Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 104 IB 152



104 Ib 152

26. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 21 juin 1978 dans la cause R.
contre Commission de libération conditionnelle du canton de Genève Regeste

    Art. 55 Abs. 2 StGB, bedingter Aufschub der Landesverweisung:
Wenn ein ausländischer Strafgefangener, der mit einer Landesverweisung
belegt worden ist, während seiner Inhaftierung enge Beziehungen zu
einer privaten schweizerischen Gefangenenhilfsorganisation geknüpft
hat und wenn anzunehmen ist, dass er in seinem Heimatstaat über keine
verwandtschaftlichen oder anderweitigen Beziehungen verfüge, die ihm
Halt und Unterstützung bieten können, darf die Behörde es nicht ablehnen,
den Vollzug der Landesverweisung aufzuschieben, ausser wenn es ihr unter
den gegebenen Umständen scheint, dass die Ziele der bedingten Entlassung
durch den Vollzug des Landesverweisung ebenso gut oder sogar besser
erfüllt werden können (E. 2b und E. 3).

Sachverhalt

    A.- R. née en 1952, secrétaire, de nationalité française, n'ayant
jamais vécu en Suisse, a été condamnée le 24 février 1978 par le Tribunal
de police de Genève à la peine de 2 ans d'emprisonnement, sous déduction de
13 mois et 7 jours de détention préventive, pour infraction à la loi sur
les stupéfiants. Le Tribunal a aussi prononcé l'expulsion du territoire
suisse pour une durée de 10 ans.

    R. avait été arrêtée à l'aéroport de Genève, en janvier 1977, après
que l'on eut trouvé 400 grammes d'héroïne dans le double fond de sa
valise. Toxicomane elle-même, elle venait de Bangkok pour se rendre à
Paris. Elle se doutait qu'il y avait un peu de drogue dans sa valise,
mais ignorait qu'il s'agissait d'une telle quantité.

    B.- Par décision du 11 avril 1978, la Commission de libération
conditionnelle du canton de Genève a accordé à R. la libération
conditionnelle pour le 15 mai 1978, avec un délai d'épreuve de quatre
ans. Elle a cependant maintenu l'expulsion judiciaire prononcée par le
Tribunal de police de Genève.

    R. forme un recours de droit administratif au Tribunal fédéral. Elle
demande qu'il soit sursis conditionnellement à l'exécution de l'expulsion
judiciaire.

    La Commission de libération conditionnelle conclut au rejet du
recours. Le Département fédéral de justice et police, division de la
justice, propose d'annuler la décision attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) La commission de libération a relevé que différents documents
joints à la requête de la recourante font état de l'encadrement dont
elle pourrait bénéficier pour autant, disent les personnes intervenant
en sa faveur, qu'elle soit autorisée à résider à Genève. La commission
a néanmoins pris la décision de ne pas différer l'expulsion judiciaire
parce que R. n'a pas d'attache familiale à Genève et que l'expulsion
n'est pas de nature à compromettre sa réinsertion sociale, puisqu'elle
pourra être accueillie dans son pays d'origine par quelques membres de
sa famille. Tout en comprenant les motifs qui ont poussé les intervenants
à demander la suspension de l'expulsion, la commission a donc estimé que
l'application de l'art. 55 ch. 2 CP ne se justifiait pas.

    b) La recourante quant à elle relève que l'origine de sa toxicomanie
doit être recherchée dans la carence affective et familiale dont elle a
souffert. Enfant naturelle, elle n'a jamais trouvé un cadre affectif et
familial solide auprès de sa mère qui s'est d'ailleurs montrée totalement
indifférente à sa détention et qui ne lui a pas rendu visite, ni manifesté
le moindre signe d'affection. Selon la recourante, la seule personne qui
lui manifesterait de l'intérêt serait une tante, enseignante retraitée,
mais celle-ci serait trop âgée pour la recevoir. En revanche à Genève,
depuis sa détention, la recourante a suscité autour d'elle beaucoup
de sympathie et d'intérêt. Des personnes fort respectables se sont
occupées d'elle avec dévouement et ont progressivement mis en place tout
un encadrement tant sur le plan pratique que sur le plan affectif; elle
pourrait être reçue par une famille genevoise et pourrait travailler. Elle
a produit devant la commission des lettres significatives des personnes
qualifiées qui s'occupent d'elle et qui sont prêtes à poursuivre leur
effort pour permettre sa réinsertion sociale. Elle soutient dès lors
que si elle n'a, il est vrai, pas d'attache familiale à Genève, elle y
a en revanche trouvé des relations d'une qualité réelle et profonde qui
peuvent lui procurer l'élément nécessaire à sa stabilisation personnelle
et sociale. Le sursis conditionnel à l'expulsion apparaîtrait ainsi comme
la mesure la plus propre à la préserver d'une récidive.

