Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 104 IA 360



104 Ia 360

55. Arrêt du 13 décembre 1978 dans la cause Parti socialiste lausannois
et Parti ouvrier et populaire vaudois contre Vaud, Grand Conseil Regeste

    Kantonale Wahlen. Wahllistenverbindung.

    1. a) Legitimation politischer Parteien zur staatsrechtlichen
Beschwerde gegen eine Wahl (E. 1a).
   b) Kassatorische Natur der staatsrechtlichen Beschwerde (E. 1b).

    2. Nach waadtländischem Recht zuständige Behörde für die Entgegennahme
von Listenverbindungserklärungen (E. 2).

    3. Eine Listenverbindungserklärung, die den Stimmbürgern nicht auf
irgendeine Weise bekannt gemacht worden ist, ist unwirksam (E. 3).

Sachverhalt

    A.- En vue des élections au Grand Conseil du canton de Vaud de mars
1978, le Parti radical démocratique et le Parti libéral de l'arrondissement
de Lausanne ont déposé une déclaration commune d'apparentement de leurs
listes au greffe municipal de Lausanne le 20 février 1978. Compte tenu
de cet apparentement, les 47 sièges de l'arrondissement de Lausanne ont
été répartis comme suit:

    Groupement pour la protection de l'environnement    3

    Parti radical                                      10

    Parti démocrate-chrétien                            5

    Parti socialiste                                   15

    Parti libéral                                       7

    Parti ouvrier et populaire                          7

    Le Parti ouvrier et populaire vaudois ainsi que le Parti socialiste
lausannois ont formé chacun une réclamation contre la déclaration
d'apparentement des Partis radical et libéral, demandant qu'elle soit
déclarée nulle et de nul effet, pour le motif qu'elle n'avait pas été
déposée en main du président du bureau électoral et qu'elle avait été tenue
secrète; le Parti socialiste relevait notamment que cet apparentement
avait eu pour conséquence d'attribuer un siège supplémentaire au Parti
libéral aux dépens du Parti Socialiste.

    De l'enquête ouverte par le préfet en application de la loi du 17
novembre 1948 sur l'exercice des droits politiques (LEDP), il ressort que
la déclaration d'apparentement des Partis radical et libéral, déposée au
greffe municipal de Lausanne le 20 février 1978 peu après 11 h., a été
versée au dossier des élections au Grand Conseil et que le représentant du
greffe municipal a informé de cet apparentement, le 22 ou le 23 février,
le Service d'organisation et d'informatique en vue de la préparation du
programme de l'ordinateur, mais qu'il n'en a pas informé le président du
bureau électoral, lequel n'a pu prendre connaissance de la déclaration
d'apparentement que lors du dépouillement du scrutin.

    La Commission du Grand Conseil chargée de la vérification des titres
d'éligibilité des membres du Grand Conseil a déposé un rapport de majorité
proposant le rejet des réclamations et un rapport de minorité. En séance
du 10 avril 1978, le Grand Conseil a adopté les conclusions du rapport
de majorité par 112 voix contre 68 pour les conclusions du rapport de
minorité et 7 abstentions.

    Agissant par la voie du recours de droit public pour violation du
droit de vote des citoyens (art. 85 let. a OJ) et de l'art. 4 Cst., le
Parti socialiste lausannois et le Parti ouvrier et populaire vaudois ont
demandé au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Grand Conseil du 10
avril 1978 ainsi que l'élection du dernier député élu sur la liste libérale
de l'arrondissement de Lausanne, et d'inviter le Grand Conseil à procéder
à une nouvelle répartition des sièges des députés de cet arrondissement,
sans tenir compte de la déclaration d'apparentement des listes radicale
et libérale.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Un recours de droit public pour violation du droit de vote
(art. 85 let. a OJ) à l'occasion d'élections cantonales selon le système
de la représentation proportionnelle peut être formé non seulement par les
citoyens qui ont le droit de vote pour l'élection en cause, mais également
par les partis politiques; ceux-ci peuvent soit se plaindre d'une atteinte
à leur situation juridique et à leur action politique, soit prétendre
que leurs adhérents sont atteints dans l'exercice de leur droit de vote
(ATF 99 Ia 661), même si la mission de défendre les intérêts de leurs
membres n'est pas expressément prévue dans leurs statuts (ATF 97 I 28).

