Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 104 IA 196



104 Ia 196

34. Extrait de l'arrêt du 8 février 1978 en la cause Zahnd contre Conseil
d'Etat du canton de Genève Regeste

    Art. 31 Abs. 2 BV; Ausübung der Coiffeurberufe.

    Kantonale Beschränkungen der Handels- und Gewerbefreiheit
(E. 2). Genfer Reglement, das die Bewilligung zur Errichtung oder zum
Betrieb eines Coiffeursalons von der Voraussetzung abhängig macht,
dass dieser unter die Aufsicht eines Coiffeurs, der im Besitz des
eidgenössischen oder eines gleichwertigen Fähigkeitsausweises ist,
gestellt wird. Fehlende gesetzliche Grundlage dieser Beschränkung (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Le Conseil d'Etat de la République et Canton de Genève a arrêté,
le 6 juillet 1977, un règlement concernant l'exercice des professions de
la coiffure.

    L'art. 3 al. 1 et 2 de ce règlement prévoit notamment que nul ne
peut créer ou exploiter un salon de coiffure sans être au bénéfice
d'une autorisation du Département de la prévoyance sociale et de la
santé publique. Cette autorisation est délivrée lorsque les locaux
d'exploitation remplissent les conditions d'hygiène énoncées à l'art. 4;
en outre (art. 3 al. 3 à 5), l'autorisation n'est délivrée que si le
salon de coiffure est placé sous la surveillance d'un coiffeur titulaire
du certificat fédéral de capacité ou d'un titre reconnu équivalent par
l'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail
(OFIAMT); un coiffeur ne peut être responsable que d'un seul salon;
l'autorisation est intransmissible.

    Eva Zahnd, qui exploite deux salons de coiffure à Genève, a formé
un recours de droit public contre le règlement précité; elle conclut à
son annulation, "du moins en ce qui concerne l'art. 3 ch. 3, 4...". Elle
soutient que ces dispositions sont contraires aux art. 4 et 31 Cst.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- La recourante soutient que l'art. 3 al. 3 et 4 du règlement
du 6 juillet 1977 viole la garantie de la liberté du commerce et de
l'industrie. L'art. 3 al. 3 a la teneur suivante:

    "L'autorisation n'est en outre délivrée que si le salon de coiffure est
   placé sous la surveillance d'un coiffeur titulaire du certificat fédéral
   de capacité ou d'un titre reconnu équivalent par l'Office fédéral de
   l'industrie, des arts et métiers et du travail."
Quant à l'art. 3 al. 4, il prescrit qu'"un coiffeur ne peut être
responsable que d'un seul salon".

    Les art. 11 al. 1 et 28 al. 2 de la loi fédérale sur la formation
professionnelle donnent au Département fédéral de l'économie publique
la compétence d'édicter des règlements concernant l'apprentissage et
l'examen de fin d'apprentissage dans les diverses professions soumises
à cette loi; en outre, selon l'art. 32 al. 1, celui qui a subi avec
succès l'examen de fin d'apprentissage reçoit le certificat fédéral de
capacité. C'est en se fondant sur ces dispositions que le Département
fédéral de l'économie publique a arrête, le 10 novembre 1975, un
règlement concernant l'apprentissage et l'examen de fin d'apprentissage
des professions de la coiffure. Aux termes de l'art. 30 de la loi fédérale
sur la formation professionnelle, les personnes majeures n'ayant pas fait
d'apprentissage régulier sont admises à l'examen de fin d'apprentissage
à condition qu'elles aient exercé la profession pendant une période au
moins double de celle qui est prescrite pour l'apprentissage et prouvent
avoir suivi l'enseignement professionnel ou acquis d'une autre manière
les connaissances professionnelles requises.