Erwägung 2

    2.- a) L'art. 55 al. 2 CP prévoit que l'autorité compétente
décidera si, et à quelles conditions, l'expulsion du condamné libéré
conditionnellement doit être différée à titre d'essai. Cette autorité
dispose d'un large pouvoir d'appréciation moyennant qu'elle se réfère
à des critères objectivement déterminants. S'agissant en effet d'une
décision étroitement liée à la libération conditionnelle, elle ne saurait
être motivée d'une manière incompatible avec le sens et le but de la
loi. Or la libération conditionnelle repose sur des considérations de
politique criminelle; elle tend à permettre au condamné de faire lui-même
ses preuves en liberté, de façon à être préservé d'une récidive. Ainsi
lorsque l'autorité compétente est appelée, à l'occasion d'une libération
conditionnelle, à décider si elle doit ou non différer l'exécution de
la peine accessoire, elle doit choisir la mesure qui lui paraît la plus
propre à préserver le condamné d'une récidive. Dès lors si, à cet égard,
le fait de différer l'expulsion à titre d'essai apparaît comme la mesure
la mieux appropriée, l'autorité compétente devra choisir cette solution,
sous réserve de considérations fondées sur les exigences de la sécurité
publique; elle pourra en revanche la refuser si les buts auxquels tend la
libération conditionnelle peuvent être atteints aussi bien ou encore mieux
par l'exécution de l'expulsion. En fonction de ces critères, le pronostic
et, par conséquent, la solution à adopter dépendront de la situation
personnelle du libéré, de ses rapports avec la Suisse ou avec son pays
d'origine, de la situation de sa famille et de ses liens avec celle-ci,
ainsi que de ses possibilités de travail (ATF 103 Ib 24; 100 Ib 365).

    b) En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le séjour de
la recourante dans un établissement pénitentiaire suisse lui a permis
non seulement de nouer certains liens, mais encore d'obtenir le soutien
actif de personnes compétentes et dévouées, prêtes à l'entourer et à la
suivre pour assurer sa réintégration. Il s'agit de l'équipe de "Carrefour",
qui dépend de l'Eglise nationale protestante, et dont l'action passée et
proposée en faveur de la recourante est appréciée de façon positive par
le directeur du service de patronage de Genève, qui a émis un préavis
favorable à la suspension de la mesure d'expulsion.

    Les pièces du dossier font ressortir, d'un autre côté, que le retour
de la recourante dans son pays d'origine pourrait la replacer dans une
situation propice à la récidive. Sa mère ne manifeste à son égard que
désintérêt et indifférence; c'est en outre à Paris que semblent se situer
les causes premières qui ont conduit la recourante à la toxicomanie. Sa
tante, qui paraît être le seul soutien sérieux et positif dont elle
dispose dans son pays, est malheureusement d'un âge avancé.

    La commission de libération ne conteste pas ces éléments. Dans ses
observations sur le recours, elle "constate avec regret et inquiétude que
la recourante ne peut pas compter sur sa famille établie à Paris et elle ne
met pas en doute le fait que le retour au pays lui posera plus de problèmes
que si elle pouvait rester à Genève". Elle explique cependant que si elle
n'a pas voulu surseoir à l'expulsion c'est parce qu'"elle n'a pas acquis
la conviction qu'il n'existe pas d'autres solutions d'encadrement à Paris".

    Si, au vu de ce qui précède, on se réfère à la décision attaquée, force
est de constater alors qu'elle est fondée sur la constatation inexacte
ou incomplète de faits pertinents, au sens de l'art. 104 litt. b OJ. En
effet, d'une part l'affirmation, qui fonde la décision attaquée, et selon
laquelle la recourante pourra être accueillie dans son pays d'origine par
quelques membres de sa famille, ne paraît pas correspondre à la réalité,
et d'autre part on ne dispose d'aucun renseignement ou éléments quelconques
sur les éventuelles solutions d'encadrement qui pourraient exister en
France et agir efficacement en faveur de la recourante.

    Cela suffit à justifier l'admission du recours et l'annulation de la
décision attaquée. En effet, bien que le Tribunal fédéral ait la faculté
générale de revoir les constatations de fait (art. 105 OJ), il ne dispose
pas in casu des éléments qui lui permettraient de se prononcer en pleine
connaissance de cause. Il est donc expédient de renvoyer la cause à la
commission pour qu'elle complète son information et statue ensuite en
fonction des critères rappelés sous ch. 2 a ci-dessus, et des remarques
qui vont suivre.

Erwägung 3

    3.- La commission devra donc choisir la solution la plus propre à
préserver la recourante d'une récidive. Elle ne refusera de surseoir à
l'expulsion que si, au vu des éléments topiques, il lui apparaît que les
buts auxquels tend la libération conditionnelle peuvent être atteints
aussi bien voire mieux encore par l'exécution de l'expulsion.

    Tout en faisant abstraction de considérations générales de droit
administratif qui ne relèvent pas de sa compétence telles que la lutte
contre la surpopulation étrangère, la sauvegarde du marché de l'emploi
ou de l'ordre public (cf. ATF 103 Ib 26), la commission devra néanmoins
prendre en considération les possibilités concrètes de travail qui sont
offertes à la recourante dans le canton de Genève.

    Eu égard à la structure psychologique fragile de la recourante, la
commission devra également posséder des garanties actuelles, précises et
convaincantes, sur les conditions tant affectives que matérielles qui
seraient faites à la recourante par les personnes qui interviennent en
sa faveur soit directement soit grâce à leurs efforts.

    Enfin la commission devra tenter d'obtenir des renseignements
suffisamment précis sur les solutions d'encadrement et d'environnement
protégé pouvant exister en France ou à Paris et susceptibles d'offrir
à la recourante un appui au moins aussi efficace que celui qui pourrait
lui être fourni à Genève.

    C'est alors sur la base de tous ces éléments que la commission statuera
à nouveau sur le cas de la recourante.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet partiellement le recours, annule la décision attaquée et renvoie
l'affaire à la Commission de libération conditionnelle du canton de Genève
pour nouvelle décision dans le sens des considérants.