Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 104 IA 215



104 Ia 215

36. Extrait de l'arrêt du 21 juin 1978 en la cause Unité Jurassienne,
Charpilloz et Vecchi contre Conseil des 187 du Grand Conseil du canton
de Berne Regeste

    Art. 85 lit. a OG; Prinzip der Einheit der Materie.

    1. Eine abstrakte Normkontrolle von kantonalen Verfassungsbestimmungen
kann das Bundesgericht nicht durchführen (Bestätigung der
Rechtsprechung). Die Bundesversammlung hat die Übereinstimmung kantonaler
Verfassungsbestimmungen mit dem Bundesrecht, inkl. der von der EMRK
gewährleisteten Rechte mit verfassungsrechtlichem Inhalt, zu prüfen
(E. 1b und c).

    2. Prinzip der Einheit der Materie. Anwendung desselben auf den
Verfassungsentwurf des Kantons Bern in seinen neuen Grenzen (E. 2).

Sachverhalt

    A.- Dans la perspective de la création du canton du Jura - et,
par voie de conséquence, de la séparation des trois districts du Nord
(districts des Franches-Montagnes, de Porrentruy et de Delémont) - il est
apparu nécessaire de préparer la modification de certaines dispositions
de la Constitution bernoise, afin d'adapter l'organisation étatique du
canton et ses bases juridiques à la situation nouvelle.

    Le Grand Conseil bernois, siégeant sans la participation des 13
députés des districts des Franches-Montagnes, de Porrentruy et de Delémont
et formant ainsi le "Conseil des 187", a établi le texte d'un projet de
"Constitution du canton de Berne dans ses nouvelles frontières", modifiant
et complétant la constitution bernoise.

    Dans un premier rapport présenté le 10 août 1977, le Conseil
exécutif du canton de Berne a proposé au Conseil des 187 de répartir
les diverses dispositions de ce projet en plusieurs paquets distincts,
chacun d'eux devant être l'objet d'une question posée séparément aux
membres du Conseil des 187, puis au corps électoral du canton de Berne. Le
Gouvernement désirait éviter toute contestation au sujet de l'application
du principe de l'unité de la matière posé à l'art. 104 de la constitution
cantonale. Par la suite, cependant, se fondant sur un avis qu'il avait
obtenu le 28 juillet 1977 du Secrétaire général de l'Assemblée fédérale,
le Conseil exécutif s'est rallié à l'opinion contraire de la Commission
du Conseil des 187, proposant de soumettre aux électeurs et électrices
l'ensemble du projet en leur posant une question unique.

    Le 5 décembre 1977, le Conseil des 187 a adopté le texte définitif du
projet de "Constitution du canton de Berne dans ses nouvelles frontières",
modifiant et complétant de la manière suivante la Constitution bernoise
de 1893:

    "Art. 1. Le canton de Berne est une république démocratique et l'un
   des Etats de la Confédération suisse.

    La souveraineté cantonale appartient au peuple qui l'exerce directement
   par les électeurs et indirectement par les autorités.

    Art. 2. Il est tenu compte des besoins spécifiques du Jura bernois et,
   pour les questions relatives à la langue et à la culture, de la
   population d'expression française du district bilingue de Bienne d'une
   part ainsi que du Laufonnais d'autre part.

    A cet effet, il est reconnu à la population de ces régions des droits
   particuliers de coopération, notamment de proposition et de préavis pour
   les affaires cantonales et intercantonales les concernant spécialement.

    La législation règle les dispositions de détail.

    Art. 2bis. Le canton collabore avec les autres cantons pour toutes les
   tâches qu'il est judicieux de mener à bien au niveau intercantonal.

    Art. 17. Premier alinéa inchangé.

    Les langues officielles sont:

    - dans le Jura bernois le français,

    - dans le district de Bienne l'allemand et le français,

    - dans les autres districts l'allemand.

    Les lois, décrets, ordonnances ainsi que les arrêtés sont communiqués
   en allemand dans la partie allemande du canton, en français dans la
   partie française.

    4e et 5e alinéas abrogés.