    Les partis en cause ont donc qualité pour recourir.

    b) Si, dans un recours fondé sur l'art. 85 let. a OJ, les recourants
peuvent demander au Tribunal fédéral non seulement d'annuler la décision
qui rejetait leur réclamation ou leur recours cantonal, mais aussi
de casser une élection, un tel recours n'a cependant qu'un caractère
cassatoire (ATF 100 Ia 235, 98 Ia 609 et 631). Mais il va de soi que
si le Tribunal fédéral annule une élection, les autorités cantonales
compétentes doivent prendre les mesures qui s'imposent en tenant compte
des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral.

Erwägung 2

    2.- Les recourants soutiennent tout d'abord que la déclaration
d'apparentement était irrégulière et, partant, inopérante pour n'avoir
pas été remise au président du bureau électoral - comme le prévoit
l'art. 75 LEDP - mais au greffe municipal, lequel ne l'a pas transmise
audit président. Ils y voient une violation manifeste de l'art. 75 LEDP
et des règles spéciales édictées par le Conseil d'Etat dans l'arrêté
du 9 décembre 1977 "convoquant les assemblées de commune pour élire les
députés au Grand Conseil, les 4 et 5 mars 1978".

    L'art. 75 LEDP prévoit en effet que "deux ou plusieurs listes
de candidats peuvent faire l'objet d'une déclaration identique par
laquelle les signataires ou leurs mandataires font savoir qu'elles sont
conjointes. Cette déclaration doit être déposée en mains du président
du bureau le lundi de la deuxième semaine avant le jour du scrutin", et
l'art. 19 de l'arrêté du 9 décembre 1977 précise qu'une telle déclaration
doit être déposée "au plus tard le lundi 20 février 1978, à 18 heures".

    Selon l'art. 49 LEDP, le président du bureau électoral d'arrondissement
est le président du Conseil communal ou général du chef-lieu de cet
arrondissement. Or la présidence du Conseil communal change chaque année
et n'est pas une charge à plein temps. Le président n'a donc pas de bureau
fixe où il serait atteignable en tout temps. Il ressort du dossier que
c'est pratiquement le greffe municipal qui reçoit le courrier concernant
les élections et les votations et qui s'occupe de toutes les opérations
préélectorales.

    On ne saurait donc reprocher aux Partis libéral et radical d'avoir
déposé leur déclaration d'apparentement au greffe communal, ni les rendre
responsables du fait que cette demande n'a pas été transmise immédiatement
au président du bureau électoral et que ce dernier n'en a eu connaissance
qu'au moment du dépouillement du scrutin. Les recourants ont d'autant moins
de raison de soulever leur grief sur ce point que le Parti socialiste et
le Parti ouvrier et populaire - ou leurs sections régionales et locales
- ne procèdent pas différemment lorsqu'ils déposent une déclaration
d'apparentement; c'est en tout cas ce qui ressort du procès-verbal
d'audition, par le préfet, de la présidente du Parti socialiste lausannois
et du président du Parti ouvrier et populaire lausannois.

    La déclaration d' apparentement ne saurait donc être déclarée
irrégulière - et, partant, inopérante - parce qu'elle aurait été déposée
au greffe municipal et non en main du président du bureau électoral.

    Le recours doit être rejeté sur ce point.

Erwägung 3

    3.- Les recourants se plaignent également de ce que la déclaration
d'apparentement n'ait pas été portée à la connaissance des électeurs,
qui auraient été ainsi victimes d'une tromperie par omission, contraire
au principe de la bonne foi.

    a) La loi vaudoise sur l'exercice des droits politiques ne prescrit
pas la publication des déclarations d'apparentement de listes, mais il y
a lieu d'examiner si la nécessité d'une telle publication ne découle pas
des principes posés par la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière
de droit de vote.

    Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de relever que la libre
formation de la volonté du corps électoral présuppose que les documents
nécessaires à une élection, notamment les listes de candidats, soient
portés de façon convenable à la connaissance des électeurs (ATF 98
Ia 610 consid. 9; cf. PICENONI, Die Kassation von Volkswahlen und
Volksabstimmungen, thèse Zürich 1945 p. 63 ss.).

    Il n'est pas contestable que les déclarations d'apparentement de
listes de deux ou plusieurs partis politiques constituent un élément
important d'une procédure d'élections selon le système de la représentation
proportionnelle. Un tel apparentement renforce en général la position
des partis en cause et peut leur procurer un nombre de sièges supérieur
à celui qu'ils obtiendraient sans cet apparentement; la présente espèce
en est l'illustration. Mais les déclarations d'apparentement peuvent
également inciter certains électeurs - qui sans cela auraient voté pour
les candidats d'une des listes en cause - à ne pas donner leurs suffrages
à ces candidats, afin de ne pas favoriser en même temps l'autre parti à
l'égard duquel ils auraient quelque animosité.

    On voit ainsi qu'en tenant compte d'un apparentement non publié
on donne au vote des électeurs qui ont accordé leurs suffrages aux
candidats d'une des listes apparentées une portée que ce vote n'avait
pas dans l'idée de ceux qui l'on émis; on altéré finalement la volonté
de ces électeurs. Sans doute est-il possible que la plupart d'entre eux
n'auraient pas voté différemment si l'apparentement avait été publié;
mais on ne peut pas exclure l'éventualité qu'un certain nombre de ces
électeurs, hostiles à l'un des partis en cause et décidés à ne rien
faire pour le favoriser, se seraient abstenus de voter ou auraient donné
leurs suffrages à d'autres candidats s'ils avaient eu connaissance de
l'apparentement. Or il suffit parfois du déplacement d'un petit nombre
de suffrages pour modifier la répartition des sièges.

    Il faut donc admettre qu'une déclaration d'apparentement de listes
est un élément essentiel de la procédure électorale et qu'elle doit être
portée de façon convenable à la connaissance des électeurs, à défaut de
quoi elle resterait inopérante.

    b) L'examen de la législation fédérale et des lois cantonales en la
matière ne fait que confirmer l'importance des déclarations d'apparentement
et la nécessité de les porter à la connaissance des électeurs pour qu'elles
puissent déployer leurs effets.

    C'est ainsi que la loi fédérale du 14 février 1919 concernant
l'élection du Conseil national (RS 1 p. 168), en vigueur jusqu'au 30 juin
1978, prévoyait en son art. 10 al. 3 la publication des listes de candidats
par le gouvernement cantonal, avec indication de celles qui sont conjointes
(cf. Rapport de gestion du Conseil fédéral pour 1926, p. 5 ss.). Quant à
la loi fédérale sur les droits politiques, du 17 décembre 1976, entrée
en vigueur le 1er juillet 1978 (RS 161.1), elle prévoit non seulement
la publication des listes électorales avec mention de l'apparentement
(art. 32), mais également l'indication de l'apparentement sur les listes
elles-mêmes (art. 31 al. 2).

    La législation de la plupart des cantons qui connaissent
l'apparentement de listes en prévoit aussi la publication sous une forme ou
sous une autre (cf. loi sur l'exercice des droits politiques ou loi sur
les élections et votations des cantons de: Genève, art. 135; Neuchâtel,
art. 69; Fribourg, art. 92; Tessin, art. 39 al. 3; Zurich, art. 91;
Bâle-Ville, art. 43; Saint-Gall, art. 54). Quelques rares cantons, dont
Berne, ne prescrivent pas la publication des apparentements (cf. BENNO
SCHMID, Die Listenverbindung im schweizerischen Proportionalwahlrecht,
thèse Zurich 1961, p. 116 s.); mais il ressort d'une communication de
l'administration cantonale bernoise que le Conseil d'Etat fait néanmoins
publier dans la Feuille officielle, avec les listes de candidats,
l'indication de celles qui sont conjointes.

