres en regardant toujours devant lui". Mais le jugement
attaqué ne retient nullement que Rodriguez ait, sur 20 m., toujours regardé
devant lui. Il relate la déposition de Rodriguez à la gendarmerie, disant:
"A ce moment-là, j'avais la tête tournée à gauche pour regarder le joint
au centre de la route...". Or si l'on se reporte à la phrase qui précède
cette déclaration, ce "moment-là", c'est le moment où Antonio Liazar a
crié, sans plus.

    Les demandeurs reprochent encore aux premiers juges de ne s'être
pas prononcés sur la valeur de la déposition du témoin Dutoit, qui a
déclaré que le conducteur avait reculé d'une vingtaine de mètres. Mais le
jugement attaqué admettant que l'engin effectuait une manoeuvre de recul,
peu importe que ce soit sur 20 m. ou plus; cela ne signifie pas que,
sur toute cette distance, Rodriguez se serait abstenu de regarder dans
la direction de marche.

    La prétention des recourants à ce que l'autorité cantonale complète
ses constatations est dénuée de tout fondement. Appréciant les preuves
administrées, la Cour civile a relaté les faits qu'elle a jugés
établis. Ces constatations lient la juridiction fédérale de réforme;
les demandeurs ne prétendent pas qu'elles reposeraient manifestement sur
une inadvertance, ni que des dispositions fédérales en matière de preuve
auraient été violées (art. 63 al. 2 OJ); ils n'allèguent pas, notamment,
que la cour cantonale aurait refusé de donner suite à une offre de preuve
portant sur des faits pertinents. Or les constatations du jugement attaqué
ne permettent pas de retenir une faute grave à la charge de Rodriguez.

    Même si celui-ci, accaparé par la nécessité de suivre un trajet bien
défini en suivant le "joint" au bord de sa route, n'avait pas prêté une
attention suffisante à ce qui pouvait se présenter sur le chemin de son
engin, il ne saurait être question de faute grave; la vitesse très réduite
du rouleau compresseur circulant sur un chantier où n'étaient occupés que
les ouvriers de l'entreprise, qui ne pouvaient pas ne pas voir et entendre
la machine dans sa lente progression, permettait à Rodriguez de vérifier,
tout en conduisant, si le trajet suivi était correct. L'appréciation de
la Cour civile vaudoise est d'ailleurs corroborée par l'ordonnance de
non-lieu rendue par le juge pénal.

Erwägung 4

    4.- Après avoir longuement examiné si une faute grave - culpa in
eligendo, in instruendo, in custodiendo - pouvait être retenue à la
charge de la défenderesse, la Cour civile a résolu cette question par
la négative. On ne peut que se rallier sur ce point aux considérants
du jugement déféré, contre lesquels les recourants n'élèvent d'ailleurs
aucune critique.

Erwägung 5

    5.- Les deux parties remettent en cause les montants alloués à titre
de réparation morale. Les demandeurs réclament une augmentation sensible
de ces montants, "en fonction de la faute de Rodriguez". La défenderesse
conclut à la réduction des indemnités pour tort moral à 15'000 fr.
pour la veuve et à 7'500 fr. pour chacun des enfants.

    S'agissant du tort moral, non couvert par la Caisse nationale,
peu importe que la responsabilité de la défenderesse soit régie par
l'art. 62 LCR ou par l'art. 55 CO, car l'art. 47 CO est de toute façon
applicable. Cette disposition n'exige pas qu'une faute soit établie à la
charge de la personne responsable. Certes, la gravité de la faute peut
être prise en considération. Mais qu'on envisage la faute de Rodriguez,
dont la défenderesse répondrait en vertu de l'art. 58 al. 4 LCR, ou la
faute propre de la défenderesse consistant dans un défaut d'instruction
et de surveillance de son auxiliaire, il s'agit dans les deux cas d'une
faute légère.

    D'autre part, l'instruction n'a pas permis d'établir clairement
l'attitude de la victime au moment de l'accident. La défenderesse a
ainsi échoué dans la preuve, qui lui incombait, d'une faute concomitante
de Bolognese. Toute l'argumentation du recours joint à cet égard, qui
discute les hypothèses envisagées par la cour cantonale, ressortit au
fait et n'est pas recevable.

    Pour admettre le principe et fixer le montant de la réparation du
tort moral, la Cour civile vaudoise a examiné avec soin l'ensemble des
circonstances, en prenant principalement en considération l'intensité
de la souffrance des demandeurs. Elle relève la gravité particulière de
l'atteinte, s'agissant de la mort brutale d'un homme de 32 ans, laissant
une veuve du même âge et deux enfants de un et sept ans dans des conditions
financières difficiles, ce qui les a obligés à regagner l'Italie. Le
jugement attaqué se réfère en outre à plusieurs précédents et tient compte
de l'évolution du coût de la vie et de l'âge des survivants. En allouant
20'000 fr. à la veuve et 10'000 fr. à chacun des enfants, l'autorité
cantonale n'a pas excédé le large pouvoir d'appréciation dont elle jouit
dans ce domaine. Ces montants correspondent à ceux dont le Tribunal fédéral
a jugé récemment (ATF 101 II 355 consid. 8) qu'ils atteignent "la limite
supérieure encore admissible eu égard au pouvoir appréciateur de l'autorité
cantonale". Les deux recours s'avèrent donc mal fondés sur ce point.