    Art. 17bis. Les autorités judiciaires compétentes pour l'ensemble du
   canton emploient en règle générale la langue du district compétent.

    D'entente avec les parties, le juge peut autoriser l'autre langue
   nationale.

    Devant ces instances, chaque partie a le choix entre les deux langues
   nationales.

    Art. 17ter. Le Grand Conseil règle, par décret, l'usage des langues
   dans le district bilingue de Bienne.

    Art. 26, ch. 20. Il nomme une commission paritaire formée de députés
   du Jura bernois et de députés d'expression française du district de

    Bienne d'une part, de députés du reste du canton d'autre part. Cette
   commission traite à titre consultatif les questions concernant le Jura
   bernois et les populations d'expression française du district de Bienne.

    Art. 26, ch. 20bis. Il nomme une commission paritaire formée des
   députés du district de Laufon d'une part, de députés du reste du canton
   d'autre part. Cette commission traite à titre consultatif les questions
   concernant le Laufonnais.

    Art. 28bis. Si des décisions concernant les affaires prévues par
   l'article 2 ne réunissent pas la majorité des voix exprimées soit par
   les députés du Jura bernois et les députés d'expression française
   du district de Bienne, soit par les députés du Laufonnais, ceux-ci
   peuvent demander qu'une autre réglementation soit soumise au vote.

    Art. 33 al. 4. Un siège est garanti au Jura bernois.

    Art. 34 al. 3. Sous réserve du droit minimum du Jura bernois, sont
   élus au Conseil exécutif:

    - au premier tour de scrutin, les candidats qui ont obtenu la majorité
   absolue dans l'ordre des suffrages valablement exprimés;

    - au scrutin de ballottage, qui est tout à fait libre, les candidats
qui
   ont obtenu le plus grand nombre de suffrages.

    5e alinéa supprimé.

    Les articles 105, 106, 107, 108, 109 du texte actuel sont périmés.

    A leur place figurent les dispositions ci-après:

    Titre VII:

    Dispositions transitoires relatives à la séparation des districts de

    Delémont, des Franches-Montagnes et de Porrentruy

    Art. 105. Après la séparation, le Grand Conseil termine la législature
   en cours sans les membres des cercles électoraux concernés.

    Pour le Conseil exécutif est valable l'article 34, alinéa 2, de la

    Constitution cantonale.

    Art. 106. Le Conseil exécutif est compétent pour procéder à
l'adaptation
   rédactionnelle de lois et décrets qu'implique la séparation.

    Le Conseil exécutif présente au Grand Conseil un rapport portant sur
   les adaptations qu'il opérera. Le Grand Conseil peut former opposition
   contre chacune d'elles.

    Art. 107. Le Conseil exécutif décide souverainement de la conclusion
   d'accords sur la poursuite exceptionnelle de procès civils, pénaux ou
   administratifs qui échappent à la compétence des autorités bernoises
   par l'effet de la séparation.

    Les art. 58 et 59 de la Constitution fédérale demeurent réservés.

    Art. 108. Le Conseil exécutif est compétent pour arrêter des
   réglementations, édicter des prescriptions et conclure des accords
   tendant à constater et garantir l'état de la situation et fixant les
   conditions du transfert ou de l'utilisation provisoires des biens du
   canton de Berne, ainsi que de ses institutions et de ses corporations.

    Le Conseil exécutif représente le canton de Berne et ses institutions
   dans les affaires relatives à la séparation.

    Le Conseil exécutif est seul compétent, sous réserve de l'approbation
   du Grand Conseil, pour conclure des accords portant sur le partage
   des biens avec le nouveau canton.

    Les conventions qui sont du domaine législatif ou qui portent sur le
   transfert de litiges à des instances d'arbitrage ou de bons offices
   sont soumis au référendum facultatif (art. 6quater Cc).

    Art. 109. Supprimé.

    L'art. 110 est nouvellement intitulé comme suit:

    Titre VII bis

    Autres dispositions transitoires

    B.