    La création par l'autorité fédérale d'un certificat de capacité dans
une profession déterminée n'a nullement pour effet de restreindre le droit
d'exercer cette profession, en ce sens que celui-ci n'appartiendrait dès
lors qu'aux titulaires du certificat. Par ailleurs, les cantons ne peuvent
subordonner l'exercice de la profession à la possession de ce document
que dans la mesure compatible avec la garantie constitutionnelle de la
liberté du commerce et de l'industrie, comme aussi avec le principe de
la proportionnalité qui en découle (ATF 103 Ia 269/270).

    b) Les cantons peuvent apporter à la liberté du commerce et de
l'industrie des restrictions consistant notamment en des mesures de police
justifiées par l'intérêt public; sont en revanche prohibées les mesures qui
interviennent dans la libre concurrence pour assurer ou favoriser certaines
branches de l'activité lucrative ou certaines formes d'exploitation et
qui tendent à diriger l'activité économique selon un certain plan. Pour
satisfaire aux exigences de l'art. 31 Cst., les prescriptions cantonales
doivent reposer sur une base légale, répondre à un intérêt public suffisant
et respecter les principes de la proportionnalité et de l'égalité de
traitement (ATF 103 Ia 261 consid. 2a, 100 Ia 454; sur la notion de
mesures de police, cf. ATF 102 Ia 543/544 et les arrêts cités).

    c) Dans un arrêt du 3 mai 1972, le Tribunal fédéral a relevé que,
pour les prescriptions réservées par l'art. 31 al. 2 Cst., la jurisprudence
admet qu'une base légale au sens matériel suffit; il appartient en revanche
au droit public cantonal de préciser s'il faut une base légale au sens
formel ou au sens matériel. Mise à part la clause générale de police, il
faudra généralement, d'après ce droit, une délégation législative ou une
compétence découlant directement de la constitution pour que l'autorité
exécutive puisse édicter valablement une réglementation restrictive
relative à la liberté du commerce ou de l'industrie. Il n'y a aucune
raison de ne pas appliquer dans ce domaine les mêmes principes que dans
d'autres, par exemple en matière de restrictions à la propriété privée;
dans la mesure où, de façon générale, la jurisprudence récente se montre
plus exigeante dans l'application du principe de la légalité, cela vaut
aussi pour la liberté du commerce et de l'industrie (ATF 98 Ia 285/286).

    La délégation de compétence du législateur à l'autorité exécutive
ne doit pas être un blanc-seing. Pour être valable, elle doit notamment
contenir des directives quant à l'objet, au but et à l'étendue de la
compétence accordée (ATF 103 Ia 274 et les arrêts cités). Mais c'est
précisément à cet égard que l'on ne saurait poser, de manière générale,
des règles strictes. Ainsi que l'a exposé le Tribunal fédéral dans un
arrêt récent (ATF 103 Ia 381 et ss.), la validité de la compétence doit
être examinée dans chaque cas, en tenant compte de divers facteurs, au
nombre desquels figurent l'intensité de l'atteinte portée aux droits des
administrés, la complexité de la matière à réglementer, la multiplicité
des solutions envisageables, le caractère technique du domaine qu'il
s'agit de régir (cf. également ATF 102 Ia 67/68).

Erwägung 3

    3.- a) En l'espèce, le Conseil d'Etat s'est fondé, pour établir les
dispositions réglementaires litigieuses, sur l'art. 6 lettres c et g
de la loi sur le Service d'hygiène (LSH), du 4 octobre 1924, ainsi que
sur l'art. 8 de la loi genevoise d'application de la loi fédérale sur
le commerce des denrées alimentaires et de divers objets usuels (LDA),
du 27 octobre 1909.

    Il convient donc d'examiner si les dispositions précitées constituent
une base légale suffisante aux restrictions portées par le Conseil d'Etat
genevois à la liberté de commerce et de l'industrie. Il faut relever que
ces restrictions sont graves. La recourante affirme, sans être contredite,
que la moitié des coiffeurs exerçant actuellement leur profession à Genève
n'ont pas le certificat fédéral de capacité. Elle souligne en outre que
les dispositions du règlement contesté l'obligeront à fermer les salons
de coiffure qu'elle exploite à Genève au plus tard le 1er juillet 1979
(art. 13 - "dispositions transitoires" - du règlement du 6 juillet
1977). Dans ces conditions, le Tribunal fédéral se prononce librement
sur l'existence de la base légale.

    b) L'art. 6 lettres c et g LSH met dans les attributions du Service
cantonal de l'hygiène l'inspection et la surveillance "des commerces
ou industries en tant qu'ils peuvent présenter des dangers ou des
inconvénients pour les personnes qui y sont employées ou pour la santé
publique; de la vente des remèdes secrets, médicaments, poisons ou
substances pouvant contenir des matières vénéneuses; du dépôt et de la
vente des chiffons et déchets" (art. 6 lettre c), et, "généralement,
de tout ce qui concerne l'hygiène, la santé publique, pour autant qu'il
n'existe pas dans ce domaine d'autres dispositions légales" (art. 6
lettre g).