Erwägung 4

    4.- Il n'est pas contesté que l'apparentement des listes libérale
et radicale de Lausanne, dont la déclaration a été déposée à temps au
greffe municipal, n'a pas été publié officiellement, ni indiqué sur les
listes des partis en cause, ni porté d'une autre façon à la connaissance
des électeurs. Il y a lieu d'examiner quelle conséquence il faut en tirer.

    a) Conformément au consid. 3 ci-dessus, la sanction du défaut de
publication de l'apparentement doit être normalement l'annulation, au
moins partielle, de l'élection en cause. On peut cependant se demander si
la présente décision ne devrait pas constituer un simple avertissement, ce
qui pourrait être le cas s'il s'agissait d'un changement de jurisprudence
(cf. ATF 101 Ia 371 s. et les arrêts cités) ou d'un principe tout nouveau
posé par le Tribunal fédéral. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.

    D'une part, les intimés n'ont nullement fait état de cas où, dans
le canton de Vaud, un apparentement serait resté ignoré des électeurs,
ni surtout de cas où un apparentement ignoré des électeurs aurait été
déclaré valable par une autorité à la suite de contestations. Il semble au
contraire que de précédents apparentements, même sans avoir été publiés
officiellement, ont toujours été connus du corps électoral, que ce soit
par la presse, par la propagande électorale ou par les déclarations faites
dans les assemblées politiques.

    D'autre part, on ne peut pas dire que le Tribunal fédéral énoncé ici
un principe tout nouveau; au contraire, la règle qu'il exprime se déduit
directement du droit de vote garanti par le droit constitutionnel fédéral,
qui donne à tout citoyen le droit d'exiger que le résultat d'une votation
ou d'une élection ne soit pas validé s'il n'est pas l'expression fidèle
et sûre de la libre volonté du corps électoral (ATF 103 Ia 281, 102 Ia
268 consid. 3); elle est un cas d'application du principe selon lequel
la libre formation de la volonté du corps électoral présuppose que les
documents nécessaires à une élection soient portés de façon convenable
à la connaissance des électeurs (ATF 98 Ia 610 consid. 9; PICENONI,
Die Kassation von Volkswahlen und Volksabstimmungen, thèse Zurich 1945,
p. 63 ss.).

    Il n'y a donc pas de raison, en l'espèce, de ne pas sanctionner par
l'annulation - au moins partielle - de l'élection en cause le fait que
l'apparentement des listes libérale et radicale lausannoises n'ait pas
été porté à la connaissance des électeurs.

    b) La sanction pourrait consister soit en l'annulation complète de
l'élection des députés au Grand Conseil pour l'arrondissement de Lausanne,
soit en l'annulation partielle de cette élection.

    L'annulation complète serait une mesure excessive, nullement justifiée
par les circonstances; elle remettrait injustement en cause les sièges
régulièrement acquis par les partis et non contestés (cf. ATF 97 I 666
consid. 5). L'élection ne doit donc être annulée que partiellement, dans
la mesure où a été validée l'élection du 7e candidat du Parti libéral,
lequel n'aurait pas été élu sans l'apparentement. Cette solution présente
d'ailleurs l'avantage de la simplicité: il suffira en effet de refaire les
calculs de répartition des sièges sur la base - connue - des suffrages
recueillis par chaque parti, sans tenir compte de l'apparentement non
porté à la connaissance des électeurs.

    Sans doute cette solution ne donne-t-elle pas non plus entièrement
satisfaction, du moment que les partis qui ont déposé à temps leur
déclaration d'apparentement ne peuvent pas en bénéficier. Mais elle doit
également être préférée parce qu'elle correspond le mieux à la volonté
exprimée par les électeurs, lesquels ont voté comme s'il n'y avait pas
eu d'apparentement.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule la décision du Grand Conseil du 10 avril
1978 dans la mesure où elle a validé l'élection du dernier candidat
déclaré élu sur la liste libérale de l'arrondissement de Lausanne.