    Entrée en vigueur

    Les modifications constitutionnelles entreront en vigueur après leur
   adoption par le peuple, à une date fixée par le Conseil exécutif."
En décembre 1977, le Conseil des 187 a fait publier ce texte
constitutionnel accompagné d'un message adressé aux électeurs et électrices
du canton de Berne.

    La votation constitutionnelle a été fixée au 26 février 1978 sur
l'ensemble du nouveau territoire du canton de Berne.

    Le 21 février 1978, agissant par la voie du recours de droit public,
l'association "Unité Jurassienne", Yvan Vecchi et Alain Charpilloz ont
demandé au Tribunal fédéral:

    "I. d'annuler la décision du Conseil des 187 du canton de Berne du

    5 décembre 1977 et la décision du Conseil exécutif l'exécutant, de
   soumettre au corps électoral bernois, le 26 février 1978, la
   modification des articles 1, 2, 17, 26 chiffre 20, 33 alinéa 4,
   34 alinéa 3, le complément par les articles 2bis, 17bis, 17ter, 26
   chiffre 20bis, 28bis,

    105, 106, 107, 108, la suppression des articles 105, 106, 107, 108,
109 du
   texte actuel de la Constitution du canton de Berne adoptée par le
   peuple bernois le 4 juin 1893.

    II. d'annuler la votation constitutionnelle intervenue le 26 février

    1978, si elle a été menée à chef."

    La demande d'effet suspensif présentée par les recourants ayant été
rejetée, la votation constitutionnelle a eu lieu le 26 février 1978 sur
l'ensemble du territoire du canton de Berne, à l'exception des districts
des Franches-Montagnes, de Porrentruy et de Delémont. La majorité s'est
prononcée nettement en faveur du projet de "Constitution du canton de
Berne dans ses nouvelles frontières".

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- b) Selon l'art. 6 Cst., les cantons sont tenus de demander à la
Confédération la garantie de leurs constitutions. L'Assemblée fédérale est
compétente pour examiner les constitutions cantonales et leur accorder la
garantie fédérale (art. 85 ch. 7 Cst.). Celle-ci est donnée aux conditions
prévues à l'art. 6 al. 2 Cst.; en particulier, les dispositions de ces
constitutions ne doivent pas être contraires à celles de la Constitution
fédérale. Le Tribunal fédéral connaît des réclamations pour violation
de droits constitutionnels des citoyens (art. 113 Cst.). L'art. 84 OJ
indique comme objet du recours de droit public les décisions et arrêtes. Il
s'agit dès lors de savoir si les prescriptions des constitutions cantonales
sont aussi comprises dans les décisions et arrêtes entendus dans ce sens,
et s'il entre ainsi dans les attributions du Tribunal fédéral d'examiner
les constitutions cantonales pour rechercher si elles violent les droits
constitutionnels du citoyen. La jurisprudence a admis que l'art. 85 ch. 7
est une règle spéciale par rapport à l'art. 113, de telle sorte que les
prescriptions des constitutions cantonales ne peuvent pas être attaquées
par le moyen du recours de droit public. Cette règle a été posée dans un
arrêt du 21 novembre 1891 (ATF 17 p. 622). Elle a été confirmée à réitérées
reprises depuis lors (ATF 22 p. 1019 consid. 4; 56 I 330 consid. 2; 69
I 177 consid. 1; 71 I 252 consid. 3). Elle a été élargie dans ce sens
que la garantie accordée par la Confédération mettait obstacle même à
l'examen préjudiciel des dispositions constitutionnelles cantonales et
empêchait ainsi d'attaquer celles-ci à propos d'une décision d'espèce
(ATF 83 I 181 consid. 6; cf. toutefois ATF 89 I 398/399).