    Dans ses observations sur le recours, le Conseil d'Etat relève que
les dispositions litigieuses ont pour but de protéger le public contre
le danger que représente l'emploi, par des personnes incompétentes, de
produits dont les effets peuvent être nocifs. Il s'agit en particulier
des solutions destinées à obtenir des permanentes dites "à froid" à base
d'acide thioglycolique ou thiolactique, visées par l'art. 4 de l'ordonnance
du Département fédéral de l'intérieur concernant les cosmétiques, du 7
décembre 1967. Le règlement tient compte, en outre, des exigences actuelles
de la clientèle en matière d'hygiène ainsi que des données récentes de
la science médicale au sujet de la transmissibilité et de la prévention
des maladies contagieuses.

    On pourrait admettre que le Conseil d'Etat, se fondant sur l'art. 6
LSH et dans le but de donner au Service cantonal de l'hygiène publique les
moyens de surveiller et contrôler de manière efficace l'emploi des produits
précités, exige des gens de métier la preuve qu'ils ont les capacités
requises pour l'utilisation de ces solutions sans danger pour autrui;
ces connaissances professionnelles seraient établies par la possession
du certificat fédéral de capacité. Mais c'est franchir un pas de plus
que de subordonner l'autorisation de créer ou d'exploiter un salon de
coiffure à la condition que celui-ci soit placé sous la surveillance d'un
coiffeur titulaire du certificat précité ou d'un titre jugé équivalent par
l'OFIAMT. Une telle exigence, qui porte une atteinte grave à la liberté
de commerce et de l'industrie et qui modifie profondément la situation
existante, ne peut être considérée comme une simple mesure d'application
de la loi sur le service d'hygiène, adoptée en vue de donner au service
compétent les moyens d'assurer le contrôle et la surveillance des salons
de coiffure. Si le législateur genevois considère que la protection de
la santé publique exige que la profession de coiffeur soit réglementée
et qu'il convient de faire dépendre la délivrance de l'autorisation
d'exploiter un salon de coiffure de la condition posée à l'art. 3 al. 3
du règlement du 6 juillet 1977, il lui incombe de le dire, dans une
loi au sens formel. Même si l'on admet en l'espèce que la matière à
réglementer présente des aspects techniques, qui justifient une large
délégation de compétence, il n'en reste pas moins que l'on doit exiger
de l'autorité législative qu'elle se prononce sur le principe même du
régime de l'autorisation.

    On ne saurait donc en l'espèce considérer que la restriction litigieuse
portée à la liberté du commerce et de l'industrie repose sur une base
légale suffisante, le Conseil d'Etat ne pouvant tirer sa compétence
des dispositions de la LSH; par ailleurs, il est évident que, pour des
motifs analogues, l'autorité exécutive ne peut se fonder valablement sur
l'art. 8 de la loi genevoise d'exécution de la LDA, aux termes duquel
"Le Conseil d'Etat édicte les règlements nécessaires pour l'application
de la présente loi et des lois et ordonnances fédérales sur la matière".

    Enfin, le Conseil d'Etat ne peut prétendre avoir arrêté les
dispositions réglementaires litigieuses en application de la clause
générale de police; par ailleurs, cette autorité n'a pas soutenu qu'elle
tirait sa compétence d'une disposition de la constitution genevoise.

    Le recours doit ainsi être admis en tant qu'il conclut à l'annulation
de l'art. 3 al. 3 du règlement du 6 juillet 1977. L'art. 3 al. 4 de
ce règlement doit aussi être annule, étant en rapport étroit avec la
disposition précitée et ne pouvant subsister sans elle.