    Cette jurisprudence a été approuvée par certains auteurs
(F. FLEINER, Bundesstaatsrecht p. 59; WERNER GUT, Die Gewährleistung der
Kantonsverfassungen durch den Bund, thèse Zurich 1928, p. 31; HANS RÜEGG,
Die Verordnung nach zürcherischem Staatsrecht, thèse Zurich 1926, p. 144),
mais la plupart l'ont critiquée (BURCKHARDT, Comm. ad art. 6 Cst. p. 71;
Z. GIACOMETTI, Verfassungsgerichtsbarkeit, p. 110 ss.; F. FLEINER et
Z. GIACOMETTI, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, p. 134; BERNARD SCHAUB,
Die Aufsicht des Bundes über die Kantone, thèse Zurich 1956, p. 203;
LEONHARD JENNY, Die Aufsicht des Bundes über die Kantone, thèse Zurich
1905, p. 107 ss.; HANS MARTI, Probleme der staatsrechtlichen Beschwerde,
RDS 81/1962, vol. II, p. 44; CLAUDE BONNARD, Problèmes relatifs au recours
de droit public, RDS 81/1962, vol. II, p. 407 ss.; THEODOR DE JONCHEERE,
Der Rechtsschutz in Verfassungsstreitigkeiten durch die politischen
Bundesbehörden, thèse Zurich 1958, p. 149).

    Dans un arrêt longuement motivé, prononcé le 9 octobre 1963, le
Tribunal fédéral a exposé les raisons pour lesquelles il fallait s'en tenir
à cette jurisprudence, tout au moins lorsque le recours de droit public est
formé à la suite de la publication de la disposition constitutionnelle
cantonale et tend au contrôle abstrait de celle-ci. L'intention du
constituant ne peut pas avoir été de confier, avant ou après la garantie
accordée par l'Assemblée fédérale, le contrôle d'une prescription
constitutionnelle cantonale à un autre organe fédéral, soit à la Cour
constitutionnelle. Il est vrai que l'arrêté accordant la garantie fédérale
est pris sous la forme d'un arrête fédéral simple qui ne lie pas le
Tribunal fédéral (art. 113 al. 3 Cst.); mais il ne s'ensuit pas que ce
dernier doive être compétent pour se prononcer, avant ou après l'octroi
de la garantie, sur la même question de la conformité de la prescription
constitutionnelle cantonale à la Constitution et au droit fédéral, même
du seul point de vue des droits individuels du citoyen. Cette dualité de
décisions serait critiquable sous l'angle de la sécurité du droit. Si
les décisions étaient différentes, l'arrête de l'Assemblée fédérale
relatif à la garantie s'opposerait à l'arrêt du Tribunal fédéral. On ne
saurait pas dans quelle mesure la garantie serait atteinte par un arrêt
du Tribunal fédéral. Cela mettrait en question la délimitation exacte
entre le contrôle effectué par l'Assemblée fédérale avant l'octroi de
la garantie et les tâches qui incombent au Tribunal fédéral en tant que
Cour constitutionnelle. Ce danger serait particulièrement grave si l'on
devait admettre que l'arrêt du Tribunal fédéral accueillant ou rejetant
le recours pourrait être rendu déjà avant l'arrête sur l'octroi de la
garantie et si, par la suite, l'Assemblée fédérale refusait celle-ci
(ATF 89 I 392 ss. consid. 2, 3 et 4).

    D'une manière générale, les auteurs ont maintenu leurs critiques (voir
notamment HANS HUBER, Die staats- und verwaltungsrechtliche Rechtsprechung
im Jahre 1963, ZBJV 1964 p. 421 et 422; HANS MARTI, Die staatsrechtliche
Beschwerde, 3e éd., p. 88 et 89); seul, Claude Bonnard a déclaré, dans
une remarque sur l'arrêt précité, se rallier à la thèse admise par le
Tribunal fédéral (JdT 1964 I p. 220 ss.). Récemment, le Tribunal fédéral a
encore une fois confirmé cette jurisprudence (ATF 100 Ia 364 consid. 5b),
que les recourants ne mettent d'ailleurs pas en cause.

    c) Ainsi, dans la mesure où les recourants entendent tenir pour
arbitraire la suppression, dans le nouveau texte de la Constitution du
canton de Berne dans ses nouvelles frontières, de la mention de l'existence
du peuple du Jura, le présent recours est irrecevable. C'est à l'Assemblée
fédérale qu'il appartient, en vertu des art. 6 et 85 ch. 7 Cst., de se
prononcer sur la compatibilité de la revision constitutionnelle bernoise
avec le droit fédéral.

    Il en va de même en ce qui concerne le motif que les recourants
déclarent tirer d'une prétendue violation de l'art. 14 CEDH. Il est vrai
que, selon l'art. 6 al. 2 lettre a Cst., la garantie fédérale est accordée
pourvu que la constitution cantonale ne renferme rien de contraire aux
dispositions de la Constitution fédérale, mais, d'après la jurisprudence,
le contrôle de l'Assemblée fédérale n'est pas différent de ce que pourrait
être celui du Tribunal fédéral si ce dernier avait à examiner la conformité
des constitutions cantonales au droit fédéral (ATF 89 I 395 consid. 3). En
vertu du principe constitutionnel de la force dérogatoire du droit fédéral
(art. 2 disp. trans. Cst.), l'Assemblée fédérale examine la conformité
de la prescription constitutionnelle cantonale au droit fédéral et, en
particulier, aux dispositions de la Convention européenne des droits de
l'homme. Au surplus, cette Convention impose à la Suisse de garantir à ses
propres ressortissants, de même qu'à des tiers, la jouissance des droits
protégés par ladite Convention (voir H. SCHORN, Die europäische Konvention
zum Schutze der Menschenrechte und Grundfreiheiten, Frankfurt am Main 1965,
p. 55). Or, d'après la jurisprudence, ces droits ont, de par leur nature,
le caractère de droits constitutionnels (ATF 101 Ia 69 consid. 6). Il en
résulte que l'Assemblée fédérale, avant d'accorder la garantie fédérale,
doit s'assurer que la revision constitutionnelle cantonale ne viole pas les
droits de nature constitutionnelle que garantit la Convention européenne.

    Dés lors, l'exception d'irrecevabilité soulevée par le Gouvernement
bernois est fondée. Il convient donc de déclarer irrecevable le recours
dans la mesure où il est dirigé, pour arbitraire ou pour violation
de l'art. 14 CEDH, contre certaines dispositions matérielles de la
Constitution du canton de Berne dans ses nouvelles frontières.

Erwägung 2

    2.- Il y a donc lieu d'examiner si le Conseil des 187 a violé le
principe de l'unité de la matière en obligeant les électeurs et électrices
du canton de Berne à se prononcer en bloc pour ou contre le projet de
"Constitution du canton de Berne dans ses nouvelles frontières".

    a) S'agissant d'un recours de droit public en matière d'élections et
de votations, le Tribunal fédéral examine librement l'interprétation du
droit constitutionnel cantonal et des dispositions légales étroitement
liées au droit de vote lui-même, à son contenu et à son étendue (ATF 101
Ia 232). Toutefois, s'il faut considérer deux interprétations possibles du
droit constitutionnel cantonal comme également défendables, le Tribunal
fédéral donne la préférence à celle qu'a retenue la plus haute autorité
du canton (ATF 103 Ia 155; 100 Ia 58; 97 I 32).

    Dans leur mémoire, les recourants citent l'art. 104 Cst. bern. aux
termes duquel "si le projet du Grand Conseil ou le projet émané de
l'initiative porte sur des objets de nature diverse, le peuple sera appelé
à voter séparément sur chacun d'eux". Ils critiquent l'interprétation
donnée par le Conseil exécutif dans son rapport complémentaire du 7
septembre 1977 et par le Conseil des 187 dans la décision attaquée, mais
ils n'allèguent pas que cette disposition constitutionnelle cantonale pose
un principe de l'unité de la matière plus rigoureux qu'en droit fédéral
non écrit. Ils se réfèrent expressément à la jurisprudence du Tribunal
fédéral. Il n'y a donc pas lieu en l'espèce de rechercher l'interprétation
exacte qu'il conviendrait de donner à l'art. 104 Cst. cant. ni même
de dire si l'interprétation qu'en a faite le Conseil des 187 (la plus
haute autorité du canton) est la bonne. Il faut simplement examiner, au
regard de la jurisprudence, si le principe de l'unité de la matière a été
violé. C'est là une question que le Tribunal fédéral examinera librement;
il s'ensuit que le moyen, que les recourants paraissent vouloir tirer
d'une violation de l'art. 4 Cst., n'a pas de sens.

    b) D'après la jurisprudence, le droit de vote garanti par le droit
fédéral comprend aussi la liberté de vote, c'est-à-dire le droit pour le
citoyen de voter dans le secret, à l'abri de toute influence extérieure,
et de remplir son bulletin d'une manière conforme à sa volonté réelle. Le
citoyen a donc le droit d'exiger qu'aucun résultat d'élection et de
votation ne soit reconnu s'il n'est pas l'expression sûre et véritable de
la volonté populaire (ATF 90 I 73 consid. 2a et les arrêts cités). En
matière de référendum financier, la conséquence en est que la question
posée au peuple ne peut porter que sur un seul objet, à moins qu'il ne
s'agisse de dépenses qui sont interdépendantes ou ont un but commun qui
les réunit par un lien réel et objectif. Sans doute est-il en principe
souhaitable que les citoyens puissent s'exprimer séparément sur chaque
crédit particulier, afin que leur soit épargné le dilemme d'avoir à
s'exprimer par un seul oui ou par un seul non sur deux objets dont l'un
emporte leur adhésion et l'autre pas. Mais l'application stricte de ce
principe irait souvent à l'encontre de l'intérêt général. A certaines
conditions, les autorités cantonales devraient avoir la possibilité de
réunir plusieurs crédits en un seul projet soumis au peuple, et cela
non seulement dans les cas où deux dépenses sont à ce point dépendantes
l'une de l'autre que l'une ne pouvait se faire sans l'autre, mais aussi
lorsqu'elles poursuivent un but commun qui les réunit étroitement par
un lien objectif (ATF 99 Ia 183 consid. 3c et les arrêts cités). Cette
définition du principe de l'unité de la matière est valable, d'une manière
générale, dans tous les cas où le peuple est appelé à se prononcer (ATF
99 Ia 646 consid. 5b, 731 consid. 3). Elle est donc aussi applicable en
l'espèce, s'agissant d'un projet de revision d'une constitution cantonale
qui est obligatoirement soumis à l'approbation du corps électoral;
cela n'est d'ailleurs contesté ni par les recourants, ni par le Conseil
exécutif.

    En doctrine, on admet aussi que le principe de l'unité de la matière a
un caractère relatif. Il n'exige pas toujours que chaque disposition d'un
projet soit soumis séparément au corps électoral; l'essentiel est que ces
dispositions aient entre elles un rapport intrinsèque étroit et qu'elles
poursuivent le même but (cf. MANFRED BEAT KUHN, Das Prinzip der Einheit
der Materie bei Volksinitiative auf Partialrevision der Bundesverfassung,
thèse Zurich 1956, p. 118 et 119; voir aussi ARTHUR WOLFFERS, Die Einheit
der Materie, Zbl 75, 1974, p. 457 ss.).

    Dans son Message du 20 avril 1977 concernant l'initiative populaire
"contre la vie chère et l'inflation", le Conseil fédéral a relevé que
la notion du "rapport intrinsèque" entre les diverses exigences d'une
initiative laisse une large marge pour apprécier si une initiative
portant sur plusieurs objets répond ou non au principe de l'unité de la
matière. Rappelant les avis exprimés dans la doctrine, il a constaté que
les spécialistes du droit constitutionnel interprètent différemment,
mais non contradictoirement, la notion du rapport intrinsèque qui est
considéré comme une condition de l'unité de la matière. En revanche,
le Conseil fédéral et le Tribunal fédéral en ont une conception commune
et claire; les deux autorités estiment que l'unité de la matière n'est
pas respectée quand une initiative groupe sans justification objective
des buts ou exigences divers (FF 1977 II p. 483 et 484).

    c) En l'espèce, on doit admettre qu'il existait de bonnes raisons
de soumettre à l'approbation du corps électoral l'ensemble du projet qui
formait un tout. Dans son message aux électeurs et électrices du canton
de Berne de décembre 1977, le Conseil des 187 relève en effet que l'objet
de la revision soumise au peuple est l'adaptation de la constitution
cantonale à la situation issue de la séparation; "seules les dispositions
qui concernent directement cette nouvelle situation ont été prises en
considération". Le message précise certes que la question d'une revision
constitutionnelle s'est posée sous trois aspects (réorganisation de l'Etat
cantonal dans ses nouvelles frontières, nouvelle définition des garanties
constitutionnelles en faveur de la partie du Jura restée bernoise et du
Laufonnais, définition des compétences pour les diverses dispositions à
prendre en relation avec la séparation), mais cela ne signifie nullement
qu'entre ces trois groupes de dispositions il n'existait pas un rapport
intrinsèque étroit. Au contraire, il ressort clairement du texte soumis au
peuple le 26 février 1978 que toutes ces dispositions constitutionnelles
forment un tout; elles sont en rapport étroit les unes avec les autres et
poursuivent toutes le même but, qui est l'adaptation de la constitution
cantonale à la situation résultant de la séparation des trois districts
du Jura Nord.

    Dans leur mémoire, les recourants ne contestent pas sérieusement
cette unité du but. Ils se contentent de reprocher à la Commission du
Conseil des 187 de n'avoir pas suivi la proposition faite par le Conseil
exécutif dans son rapport complémentaire du 5 septembre 1977. Or, il est
clair que le Conseil exécutif n'était pas lié par sa première proposition;
de plus, son interprétation du principe de l'unité de la matière n'était
pas décisive, car c'est à la plus haute autorité du canton - soit,
en l'occurrence, au Conseil des 187 - que la décision appartenait. Par
ailleurs, il faut encore relever que les recourants ne prétendent pas,
dans leurs mémoires, que chacun des articles du projet de Constitution
du canton de Berne dans ses nouvelles frontières aurait dû être soumis
séparément à l'approbation du corps électoral; ils ne précisent pas non
plus comment ces articles auraient dû être regroupés ni quelles auraient
été les questions posées aux citoyens. Tout au plus font-ils valoir que
les dispositions nouvelles des art. 2bis et 26 ch. 20 auraient dû faire
l'objet de questions distinctes, qu'en outre et surtout, il y aurait une
disposition qui, "à elle seule, montre de façon éclatante que la décision
cantonale ne respecte pas le principe de l'unité de la matière: il s'agit
de l'art. 1er de la Constitution du canton de Berne". Or, cela n'est
pas exact: en réalité, les dispositions nouvelles des art. 1er et 2 du
projet sont inséparables. Certes, on a supprimé à l'art. 1er la mention
de l'existence, dans le canton de Berne, des deux peuples de l'ancien
canton et du Jura (mention introduite à l'art. 1er al. 2 par la votation
constitutionnelle du 29 octobre 1950), mais à l'art. 2, le Conseil des
187 a tenu à définir à nouveau les garanties constitutionnelles données,
d'une part au Jura bernois et, dans certains domaines, à la population de
langue française du district de Bienne, d'autre part au Laufonnais. Il
apparaît ainsi clairement, contrairement à l'opinion soutenue par les
recourants, qu'en tout cas les citoyens ne pouvaient pas se prononcer
séparément sur les dispositions nouvelles de l'art. 1er et de l'art. 2.

    En définitive, les recourants n'ont pas démontré que le Conseil
des 187 aurait dépassé le pouvoir d'appréciation dont il disposait dans
l'application du principe de l'unité de la matière. Il aurait certes été
possible de suivre la proposition du Conseil exécutif de répartir les
diverses dispositions du projet en plusieurs paquets distincts. Mais il
s'agissait là d'une décision de nature politique, que n'imposait pas le
respect du principe juridique précité. Dans ces conditions, on ne saurait
dire que ce dernier a été violé. Le présent recours doit donc être rejeté.